Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de l'industrie, à LCI le 31 juillet 2020, sur la politique du gouvernement face à la crise économique.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Agnès PANNIER-RUNACHER, vous êtes donc notre invitée ce matin, ministre délégué à l'Industrie, on va vous interroger avec mes camarades, Isabelle GOUNIN et Virginie LE GUAY. Vous avez donc pris du galon puisque vous êtes passée de secrétaire d'Etat à ministre délégué à l'Industrie et en même temps les dossiers sont de plus en plus compliqués. On a vu ce chiffre du PIB ce matin, - 13,8%, plongeon historique, ça veut dire que la France s'enfonce dans la récession ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour déjà !

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Bonjour, bienvenue !

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça veut dire que c'est la traduction d'une crise inédite dont on connaissait l'importance et le caractère extrêmement marqué et moi j'observe que ce chiffre est meilleur, tout en étant effectivement la pire récession dans l'histoire de l'INSEE, est meilleur que celui qui était attendu par les économistes. Ce qui veut dire…

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Vous voulez dire moins pire en fait, c'est ça, on a limité la casse !

AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement, ce qui veut dire que les mesures qui ont été prises en urgence par le Gouvernement d'abord en mars pour éviter qu'il y ait une multiplication de dépôts de bilan et ensuite en mai et en juin pour tout de suite déployer des plans de soutien qui permettent de donner une perspective aux entreprises, on peut parler du secteur aéronautique, du secteur de l'automobile, a fonctionné. Et maintenant ça c'est le rétroviseur, c'est de la prévision à un moment où l'économie mondiale s'est arrêtée, je rappelle qu'un humain sur deux a été confiné, c'est un chiffre qui donne le vertige ! Le sujet maintenant c'est comment on se relance et quel est le rebond, c'est tout l'enjeu qui doit aujourd'hui nous mobiliser, mobiliser évidemment le Gouvernement et vous savez que nous préparons un plan de relance de 100 milliards d'euros mais mobiliser les entreprises parce que dans cette crise inédite le sujet n'était pas économique, c'est un accident sanitaire qui crée la crise, et donc nous pouvons reconstruire et rebondir sur l'ensemble des bonnes performances que nous avions accumulées notamment en 2019. Je rappelle qu'en 2019 nous avions une des croissances des pays d'Europe continentale les plus élevées, deux fois plus que celle de l'Allemagne.

ISABELLE GOUNIN
Vous dîtes heureusement qu'on a aidé les entreprises mais quand même on a encore des chiffres vraiment de pertes très importantes pour la SNCF, pour AIR FRANCE qui s'enfoncent dans le rouge, est-ce que là-dessus vous n'auriez peut-être pas dû faire davantage, on dit par exemple que même pour AIR FRANCE il serait peut-être temps de la renationaliser, qu'elle ne pourra jamais rembourser les sept milliards que vous lui avez prêtés ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ca encore une fois, les chiffres dont on parle c'est ceux du premier semestre, c'est à un moment où vous n'avez pas de recettes et vous continuez à payer les charges, c'est assez mathématique, vous êtes dans le rouge et vous êtes massivement dans le rouge. Je dirai aucune surprise et j'observe même qu'une entreprise comme PSA PEUGEOT qui arrive à être dans le vert en dépit de ces circonstances exceptionnelles…

ISABELLE GOUNIN
Pas RENAULT, pas RENAULT pour le coup…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui mais regardons aussi le verre à moitié plein, c'est plutôt une très bonne nouvelle en matière de résilience et de qualité du management de cette entreprise. Donc pour l'avenir….

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Mais il va falloir agir pour le verre à moitié vide pour le coup !

AGNES PANNIER-RUNACHER
Pour revenir sur ce que vous dites sur AIR FRANCE il n'y a aucune ambiguïté, l'Etat sera au rendez-vous parce que nous estimons qu'avoir une compagnie nationale c'est un élément important de souveraineté, c'est également un élément important de souveraineté économique !

