Texte intégral
JEFF WITTENBERG
Votre siège est un peu haut, mais tout va bien. Bonjour Madame Elisabeth BORNE, vous êtes donc la ministre du Travail, vous étiez auparavant ministre de la Transition écologique, et notamment des transports, vous avez changé de portefeuille. On a beaucoup de sujets à évoquer ce matin, d'abord c'est impasse dans le sommet européen, les 27 n'arrivent pas à se mettre d'accord sur un plan de relance de l'après Covid, pourquoi dans ces cas-là, en cas de tempête, ça ne marche pas l'Europe ?
ELISABETH BORNE
Je pense qu'on ne peut pas parler d'impasse, à la fois, le président Emmanuel MACRON et la chancelière Angela MERKEL sont vraiment déterminés à trouver un accord, c'est un moment crucial pour l'Europe, on sait qu'un certain nombre d'Etats, par exemple, l'Italie et l'Espagne ont été très affectées par cette crise. Et c'est l'occasion de montrer qu'on sait être solidaires à 27 pour préparer la reprise…
JEFF WITTENBERG
Mais il y a des blocages, il y a des pays…
ELISABETH BORNE
Alors, effectivement, il y a des blocages…
JEFF WITTENBERG
Les Pays-Bas, l'Autriche, qu'on dit frugaux…
ELISABETH BORNE
Les discussions reprennent cet après-midi, et c'est vraiment l'occasion pour tous les Etats de montrer que l'Europe, la solidarité, ça veut dire quelque chose, et en tout cas, je pense que ce qui est important, c'est que le couple franco-allemand est parfaitement habilité pour chercher un accord sur ce point.
JEFF WITTENBERG
Alors autre actualité, le masque obligatoire dans l'espace public, dans les lieux clos à partir d'aujourd'hui. Que dit la ministre du Travail à tous ceux qui se rendent ce matin dans leur entreprise, leur collectivité, leur administration, il faut, là aussi, porter le masque, on sait que c'est au cas par cas, au bon vouloir de l'entreprise ?
ELISABETH BORNE
Alors, très clairement, plus on porte le masque, mieux c'est, donc ce masque, il est rendu obligatoire depuis aujourd'hui dans tous les espaces clos qui reçoivent du public, par exemple les commerces, les banques, les espaces où on accueille le public, dans les banques, les administrations, sur le lieu de travail, il y a déjà des règles strictes qui s'appliquent, il y a un protocole national qui a été élaboré le 24 juin qui dit à chaque entreprise les règles qu'elle doit respecter, et ce protocole va continuer à s'appliquer…
JEFF WITTENBERG
Mais après, chaque entreprise, néanmoins, a une latitude pour décider si le masque est obligatoire sur le poste de travail, dans les couloirs ,il y a des lieux, par exemple, on pense aux abattoirs où il y a eu beaucoup de cas recensés, où la promiscuité est inévitable, donc est-ce qu'il ne faudrait pas là aussi rendre obligatoire le port du masque ?
ELISABETH BORNE
Les règles, elles sont claires, soit on est capable de maintenir une distance d'un mètre entre les salariés à tout moment, soit, le masque est obligatoire. Ce protocole national il est discuté au sein des entreprises avec les salariés, avec leurs représentants. Et moi, je pense qu'on peut aussi faire confiance au dialogue social pour bien appliquer ces règles dans les entreprises.
JEFF WITTENBERG
Mais vous, à votre niveau, vous ne comptez pas durcir ou imposer le port du masque dans le monde du travail, comme cela se fait donc dans les commerces à partir d'aujourd'hui, dans les lieux clos plus exactement ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, je pense que les règles sont claires, elles doivent être respectées dans chacune des entreprises, les salariés peuvent parler avec leur management s'ils ont l'impression qu'elles ne sont pas suffisamment appliquées ou avec leurs représentants, mais les règles, elles sont les mêmes, c'est en fait ces fameux gestes barrières qu'il faut appliquer, les entreprises ont décliné ces règles dans chacune d'elles, et je pense que ce qui est important, c'est de voir qu'il y a des milliers d'accords qui ont été signés, près de 7.000 pour justement décliner ces règles au sein des entreprises ; je pense que c'est une bonne façon aussi d'avoir des principes très clairs et de demander ensuite aux entreprises avec leurs salariés de mettre en oeuvre ces règles…
JEFF WITTENBERG
Donc chaque entreprise décidera, on comprend cela ce matin. Conséquence directe de l'épidémie, la crise économique, et évidemment, les mesures de chômage partiel, on en est où aujourd'hui, près de 8 millions de salariés étaient encore concernés au mois de mai, quelle est la situation en ce début juillet, à cette mi-juillet… ?
