Interview de Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports, à RTL le 30 avril 2020, sur le report du tour de France, l'annulation d'événements sportifs prévus l'été et la reprise d'activités sportives (salles de sport, football...).

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

YVES CALVI

Bonjour Roxana MARACINEANU.

ROXANA MARACINEANU
Bonjour.

YVES CALVI
Merci beaucoup d'être avec nous. Je le rappelle, vous êtes notre ministre des Sports, on a énormément de questions à vous poser ce matin, donc quand ce sera possible, je vous demande d'être le plus rapide si vous le pouvez, on va commencer avec le vélo, et le Tour de France, la Grande Boucle a été repoussée du 29 août au 20 septembre, beaucoup d'événements prévus cet été sont d'ailleurs quotidiennement annulés. Pouvez-vous nous confirmer la tenue du Tour de France cet été et aux dates que je viens de citer, Roxana MARACINEANU ?

ROXANA MARACINEANU
Ecoutez le chiffre pour les rassemblements annoncé est de 5.000 personnes, donc il n'y aura pas de rassemblement de 5.000 personnes jusqu'à la fin août. C'est ce qui est prévu aujourd'hui, voilà. Le Tour de France, il est trop tôt pour se prononcer, puisque la doctrine actuelle n'impose ni son report, ni son annulation, donc on verra l'évolution de la pandémie au moment où les gens vont sortir de leur maison, de leur appartement.

YVES CALVI
Mais vous continuez les discussions avec à ASO qui organise le Tour au moment où nous parlons ?

ROXANA MARACINEANU
Bien sûr, on continue les discussions avec tout le monde, avec les organisateurs d'événements, les fédérations, les ligues professionnelles, tous les acteurs du sport, le monde associatif aussi, qui va devoir se mobiliser dès la sortie, là, du confinement pour venir en soutien au monde scolaire, pour accueillir les enfants dans les meilleures conditions sanitaires.

YVES CALVI
Alors je retiens, en tout cas, ce que vous nous dites, c'est qu'au moment où nous parlons, vous n'avez aucune certitude définitive sur la tenue du Tour de France, je vous ai bien compris ?

ROXANA MARACINEANU
Ecoutez, personne n'a de certitudes, le virus ne donne pas de certitudes, nous avons des indications qui permettent de prendre des décisions, c'est des décisions qui doivent se prendre étape par étape en ayant une seule priorité, c'est la santé des Français. Et pour moi, dans mon domaine, c'est la santé des athlètes, c'est la santé des citoyens qui doivent pouvoir ressortir faire de l'activité physique et du sport, parce que c'est important pour la santé, c'est important aussi au moment de sortir d'être en bonne forme, pour pouvoir être à même de lutter et d'être fort pour que, physiquement parlant, je veux dire, le virus ne reprenne pas, se répande le moins possible, et voilà, mais la vie doit reprendre, et la pratique sportive est une manière de sentir aussi que cette vie reprend et de faire sentir.

YVES CALVI
En tout cas, vous nous dites que pour l'instant, les questions de santé dominent quoiqu'il arrive ou qu'on n'a aucune certitude sur la tenue du Tour de France, et qu'on imagine bien en tout cas que, ne serait-ce que les arrivées des étapes, et puis, le peloton, lorsqu'ils sont tous ensemble, pour l'instant, la distanciation, il n'en est pas question, donc on avance par étape, et on voit comment ça va se passer, je peux résumer comme ça la situation ?

ROXANA MARACINEANU
Exactement, ce qu'il faut retenir, c'est que, maintenant, les sportifs peuvent ressortir s'entraîner et les cyclistes l'attendaient, maintenant, ils peuvent aller rouler dans un périmètre de 100 kilomètres, donc ça va leur permettre aussi de recommencer l'entraînement. Il faut une nouvelle date pour donner une perspective justement de se remettre en peloton, et puis aussi, le Tour de France dépend aussi d'autres événements qui pourraient éventuellement se tenir au mois d'août et qui permettraient aux sportifs de se remettre en course et de se préparer pour ce Tour de France. Donc tout ça, évidemment, ça reste incertain à date, ce qui est certain, c'est que les sportifs vont pouvoir reprendre l'entraînement à partir du 11 mai, si, toutefois, le déconfinement effectivement se confirme, et comme l'a dit le Premier ministre, on refera un point à date quelques jours avant le 11 mai.