ISABELLE GOUNIN
Vous allez renationaliser alors ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
On n'a pas nécessairement besoin de renationaliser pour sauver une entreprise et regardez ce que nous avons fait, nous avons accompagné des centaines de milliers d'entreprises, elles ne sont pas nationalisées et aujourd'hui elles sont à la manoeuvre pour rebondir.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Donc ça n'est pas a priori dans les tuyaux, une renationalisation vous nous dites ce matin « non, ça n'est pas prévu » ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Le sujet aujourd'hui n'est pas de savoir si on nationalise ou si on ne nationalise pas, le sujet est de savoir comment AIR FRANCE rebondit et nous serons au rendez-vous et s'il faut remonter au capital on le fera, on n'exclut pas, mais ce n'est pas le sujet du moment, le sujet du moment c'est les clients, les recettes et comment on fait pour que cette entreprise rebondisse.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Faire repartir la machine, on l'a bien compris.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je rappelle, comme vous l'avez bien dit, sept milliards d'euros d'accompagnement de l'Etat avec des contreparties, nous sommes le seul pays, le seul pays au monde à avoir sauvé notre compagnie nationale, ça s'est très répandu, beaucoup de pays ont accompagné leur compagnie, nous sommes les seuls à avoir fait des contreparties écologiques.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Virginie LE GUAY…

VIRGINIE LE GUAY
Vous avez l'air plus optimiste ou moins pessimiste que d'autres, est-ce que ce n'est pas un peu une méthode Coué quand on voit malgré tout la dureté des chiffres d'aujourd'hui et éventuellement de ceux qui s'annoncent ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne suis pas dans le commentaire du passé parce qu'on peut le commenter longuement mais ce n'est pas ça qui va nous faire rebondir. Ce qui va nous faire rebondir c'est de nous mobiliser, c'est de continuer à investir, c'est de faire le choix de l'innovation, c'est de faire le choix de l'investissement, il y a une notion de confiance qui est très importante et qu'il faut donner aux entreprises. Aujourd'hui lorsque nous mettons sur la table un plan de 100 milliards d'euros, lorsque ce plan de 100 milliards d'euros a une vocation à transformer notre économie, à la numériser, à la rendre plus écologique nous avons finalement les cartes en main pour un rebond qui soit un rebond durable. Moi je veux jouer ces cartes, je ne suis pas dans la fatalité, je suis dans la détermination. Ce qui ne veut pas dire que le mois de septembre, d'octobre, de novembre vont être faciles !

VIRGINIE LE GUAY
Que la rentrée ne sera pas difficile…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bien sûr que la partie est difficile mais cette partie on a la capacité aussi à la gagner ou en tout cas à minimiser l'impact de la crise ! On prévoyait pour la France moins - 11% de pertes de PIB pour l'année 2020, retroussons-nous les manches et faisons beaucoup mieux que ça, peut-être - 10, - 9, c'est ça qui doit aujourd'hui nous mobiliser.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Il ne met pas un peu de temps à arriver quand même ce fameux plan de relance puisqu'on a vu qu'en Allemagne il a été mis en place plus tôt, là ce n'est pas avant fin août a priori, on l'attend quand même concrètement, beaucoup d'entreprises l'attendent !

AGNES PANNIER-RUNACHER
Aujourd'hui je rappelle que l'Etat a mis dans l'économie 460 milliards d'euros, alors je suis sûre qu'on l'attend mais déjà ces 460 milliards d'euros on peut les consommer, on peut les utiliser, ils ne sont pas saturés. La réalité c'est que nous nous sommes organisés, nous allumons un plan d'urgence pour sauver les entreprises et sauver les salariés, rappelons que le chômage partiel a permis de sécuriser le contrat de travail d'un Français sur deux, c'est gigantesque, dans le privé. Nous avons le temps des plans de soutien, plan automobile, plan tourisme, plan pour les commerçants et les artisans, ça c'est maintenant, c'est en train de dérouler. J'ai moi-même sur l'ensemble de l'industrie récupéré un demi-milliard d'euros pour agir maintenant, les crédits je les ai aujourd'hui, mon sujet c'est les projets !