ELISABETH BORNE
Alors, on n'a pas encore les chiffres sur le mois de juin, on les aura dans les prochains jours. Effectivement, au plus fort de la crise, en avril, c'est près de 9 millions de salariés qui ont été protégés, je crois que c'est important de se dire qu'on est dans un pays dans lequel quand l'activité économique s'arrête, l'Etat a pris en charge les salaires de près de 9 millions de salariés, on avait moins de moins de salariés en activité partielle au mois de mai, en temps complet, en fait, on avait 3 millions de salariés, on aura prochainement les chiffres, je pense que ça va continuer à baisser, puisque l'activité économique repart.
JEFF WITTENBERG
La facture pour l'Etat était estimée à 31 milliards d'euros pour l'année 2020, est-ce qu'elle sera dépassée ?
ELISABETH BORNE
Alors, on a déjà dépensé 15 milliards, c'est considérable, c'est un effort considérable que fait le pays pour protéger les entreprises et les salariés. Moi, je vous dis, j'espère que ça va baisser et qu'on aura des bonnes nouvelles sur le mois de juin, mais c'était indispensable de permettre aux entreprises de garder leurs salariés, leurs compétences au moment où leur activité s'arrêtait…
JEFF WITTENBERG
Mais est-ce que ça dépassera 31 milliards, selon vos prévisions ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, à ce stade, je ne pense pas, mais on ajustera, l'important, c'est de bien pouvoir accompagner les entreprises et les salariés.
JEFF WITTENBERG
Alors, Madame BORNE, il y a des entreprises qui détournent le système, il y a des escrocs, la justice a recensé près de 1.800 fraudes au chômage partiel, est-ce que vous continuez cette chasse aux fraudeurs dans ce domaine, est-ce qu'il y aura plus de contrôles dans les semaines qui viennent ?
ELISABETH BORNE
Alors, je crois que c'était très important d'avoir un dispositif simple, qui se mette en place quand l'entreprise est en difficulté, évidemment, on a un certain nombre de gens qui ont fraudé, on est intransigeant, on a déjà fait 25.000 contrôles, on va en faire 50.000 sur l'été, et on sanctionnera, vraiment, on sera intraitable. Parce que quand le pays fait un effort aussi considérable, c'est inacceptable qu'on ait effectivement des gens qui fraudent, qui détournent le dispositif.
JEFF WITTENBERG
Et finalement, c'est un phénomène plus important que ce que vous aviez redouté.
ELISABETH BORNE
Ecoutez, je crois que, vous savez, malheureusement, quand on met en place des dispositifs qui veulent être simples, il y a des gens qui fraudent, mais je vous dis, on sera intraitable, il y aura des sanctions.
JEFF WITTENBERG
On parle du chômage partiel, et on parle du chômage tout court, à quoi faut-il s'attendre dans les mois qui viennent, il y avait eu une baisse au mois de mai, mais qui était en trompe-l'oeil, puisqu'il y a aujourd'hui 4.167.000 demandeurs d'emploi en catégorie A, est-ce que la hausse est inéluctable dans les mois qui viennent, on parle d'explosion du chômage ?
ELISABETH BORNE
Alors, on a eu effectivement un million de chômeurs de plus sur mars, avril, on a eu un signe positif au mois de mai avec 150.000 chômeurs de moins, je pense qu'il faut être clair, dans les prochains mois, la situation va être difficile, c'est bien pour ça que le gouvernement est très mobilisé, qu'on prépare un plan de relance de 100 milliards d'euros pour faire repartir la machine économique, qu'on met en place une activité partielle de longue durée pour les entreprises qui auront une activité durablement en dessous de ce qu'elle était avant la crise. Notre objectif, c'est vraiment de faire repartir l'économie et de protéger les salariés avec ce dispositif…
JEFF WITTENBERG
Madame BORNE, quand vous dites la situation va être difficile, est-ce qu'il faut s'attendre par exemple, comme le disent certaines prévisions, à 500.000 chômeurs supplémentaires à la fin de cette année 2020 ?
