Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, à France Info le 21 juillet 2020, sur le plan de relance européen.

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Média : France Info

Texte intégral

NICOLAS TEILLARD
Et bienvenue dans « Le 8:30 » de France Info avec Jean-Jérôme BERTOLUS et notre invité. Bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour.

NICOLAS TEILLARD
Ministre de l'Economie et des finances et de la relance, qui va donc prendre un fort accent européen dans les prochains mois, puisqu'au bout de la nuit, un accord a finalement été arraché à Bruxelles par les 27 ; un accord salué par le président de la République.

EMMANUEL MACRON, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE - ACCORD A BRUXELLES SUR LE PLAN DE RELANCE DE L'UE
Nous avons aujourd'hui avec ce sommet, non seulement, été l'un des sommets les plus longs de l'histoire, peut-être le plus long, mais surtout et avant toute chose, un sommet dont les conclusions sont véritablement historiques. Nous avons mis en place une capacité d'emprunter en commun, de mettre en place un plan de relance solidaire pour la première fois.

NICOLAS TEILLARD
C'est un jour historique, Bruno LE MAIRE ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, je crois que c'est un bel accord, c'est un bon accord, et c'est l'acte de naissance d'une nouvelle Europe, donc c'est effectivement un jour historique, parce que pour la première fois de son histoire, l'Europe accepte de lever de la dette en commun, c'est de la dette qui va être levée par les 27 Etats membres pour donner de l'argent aux Etats membres, afin qu'ils puissent reconstruire, relancer leur économie. Donc c'est l'acte de naissance de cette Europe nouvelle qui sera plus solidaire, plus verte, et puis, plus franco-allemande, parce que quand on regarde ce qui s'est passé depuis des semaines, cet accord doit tout ou presque à la volonté de la France et de l'Allemagne, à la volonté du président de la République et de la chancelière allemande, ça fait des semaines que nous travaillons au niveau des ministres des Finances, ou dès le 9 avril, nous avons obtenu un accord avec Olaf SCHOLZ, entre ministres des finances, pour 540 milliards d'euros de soutien à l'économie, et puis, depuis cette proposition d'Angela MERKEL et d'Emmanuel MACRON, de lever de la dette en commun pour 500 milliards d'euros, pour soutenir l'économie, et enfin, cette négociation marathon qui aboutit à cet accord qui – je le redis – doit marquer l'acte de naissance d'une nouvelle Europe, plus solidaire, plus verte, parce que 30 % des dépenses doivent être pour la transition écologique et plus franco-allemande, parce que sans le couple franco-allemand, il n'y aurait pas eu d'accord ce matin.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Mais justement, d'un mot, vous parlez effectivement de « négociation marathon », vous parlez d'une Europe nouvelle, elle s'est accouchée un petit peu aux forceps, cette Europe nouvelle, 90 heures de négociations, des claquements de portes, on a failli aboutir à une véritable rupture.

BRUNO LE MAIRE
Et comme toujours, Jean-Jérôme BERTOLUS, quand il y a l'acte de naissance d'un nouveau projet, d'un projet qui est plus ambitieux, il faut aussi voir les risques et les difficultés, ça a été une négociation marathon, épuisante, et je pense que vu la multiplication des difficultés qui sont devant nous, quand on voit le contexte international difficile, les tensions entre les Etats-Unis et la Chine, il faut que l'Europe puisse décider aussi fort que ce matin, mais plus rapidement, et sur certaines questions, par exemple, la fiscalité, je pense qu'il est temps maintenant de passer à la majorité qualifiée, qu'on abandonne cette règle de l'unanimité qui bloque la rapidité des décisions pour passer à la majorité qualifiée. Quand je vois la taxation des géants du numérique, qui est aujourd'hui une nécessité absolue, on devrait la décider à la majorité qualifiée, la taxation minimale à l'impôt sur les sociétés, pour éviter l'évasion fiscale, on devrait la décider à la majorité qualifiée.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Pour qu'on comprenne bien ce que vous êtes en train de dire, Bruno LE MAIRE, pendant 4 jours, en fait, 4 pays ou 5 pays qui représentent à peu près 10 % de la population européenne ont bloqué en fait cet accord, pour vous, c'est anormal que ces 5 pays légitimes de l'Europe du Nord, mais qui représentent finalement un poids assez faible au point de vue démocratique et économique, puissent bloquer l'Europe ?