ISABELLE GOUNIN
Justement en parlant des projets, est-ce qu'il n'y a pas finalement un peu l'ancienne économie on va dire qui aujourd'hui est très sinistrée, on le voit bien, l'aéronautique, l'automobile, les groupes pétroliers, et puis une nouvelle économie qui elle va s'en sortir, davantage tournée vers le numérique, vers la téléphonie, vers même l'agroalimentaire, on voit que DANONE a eu de bons résultats, est-ce que pour vous qui êtes à la tête de ce ministère de l'Industrie il ne va pas y avoir peut-être des décisions très difficiles à prendre parfois ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois qu'il ne faut pas opposer vieille économie et nouvelle économie, c'est assez théorique en réalité, on a un impact différencié selon les secteurs parce que tout ce qui est mobilité a été très fortement impacté parce qu'on n'a plus eu le droit de bouger, c'est assez basique en fait !

ISABELLE GOUNIN
Oui mais la mobilité change aussi parce que par exemple on voit que les jeunes veulent moins prendre l'avion, le télétravail fait qu'on fait moins de réunions physiques et qu'on fait plus de visioconférences…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et en même temps tout le monde demande à avoir une mobilité qui soit plus verte, tout le monde pousse pour avoir un train ferroviaire à l'hydrogène, tout le monde souhaite que nous ayons des avions qui soient beaucoup plus décarbonés qu'ils ne le sont aujourd'hui. Donc cette économie-là va rester, il faut simplement, simplement, le mot est peut-être un peu court, il faut surtout qu'elle se transforme et c'est très exactement le sens de la politique économique que nous menons. 30 milliards d'euros pour décarboner l'économie, c'est un investissement massif et c'est justement préparer le futur.

VIRGINIE LE GUAY
Quel délai vous vous donnez vous tous, toute l'équipe gouvernementale, pour remettre la France en bon état de marche ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Il y a la question de la circulation du virus qui peut provoquer ici ou là une reprise…

VIRGINIE LE GUAY
Freiner un peu.

AGNES PANNIER-RUNACHER
…et nous ne sommes pas tous seuls, c'est-à-dire que la situation aux Etats-Unis, la situation au Brésil, la situation en Asie rétroagit sur nos conditions économiques. Donc si le virus flambe en Europe c'est un problème mais si le virus continue à flamber dans d'autres géographies évidemment ça fait baisser les exportations et ça a un impact sur notre économie, donc il ne faut pas perdre de vue ce point-là. Maintenant si je me positionne vers l'avenir, encore une fois ce n'est pas un choc économique qui a créé la crise économique…

VIRGINIE LE GUAY
Ce n'est pas la crise de 2008…

AGNES PANNIER-RUNACHER
…c'est un choc sanitaire, c'est on arrête l'économie parce qu'on fait le choix de la santé des gens, c'est quand même ce qu'on a fait, ce qui a été un choix collectif et en particulier en Europe qui traduit quand même un modèle social de protection assez fort et on a des conséquences économiques qu'on doit assumer. Une crise c'est 18 mois, 24 mois, 36 mois mais ce n'est pas toute la vie et c'est surtout ça qu'il faut avoir en tête, c'est-à-dire que plus on sera capable de rebondir rapidement, plus on maintiendra les investissements, mieux on protégera l'employabilité, les compétences des salariés, plus vite le rebond arrivera.