ELISABETH BORNE
On sait qu'il va y avoir effectivement, sans doute, des chômeurs en plus, on va tout faire pour limiter au maximum les licenciements, c'est l'activité partielle de longue durée, pour faire repartir l'économie.
JEFF WITTENBERG
Et c'est le Plan Jeunes, que vous allez présenter, enfin, plutôt, dont vous allez discuter aujourd'hui avec les partenaires sociaux, c'est un plan qui prévoit notamment 4.000 euros pour les entreprises qui vont embaucher des CDI, mais aussi des CDD, c'est très généreux, même pour une entreprise qui offrira 3 mois de CDD, il y aura une prime ?
ELISABETH BORNE
Je crois que c'est très important effectivement d'avoir une attention particulière pour les jeunes, on leur a demandé beaucoup d'efforts pendant le confinement pour protéger nos aînés, maintenant, il faut leur renvoyer l'ascenseur. Notre objectif : c'est aucun jeune sans solution, donc pour ceux qui s'apprêtaient à rentrer sur le marché du travail, il y a ce coup de pouce à l'embauche de 4.000 euros par an pour les entreprises, pour les CDI et les CDD suffisamment longs, et on a toute une batterie…
JEFF WITTENBERG
C'est quoi suffisamment longs, Madame BORNE ?
ELISABETH BORNE
C'est une discussion qu'on va avoir avec les partenaires sociaux…
JEFF WITTENBERG
Ça peut être 2 mois…
ELISABETH BORNE
C'est au moins 3 mois, mais voyez, moi, je crois au dialogue social, et ce plan, on va le discuter aujourd'hui et demain avec les partenaires sociaux pour qu'il soit prêt en milieu de semaine, que le cadre soit prêt, et on continuera la discussion, on a aussi un soutien très important pour l'apprentissage, on a 100.000 services civiques supplémentaires, et on s'occupe aussi de ceux qui ont le plus de difficultés avec 300.000 parcours ou contrats d'insertion supplémentaires, il faut une réponse globale pour : aucun jeune sa solution.
JEFF WITTENBERG
Vous avez parlé de dialogue social, des partenaires, est-ce qu'il y a une nouvelle méthode avec Jean CASTEX, les leaders syndicaux ont été plutôt positifs à son endroit jusqu'à présent, ça change par rapport à Edouard PHILIPPE ?
ELISABETH BORNE
Je crois que le moment a changé, on est avec une crise importante…
JEFF WITTENBERG
La méthode, la méthode, elle a changé ?
ELISABETH BORNE
Eh bien, la méthode doit changer parce qu'on doit apparaître tous unis pour répondre aux difficultés des Français, pour surmonter cette crise, et on le fait dans le dialogue social, ça me semble essentiel.
JEFF WITTENBERG
Vous aurez bientôt un secrétaire d'Etat chargé des Retraites, ça fait 15 jours qu'on attend les secrétaires d'Etat…
ELISABETH BORNE
Alors, le Premier ministre avait dit entre dimanche et mardi, donc ça ne devrait pas tarder, mais il ne vous a pas échappé que le président de la République étant à Bruxelles, on attend qu'il rentre pour forcément annoncer les secrétaires d'Etat…
JEFF WITTENBERG
Mais vous souhaitez un secrétaire d'Etat chargé des Retraites, juste cette question ?
ELISABETH BORNE
Vous avez raison de dire que c'est un point très important, mais, moi, je n'ai pas l'habitude de rendre publiques mes discussions avec le président et le Premier ministre sur ces sujets.
JEFF WITTENBERG
Bon, eh bien, on comprendra entre les lignes alors. Merci beaucoup Elisabeth BORNE, ministre du Travail.
ELISABETH BORNE
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 juillet 2020