Texte intégral
Q - Le déficit commercial atteint 34 milliards d'euros au premier semestre. Quelle est votre réaction ?
R - C'est la conséquence de la crise inédite que nous connaissons en ce moment. Grâce aux efforts entrepris depuis trois ans, nous avions relancé une tendance positive en matière de commerce extérieur. Le Covid-19 a cassé net cet élan : il y a aujourd'hui une contraction très forte du commerce international, du fait d'une conjonction historiquement inédite d'une baisse de l'offre, d'une baisse de la demande et d'une forte perturbation des chaînes logistiques. Au premier semestre, les exportations de biens ont ainsi chuté de près de 22%. C'est un recul plus important qu'au premier semestre 2009, au coeur de la crise financière. Les exportations vers l'Union européenne résistent un peu mieux que vers nos autres partenaires commerciaux. Certains secteurs moteurs sont particulièrement affectés, l'aéronautique en tête avec des ventes à l'étranger qui baissent de près de 40%. Certains secteurs stratégiques résistent, comme les produits pharmaceutiques, avec des exportations qui restent en hausse. Les importations reculent également, dans une moindre mesure (-18%), la baisse de la facture énergétique y étant pour beaucoup. Dans les services, les exportations reculent d'environ 15% et les importations de 10%, en raison surtout de la crise que traverse notre secteur touristique.
Q - Allons-nous vers une nouvelle détérioration de la balance commerciale cette année, après le déficit de 59 milliards en 2019 ?
R - Les incertitudes restent fortes sur l'évolution de la crise sanitaire et sur l'horizon de reprise de l'économie mondiale. Sans compter les tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis, qui ne faiblissent pas. Il est probable que la crise, qui frappe particulièrement nos filières les plus fortes à l'international, conduise à un creusement du déficit commercial cette année.
Q - Dans quel état sont les entreprises exportatrices françaises ?
R - Entre des frontières fermées, une production ralentie ou une demande en chute libre, les obstacles se sont multipliés pour les entreprises qui réalisaient une partie de leur chiffre d'affaires à l'étranger. Mais cela commence à aller mieux : selon le baromètre que la Team France Export a mis en place pendant la crise, 69% des entreprises interrogées déclaraient début juillet maintenir une activité export, contre 55% en avril. L'important pour le gouvernement était de préserver au maximum leurs parts de marché pendant la crise et de les mettre dans les meilleures conditions pour leur permettre de repartir, notamment en conservant leurs salariés et leurs compétences via le recours à l'activité partielle.
C'était l'objectif du plan d'urgence massif ; nous passons à présent à une nouvelle étape avec un plan de relance ambitieux présenté fin août. Sur les 100 milliards d'euros de ce plan, 30 seront consacrés à la transition écologique et 40 à l'industrie pour aider leurs entreprises à saisir les opportunités en France comme à l'étranger. N'oublions pas que l'exportation représente 30% de notre PIB, il est donc essentiel de conserver nos parts de marchés. C'est pourquoi nous finalisons un volet spécifique sur l'export au sein du plan de relance.
Q - Quelles en sont les grandes lignes ?
R - Ce plan a été préparé en lien étroit avec les acteurs du commerce extérieur, dont nous avons réuni le conseil stratégique de l'export fin juillet pour échanger sur ses différents piliers. D'abord, l'information est primordiale dans les choix des entreprises et il faut mettre des moyens pour leur donner la visibilité sur l'évolution des marchés internationaux, via notamment des outils numériques et des plateformes d'information.
Il faut ensuite leur donner un coup de pouce pour prospecter les marchés étrangers. Davantage de moyens seront consacrés à les accompagner sur des foires et salons, par exemple. Renforcer le dispositif de volontariat international en entreprise (VIE) ira aussi dans ce sens. Non seulement les entreprises ont besoin de ces jeunes, véritables ambassadeurs de l'export, mais c'est aussi un passeport pour l'emploi donné à la jeunesse. L'objectif des 10.000 VIE en poste avait été atteint l'an dernier, mais la crise et le gel de la mobilité internationale sont passés par là. Nous allons renouer avec une dynamique positive en finançant davantage de VIE.
Les moyens de l'assurance prospection et de l'assurance-crédit vont aussi être rehaussés. Nous allons enfin travailler sur l'image de la France, en investissant dans des campagnes de promotion pour capitaliser sur nos atouts mais aussi faire valoir nos filières d'excellence comme la ville durable, l'alimentation de qualité, la santé... Au total, c'est un plan de plus de 200 millions dont vont bénéficier les entreprises exportatrices.
Q - L'image de la France, justement, comment la renforcer auprès des investisseurs étrangers ?
R - La France est devenue en 2019, pour la première fois depuis vingt ans, le pays le plus attractif en Europe. C'est le résultat de tout ce qui a été entrepris depuis trois ans pour restaurer la compétitivité de la France : ordonnances travail, baisses de la fiscalité du capital, de l'impôt sur les sociétés, etc. Ce qui est important, c'est que les investisseurs soient convaincus que nous allons continuer les réformes. Il faut aussi les assurer de la stabilité fiscale, ce que nous n'avons pas su toujours faire en France. Nous devons continuer à miser sur notre recherche, nos talents, notre appareil de formation et la richesse que constitue la diversité de nos territoires. Je souhaite aussi progresser sur l'approfondissement d'une Team France Invest, sur le modèle de la Team France Export, afin d'unir toutes les forces de l'Etat, des collectivités et des partenaires privés.
Nous devons marcher sur nos deux jambes que sont le commerce extérieur et l'attractivité. Nous sommes convaincus que notre capacité à relancer l'économie passera par notre faculté à prendre toute notre place dans les échanges internationaux, et il faut y aller avec un esprit de conquête. Mais nous devons repenser notre rapport à l'international. Il faut être moins naïf : c'est ce que nous allons faire au niveau européen sur la politique commerciale, sur la protection de nos secteurs stratégiques, sur la lutte contre la concurrence déloyale. Bref, il faut mêler détermination dans les échanges internationaux, cohérence avec notre action pour la protection de la planète et défense de notre souveraineté industrielle et économique. C'est la clé pour protéger et développer nos emplois.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 août 2020