Texte intégral
GERARD LECLERC
Bonjour Elisabeth BORNE.
ELISABETH BORNE
Bonjour.
GERARD LECLERC
Jean CASTEX l'a redit hier : l'emploi est la priorité absolue du gouvernement pour les 18 prochains mois. On peut peut-être partir déjà du constat, du diagnostic. Les experts annoncent près d'un million de demandeurs d'emploi de plus d'ici le printemps prochain. Est-ce que vous confirmez ? Quelles sont les dernières données qu'on a par exemple sur les plans de sauvegarde de l'emploi ?
ELISABETH BORNE
Alors effectivement, la priorité absolue c'est l'emploi et notre objectif, c'est qu'aucun Français ne reste sur le bord de la route. Il ne faut pas se voiler la face, la situation elle peut être difficile dans les prochains mois, mais on ne va pas rester les bras croisés. On a eu une montée importante des demandeurs d'emploi en catégorie A notamment avec plus de 900 000 au mois de mai, mais on a des signes qui sont quand même encourageant avec 150 000 chômeurs de moins au mois de juin. Voilà. Et on va tout faire - tout faire - pour protéger nos emplois, pour en créer des nouveaux et pour accompagner les Français vers les emplois de demain.
GERARD LECLERC
Sur les plans de sauvegarde de l'emploi, on en a vu défiler beaucoup. Ça continue. Le rythme reste le même ?
ELISABETH BORNE
Non. On a eu une accélération des plans de sauvegarde de l'emploi mais, je vous dis, on va vraiment se donner les moyens, par exemple avec un plan de relance où on va investir cent milliards d'euros pour créer des nouveaux emplois. Et puis on va tout faire aussi pour éviter les licenciements, par exemple avec l'activité partielle de longue durée.
GERARD LECLERC
Alors on va y revenir mais déjà sur les jeunes, c'est la première urgence a dit hier Jean CASTEX. 700 000 vont arriver sur le marché du travail. Le gouvernement annonce une exonération de charges jusqu'à 1,6 SMIC ; ça représente 4 000 euros par an et par jeune. Combien de jeunes sont concernés ? On parle de 200 000. Est-ce que c'est l'ordre de grandeur ? Pour quel type d'embauche ? C'est des CDD, des CDI ?
ELISABETH BORNE
Effectivement, notre priorité c'est la jeunesse. On a demandé beaucoup de sacrifices aux jeunes pendant le confinement pour protéger nos aînés. Là il faut leur renvoyer l'ascenseur et on prépare un plan pour la jeunesse qui vise là aussi à apporter une réponse à tous les jeunes, avec des réponses adaptées à chaque situation. Donc un des premiers outils, c'est-ce que vous évoquez, c'est pour les jeunes qui auraient dû trouver facilement un emploi, par exemple les jeunes qui ont un BTS de maintenance informatique ou un diplôme de commerce, donc qui auraient dû trouver un emploi, là les entreprises peuvent hésiter à embaucher, on va donner un coup de pouce avec une compensation de charges à hauteur de 4 000 euros sur un an et ça vise effectivement à faciliter l'entrée dans l'emploi. Ça devrait concerner à peu près 250 000 jeunes.
GERARD LECLERC
250 000 jeunes. CDD ou CDI ?
ELISABETH BORNE
C'est pour des CDD d'au moins 6 mois ou pour des CDI.
GERARD LECLERC
Est-ce qu'il n'y a pas un risque d'effet d'aubaine ? Les entreprises ne gardent pas les salariés qu'elles ont et elles recrutent ces jeunes pour lesquels elles ont des aides.
ELISABETH BORNE
Evidemment on va être très attentif à ces effets que vous évoquez. On va évidemment accompagner les entreprises mais ce n'est pas pour détruire de l'emploi et, effectivement, donner l'impression qu'on en crée de nouveaux. Donc on aura cet accompagnement pour les jeunes et puis on a tout un dispositif, un véritable plan pour toutes les situations.
GERARD LECLERC
Alors justement effectivement, vous proposez par exemple 300 000 contrats d'insertion. Vous proposez 200 000 en formation qualifiante. Est-ce que ce n'est pas tout simplement le retour du traitement social du chômage, et ceux qui sont désagréables disent les stages parking ?
ELISABETH BORNE
Moi je vous dis, on veut apporter une réponse à chaque situation. Ceux qui auraient dû trouver un emploi, on va accélérer les embauches. On soutient aussi toujours l'apprentissage. Vous avez vu qu'on donne une prime pour les entreprises qui accueilleront un jeune en apprentissage ou en contrat de professionnalisation. 5 000 euros pour ceux qui ont moins de 18 ans, 8 000 euros pour ceux qui ont plus de 18 ans. On déploie tous ces outils pour effectivement ne laisser personne sur le bord de la route. Et pour ceux qui ont le plus de difficultés, il faut aussi apporter des réponses. Pour eux, on aura 300 000 parcours ou contrats d'insertion et je peux vous dire qu'on sera très attentif. Là, ce n'est pas l'idée de faire du chiffre, c'est de s'assurer justement que ce n'est pas une voie de garage, que c'est un tremplin vers l'emploi. Et on ne développera pas ces contrats aidés si on ne sait pas avoir en même temps un accompagnement vers un emploi durable.