BRUNO LE MAIRE
Je ne fais aucun reproche à ces 4 Etats, et je le dis comme ministre des Finances, qui est habitué à négocier avec ces Etats, avec les Pays-Bas, avec le Danemark, avec la Suède, avec l'Autriche, avec la Finlande également ; c'est des négociations qui sont dures, des négociations qui sont difficiles, auxquelles je suis habitué, donc il n'y a pas de reproche, je pense, à faire à ces Etats, d'autant plus que nous avons trouvé au bout du compte un compromis. Mais il y a une leçon à tirer, dans un monde où on voit qu'il y a des affrontements qui sont de plus en plus forts sur la question de commerce, sur la question de la fiscalité, sur la question des Droits de l'Homme aussi, il faut que l'Europe puisse décider plus vite, avec autant d'ambition que ce que nous avons trouvé dans cet accord sur le plan de relance, mais plus vite, c'est donc la majorité qualifiée qui à mon sens doit l'emporter, au moins sur un certain nombre de sujets, dont la fiscalité, sur la règle de l'unanimité.

NICOLAS TEILLARD
En l'occurrence, sur ces questions de rapport de force dans les négociations, Bruno LE MAIRE, on voit bien, ce matin, ce que tout le monde a potentiellement gagné, vous le vous le soulignez depuis le début de cet entretien, on a du mal à voir ce que ces pays-là ont perdu, en l'occurrence, ils ont gagné 110 milliards sur le montant qui était espéré par Paris et Berlin, sur des subventions plutôt que des prêts, c'est-à-dire sur ce qui sera à rembourser par les Etats, ils ont négocié aussi des rabais dans leur participation au budget européen, est-ce que ce plan de relance, que vous présentez comme indispensable, qui a été dur à négocier, ne se paye pas aussi très cher de ce point de vue là ?

BRUNO LE MAIRE
Ils ont surtout fait une concession majeure, ils ont accepté de la dette en commun, ce qui était – il faut le mesurer – totalement impensable pour ces Etats-là, pour la majorité des Etats membres, et impensable aussi pour l'Allemagne, c'est là le…

NICOLAS TEILLARD
Est-ce qu'on peut traduire à nos auditeurs cette dette en commun ? Ça veut dire quoi ?

BRUNO LE MAIRE
Eh bien, ça veut dire qu'au lieu que chacun lève de la dette sur les marchés avec un taux d'intérêt qui va dépendre de sa situation économique, situation économique qui a été très dégradée par la crise du Covid, en Espagne, en Italie, donc du coup, les taux d'intérêt sont plus élevés, vous levez de l'argent pour payer vos hôpitaux, pour payer vos écoles, pour payer vos entreprises, pour soutenir vos PME, et vous empruntez sur le marché à un taux qui peut être de 1, 1,25 %, parfois au-delà pour les pays qui sont le plus en difficulté, là, vous rassemblez l'ensemble des Etats, et ils lèvent de la dette en tenant compte de la situation économique meilleure de certains Etats, comme l'Allemagne ou les Pays-Bas, donc le taux d'intérêt baisse, le coût de l'emprunt est plus faible, et tout le monde en bénéficie, ça s'appelle, la solidarité financière, c'est ce qui est né ce matin à l'occasion de cet accord, et c'est une avancée majeure, et c'est de la part de ces Etats – c'est pour ça que je ne leur fais aucun procès, je pense que ce serait très malvenu – c'est de la part de ces Etats une concession majeure qu'ils ont faite, de dire : eh bien, nous, on a un taux d'intérêt qui est très faible, on va accepter de le mettre en commun avec les autres Etats qui sont plus en difficulté, comme l'Espagne, comme l'Italie, comme la Grèce pour qu'ils aient à payer moins cher leur reconstruction, et que donc, tous ensemble, nous puissions nous reconstruire plus vite, nous puissions avoir une économie qui redémarre plus vite, que le marché unique européen soit consolidé, et que l'Europe entre la Chine et les Etats-Unis puisse se relever rapidement.