YVES CALVI
Alors, vous avez évoqué aussi l'activité physique des Français en tant telle, va-t-on, et si oui, dans quel délai, pouvoir rouvrir les salles de sport, que beaucoup de Français fréquentent aujourd'hui ?

ROXANA MARACINEANU
Ça va se faire progressivement, nous sommes en train de regarder, comme tous les secteurs professionnels, dans quelles conditions ces réouverture vont pouvoir se faire, il y a des mesures de distanciation, de gestes barrières, qui sont indispensables, et bien sûr, dans le sport, ça touche le coeur même de l'activité, dans une salle de fitness, comme vous l'avez dit, il faut qu'il y ait une jauge maximale de présence dans cette salle, il va falloir avoir des mesures sanitaires de désinfection des ustensiles puisque les gens passent sur ces postes de musculation ou de fitness les uns après les autres, donc si ces mesures sont respectées, les mesures de présence dans cet environnement confiné, donc il va falloir qu'on attende et qu'on prépare ça jusqu'au deuxième point d'étape qui a été placé début juin, pour voir effectivement comment on peut ouvrir progressivement ces salles.  

YVES CALVI
Alors, parlons maintenant du sport professionnel, après le Tour de France, et puis l'activité physique des Français dans les salles de sport, le football en tête avec une assemblée générale de la Ligue ce matin, doit-on considérer, Roxana MARACINEANU, que la saison de football est effectivement terminée pour les clubs de Ligue1 et de Ligue 2 ?

ROXANA MARACINEANU
Je crois que le signal que le Premier ministre a lancé dans son discours, il y a quelques jours, était clair, simple, et c'est ce qu'on attend aussi effectivement des instances sportives, c'est qu'elles prennent leurs responsabilités comme nous les prenons, parce que c'est compliqué dans ce temps incertain pour tout le monde d'avoir beaucoup de voix qui se contredisent, qui disent, les uns quelque chose, les autres autre chose, donc maintenant, il fallait prendre une décision, la proposition qui nous avait été faite de reprise au 13 juin n'était pas envisageable, tout simplement, parce que il n'y avait pas assez de temps pour qu'on ait la possibilité déjà de mettre les joueurs ensemble, pour qu'ils jouent ensemble en groupe, pour qu'ils réintègrent leur centre d'entraînement, et puis que les matches ou que le jeu reprenne sur des modalités comme avant. Pour l'instant, ils peuvent ressortir s'entraîner de manière individuelle, mais on n'a pas assez de visibilité pour pouvoir leur dire : ok, pour la date qu'ils nous avaient annoncée, maintenant…

YVES CALVI
Pardonnez-moi de vous interrompre, moi, je résume ce que vous venez de nous dire et tel que je l'ai compris, pour vous, il est très clair que la saison de foot est terminée, de foot professionnel ?

ROXANA MARACINEANU
Oui, je pense qu'il faut s'ancrer sur des choses certaines, sur la nouvelle saison, aujourd'hui, ils ont signé un contrat qui va leur permettre de vivre et de survivre, c'est ça qui est important aussi, et de regarder la suite, effectivement, si comme l'UEFA leur avait imposé de terminer le 3 août, et qu'il y a une interdiction, qu'il y a des limitations et de déplacement et de rassemblement et de distanciation, de gestes barrières qui imposent qu'au mois de juillet, on ne pourra pas faire les matchs tels qu'il étaient envisagés, on ne peut pas entre le 1er août et le 3 août placer 10 journées de championnat, donc il faut prendre une décision, soit effectivement, ils décident de reprendre au mois d'août, mais ça irait à l'encontre et contre ce que le Premier ministre et le gouvernement ont proposé, et même le président de la Fédération qui, je le rappelle, est le patron du football français, puisqu'il y a un contrat de subdélégation de la Ligue qui lie la Ligue à la Fédération. Et c'est monsieur LE GRAËT qui a la main, j'allais dire, il s'est prononcé aussi pour l'arrêt de cette saison, je pense qu'il serait raisonnable que la Ligue aille dans ce sens également.

YVES CALVI
Je vois que vous remettez chacun à sa place et à sa hiérarchie, vous comprenez quand même que ces annulations posent une question de trésorerie, et qu'elle est extrêmement grave dans notre football, qui est déjà très endetté ?

ROXANA MARACINEANU
Bien sûr, un milliard d'euros, c'est les droits télé qui ne rentreront pas pour la saison qui vient et qui ne rentreront pas par la suite, néanmoins, la Ligue a un beau contrat avec le diffuseur qui va prendre le relais pour la saison prochaine, voilà, je pense qu'il y a déjà des choses à construire et à réfléchir sur la saison qui vient, assez de choses comme ça, pour se mettre encore à tergiverser sur la saison qui peut s'arrêter désormais.