GERARD LECLERC
Alors il y a aussi tous les salariés qui sont en poste mais qui risquent de perdre leur emploi avec la crise dans l'industrie. On pense à l'aéronautique, on pense à l'automobile, d'autres secteurs. Qu'est-ce que vous allez faire pour eux ? Comment développer des emplois ? Peut-être les flécher pour aller vers des secteurs qui, eux, sont des secteurs d'avenir ? On pense aux nouvelles technologies ? on pense aux énergies vertes et d'autres.
ELISABETH BORNE
D'abord on veut que les entreprises qui vont avoir une baisse durable de leur activité puissent garder les salariés, garder les compétences pour que ces compétences soient là au moment où l'activité va reprendre.
GERARD LECLERC
Et comment on fait là ?
ELISABETH BORNE
Ça, c'est l'activité partielle de longue durée.
GERARD LECLERC
Et ça va être maintenu ?
ELISABETH BORNE
On crée ce nouveau dispositif. Pendant la crise, quand il y avait des entreprises qui étaient à l'arrêt, il y a des millions de Français qui ont bénéficié de l'activité partielle. Là, l'activité reprend mais, je disais, certains secteurs peuvent être durablement en dessous du niveau d'activité qu'elles avaient avant la crise. On l'a trop fait par le passé. Vous savez, quand vous avez 20 % d'activité en moins, on avait l'habitude de licencier 20 % des salariés. Là on veut qu'il y ait des discussions au sein des entreprises, que par le dialogue social on arrive par exemple à réduire le temps de travail, les salariés étant accompagnés pour les heures chômées par l'activité partielle de longue durée.
GERARD LECLERC
Et ça, c'est entreprise par entreprise.
ELISABETH BORNE
Entreprise par entreprise. On a un premier exemple dans l'aéronautique, le groupe SAFRAN, qui dans le dialogue social a pu trouver un accord et qui va pouvoir comme ça garder les emplois, garder les compétences.
GERARD LECLERC
Alors donc, ça c'est pour ces branches industrielles comme l'aéronautique et l'automobile mais comment on fait pour, si je puis dire, que les nouveaux secteurs d'activité qui sont donc des secteurs d'avenir recrutent et se développent ?
ELISABETH BORNE
Alors effectivement, on va investir 1,5 milliard d'euros de plus dans la formation, précisément pour former aux métiers de demain. Moi je pense à la rénovation des bâtiments, aux énergies renouvelables, au digital, pour permettre aux salariés qui sont dans des secteurs en difficulté ou pour les personnes qui peuvent être au chômage d'aller vers ces emplois qu'on va créer dans ces nouveaux domaines.
GERARD LECLERC
Jean CASTEX a insisté, comme avant lui Emmanuel MACRON, sur la concertation, sur la négociation. Mais j'allais dire, est-ce que ce n'est pas un discours convenu ? Est-ce que ce n'est pas une tarte à la crème ? Tous les gouvernants disent : il faut de la concertation.
ELISABETH BORNE
Ecoutez, le président de la République l'a dit : il n'y a pas de changement de cap mais il y a un changement de méthode. On doit absolument embarquer tout le monde pour réussir à surmonter la crise, en premier lieu les partenaires sociaux par le dialogue social. Et ce n'est pas des mots. Vous savez, quelques jours après sa nomination, Jean CASTEX a reçu, et j'étais à ses côtés, tous les partenaires sociaux puis on va se revoir vendredi prochain pour définir les priorités des prochains mois, des calendriers, une méthode. Comment on va apporter des réponses tous ensemble aux Français et je pense que c'est vraiment ce que les Français peuvent attendre de nous. Face à la difficulté de la situation, qu'on se mette tous autour de la table pour construire ensemble des solutions avec les partenaires sociaux, avec les élus, avec les territoires, pour apporter des réponses adaptées à chacun.
GERARD LECLERC
Oui, mais il y a quand même quelques soucis. Par exemple, la réforme de l'assurance chômage. Elle a été suspendue, les partenaires sociaux ne veulent pas en entendre parler. Vous faites quoi de l'assurance chômage ?
ELISABETH BORNE
Eh bien écoutez, je pense qu'on est pragmatique. C'était une bonne réforme dans un contexte où on était en train de retourner vers le plein emploi. Là, la situation a radicalement changé. On va adapter cette réforme, prendre le temps.
GERARD LECLERC
Vous allez l'abandonner ou l'adapter ?
ELISABETH BORNE
Prendre le temps. On va en discuter vendredi avec les partenaires sociaux, mais voilà, il faut être pragmatique. La situation a changé, la méthode doit changer, le calendrier va changer et on en parlera vendredi avec les partenaires sociaux.