NICOLAS TEILLARD
On verra à quoi va servir cet argent et cet emprunt avec ces plans de relance massifs dans un instant. Le fil info à 8h40 d'abord, et c'est avec Laurianne DELANOË.

/// Le fil info ///

Et notre invité, Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance, ça tombe bien, on va parler chiffres, 750 milliards, ça, c'est le montant de l'enveloppe totale du plan de relance européen, négocié cette nuit à Bruxelles ; pour la France, ça veut dire combien ?

BRUNO LE MAIRE
Ça veut dire 40 milliards d'euros de subventions pour la France, je dis bien de subventions, 40 milliards…

NICOLAS TEILLARD
Qui ne seront donc pas remboursés ?

BRUNO LE MAIRE
Qui seront remboursés, mais qui seront remboursés plus tard, donc dans des conditions qui sont extrêmement avantageuses pour nous, et surtout, qui sont immédiatement disponibles, parce que je le dis comme ministre de la Relance, la relance, c'est maintenant, il n'y a pas un instant à perdre, donc nous disposons dès maintenant de 40 milliards d'euros supplémentaires que nous allons pouvoir ajouter à l'argent du budget…

JEAN-JEROME BERTOLUS
Dans les 100 milliards…

BRUNO LE MAIRE
A l'intérieur des 100 milliards, ils sont dans les 100 milliards, ce n'est pas 40 plus 100, c'est 40 à l'intérieur des 100 milliards, mais c'est beaucoup d'argent disponible immédiatement, on va même pouvoir engager des dépenses dès 2020, par exemple sur la rénovation énergétique des bâtiments, sur le plan hydrogène, qui pourront être financées par cet argent européen, c'est l'Etat français qui va payer tout de suite pour 2020, mais dès 2021, l'Union européenne nous remboursera.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Alors vous, Bruno LE MAIRE, vous ne cessez de répéter ces dernières semaines : pas d'augmentation d'impôts en France, Bruno RETAILLEAU, le patron du groupe LR au Sénat, dit ce matin : eh bien, à partir du moment où il y a un emprunt au niveau européen, il y aura bien un impôt ; qu'est-ce que vous lui répondez, il faudra rembourser ?

BRUNO LE MAIRE
D'abord, je réponds à Bruno RETAILLEAU qu'il faut savoir se réjouir dans la vie, quand il y a un succès national, il faut savoir se réjouir, il faut savoir se réjouir de cet accord franco-allemand, il faut savoir se réjouir de cet acte de naissance d'une Europe plus solidaire, c'est à mon sens parmi les valeurs de cette famille politique Les Républicains, donc je pense qu'il faut savoir à un moment donné oublier les querelles politiques et se réjouir au nom de l'intérêt national. Cet accord est un bon accord pour l'intérêt national, parce qu'il nous permet de financer le plan de relance. Ensuite, est-ce qu'il y aura de nouvelles ressources propres pour l'Union européenne, mais, moi, je souhaite qu'il y ait de nouvelles ressources propres, mais pas forcément qui soient payées par vous, par moi, par nos auditeurs et par les citoyens français, mais par exemple par ceux qui veulent profiter du marché unique européen, je suis pour une taxe carbone aux frontières…

JEAN-JEROME BERTOLUS
Est-ce qu'elle verra le jour cette taxe verte aux frontières…

