Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, en réponse à des questions sur le plan de relance européen, à l'Assemblée nationale le 21 juillet 2020.

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Circonstance : Questions au gouvernement à l'Assemblée nationale

Texte intégral

Monsieur le Député,


C'est un accord historique, que vous le vouliez ou non.

Historique, car l'Europe n'a pas raté son rendez-vous avec elle-même.

Historique, parce qu'il permet à l'Union de se doter d'un fonds de relance massif de 750 milliards d'euros pour répondre et à la crise du Covid-19 et pour permettre de relancer l'économie.

Historique, Monsieur le Député, car, pour la première fois dans son histoire, le principe d'un endettement commun est acté. Et, comme vous le savez, puisque vous avez fait référence à d'autres moments de l'Histoire, il y avait eu des tentatives de faites, y compris au moment de la crise grecque, y compris au moment de la crise de 2008. Et aujourd'hui, c'est au rendez-vous : réussir cet engagement d'un endettement commun est remarquable et marque un tournant, Mesdames et Messieurs les Députés, dans la construction européenne.

Je voudrais vous dire aussi que, contrairement à ce que vous dites, grâce à la manière dont ce fonds de relance va être mis en place, et en particulier grâce aux 390 milliards d'euros de subventions, c'est un mécanisme de solidarité. Et ce fonds-là permettra d'aider les régions et les pays qui sont le plus en difficulté.

Il était normal d'aider l'Italie, d'aider l'Espagne, qui ont été les premiers touchés par la crise et qui nous ont permis de tirer les leçons et d'être plus épargnés par cette pandémie. Et donc, l'Europe est aussi, Monsieur le Député, au rendez-vous de la solidarité.

La France était confiante, mais si ce résultat a pu être atteint, vous l'avez dit en commençant, - dommage que vous n'ayez pas poursuivi -, c'est parce que, entre la France et l'Allemagne, il y avait une entente incontournable. Elle est indispensable pour rassembler autour de ces deux pays les forces nécessaires pour faire avancer l'Europe.


Madame la Députée,

Vous avez cité Jacques Delors, je ne vais pas lui souhaiter un anniversaire comme vous, - mais je pense qu'on peut le faire, il a 95 ans -, mais rappeler surtout que, dans le passé, quand il était président de la Commission, il avait usage de répéter que l'Europe se construisait dans les crises. Et c'est bien une crise que nous traversons et c'est bien une étape supplémentaire de la construction européenne que nous venons de vivre.

Mais je voudrais vous dire, Madame la Députée, puisque j'ai déjà répondu en partie à votre question en répondant à M. Lecoq, qu'en fait il y avait deux négociations en une puisque, à la fois on débattait à 27 sur le plan de relance, ses conditions, sa structuration, et à la fois on débattait du cadre financier pluriannuel pour sept ans. Et donc, le sujet de ces quatre jours, c'était un sujet à 1824 milliards d'euros.

Et je dois dire que sur l'autre partie de la négociation que l'on oublie un peu, les attentes françaises ont été, je pense, atteintes. Parce que, Monsieur Lecoq, les politiques communes traditionnelles que nous soutenons ont été non seulement préservées mais renforcées. Je pense en particulier à l'enveloppe globale de la PAC. Je pense en particulier à la politique de cohésion et en particulier au fait que sera préservée dans les sept ans qui viennent la place des régions, dites régions en transition, qui concerne particulièrement la France.

Ensuite, ce budget permet aussi d'investir dans l'avenir pour sept ans, - j'ai précisé sur la PAC, vous ne m'avez pas entendu, merci de me relire éventuellement -, mais par ailleurs ce budget permet d'investir dans des domaines d'avenir essentiels que sont l'ambition climatique, puisqu'il a été acté que 30% au moins du budget devrait y être consacrée et c'était une demande de la France. Et puis, il y a aussi un engagement très fort en direction de la jeunesse. Tout cela fait un ensemble porteur pour l'avenir de l'Europe et au service des Européennes et des Européens.


Monsieur le Député,

Où en étions au début des négociations de Bruxelles ? Certains pays voulaient une relance minimum, ne voulaient pas d'emprunt commun, ne voulaient pas de subventions, ne voulaient pas de transferts, ne voulaient pas de redistributions, voulaient en plus mettre un veto sur les plans de relance des différents Etats, ne voulaient pas entendre parler de ressources propres. Où en sommes-nous, après ?

Il y a un plan de relance de 750 milliards d'euros. Il y a 390 milliards d'euros de subventions. Il y a le principe d'un emprunt collectif, ce qui n'est jamais arrivé. Il y a une distribution majoritaire de subventions pour les régions et les pays les plus pauvres. Et je m'étonne que vous ne le releviez pas. Il y a le refus du veto de tel ou tel Etat sur les autres pour la validation des plans de relance. Il y a l'affirmation du principe des ressources propres. Et vous, vous appelez cela un échec. J'appelle cela une avancée historique.


Monsieur le Député,

Vous avez souligné l'ampleur de l'accord qui est intervenu cette nuit. Il y a encore quelques semaines, on pouvait lire : certains acteurs politiques de l'Union européenne demandaient à ce que le budget de l'Union européenne soit réduit à 1%.

Aujourd'hui, après les accords de cette nuit, nous sommes proches de 2%. Et cela a été rendu possible grâce à l'adoption du plan de relance sans précédent, vous avez bien voulu le reconnaître, dans l'Histoire. J'ai connu plusieurs quinquennats, et je connais dans le quinquennat précédent, et dans le quinquennat d'avant le précédent, des tentatives pour aboutir à ce résultat. Et à ce moment-là il n'y avait pas les alliances nécessaires que nous avons pu obtenir aujourd'hui. Donc, c'est un résultat sans précédent.

Sans précédent sur le montant, sans précédent dans les modalités, puisque l'endettement commun est acté. Sans précédent non plus sur la rapidité, puisque je vous rappelle que l'initiative franco-allemande date du 18 mai et, en deux mois, on a pu inverser une logique qui, au départ, ne nous était pas favorable.

Alors, Monsieur le Député, vous nous demandez d'être vigilants. Nous le serons, y compris dans le dispositif d'acceptation et de validation des plans de relance de chacun des Etats qui sera soumis à la Commission, comme d'ailleurs pour les projets régionaux des fonds structurels, qui nécessitent une majorité qualifiée mais pas un veto. Et nous serons aussi très vigilants pour éviter que ce plan de relance n'obère le plan financier pluriannuel qui a été aussi acté et qui ne prévoit pas, Monsieur le Député, une réduction de la PAC, ni une diminution du programme Erasmus, puisque le programme Erasmus que vous citez passe de 14 milliards à 21, cela s'appelle une augmentation. Mais, en tout cas, merci de votre soutien et de la compréhension que vous faites de ce plan.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 juillet 2020