Interview de M. Alain Griset, ministre chargé des petites et moyennes entreprises, à RTL le 11 août 2020, sur la politique du gouvernement en faveur des entreprises confrontées à l'épidémie de Covid-19.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEROME FLORIN
Bonjour Alain GRISET.

ALAIN GRISET
Bonjour.

JEROME FLORIN
Ministre délégué aux PME, merci d'être en direct avec nous ce matin sur RTL. D'abord un mot des soldes d'été, qui se terminent aujourd'hui, le bilan est plutôt décevant, la période n'a pas permis aux enseignes de regonfler leur trésorerie, le choc espéré de la consommation n'a pas eu lieu, est-ce que le report des soldes au 15 juillet, contre le 24 juin l'an dernier, n'a pas été une erreur ?

ALAIN GRISET
Le bilan est plutôt nuancé. Effectivement sur Paris, dans les grandes enseignes les choses, pour l'instant, mesurées telles qu'elles le sont, ne sont très favorables, mais néanmoins il y a, chez les indépendants, globalement, une activité qui s'est bien maintenue, donc on fera le point naturellement avec Bruno LE MAIRE, mais il y a un point positif, c'est la durée de 4 semaines qui est plébiscitée, donc on va regarder tout ça, regarder comment les choses vont évoluer pour l'avenir.

JEROME FLORIN
Les indépendants, les petits détaillants, ils ont donc limité la casse alors ?

ALAIN GRISET
Oui, c'est ça, c'est les premiers chiffres que nous avons, bon c'est vrai que sur Paris les choses sont différentes puisque les touristes n'étaient pas là, mais globalement chez les indépendants c'est une légère augmentation, on n'a pas repris l'activité de l'année dernière, naturellement, mais les choses sont vues de façon plutôt positive.

JEROME FLORIN
Est-ce que le modèle des soldes n'est pas devenu obsolète, parce qu'on voyait des rabais toute l'année sur Internet, ça fait des années que le débat est dans l'air ?

ALAIN GRISET
Les commerçants, globalement, ils tiennent, c'est un peu un élément bon de repère pour le consommateur, néanmoins c'est vrai, vous avez raison, il y a des évolutions, le commerce en ligne, le fait qu'il y a des rabais régulièrement, les ventes privées, qui nécessitent une vraie réflexion, et avec Bruno LE MAIRE nous allons regarder ça dans les prochaines semaines avec les représentants des professions concernées.

JEROME FLORIN
Alain GRISET, aujourd'hui avec la crise, une entreprise sur deux vit des aides de l'Etat, donc sous respirateur artificiel, le réveil va être brutal ?

ALAIN GRISET
Le gouvernement a décidé d'appuyer le plus possible, d'accompagner les secteurs en difficulté. Depuis le mois de mars c'est l'objectif que le président a assigné, c'est à la fois avoir la sécurité sanitaire, qui est prioritaire, mais aussi d'accompagner l'économie pour éviter des faillites en nombre, ce qui a été pour l'instant le cas. Tout le monde reconnaît que l'Etat français a bien accompagné, aussi bien d'ailleurs les salariés que les chefs d'entreprise, et là ce que nous essayons de faire c'est regarder les différents secteurs, pour accompagner ceux qui sont le plus en danger, de façon à permettre à chacun de passer cette période, dont on sait qu'elle va être difficile.

JEROME FLORIN
Oui, mais la grande préoccupation des entreprises, grandes ou petites d'ailleurs, ça va être le remboursement des prêts garantis par l'Etat, qui leur permettent aujourd'hui de garder la tête hors de l'eau, mais qui pourraient se transformer en boulet. Le remboursement est prévu sur 5 ans, est-ce qu'il ne faut pas aller plus loin ?

ALAIN GRISET
Il y a effectivement ce que j'ai appelé "le mur de la dette." "Le mur de la dette" c'est quoi ? c'est la peur de devoir rembourser les reports de cotisations, donc nous avons pris une décision d'étalement sur 36 mois, et puis il y a le PGE, formidable outil pour l'instant, très utilisé par les entrepreneurs…

JEROME FLORIN
PGE, Prêt Garanti par l'Etat.