BRUNO LE MAIRE
Mais il est indispensable qu'elle voit le jour, et qu'elle voit le jour le plus rapidement possible, et là aussi, à la majorité qualifiée, pas à l'unanimité, si on reste à la règle de l'unanimité sur la fiscalité, ça va être très compliqué de mettre en place une taxe carbone aux frontières, parce que les uns auront peur des Chinois, les autres auront peur des sanctions américaines, et au bout du compte, il n'y aura rien du tout. Donc je suis pour une taxe carbone aux frontières le plus rapidement possible, à la majorité qualifiée, et là, qui va payer ? Eh bien, c'est les gens qui voudront importer de l'acier, ceux qui produisent de l'acier dans des conditions environnementales moins favorables, ils veulent le vendre en Europe, très bien, mais ils payent le coût carbone de cette importation d'acier en Europe, voilà une ressource propre intéressante. Deuxième ressource propre pour bien comprendre, et que Bruno RETAILLEAU se rassure sur ce que nous avons comme projet, la fiscalité des géants du numérique, c'est une ressource propre, la fiscalité minimale à l'impôt sur les sociétés, c'est une ressource propre, la taxe sur les transactions financières, qui existe déjà en France, mais que nous voulons étendre à tous les pays européens, c'est une ressource propre. Vous voyez qu'on ne manque pas d'imagination pour faire payer ceux qui doivent payer, c'est-à-dire, pas les citoyens français, pas les citoyens européens, mais ceux qui veulent bénéficier du marché unique européen et de sa richesse.

NICOLAS TEILLARD
Est-ce que c'est un appel à une forme de protectionnisme européen, et est-ce que vous souhaitez, Bruno LE MAIRE, que ces 750 milliards qui seront injectés sur les marchés, empruntés par les Etats européens, aillent à des entreprises européennes, et si possible françaises ?

BRUNO LE MAIRE
C'est bien entendu préférable, et, oui, c'est un appel à défendre nos intérêts…

NICOLAS TEILLARD
Mais comment est-ce que ce sera vérifié, comment est-ce que ce sera possible ?

BRUNO LE MAIRE
Mais c'est un appel à défendre nos intérêts économiques, ces 750 milliards d'euros, qu'est-ce qu'ils vont faire, ils vont nous permettre de nous relever économiquement plus rapidement, ils vont nous permettre de rester dans la course technologique face à la Chine et face aux Etats-Unis, on va par exemple investir massivement dans l'hydrogène, eh bien, au lieu d'importer de l'hydrogène de l'extérieur, on aura notre propre hydrogène vert, au lieu d'avoir des batteries électriques importées de Chine ou importées de Corée du Sud, nous aurons nos propres batteries, donc vous aurez un marché unique européen plus riche et plus avancé, eh bien, il faut qu'on le défende. Donc l'un ne va pas sans l'autre, si on investit dans le marché unique européen, il faut faire payer ceux qui veulent bénéficier de ce marché unique.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Se rebâtir plus rapidement, vous dites, se réformer aussi plus rapidement, est-ce que la contrepartie – et c'est une crainte ce matin de Jean-Luc MELENCHON, le patron de La France Insoumise – est-ce que la contrepartie, eh bien, des largesses de l'Union européenne vis-à-vis des pays comme nous, la France, des autres pays du Sud, ça n'est pas maintenant, il faut véritablement vous réformer, réformer les retraites, réformer l'assurance chômage, bref, ne pas différer ce type de réformes ?

BRUNO LE MAIRE
Mais, je suis favorable à ce que chacun s'engage dans la voie de ces réformes, nous l'avons fait avec le président de la République, le Premier ministre l'a confirmé, nous avons, depuis 3 ans, engagé des réformes structurelles, je souhaite que tous les pays européens engagent aussi ces réformes structurelles, et c'est vrai que c'est une différence anthologique que nous avons avec Jean-Luc MELENCHON, on a de longs débats à l'Assemblée nationale sur ces sujets.

NICOLAS TEILLARD
La question c'est : est-ce que Bruxelles décidera du calendrier des réformes en France ?