YVES CALVI
Alors il est évident que certains clubs peuvent éventuellement déposer le bilan, je vais peut-être vous poser la question autrement, le sport est-il une priorité du gouvernement dans le processus de déconfinement, et j'ai bien retenu aussi que depuis le début de notre entretien, c'est la santé qui prime, dans la continuité de ce que nous a dit le Premier ministre, il y a 48 heures, à l'Assemblée nationale ?

ROXANA MARACINEANU
Alors, je vais revenir sur ce que vous avez dit, nous espérons bien qu'aucun club ne va déposer le bilan, et nous sommes là pour justement soutenir aussi bien le secteur professionnel que le secteur amateur, que le sport, comme nous le faisons pour tous les secteurs de la société. Il ne vous a pas échappé que le sport, au même titre que la culture, a intégré le dispositif de soutien spécifique de l'Etat pour un déconfinement partiel qui concerne également la restauration, l'hôtellerie et le tourisme, on sait qu'il y a des secteurs qui vont être encore plus touchés que d'autres du fait de ces restrictions qui continuent aujourd'hui pendant l'été, et qui vont impacter ces secteurs très particulièrement, donc, il y aura des mesures de soutien financier, des prêts garantis par l'Etat, le chômage partiel qui continue, des fonds de solidarité si nécessaire, et ça vaudra également pour le sport professionnel comme pour le sport amateur, parce que tout ça, c'est une chaîne de valeurs qu'il ne faut pas briser, ni d'un côté ni de l'autre.

YVES CALVI
J'entends bien, Madame la Ministre, mais dans ce cas-là, pourquoi ne pas pouvoir jouer des matchs en août dans des stades vides, alors qu'on se prépare à la fin du mois d'août à avoir un Tour de France qui pourrait se tenir, vous comprenez qu'on a l'impression que, voilà, il y a une logique qui n'est pas au rendez-vous ?

ROXANA MARACINEANU
Alors, je n'ai pas dit qu'on ne jouera pas de matchs avec des stades vides, ce sera envisageable, peut-être pour le rugby, peut-être pour le football, là, ce dont on a discuté, c'est simplement quelle saison jouera-t-on au mois d'août, quelle saison sportive…

YVES CALVI
Mais sur une nouvelle saison ?

ROXANA MARACINEANU
Voilà, quelle saison sportive, s'il est choisi que la saison sportive démarre, comme il était prévu au départ, le 7 août, eh bien, c'est cette saison là qu'on organisera à ce moment-là, au mois d'août si, toutefois, il est autorisé d'avoir une jauge de rassemblement à moins de 5.000, ce qui n'a pas été aujourd'hui dit, puisqu'on a interdit à plus de 5.000, mais on n'a pas encore autorisé à moins de 5.000, mais c'est pour ça que je vous dis, il est trop tôt pour se prononcer, aussi bien pour les compétitions à huis clos du mois d'août ou bien pour le Tour de France, parce que, aujourd'hui, il faut qu'on voit, au moment où tout le monde va sortir de sa maison, comment l'épidémie va évoluer, où on en sera, peut-être qu'on reviendra en arrière, peut-être qu'on ira de l'avant, l'important, c'est cette progressivité dans le déconfinement, il faut être capable de desserrer la contrainte, mais être en capacité de la resserrer, si jamais nous nous prononçons pour des choses très strictes, très précises, d'ici, voilà, un mois, alors qu'on ne sait pas comment ça va évoluer, ce n'est pas tenable, on peut se prononcer sur des choses à peu près certaines pour les semaines qui viennent, mais si on parle dans un mois et demi, il y a trop d'incertitudes pour donner des dates, des heures, des jauges exactes à toutes les personnes, néanmoins, il reste des possibilités qui restent ouvertes, et il faut que les gens s'adaptent, comme nous devons tous nous adapter dans cette période compliquée.

YVES CALVI
Tous sports confondus, êtes-vous favorable à une baisse des salaires dans le monde du sport, je pense évidemment en priorité aux clubs de football ?