ALAIN GRISET
Prêt Garanti par l'Etat, oui – d'abord 1 an, avec un taux de 0,25, et ensuite possibilité d'aller jusqu'à 5 ans. Moi j'ai regardé si on pouvait aller plus loin. On a une date butoir, au niveau européen, qui nous limite à 6 ans pour l'instant, donc on va regarder si on peut utiliser ce délai, et puis on va, avec Bruno LE MAIRE, regarder avec les banquiers pour qu'on puisse donner une perspective de taux aux entrepreneurs, parce que je pense que l'inquiétude c'est ça, c'est de dire après 1 an quel sera le taux. Et donc moi je souhaite qu'on ait, avec les banquiers, ces discussions, pour que chacun travaille dans la sérénité et puisse rembourser ça dans la durée.

JEROME FLORIN
L'Union des entreprises de proximité, l'U2P, que vous avez présidée, que vous connaissez bien, demande un étalement sur 10 ans, vous pourriez aller jusque-là ?

ALAIN GRISET
A titre personnel moi j'y serai favorable, maintenant on est dans un contexte européen, avec aujourd'hui des durées qui nous sont imposées, maximale à 6 ans, donc nous verrons s'il est possible d'aller plus loin, mais en tout cas on va déjà proposer ces 6 années, et si possible avec un taux qui soit un taux qui rassure les chefs d'entreprise.

JEROME FLORIN
Donc 6 années, ça semble acquis ?

ALAIN GRISET
En tout cas c'est une piste sur laquelle nous travaillons. Je pense qu'avant la fin du mois d'août nous aurons, avec les banquiers, les discussions nécessaires pour permettre à chacun d'avoir une perspective rassurante.

JEROME FLORIN
Vous étiez hier, Alain GRISET, en déplacement à Lourdes avec le ministre de l'Economie, Bruno LE MAIRE, la ville vit sans doute sa pire année sur le plan touristique, et vous avez annoncé une extension des aides prévues pour le secteur du tourisme, qui pourra en bénéficier précisément ?

ALAIN GRISET
D'abord hier, à Lourdes, on a voulu passer un message de solidarité, dans une ville qui est meurtrie, 80 % de chiffre d'affaires perdu, les pèlerins étrangers naturellement ne sont pas là, et donc il était important qu'avec Bruno LE MAIRE on aille sur place dire combien le gouvernement était attaché à appuyer cette ville qui est en grande difficulté, et puis bon, hier soir, en plus, il y a eu cet accident qui est arrivé à Lourdes. Naturellement on a souhaité étendre d'abord l'accès au fonds de solidarité, le chômage partiel jusqu'à la fin de l'année, au-delà du tourisme, pour les métiers d'art, pour les magasins de piété, les magasins de souvenirs, tous ceux qui "étaient pour l'instant passés à travers la raquette", et puis, bon, parce qu'on est en France, il faut un bon coup de neuf, et donc là on a vu qu'il y avait des activités qui n'avaient pas été reprises, et donc ça a été de dire eh bien voilà, on voit également vous mettre dans le plan permettant d'accéder à ce qu'on appelle le PGE Saison, le fonds de solidarité, 1500 euros, premier niveau, jusqu'à 10.000 euros, le chômage partiel jusqu'à la fin de l'année, toutes des mesures, qui naturellement ne vont pas compenser la perte, mais qui vont accompagner là aussi les entrepreneurs pour essayer de passer cette période difficile.

JEROME FLORIN
Justement, il y a tout un maquis d'aides aujourd'hui, qu'est-ce que vous dites à un chef d'entreprise qui est un peu perdu, à qui doit-il s'adresser pour savoir ce que sont ses droits, est-ce qu'il y a un guichet unique ?

