Texte intégral
Monsieur le Secrétaire d'Etat, cher Adrien,
Madame l'Ambassadrice, chère Delphine,
Madame la Présidente, chère Marie-Amélie,
Monsieur le Président, cher Denis,
Madame la Déléguée ministérielle, chère Fabienne,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de partager avec vous une pensée pour ceux qui ont été personnellement, de près ou de loin, touchés par la pandémie, parfois douloureusement.
Il y a un peu plus de 6 mois, le média Disclose publiait une enquête accablante sur la pédocriminalité et les violences sexuelles dans le sport, qualifiant d'omerta le fonctionnement de l'environnement sportif. Cette omerta je l'avais dénoncée quelques semaines après mon arrivée dans ce ministère, au moment où l'affaire Larry Nassar ébranlait le sport américain et mondial.
Face à ces révélations recensant 77 affaires dans 28 disciplines sportives et des victimes souvent âgées de moins de 15 ans, j'ai brutalement pris conscience de l'impérieuse nécessité de libérer la parole des victimes. Celles qui souffrent silencieusement depuis de trop nombreuses années, celles qui ont essayé d'alerter mais n'ont pas été écoutées, celles qui ont eu le courage de saisir la justice ou leurs instances fédérales mais dont les témoignages ont été étouffés.
Comme beaucoup, je n'avais pas mesuré l'ampleur du séisme et du chantier qui s'annonçaient et le nombre de victimes au sein de nos associations sportives, de nos clubs.
Non le sport n'est pas épargné par les phénomènes de violence, discrimination, homophobie ou pédocriminalité qu'on constate aujourd'hui dans notre société.
Et oui, il était et il reste de notre responsabilité commune, dirigeants, sportifs, éducateurs, élus locaux, parents, agents publics, de reconnaître nos défaillances face aux drames personnels et aux crimes parfois vécus pendant des années.
Avec mes collègues du gouvernement, avec les dirigeants du mouvement olympique et paralympique, avec les fédérations, avec les associations partenaires, j'ai décidé d'une mobilisation totale et sans concession pour écouter les victimes. L'objectif était aussi d'engager les procédures nécessaires contre les auteurs de crimes ou délits et de redonner au sport son rôle en faveur de l'épanouissement personnel et collectif et, ainsi, assurer sa fonction éducative.
A cet égard, je remercie de nouveau les victimes qui ont eu le courage de témoigner et leur renouvelle mon engagement pour que le droit soit appliqué : que les criminels et les délinquants soient sanctionnés, que chaque maillon de la chaîne assume ses responsabilités. Et reconstruire ensemble un environnement de pratique sécurisé pour les générations futures.
J'ai tenu à ce que chaque « lanceur et lanceuse d'alerte » qui le souhaite puisse être pleinement associé aux travaux menés dans le cadre du plan de prévention.
Dès la fin 2019, j'ai constitué une cellule au sein de la direction des sports, spécifiquement dédiée au recueil des témoignages et à leur instruction en lien avec les services déconcentrés du ministère placés sous l'autorité des préfets de département. Cette cellule, composée initialement de 4 personnes sera renforcée dans les jours qui viennent par deux agents dont le recrutement est en cours.
J'ai également nommé une déléguée ministérielle chargée de coordonner la stratégie nationale de prévention des violences, ainsi qu'une conseillère dédiée aux sujets éthique et intégrité.
La cellule s'est emparée des informations révélées par les différents médias, instruisant au cas par cas chaque signalement, pour identifier les victimes et leurs auteurs présumés, afin de lancer les procédures d'enquête administrative.
Depuis, nous avons reçu plus de 2000 courriels sur l'adresse électronique spécifiquement créée pour recueillir les signalements.
Notre cellule est mobilisée en temps réel, pour répondre aux alertes et signalements, orienter les victimes vers des associations d'aide, accompagner les services départementaux du ministère dans la conduite des enquêtes et faire le lien avec les fédérations sportives.
En 6 mois, 67 mesures administratives d'interdiction d'exercer ont ainsi été prononcées par des préfets de départements contre des éducateurs sportifs ou des exploitants d'établissements d'APS pour des faits de violences sexistes ou sexuelles. C'est 3 fois plus que durant les 10 dernières années.
27 signalements aux procureurs de la République ont été effectués par ces mêmes préfets et 88 enquêtes administratives sont encore en cours dans les directions départementales.
Je tiens à saluer particulièrement la mobilisation des agents du ministère et des services déconcentrés qui œuvrent au quotidien pour conduire des enquêtes complexes et bouleversantes, dans un environnement de travail compliqué par la crise sanitaire que nous traversons.
J'ai également demandé aux présidentes et présidents de fédérations de s'impliquer en transformant leur organisation pour être à la hauteur des enjeux. Je sais l'ampleur de la tâche, pour des structures et des bénévoles souvent insuffisamment formés. Je veux leur confirmer l'accompagnement du Ministère, du CNOSF et du CPSF pour construire et mettre à leur disposition des outils de sensibilisation et de formation. Le travail est engagé et il n'y a plus de retour en arrière possible.
Parce que nous voulons une administration exemplaire, j'ai proposé que tous nos cadres d'Etat fassent également l'objet d'un contrôle d'honorabilité, et je remercie les syndicats et les agents d'avoir approuvé cette démarche.
Comme je m'y étais engagée en février dernier, je vous présente aujourd'hui un état des lieux précis des suites que mon ministère a donné aux signalements reçus. Au 1er juin, nous décomptons 177 auteurs présumés de violences.
Avec Fabienne Bourdais, déléguée ministérielle à la prévention des violences dans le sport, nous détaillerons chaque étape des procédures et vous commenterons les données significatives.
Adrien Taquet évoquera notre mobilisation commune sur les enjeux de protection de l'enfance et les perspectives qui nous unissent.
Marie-Amélie Le Fur et Denis Masseglia vous présenteront enfin les travaux engagés, sous la coordination du ministère, pour l'élaboration d'un plan national de prévention des violences sexuelles dans le sport, qui sera déployé dans tous les clubs et tous les territoires à la prochaine rentrée sportive.
Depuis 6 mois, notre sport fait face à l'histoire. J'ai mis toute mon énergie pour que chaque acteur s'engage, assume sa part de responsabilité et contribue à changer le modèle.
C'est pour cela que j'ai souhaité un plan de prévention co-construit avec le mouvement sportif, les collectivités locales, les associations de victimes, les établissements et services du ministère et les branches professionnelles.
Je souhaite que la rentrée 2020 illustre notre mobilisation commune en faveur d'une vigilance bienveillante pour que tous les pratiquants et leurs familles se sentent en sécurité lorsqu'ils pratiquent un sport.
Source http://www.sports.gouv.fr, le 3 juillet 2020