VIRGINIE LE GUAY
Aujourd'hui vous n'êtes pas capable de dire ça sera 18 mois, 24 morts ou 36 mois ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, j'éviterai ce genre de propos parce que. la spécificité de cette crise c'est également les éléments d'incertitudes et c'est pour ça qu'il faut être déterminé dans le fait qu'il faut continuer à investir et que les Etats et que la politique économique a un rôle à jouer parce que l'avantage d'un Etat c'est de pouvoir construire dans le long terme et donc d'équilibrer, d'appuyer des entreprises qui elles doivent quand même gérer des situations économiques de court terme.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Agnès PANNIER-RUNACHER, vous étiez en déplacement, vous multipliez aussi les déplacements, on a que le Gouvernement était beaucoup sur le terrain, vous étiez en Moselle à l'usine SMART, le groupe DAIMLER qui a annoncé son intention de se séparer du site, on a bien compris que vous n'étiez pas d'accord et vous l'avez exprimé. On se pose la question parce qu'il y a un peu des injonctions paradoxales, cette usine a été reconfigurée pour fabriquer de l'électrique et aujourd'hui on veut se débarrasser visiblement de cette usine alors que pourtant on a besoin de voitures électriques, est-ce que certains groupes ne profitent pas aussi, n'utilisent pas le prétexte du coronavirus pour parfois peut-être se débarrasser de certaines filiales, de certaines usines ?

VIRGINIE LE GUAY
Qui ne marchaient pas si bien que ça avant.

ISABELLE GOUNIN
Et pour licencier.

AGNES PANNIER-RUNACHER
L'usine c'est une des meilleures du groupe de DAIMLER, déjà c'est une forme de réponse à votre question.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
C'est pour ça qu'on vous pose la question !

AGNES PANNIER-RUNACHER
En revanche, DAIMLER est un groupe automobile, c'est MERCEDES, c'est un groupe automobile qui traverse une crise, la crise inédite dont nous parlons depuis 10 minutes, qu'ils n'ont jamais rencontré depuis des années et ils reconcentrent leur production notamment sur l'Allemagne qui est leur pays de base. C'est une situation que nous allons rencontrer à plusieurs reprises, de même que nous nous demandons à PEUGEOT de plutôt employer des gens français que des gens étrangers, c'est le même type de réflexe, donc ça c'est la réalité.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Donc c'est le patriotisme économique, chacun dans son pays évidemment pense à son marché à lui !

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non parce que derrière notre enjeu pour DAIMLER c'est de dire, on a des investissements, il y a 500 millions d'euros d'investissements dans cette entreprise, elle a des savoir-faire d'excellence et pourquoi je suis allée sur le terrain, c'est aussi pour prendre la mesure du caractère moderne de l'entreprise et de l'excellence des salariés qui y travaillent. On a un projet de reprise mais ce projet de reprise doit être à la hauteur de la qualité de cette usine, c'est-à-dire que ça ne doit pas être un projet de reprise qui est vite fait, qui permet à DAIMLER de se dire "voilà, ça c'est fait, j'ai un repreneur, je ne regarde pas si la charge permet de faire travailler les 1.600 personnes qui sont aujourd'hui sur le site" non seulement les salariés de DAIMLER mais également les sous-traitants.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Donc vous allez garder l'oeil très précis sur ce qui va se passer pour cette reprise ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et donc moi ma question basique c'est « très bien, vous avez un repreneur, formidable, c'est une grande entreprise britannique qui gagne de l'argent, qui est connue pour sa qualité industrielle. Néanmoins quelle est la charge dans l'usine avec le projet que veut développer cette entreprise et ne faut-il pas que vous nous donniez une charge additionnelle puisque vous êtes producteur de voitures sur des modules, sur des petits véhicules, sur des compléments pour arriver à donner du travail à 1.600 personnes ».

ISABELLE GOUNIN
Mais quel pouvoir vous avez réellement sur des décisions de DAIMLER ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
J'ai un pouvoir qui n'est pas un pouvoir d'injonction !

ISABELLE GOUNIN
C'est ça !