ALAIN GRISET
En tout cas, sur le site du gouvernement, il y a toutes les informations, et il y a quatre grandes aides qui sont aujourd'hui très utilisées, le Prêt Garanti par l'Etat, le report ou l'exonération de cotisations sociales, puisqu'hier en a aussi annoncé, pour ces entreprises, les 4 mois d'exonération de cotisations sociales, il y a l'activité partielle, donc ça, je vais dire ce sont les grands outils. Après il y a des aides également par région, quelquefois par intercommunalités, donc je pense que chaque entrepreneur peut assez facilement, aujourd'hui, sur les différents sites, savoir de quoi il peut bénéficier.

JEROME FLORIN
Assez facilement ?

ALAIN GRISET
Je pense, oui, très honnêtement, les Chambres de commerce, les Chambres de métiers, les organisations professionnelles, chacun peut donner les informations, et les entrepreneurs peuvent savoir où s'adresser sans trop de difficultés.

JEROME FLORIN
Les nouvelles que vous avez annoncées hier représentent quel coût supplémentaire pour les finances publiques ?

ALAIN GRISET
Ecoutez, très honnêtement je ne peux pas vous dire le montant global de ce qui a été rajouté…

JEROME FLORIN
Une idée.

ALAIN GRISET
Non, mais là, de toute façon on est à plusieurs milliards, sans aucun doute.

JEROME FLORIN
Donc hier on a débloqué plusieurs milliards en plus ?

ALAIN GRISET
Oui, sans aucun doute. La politique qui est aujourd'hui menée c'est l'accompagnement des secteurs économiques les plus en difficulté, on voit que la reprise a été un peu meilleure que prévu, mais néanmoins il y a encore beaucoup de secteurs qui sont en grande difficulté. Ce que le président a dit au mois de mars reste valable, il faut qu'on accompagne au maximum pour éviter des licenciements et pour éviter des fermetures d'entreprises.

JEROME FLORIN
Mais il va falloir le payer tout ça, à un moment.

ALAIN GRISET
Oui, c'est vrai. Le pari du gouvernement il est double. D'abord, un, ne pas augmenter les impôts…

JEROME FLORIN
C'est possible de ne pas augmenter les impôts avec toutes les aides que vous annoncez tous les jours ?

ALAIN GRISET
Naturellement, c'est ce qui a été décidé, c'est ce qui sera mis en oeuvre, il y aura même une baisse des impôts, puisque la taxe d'habitation, les impôts de production, c'est confirmé, il y aura une précision à la fin du mois d'août, mais ça va être confirmé dans le projet…

JEROME FLORIN
Ça c'est l'objectif, pardon, mais à un moment il va falloir payer quand même, il va falloir passer à la caisse, non…

ALAIN GRISET
Oui…

JEROME FLORIN
Ou alors vous laissez la patate chaude aux gouvernements qui vous succéderont.

ALAIN GRISET
Non, sans aucun doute chacun prendra ses responsabilités, on va les prendre. L'idée, qui est aujourd'hui celle du gouvernement, c'est de réussir, avec la croissance, à payer sur le long terme ce qu'on a mis aujourd'hui dans l'économie. On a fait ce choix-là, c'est un choix assumé, qui est responsable, et quand on compare avec ce qui se passe dans d'autres pays dans le monde, je vais dire aux Etats-Unis et ailleurs, c'est l'homme et la femme qui subit les conséquences, chez nous l'Etat assume d'accompagner les salariés, d'accompagner les entrepreneurs, on voit bien qu'au bout du compte on a, en France, ce modèle social qui est, encore là, joue pleinement…

JEROME FLORIN
C'est un pari risqué, c'est un choix assumé, mais un pari risqué.

ALAIN GRISET
C'est un choix assumé, certes un peu risqué, parce qu'il faut que la croissance soit là, on fera tout ce qu'on peut. Je rappelle qu'avant le Covid, au mois de février, on avait un pays qui avait une croissance supérieure, une baisse du chômage, donc les fondamentaux sont là, naturellement on a toujours aujourd'hui cette question du virus qui est là, qui freine un peu la reprise d'activité, qui inquiète encore les Français, et c'est pour ça qu'il faut prendre toutes les précautions, mais les fondamentaux sont là, et dès que possible, je crois, on a la possibilité de reprendre la croissance. Bruno LE MAIRE a dit on se donne 2 ans pour reprendre l'activité qu'il y avait avant la crise sanitaire, et donc le gouvernement met toute son énergie pour aboutir à ces résultats.