GERARD LECLERC
Alors autre souci, la réforme des retraites. Jean CASTEX juge nécessaire de mettre en oeuvre le régime universel par points avec la disparition des régimes spéciaux. Là aussi, patronat comme syndicats ne veulent pas en entendre parler. Alors vous faites quoi ?
ELISABETH BORNE
Ce qui est clair, c'est que la priorité des prochains mois c'est l'emploi. Le président l'a dit, le Premier ministre l'a dit, on pourra le redire encore vendredi avec les partenaires sociaux. Mais pour autant, on veut toujours mettre en place un système plus juste, plus équitable pour les femmes, pour les personnes fragiles et ça passe par un système universel de retraite. Il faut qu'on trouve la méthode, et on va en parler vendredi, avec les partenaires sociaux. Qu'on reprenne la discussion et qu'on se mette d'accord sur la façon d'avancer sur ce sujet.
GERARD LECLERC
Jean CASTEX a dit que le côté financier, on le laissait de côté pour l'instant.
ELISABETH BORNE
Alors effectivement, il y a deux sujets différents. Il y a cet objectif de mettre en place ce système plus juste et plus équitable, et puis par ailleurs là aussi la situation a changé. Vous savez, c'est toute notre protection sociale dont la situation financière s'est dégradée. Il faut prendre le temps d'évaluer la situation et puis ensuite, en responsabilité avec les partenaires sociaux, il faut qu'on trouve le chemin pour rétablir l'équilibre de ces comptes sociaux, de notre protection sociale pour assurer sa pérennité pour les générations futures mais c'est deux sujets différents. C'est finalement tous les secteurs de la Sécurité sociale, l'Assurance maladie, la retraite qui ont été percutés par cette crise et il faut qu'on prenne le temps de trouver des réponses ensemble.
GERARD LECLERC
C'est un sujet différent mais, en même temps, on voit le déficit du régime des retraites qui a bondi de 4 à 30 milliards. On fait comment pour assurer la survie de ce régime ?
ELISABETH BORNE
D'abord on a besoin d'avoir un diagnostic partagé. Vous savez, il y a beaucoup d'hypothèses différentes sur ce que sera l'activité économique dans les prochains mois. Il y a une partie qui est conjoncturelle, qui est le choc de la crise. Il y a une partie qui est plus structurelle. On a besoin d'avoir ce diagnostic partagé. On a la même chose dans l'assurance maladie. Et puis qu'on trouve ensemble la façon dont on pourra rétablir ces équilibres. Ça passe certainement par travailler davantage, mais il faut trouver avec les partenaires sociaux la façon de le faire.
GERARD LECLERC
Et travailler davantage, c'est-à-dire travailler plus longtemps pour parler clair pour la retraite.
ELISABETH BORNE
Ça peut vouloir dire travailler effectivement plus longtemps pour la retraite, mais je vous dis, c'est un sujet sur lequel il faut prendre le temps du dialogue avec un point qui est très clair : notre priorité dans les prochains mois, c'est l'emploi.
GERARD LECLERC
C'est l'emploi. Alors vous êtes l'une des ministres qui est restée au gouvernement mais vous avez changé de portefeuille. Vous étiez à la transition écologique, vous vous retrouvez donc au travail et à l'emploi. Quelle est la cohérence entre les deux ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, vous savez moi j'ai un parcours professionnel assez long finalement et diversifié. Donc comme vous le dites, depuis trois ans j'étais ministre des Transports puis de la Transition écologique mais j'ai eu une vie professionnelle avant d'être ministre. J'ai aussi été PDG de la RATP, j'ai été préfète dans une région rurale. Je pense que ça veut dire que je connais la diversité de nos territoires, que j'ai l'habitude de dialoguer avec les collectivités, j'ai l'habitude du dialogue social. Et je pense que, voilà, c'est une expérience qui me paraît utile pour les nouvelles responsabilités que le président de la République et le Premier ministre m'ont confiées.
GERARD LECLERC
Vous évoquez les territoires, ça a été au coeur du discours de Jean CASTEX hier. Je crois qu'il a cité 25 fois les territoires. L'emploi, ça passe aussi, la lutte contre le chômage ça passe aussi par les territoires ?
ELISABETH BORNE
Je pense que c'est très important d'être conscient que l'Occitanie, ce n'est pas la Bretagne, qu'Aurillac ce n'est pas Paris, que les problèmes ils se posent dans les territoires et qu'on trouve des solutions adaptées à la réalité de nos territoires. On est dans un pays qui a finalement des territoires très différents, je vous le dis. Quand on est dans un territoire rural, ce n'est pas la même chose que quand on est à Paris. Il faut discuter avec les élus locaux. On a vu dans la crise le fameux couple maire-préfet qui a su inventer des solutions et c'est ce qu'il faut qu'on fasse. Qu'on donne des marges de manoeuvre au niveau local pour trouver les bonnes réponses face à cette situation qu'on connaît.
GERARD LECLERC
Merci Elisabeth BORNE, bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 juillet 2020