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais, regardez, en quelques jours…

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Donc c'est votre capacité de persuasion qui va devoir être jouée…

AGNES PANNIER-RUNACHER
…ce que nous avons acquis, en quelques jours DAIMLER a bougé et on va continuer à les faire bouger parce qu'on peut poser la question du statut des sous-traitants dans l'entreprise, est-ce que au fond ces sous-traitants sont dans l'exclusivité de la relation avec DAIMLER, est-ce qu'on ne peut pas requalifier ça en contrat de travail, vous avez des leviers négatifs et positifs, montrer l'attractivité de la France, rappeler que la France va baisser les impôts de production et que ça va rendre l'usine plus compétitive, rappeler que quand il y aura un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières de l'Europe, ce qui est désormais un souhait de l'Union européenne, ça va être compliqué d'importer des voitures depuis la Chine et que ça coûtera plus cher à DAIMLER si elle le fait. C‘est donc tous ces éléments-là, le plus et le moins, que nous mettons sur la table pour avoir une négociation de qualité.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
C'est de la négociation en tout cas. C'est vrai qu'on se pose pas mal de questions parce qu'il y a des injonctions contradictoires, en même temps on dit beaucoup aux gens aujourd'hui il faut racheter des voitures pour évidemment continuer à relancer, tenter en tout cas de relancer l'économie et de relancer ce secteur et en même temps on interdit aux voitures de rouler en ville, on dit aux gens « achetez des vélos, ne roulez plus en voiture », c'est extrêmement compliqué !

ISABELLE GOUNIN
L'électrique reste très cher encore…

AGNES PANNIER-RUNACHER
D'abord on dit aux gens de changer de voiture, c'est-à-dire de passer d'un véhicule polluant à un véhicule moins polluant, on ne leur dit pas d'ailleurs, on leur dit « regardez, on vous met sur la table des primes de conversion de vos véhicules anciens et des bonus pour acheter un véhicule électrique ou un véhicule hybride rechargeable », on n'a jamais eu autant d'aides pour acheter un véhicule électrique. Donc on va vous aider, ça coûte cher, vous avez complètement raison, un véhicule électrique à l'achat ça coûte plus cher qu'un véhicule thermique. Ca coûte…

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Sans compter les problèmes évidemment d'autonomie de la voiture, ça pose un problème !

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui mais ça coûte quand même un peu moins cher à l'usage déjà, il ne faut pas complètement ignorer ce point-là puisqu'on a beaucoup parlé du coût du carburant dans les derniers mois.

ISABELLE GOUNIN
Il faut recharger aussi.

CHRISTOPHE BE0AUGRAND
On ne part pas en vacances avec une voiture électrique, c'est compliqué, on ne traverse pas la France avec une voiture électrique.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais demain on pourra partir en vacances avec un véhicule électrique.

ISABELLE GOUNIN
Mais demain, ça va lentement !

AGNES PANNIER-RUNACHER
Aujourd'hui le temps des batteries est de plus en plus élevé, dure de plus en plus longtemps !

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Oui mais aujourd'hui on ne peut pas acheter une voiture électrique pour traverser la France pour aller en vacances dans le Sud !

AGNES PANNIER-RUNACHER
Pour répondre à votre question, l'enjeu c'est de transformer notre économie, donc on transforme une voiture polluante en voiture moins polluante, ça peut être aussi une voiture diesel dernière génération, vous économisez 10 fois les émissions d'une voiture construite il y a une dizaine d'années.

ISABELLE GOUNIN
Ça ce n'est pas très logique que la prime…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous transformez une voiture thermique en une voiture électrique, vous transformez des modes de transport, le train, le car, le bus en mode de transport soit hydrogène soit au gaz naturel qui est toujours une énergie fossile mais moins polluante et en fait on est dans un chemin de transition rapide !

VIRGINIE LE GUAY
Vous ne parlez pas du transport aérien…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Pareil pour le transport aérien ! Qu'est-ce qu'il y a dans le plan aéronautique ? Il y a 1,5 milliard d'euros qui visent à transformer, à créer le premier avion décarboné à horizon 2035, c'est un défi technologique majeur mais c'est un défi technologique que nous voulons relever.