JEROME FLORIN
Alain GRISET, il y a un autre secteur qui souffre beaucoup en ce moment, c'est celui de la nuit, les discothèques restent fermées, aucune date de réouverture à l'horizon ?

ALAIN GRISET
Pour l'instant pas. Il y a un Conseil de défense qui va se réunir à la fin du mois d'août, ce sujet sera d'actualité. J'ai travaillé, dès mon arrivée au gouvernement, avec les représentants de ces professions, on a trouvé une solution, dont je sais bien qu'elle est temporaire…

JEROME FLORIN
300 auraient déposé le bilan, vous confirmez ce chiffre ?

ALAIN GRISET
Pour l'instant, je n'ai pas le chiffre exact, mais, bon, il y a des entreprises qui étaient fragiles, c'est vrai que dans ces situations-là elles le sont encore plus. Je regarderai, je leur ai indiqué qu'à la fin du mois d'août je les recevrai de nouveau pour faire le point avec eux, et on regardera, avec Bruno LE MAIRE, avec le Premier ministre, ce qu'il faut faire pour ces entreprises qui sont très en difficulté.

JEROME FLORIN
Est-ce qu'il n'y a pas une injustice à voir ces rassemblements festifs s'organiser au mépris de toutes les règles sanitaires, comme cette rave party en Lozère ce week-end, qui a accueilli 10.000 personnes, et puis à côté ces établissements de la nuit qui se disent prêts à rouvrir en mettant en place toutes les précautions sanitaires nécessaires, il n'y a pas une incongruité là ?

ALAIN GRISET
Non, mais vous avez raison, d'ailleurs c'est très mal vécu par ces professionnels, moi je dis également que là il y a quelque chose d'anormal, mais je précise que ces rassemblements, que vous indiquez, sont illégaux.

JEROME FLORIN
Mais alors, il faut envoyer la police pour les disperser ?

ALAIN GRISET
Vous comprenez très bien que quand il y a 10.000 ou 20.000 personnes, envoyer la police, bon !

JEROME FLORIN
Donc on laisse faire ?

ALAIN GRISET
Non, on ne laisse pas faire. Le gouvernement prend toutes les précautions, la préfète de Lozère a indiqué les mesures qu'elle prenait pour essayer, au maximum, d'éviter que le virus se développe, mais vous avez raison que par rapport aux professionnels…

JEROME FLORIN
Vous avez 10.000 personnes sans masque qui se sont réunies ce week-end, qui ont fait la fête…

ALAIN GRISET
Ce n'est pas terrible, je ne vais pas dire le contraire, ce n'est pas terrible, c'est même pas bien du tout, c'est un manque de responsabilité, les organisateurs devront d'ailleurs en assumer les conséquences s'il y en a, et je comprends bien que les professionnels de la nuit sont choqués par ces comportements parce que, par ailleurs, effectivement, ils se disent prêts, ils l'ont déjà démontré, à respecter les protocoles, mais le Conseil de défense, pour l'instant, a dit non, et donc nous respectons cette décision.

JEROME FLORIN
Toute dernière question Alain GRISET. Est-ce qu'il y a dans vos cartons un nouveau protocole sanitaire pour les cafés et les restaurants, alors qu'on assiste aujourd'hui à un rebond épidémique ?

ALAIN GRISET
Non. Il y a eu, je vais dire, une amélioration, tel que moi je le vois, puisqu'il s'est assoupli avec en particulier les 4 mètres carrés, donc en appelant à la responsabilité de chacun. Je pense que les protocoles existant aujourd'hui, qui sont déjà assez contraignants pour ces établissements, sont suffisants…

JEROME FLORIN
Il ne changera pas ?

ALAIN GRISET
Mais pour l'instant il n'est pas prévu qu'il change.

JEROME FLORIN
Merci beaucoup Alain GRISET, ministre délégué aux PME.

ALAIN GRISET
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 août 2020