BRUNO LE MAIRE
Mais ce n'est pas Bruxelles qui va décider, mais à partir du moment où on emprunte en commun, c'est légitime qu'on demande à tous les Etats qui vont bénéficier de cette dette commune de se mettre au bon niveau économique, parce que, sinon, on va tous être perdants, oui, il faut une réforme des retraites pour que chacun puisse tenir compte de l'allongement de la durée de vie et puisse tenir compte de la situation aussi de ses finances publiques, oui, il faut un marché du travail qui fonctionne mieux, oui, il faut améliorer la compétitivité de nos entreprises pour qu'elles résistent face à la compétition féroce avec les entreprises américaines ou avec les entreprises chinoises, on ne nous impose rien, c'est un choix souverain que nous faisons, nous avons fait avec le président de la République le choix de l'intégration européenne et le choix du succès économique. L'un va avec l'autre.

NICOLAS TEILLARD
Est-ce qu'un domaine comme la santé entrera dans ces chiffres au moment où les hôpitaux, les soignants, vous disent que l'hôpital est à bout de souffle depuis des mois, a connu par exemple une crise majeure, quand on parle, là, d'économie, de chiffres, on se souvient du « quoiqu'il en coûte » d'Emmanuel MACRON, on est en pleine négociation sur le Ségur de la santé, comment est-ce qu'on fait avec cette réalité-là, dans le monde du travail aujourd'hui, du service public en France, et ces conditions qui se poseront peut-être avec un regard sur nos finances publiques dans les prochains mois ?

BRUNO LE MAIRE
Pour être très concret, dans ces 40 milliards d'euros de subventions qui vont être accordés par l'Europe à la France, il peut y avoir de l'argent qui est mise sur la rénovation des hôpitaux, sur l'amélioration du service public hospitalier français, qui en a bien besoin, et qui va, grâce au Ségur de la santé et à l'accord qui a été trouvé par Olivier VERAN et le Premier ministre, je l'espère, repartir du bon pied. Donc oui, cet argent va aller très directement à la vie quotidienne des Français, ça peut aller sur les hôpitaux, la rénovation des hôpitaux, la rénovation thermique des écoles, des EHPAD, des universités, ça peut aller à des recherches, et donc à nos chercheurs…

NICOLAS TEILLARD
Mais si assainir les finances publiques, ça veut dire fermer des lits par exemple, c'est une crainte aujourd'hui de tous les soignants, après la crise que l'on a connue ?

BRUNO LE MAIRE
Eh bien, il me semble que le Ségur de la santé va exactement dans le sens inverse, revalorisation des soignants, modernisation des hôpitaux, chacun est attaché, moi, le premier, au service public hospitalier, et je crois que, avant la crise du Covid, j'avais déjà eu l'occasion de dire à plusieurs reprises que s'il y a une dépense, comme ministre des Finances, que j'étais prêt à lâcher, pour parler clairement, c'était bien sur les hôpitaux, parce que s'il y a un service public qui a besoin du soutien de la nation et du soutien financier, c'est les hôpitaux…

NICOLAS TEILLARD
Et pourtant, il a fallu la crise du Covid pour que l'augmentation de salaires des soignants soit actée, Bruno LE MAIRE, et vous étiez déjà aux manettes du ministère de l'Economie ces derniers mois…

BRUNO LE MAIRE
Toutes les crises sont un moment de refondation. La crise du Covid va nous permettre de refonder l'hôpital, elle va nous permettre aussi, en tout cas, je le souhaite, de refonder la construction européenne.

/// Le fil info ///

Et Bruno LE MAIRE, invité du « 8:30 » de France Info, ministre de l'Economie, des finances et de la relance, on va parler de la relance en France, Jean-Jérôme.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Aller vite pour la relance en France, la crise est là, elle sera sûrement bien pire cet automne, quand est-ce que vous allez présenter le plan de relance ?