ISABELLE GOUNIN
Sur le train par exemple la politique du Gouvernement n'est pas très logique puisque pendant très longtemps on a arrêté les petites lignes, on a arrêté les trains de nuit, d'un seul coup maintenant, ça y est, on dit que c'est la panacée, comment vous expliquez ça ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
D'abord la politique du Gouvernement de ces 40 dernières années c'est la politique de différents gouvernements dans différentes circonstances, moi je vais vous parler de la politique du gouvernement aujourd'hui. La politique du Gouvernement depuis trois ans, c'est de transformer notre économie, de la rendre à la fois plus compétitive mais de permettre aussi de la transformer et de la décarboner, pas seulement parce que nous voulons avoir un impact sur la planète et nous voulons avoir un impact sur le bien-être des gens mais aussi parce qu'économiquement, il y a un rationnel à inventer les solutions du futur. Le premier qui met au point le moteur décarboné pour l'avion, je peux vous dire qu'il a des commandes pour longtemps, je peux vous dire qu'il a une part de marché assez confortable dans les années qui viennent. Donc l'investissement dans l'innovation et dans l'économie décarbonée, ça peut être un atout considérable pour l'économie française et ne perdons pas de vue que la France est leader mondial sur les déchets, leader mondial sur l'eau, un des leaders mondial encore sur l'aéronautique, le seul pays avec les Etats-Unis à être capable de bâtir, de construire un avion de A à Z, aucun autre pays n'a ce niveau de technicité. Donc ne désespérons pas de l'industrie, bien au contraire nous devons être fiers de nos forces et nous devons investir dans cette industrie, pas l'industrie du XXe siècle mais faire en sorte de la faire muter pour qu'elle aille capter des parts de marché international, de l'industrie du XXIe siècle.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Agnès PANNIER-RUNACHER, je voudrais qu'on reparle maintenant de la consommation et notamment du côté psychologique, du côté du moral des Français, on a vu que les chiffres des soldes n'étaient pas bons. Visiblement, les gens ont encore du mal à aller dans les magasins. Il y a ce port du masque qui peut gêner, qui peut freiner aussi cette relance, comment vous envisagez les choses et le moral des Français par rapport à leur envie ou pas de retourner dans les magasins de manière très concrète ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors de manière très concrète sur les soldes, il faut faire attention à l'examen des chiffres parce qu'il ne vous aura pas échappé qu'il y a une multiplication d'opérations promotionnelles qui ont émaillé le mois et demi qui a précédé les soldes. Donc comment analyser les chiffres ? Ce n'est pas toujours évident et moi, j'ai des retours du terrain parce qu'on est aussi beaucoup connecté sur le terrain notamment avec des députés qui nous disent individuellement qu'il y a des situations de reprise de consommation assez fortes, assez fortes chez les commerçants, chez les artisans et que donc la balance est probablement moins noire qu'on veut la présenter. Ensuite l'enjeu aujourd'hui, c'est à la fois de protéger le pouvoir d'achat et la meilleure façon de protéger le pouvoir d'achat, c'est de protéger l'emploi et c'est de faire en sorte que les entreprises continuent à travailler, c'est très exactement le plan que nous déployons ; c'est de protéger les plus vulnérables, ce que nous faisons, une allocation de rentrée scolaire qui a été augmentée de manière à faire en sorte que les gens aient de la confiance et vous avez raison de dire que beaucoup de gens sont aujourd'hui en train d'épargner parce qu'ils veulent voir de quoi l'avenir sera fait. Et tout notre enjeu, c'est avec les entreprises de montrer qu'on est capable de nous redresser et de nous redresser rapidement. La confiance appellera à la confiance, la confiance appellera la consommation.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
S'agissant du port du masque j'avais envie de vous remontrer cette petite image, on sait que les politiques n'ont pas toujours montré un bon exemple ces derniers mois notamment au moment bien sûr de la campagne des municipales et on vous a vu le 14 juillet totalement affolée parce que vous aviez oublié dans votre voiture votre masque. Je ne sais pas si vous aviez revu l'image, elle a beaucoup été commentée. Heureusement vous avez fini par récupérer un masque mais on a senti un moment de panique, qu'est-ce qui se passe dans votre tête à ce moment-là ? Vous vous êtes dit "je vais me faire taper sur les doigts, je montre une mauvaise image pour le coup, un mauvais exemple aux Français qui regardent très nombreux ce défilé du 14 juillet" ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien, d'abord j'essaie de rattraper la voiture qui était très proche et donc je pensais que j'allais pouvoir l'arrêter !

