Texte intégral
Q - Bonsoir, Jean-Baptiste Lemoyne.
R - Bonsoir
Q - On le voit, en Europe, plusieurs pays durcissent les mesures sanitaires, l'Espagne, l'Allemagne, la Belgique. Vous pourriez prendre des mesures, vous, pour éviter, voire interdire, les déplacements dans certains pays, je pense notamment à la Catalogne ?
R - Le Premier ministre l'a dit, il décommande effectivement les déplacements vers cette région d'Espagne. Ce qui est sûr, par exemple, c'est qu'à partir du 1er août, on a demandé à des voyageurs, à des Français qui reviennent d'une liste de seize pays où le virus circule de façon plus active des tests pour s'assurer qu'ils ne sont pas positifs. C'est important de prendre toutes les précautions parce que l'on ne joue pas avec la santé des Français. Et je vois, d'ailleurs, beaucoup de collectivités, en lien avec les préfets, en lien avec les ARS, travaillent aussi à des mesures complémentaires. Olivier Véran, hier, recommandait aux Français, dans les lieux les plus fréquentés, je dirais, de leur propre initiative, de mettre le masque. C'est un été qui n'est pas tout à fait comme les autres. Il faut qu'on le garde en tête.
Q - Jean-Baptiste Lemoyne, vous avez annoncé la poursuite du chômage partiel jusqu'en décembre prochain, donc, pour le secteur du tourisme. Cela restera dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui ?
R - Alors, cela reste dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui jusqu'au mois de septembre. Et nous sommes en train de travailler avec Elisabeth Borne sur les modalités à venir. Ce qui est sûr, il y a une certitude, le président de la République a été très clair, le 30 avril, quand il a rencontré le secteur, c'est qu'il y a besoin de soutenir l'industrie du tourisme dans la durée parce que, pour certains, cela va être, peut-être, une année blanche. Il faudra tenir jusqu'en mars 2021. Donc, on sera au rendez-vous.
Q - Vous dites, justement, dans la durée, ils sont nombreux, notamment, je pense au groupement national des chaînes hôtelières à dire : " c'est bien ; ça ne va pas assez loin. Il faudrait aller au moins jusqu'en avril 2021, parce que c'est là, justement, où on va sentir le problème. Le problème, c'est sur plusieurs mois ".
R - Je vais vous dire, dans cette crise, depuis le début, je crois que le gouvernement a fait preuve 1) de réactivité, 2) on n'a pas lésiné sur les moyens. Je veux rappeler, par exemple que pour le secteur du tourisme 9 milliards de prêts garantis par l'Etat ont été délivrés pour pas loin de cent mille entreprises. Et par exemple, on parlait du chômage partiel, c'est plus de 1,2 million de salariés du secteur du tourisme qui en ont bénéficié pour 180.000 entreprises du secteur. Donc, vous voyez, on est là quand il y a besoin et on va continuer à être là. Très clairement, on le voit, il y a des territoires qui sont particulièrement impactés : Paris, l'Île-de-France, l'événementiel n'est pas reparti...
Q - On va en parler dans un instant, justement, cette mesure rallongée, sur le chômage partiel, c'est bien, évidemment, pour les salariés, mais pour les patrons de ces hôtels, qu'est-ce que vous faites pour eux ? Il y a les contraintes, les loyers commerciaux à payer, les emprunts à rembourser, qu'est-ce que vous faites pour eux ?
R - Alors, il y a ce fameux prêt garanti par l'Etat, alors, vous allez me dire, c'est de la dette. Mais, on met aussi en place des prêts spécifiques, ce que l'on appelle le PGE- saison pour les entreprises saisonnières, également le prêt-tourisme avec BPI France, qui va permettre d'avoir un différé de remboursement jusqu'à trois ans et une maturité de remboursement jusqu'à douze ans, pour les aider à enjamber les deux, trois prochaines saisons, avant de déclencher des remboursements. Donc, vous voyez, on a créé des outils ad hoc, qui n'existaient pas, parce qu'on est dans une situation exceptionnelle et on se doit, encore une fois, d'être à leurs côtés. Le tourisme, c'est bien simple, c'est beaucoup plus que les 8 ou 10% que cela représente, d'ailleurs, dans le PIB parce que cela a un impact important en amont, des dizaines ou des centaines de restaurants qui ferment, cela a un impact pour nos agriculteurs, des débouchés, et en aval, parce que les services de transport, les guides-conférenciers, et je veux leur dire que pour eux, effectivement, le combat continue pour trouver des modalités, parce que certains, eh bien, ont très peu de revenus. Donc, voilà, on est vraiment mobilisé au sein du comité de filière tourisme et je salue aussi les professionnels parce que ce sont des courageux.
Q - Jean-Baptiste Lemoyne, est-ce qu'il y a une ligne cohérente ? Est-ce qu'il n'y a pas des décisions, finalement, qui sont prises au coup par coup ? On interdit, par exemple, il y a quelques jours, les chauffages des terrasses, et en même temps on prolonge les aides. Donc, d'un côté, on va retirer du monde sur les terrasses, et de l'autre on écope avec de l'argent. Ce n'est pas totalement cohérent, parfois.
R - Alors, je vais vous dire, là où je vois de la cohérence, c'est que l'on travaille à un plan de relance, avec Bruno Le Maire, qui sera dévoilé à la fin du mois d'août. L'idée, c'est que pour relancer l'économie française, il faut aussi en profiter pour la verdir, pour faire en sorte que l'on rentre dans un cercle vertueux. Lors du comité de filière, d'ailleurs, des représentants des fédérations de l'hôtellerie...