BRUNO LE MAIRE
Alors, la relance, elle est déjà effective, je veux vraiment le dire aux Français qui nous écoutent, les mesures de soutien aux entreprises, aux PME, aux indépendants, les mesures de soutien pour l'emploi des jeunes, qui vont être votées dans quelques jours, tout ça est déjà disponible et soutient déjà l'économie. Le dernier temps de la relance, c'est le plan de relance que je présenterai au Conseil des ministres du 24 août, et qui présentera les dernières mesures, les 100 milliards d'euros qui ont été annoncés par le président de la République, qui ont vocation à engager des dépenses pour la formation des salariés, c'est un point absolument essentiel, pour l'investissement des entreprises, pour la transition écologique, et je souhaite que, aujourd'hui, il y a 20 % pour la transition écologique…

JEAN-JEROME BERTOLUS
Il faut aller plus loin ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, nous souhaitons, avec Barbara POMPILI, arriver à 30 % de dépenses pour la transition écologique dans ce plan de relance, je crois que c'est nécessaire si nous voulons tenir cette ambition d'accélération de la transition écologique et de la décarbonation de notre économie.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Et d'un mot, Bruno LE MAIRE, pour les ménages, on parle de 20 milliards sur la solidarité, alors, il y a effectivement les dépenses pour l'hôpital qu'évoquait Nicolas TEILLARD, mais est-ce que… effectivement, c'est quoi ces milliards pour les ménages ?

BRUNO LE MAIRE
Alors, c'est le dernier volet, et il est très important, c'est le volet de solidarité, donc un volet décarbonation, un volet investissement, un volet formation et qualification, et un troisième volet, qui est un volet de solidarité, il y a une partie des ménages français qui ont pris la crise de plein fouet, qui ont perdu leur emploi qui n'en retrouvent pas, qui, aujourd'hui, ont du mal à joindre les deux bouts, qui doivent payer leur garde d'enfant, parce qu'il n'y a plus de garde d'enfant disponible, tout ça coûte très cher, donc il y a un volet de solidarité qui peut passer, soit, par l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, 100 euros de plus pour l'allocation de rentrée scolaire.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Ça, c'est déjà acté, ça…

BRUNO LE MAIRE
C'est un demi-milliard d'euros, vous voyez, c'est des sommes qui sont importantes.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Qu'est-ce que vous pouvez nous annonce ce matin en plus de ce qui n'a déjà été révélé, acté ?

BRUNO LE MAIRE
Vous aurez la présentation le 24 août, donc je ne vais pas vous donner toutes les mesures du plan de relance, mais il y aura un volet de solidarité qui représentera près d'un quart des dépenses de ce plan de relance, parce que la relance doit être verte, elle doit être compétitive et doit être solidaire.

NICOLAS TEILLARD
Est-ce que le port du masque obligatoire désormais dans de nombreux lieux publics qui sont fermés, les magasins, par exemple, peut être un frein à cette reprise ?

BRUNO LE MAIRE
Je ne crois pas, et aujourd'hui, ce qu'on constate, c'est que les derniers chiffres dont nous disposons sur la consommation, sur la reprise industrielle sont satisfaisants, ils ne sont pas parfaits, mais ils sont satisfaisants, et par ailleurs, comme je le dis depuis le début de cette crise, il faut que nous apprenions à vivre avec le virus, il ne va pas disparaître tout de suite, il n'y a pas encore de vaccin disponible, donc il faut que nous arrivions à concilier sécurité sanitaire, qui est la priorité absolue, et activité économique, je ne vous dis pas que c'est agréable, le masque, ça ne plaît à personne, ce n'est pas agréable, il faut s'y habituer.

NICOLAS TEILLARD
Et en l'occurrence, avec une prise en charge pour les Français les plus modestes, vous parliez de ceux qui ont pris cette crise de plein fouet, le coût du masque, est-ce que…

BRUNO LE MAIRE
Moi, je vois le débat qui a lieu, qui est un débat sain sur le coût du masque, on l'a plafonné, 95 centimes d'euro, comme vous savez, mais ça peut représenter effectivement pour des familles un coût important, donc est-ce qu'il peut y avoir une prise en charge, il y en a une qui est faite par les entreprises, par les administrations, est-ce qu'il faut une prise en charge complémentaire, je trouve que c'est un bon débat, je n'ai pas la réponse ce matin, mais je trouve que c'est une question qui se regarde attentivement.