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Mais elle était partie trop vite !

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais elle est partie très vite puisque vous avez des sujets de sécurité au 14 juillet, donc les voitures doivent partir très vite et qu'est-ce qu'il se passe dans ma tête ? Nous sommes confrontés à un virus qui continue à circuler. Il se trouve que je suis charge des vaccins aussi et je connais le calendrier des vaccins et je sais la difficulté d'inventer un vaccin en aussi peu de temps et je sais les risques d'échec de ces vaccins. Donc ce virus, il peut continuer à circuler pendant des années. Donc ma responsabilité, c'est effectivement d'être exemplaire et de porter le masque et de porter le masque dans des situations où on n'est pas capable d'assurer la distanciation sociale. Il y a beaucoup de monde, je ne suis pas sûre de pouvoir respecter la distanciation sociale, je porte le masque et donc je ne suis pas contente de moi quand j'oublie mon masque. Très simplement, c'est comme quand vous oubliez vos clefs que vous devez rentrer par chez vous et que vous dites "mince, je n'ai pas mes clés."

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Une question sur Jean CASTEX !

VIRGINIE LE GUAY
Une toute petite question. Vous avez hérité d'un nouveau Premier ministre il y a un mois, enfin ça fera un mois lundi. Comment vous pourriez le définir ? Il est extrêmement actif sur tous les terrains en déplacement constant et il prendra des très courtes vacances. Est-ce que vous prendrez des aussi courtes vacances que lui ? Voilà deux questions en une.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors vous l'avez très bien dit, Jean CASTEX, il est déployé sur le terrain au plus près des territoires portant à la fois des sujets, je dirais, d'accompagnement social, il était hier sur le sujet des violences conjugales et je pense que c'est important que le Premier ministre montre que ce n'est pas un sujet second, que ce n'est pas un sujet anecdotique même si nous sommes dans une crise économique parce que j'ai parfois la surprise d'entendre de la part de nos oppositions que les sujets sociétaux devraient être mis sur le côté pendant la crise économique, ce n'est pas le cas, nous devons continuer ce combat et il est effectivement à la manoeuvre parce qu'aujourd'hui le gouvernement doit être à la manoeuvre. Nous devons être à la hauteur de la crise que nous traversons ; nous devons être auprès des Français et faire en sorte le mieux possible, de la manière la plus agile possible, d'apporter des solutions et pas des solutions qui sont concoctées à Paris.

VIRGINIE LE GUAY
Pas trois semaines de vacances pour vous ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Pas des solutions qui sont concoctées à Paris, des solutions qui sont concoctées sur le terrain, qui partent des territoires, qui tiennent compte du fait qu'à Douai, ce n'est pas le même tissu économique, ce n'est pas les mêmes problématiques sociales que à Carcassonne par exemple. Alors s'agissant des vacances, a priori, je partirai mais effectivement …

VIRGINIE LE GUAY
Pas trois semaines …

AGNES PANNIER-RUNACHER
…la règle du jeu, pas 3 semaines et la règle du jeu, c'est d'être à portée de téléphone évidemment et surtout être capable de retourner pour n'importe quelle réunion interministérielle qui pourrait se tenir à Paris et nous sommes tous proches d'une station TGV puisque nous sommes tous en France …

VIRGINIE LE GUAY
Si je comprends bien, vous serez près de Marseille vous-même !

AGNES PANNIER-RUNACHER
Voilà donc moi, mes stations TGV, c'est Marseille, Aix-en-Provence et Avignon.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Ça va. On n'est pas loin de Paris, c'est vite fait pour remonter à Paris. Merci beaucoup, j'imagine que vous allez faire les magasins pour relancer la consommation pendant vos vacances !

AGNES PANNIER-RUNACHER
Certainement !

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Vous avez intérêt en tout cas ! Merci d'avoir été avec nous, Agnès PANNIER-RUNACHER, pour vos vacances studieuses !


Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 août 2020