ROXANA MARACINEANU
Alors, évidemment, les joueurs de football, on le sait, gagnent beaucoup d'argent, c'est justifié lorsque la chaîne de valeurs fonctionne normalement, puisqu'il y a beaucoup de rentrées d'argent, donc il faut bien récompenser ceux qui sont au tout début, qui ont un talent, qui ont des carrières courtes, donc c'est normal que l'argent aille effectivement à ces personnes-là, en priorité, et moi, je suis la première à défendre les athlètes et leurs intérêts, néanmoins, il faut avoir une gestion responsable, comme dans toute entreprise, c'est bien d'avoir de l'argent qu'on investit, de l'argent qu'on met de côté et de l'argent pour rémunérer la valeur première de la chaîne économique, et c'est vrai que ce n'est pas le cas pour tous les clubs, aujourd'hui, cette gestion responsable, on doit la re-questionner, c'est le moment de le faire dans cette crise, puisqu'on voit qu'il y a des clubs qui sont plus touchés que d'autres pour X ou Y raison, maintenant, mais chacun doit se re-questionner là-dessus. Et moi, j'attends, comme dans tous les secteurs d'activité, que cette crise, on y participent tous ensemble, il faut qu'à chaque échelon, chacun soit solidaire les uns avec les autres, et c'est vrai que dans le sport professionnel, ce n'est pas ce qu'on a connu dès le début, on a connu des diffuseurs de télé qui ont dit : ah ben, non, on ne va pas donner l'argent qu'on doit sur des matchs déjà joués, on a connu des présidents de clubs qui voyaient chacun leur propre intérêt devant leur porte, et c'est surtout ça qui les motivait, et puis, on a vu des joueurs effectivement qui n'avaient pas l'air de trop se préoccuper de ce qui se passait pour l'entreprise qui les employait et pour leurs collègues, et leurs collègues, ce n'est pas que leur équipe de football, c'est aussi tous les gens qui travaillent autour pour que le stade et le sport professionnel vivent et survivent. Donc il faut à un moment donné qu'il y ait de l'empathie, qu'on regarde à côté de soi, c'est ce que cette crise impose à tout le monde, dans tous les secteurs d'activité, et c'est vrai qu'on n'a pas pris cela par le bon bout, de mon point de vue, dès le départ, dans le football professionnel.

YVES CALVI
Vous recommandez un effort aux sportifs et notamment aux footballeurs comme à tous les Français en ce moment…

ROXANA MARACINEANU
A tout le monde, à tous les maillons de la chaîne…

YVES CALVI
Oui, je l'ai bien compris. Quand est-ce qu'on se donne rendez-vous pour en savoir un peu plus sur ce qui pourra se faire ou pas, le 2 juin, qui est une des dates qui nous a été fixée par le Premier ministre, mais évidemment appliqué aux disciplines dont nous parlons avec vous, c'est-à-dire le sport ?

ROXANA MARACINEANU
Oui, le 2 juin, c'est la date qui a été annoncée pour la réouverture aussi possible des équipements sportifs, parce que c'est vrai que le sport est un métier pour beaucoup de sportifs qui adorent le sport, mais pour certains, c'est leur métier, donc il faut aussi que ce secteur puisse reprendre, et je pense aux sportifs de haut niveau qui doivent pouvoir avoir accès aussi aux équipements sportifs, nous allons travailler avec les collectivités, main dans la main, pour voir la réouverture progressive de ces outils de travail pour les sportifs, et puis, et plus progressivement pour le grand public, parce que l'été approche, et que bien sûr, il y aura d'autres problématiques qui vont arriver, comme la canicule comme la chaleur comme l'envie aussi des gens de pouvoir avoir une vie un peu plus… j'allais dire, qui revient un peu plus à la normale, sachant qu'elle ne reviendra jamais comme à la normale, il y aura toujours de la distanciation, des gestes barrières, jusqu'à ce que le virus ait complètement disparu.

YVES CALVI
Dans les piscines, on peut mettre des lignes, vous connaissez ça mieux que quiconque, on est d'accord…

ROXANA MARACINEANU
 Si les lignes arrêtaient les virus, non, non, mais effectivement, dans l'eau, le virus aujourd'hui, d'après ce qu'on en connaît, ne survit pas, donc il va falloir travailler progressivement à la réouverture…

YVES CALVI
C'est pour ça que je vous le suggérais, la réouverture de nos piscines sera une excellente nouvelle. Merci beaucoup Roxana MARACINEANU, je rappelle que vous êtes le ministre de Sports…

ROXANA MARACINEANU
Merci à vous.

YVES CALVI
Bonne journée


source : Service d'information du Gouvernement, le 4 mai 2020