JEAN-JEROME BERTOLUS
D'un mot, vous rencontrez dans une heure vos homologues chinois, je ne sais pas si c'est exactement le terme, en tout cas les dirigeants chinois en première ligne, d'abord, est-ce qu'il faut, pour la 5G, interdire à l'opérateur chinois, qui est interdit en Grande-Bretagne, qui est poursuivi au Canada, critiqué aux Etats Unis, est-ce qu'il faut interdire à cet opérateur chinois d'investir en France, de participer au réseau 5G ?

BRUNO LE MAIRE
Nous n'interdisons pas à HUAWEI d'investir sur la 5G, nous protégeons nos intérêts de sécurité nationale. J'ai eu longuement hier le vice-premier ministre chinois au téléphone, et j'ai eu l'occasion de lui rappeler la position qu'avait définie le président de la République et qui est la position française, il n'y a pas en France de discrimination à l'encontre de quelque opérateur que ce soit, d'ailleurs HUAWEI a aujourd'hui quasiment 30 % du marché de la 4G, et il n'y a pas d'interdiction totale…

JEAN-JEROME BERTOLUS
Donc on ne fait pas preuve de naïveté ?

BRUNO LE MAIRE
Non, nous protégeons nos intérêts stratégiques, c'est-à-dire que nous regardons les sites qui sont sensibles, nous protégeons des sites qui sont sensibles, nous veillons au respect de la sécurité nationale, et je pense que nos partenaires chinois peuvent comprendre la position française, qui est claire et équilibrée, pas d'interdiction globale de HUAWEI en France, mais la défense de nos intérêts de sécurité nationale.

NICOLAS TEILLARD
Bruno LE MAIRE, en parlant de la Chine, l'oppression visant la communauté ouïgoure, c'est une minorité musulmane qui vit dans la province du Xinjiang, s'accentue, les preuves sont très difficiles à obtenir, mais elles arrivent de plus en plus nombreuses, avec ce que le régime chinois appelle des centres de rééducation qui ont tout de centres de concentration aujourd'hui, de camps de travail, est-ce que vous avez la certitude qu'aucun des masques, qui ont été commandés par exemple par la France ne sont fabriqués dans ces camps de travail ?

BRUNO LE MAIRE
D'abord, cette pratique est révoltante et inacceptable. Et nous la condamnons fermement, et les autorités chinoises connaissent la position de la France sur ce sujet, sur la question précise que vous me posez, je n'ai pas de réponse, je ne sais pas vous donner avec certitude la réponse à votre question, je dis simplement que ces pratiques sont inacceptables, révoltantes, et que ça doit évidemment faire partie de la discussion que nous avons avec nos partenaires chinois.

NICOLAS TEILLARD
Est-ce qu'aujourd'hui, l'Europe qui a réussi à se mettre d'accord sur le plan économique peut avoir une seule voix sur ce sujet, et entrer dans la cour des grands pour dire au régime de Pékin ce qu'il en est sur ce sujet ?

BRUNO LE MAIRE
Je vous ai dit ce matin que nous assistions à l'acte de naissance d'une nouvelle Europe. C'est vrai pour la solidarité financière, il reste un chemin immense à parcourir pour que l'Europe devienne adulte, souveraine, puissante, et sur ce chemin, il y a une étape essentielle, c'est être capable de tenir des positions politiques, des positions stratégiques, unies et fortes face aux deux autres géants du 21ème siècle, les Etats-Unis et la Chine, j'espère que sur ce sujet-là, elle saura parler d'une voix forte, d'une voie unie et d'une voix claire, parce que ce sont nos valeurs les plus essentielles, celles du respect des Droits de l'Homme et de la démocratie qui sont en jeu.

NICOLAS TEILLARD
Et vous aurez l'occasion de le dire à vos partenaires chinois dans une heure maintenant, la relance vous attend, Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie, des finances de la relance, invité du « 8 :30 » de France Info, merci à vous, c'était avec Jean-Jérôme BERTOLUS.

BRUNO LE MAIRE
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 juillet 2020