Q - Mais c'est des clients qui vont partir !...
R - Je vais vous dire, les représentants, ils m'ont dit : c'est vrai que cela va dans le sens de l'histoire, maintenant, on a besoin d'un peu de temps. Donc, avec Alain Griset qui est ministre délégué aux PME, on y travaille parce que l'idée, ce n'est pas d'imposer cela tout de suite, c'est de faire cela, courant 2021. Et puis, aussi, c'est de mettre en place, avec ce plan de relance, des aides pour aider à verdir. C'est ça, l'idée, c'est que si on met de l'argent, profitons-en pour que l'on soit aussi plus vertueux.
Q - Un mot de l'événementiel, vous en parliez tout à l'heure, les salons, les foires vont pouvoir reprendre au 1er septembre, avec des jauges bien précises ?
R - Alors, à partir du 1er septembre, pour l'événementiel, justement, la notion de jauge disparaît. On a là affaire à des professionnels de la régulation des flux. Et donc, moi, j'ai confiance, on a beaucoup travaillé avec UNIMEV, leur fédération, et c'est très important parce que, là aussi, Paris, la France, on est sur le podium en matière d'attractivité sur les foires, les salons...
Q - ...avec une activité importante sur les mois de septembre, octobre...
R - Exactement. Et donc, on se doit, là aussi, de reprendre, de ne pas se laisser chiper la place par des Etats voisins.
Q - Mais il y aura une traçabilité, par exemple, des visiteurs ? Comment cela va se passer, concrètement ?
R - Là aussi, le secteur est en train de se repenser. De plus en plus, avec aussi des solutions hybrides, ce que l'on appelle le "phygital", c'est-à-dire une partie physique, une partie digitale. Et vous voyez, finalement, de toute crise, aussi, ressortent des innovations. Et je crois que la France qui est rentrée première, sur le podium, en matière de tourisme, dans la crise, elle doit aussi en sortir première, et donc avoir un coup d'avance, toujours innover. Très clairement, on doit avoir un tourisme qui se réinvente, et on est là pour le faire avec les pros.
Q - Jean-Baptiste Lemoyne, on arrive fin juillet. Est-ce que l'on peut dresser déjà un premier bilan de ce premier mois d'été important ? Combien de réservations, en France ? C'était des vacances "made in France" ?
R - Effectivement, j'avais lancé cet appel un peu à un été bleu-blanc-rouge et je me réjouis que, d'après le baromètre qu'Atout France a fait avec l'office de tourisme de Paris, 7 Français sur 10 ont fait le choix de rester en France, alors que les années précédentes, on voyait que les Français, de plus en plus, repartaient à l'étranger, sur le bassin méditerranéen. Eh bien là, ils font le choix de redécouvrir la France. Il y a tellement, c'est vrai, de variété de paysages. Je peux vous dire, on peut faire le tour du monde en faisant le tour de France. Donc, c'est formidable. Et les régions qui tirent leur épingle du jeu...
Q - Oui, lesquelles ?
R - Eh bien, la région Sud, la Bretagne, la Normandie, la Nouvelle Aquitaine,... Finalement, on voit une meilleure répartition des flux sur l'ensemble du territoire.
Q - On dit que la côte d'Azur, la région parisienne, bien sûr, ont pâti du manque de tourisme étranger, que c'est un peu la catastrophe pour ces régions ?
R - Je serai demain, dans le Var, justement, à la rencontre des acteurs du tourisme. Ce que l'on observe, c'est une clientèle française qui est très présente et, par exemple, dans le Var, +20% de touristes français. Mais c'est vrai que, par exemple, les Alpes maritimes, le Vaucluse, effectivement, pâtissent de l'absence des clientèles internationales. Donc, on voit bien que les situations sont contrastées selon les territoires. Et à l'inverse, des territoires plus ruraux, comme le Jura, comme l'Aveyron, tirent aussi très bien leur épingle du jeu et voient de nouvelles clientèles arriver.
Q - On entend, ici ou là, que les prix ont augmenté, parce que la demande est là, donc les hôtels doivent faire face à cette demande et en profitent parfois. Il y a eu des contrôles, il y a eu des excès ?
R - Il y a eu, à un moment, des alertes, là-dessus. Mais globalement, je crois que ce sont des exceptions et chacun a pu trouver chaussure à son pied. Nous, nous avons veillé, gouvernement et régions, on a mis en place, justement, un dispositif de chèques-vacances. Et par exemple, demain, je serai en région Sud, c'est 13 millions d'euros qui vont profiter à 26.000 foyers, des chèques-vacances de 500 euros pour aider les gens, justement, à partir, à pouvoir louer un emplacement, partir en famille.
Q - Ce n'était pas ma question.
R - Non, mais la question, c'est une aide au pouvoir d'achat.
Q - Oui. Ma question, c'est : est-ce que vous avez repéré des hôtels qui allaient un peu trop loin ? Qui profitaient de cette demande ? Et est-ce que l'on contrôle cela ?
R - Ecoutez, il y a peut-être eu quelques situations, mais ce n'est pas la norme et au contraire, ce que l'on voit, c'est plutôt, justement, parfois, des guerres des prix. Les hôteliers m'ont fait part, justement, d'une baisse du prix moyen des chambres, ce qui était aussi un sujet de préoccupation parce qu'il faut quand même que l'industrie reparte.
Q - Le secrétaire d'Etat au tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne, ce soir, sur Europe 1 ; grand merci à vous.
R – Merci.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 août 2020