Texte intégral
MATTHIEU BELLIARD
L'interview politique de la matinale avec Sonia MABROUK et son invitée Elisabeth BORNE, Ministre du Travail.
SONIA MABROUK
Bienvenue à vous et bonjour Elisabeth BORNE.
ELISABETH BORNE
Bonjour.
SONIA MABROUK
Comment faire accepter les règles ? Comment faire largement accepter le port du masque quand on voit, comme hier, ceux qui cassent et caillassent à des années-lumière des gestes barrières et de tout respect d'ailleurs ?
ELISABETH BORNE
Eh bien écoutez, moi je ne peux que condamner les débordements violents qui n'ont rien à voir avec le sport qui sont intervenus hier. Je pense que c'est important que chacun ait en tête que, quel que soit son activité, c'est très important de respecter ces gestes barrière. C'est finalement notre responsabilité à chacun d'entre nous d'éviter une reprise de l'épidémie. Et effectivement, je pense que c'est aussi important au moment où les salariés vont rejoindre leur entreprise après leurs vacances qu'ils soient rassurés sur le fait qu'il y aura des bonnes règles sanitaires dans les entreprises, que ça leur donne confiance sur la reprise.
SONIA MABROUK
Rassurés peut-être mais dubitatifs pour la France qui travaille et qui se lève tôt, il y a les règles et les interdictions. Mais pour les autres, Madame la Ministre ?
ELISABETH BORNE
Non mais pour les autres, vous savez, il y a des établissements qui ont été fermés, ceux qui ne respectaient pas hier les règles de distanciation, il y a eu aussi des verbalisations. Donc les règles, elles sont les mêmes pour tout le monde et en entreprise, moi je le redis, c'est important que chacun sache qu'il retourne au travail avec des bonnes règles sanitaires. Il faut qu'on concilie la protection de la santé et l'activité économique.
SONIA MABROUK
Alors justement en entreprise, le port du masque sera donc systématisé, obligatoire dès le 1er septembre dans les espaces clos et partagés. Et si on ne porte pas, Elisabeth BORNE, à ces endroits, qu'est-ce qu'on risque comme sanction ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, moi je pense d'abord qu'il faut faire confiance aux entreprises, aux partenaires sociaux qui sont bien conscients que c'est finalement la reprise qui se joue.
SONIA MABROUK
Confiance mais c'est une responsabilité pour les entreprises aussi.
ELISABETH BORNE
C'est une responsabilité pour les entreprises. Alors la confiance, ça n'empêche pas effectivement que les services du ministère du Travail seront présents. Ils seront présents pour conseiller, pour accompagner et puis aussi pour contrôler le bon respect de ces gestes barrière en entreprise.
SONIA MABROUK
Donc il y a sanction à la fin, avertissement. Ça peut aller jusqu'au licenciement ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, enfin, franchement, il peut y avoir des sanctions. Moi je vous dis depuis le déconfinement, les entreprises sont très responsables sur la mise en oeuvre des protocoles sanitaires. Il y a eu beaucoup d'accords qui ont été signés en entreprise, plus de sept mille, et moi j'ai vraiment confiance dans le fait que les entreprises vont s'approprier ces nouvelles règles.
SONIA MABROUK
On entend votre confiance mais c'est aussi un avertissement. Vous dites attention, est-ce qu'il y a quand même sanction ? Moi j'imagine ce matin un salarié, un employé même un employeur qui vous écoute, il a envie de savoir si quelqu'un ne porte pas le masque en espace clos partagé, est-ce que ça peut aller jusqu'à un licenciement ? Est-ce que c'est une faute professionnelle ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, c'est une faute comme tout non-respect d'un règlement intérieur dans une entreprise. Mais je pense que chacun doit d'abord se dire que c'est sa responsabilité pour se protéger, pour protéger ses collègues, pour protéger ses proches. C'est ça le sens de ces règles et de ce port du masque en entreprise dans les espaces de travail partagés.
SONIA MABROUK
Mais est-ce que vous n'allez pas trop loin ? Certains se disent peut-être décision légitime sur le plan sanitaire, mais est-ce que ce n'est pas l'hystérie réglementaire ? Vous intervenez dans la vie des entreprises.
ELISABETH BORNE
Je pense que c'est important, moi je vous dis, qu'on se donne tous les moyens de ne pas devoir faire face à une nouvelle vague d'épidémie comme on l'a connue au printemps. Et cette règle de port du masque, elle participe effectivement à la protection pour éviter une nouvelle vague et donc à la reprise économique. Je pense que chacun souhaite que l'économie reparte, qu'on protège les emplois et c'est bien ce à quoi le gouvernement s'attelle.
SONIA MABROUK
Bien sûr. Madame la Ministre, pour que ce soit clair, ce protocole sanitaire en entreprise, il sera disponible quand ? Pour la visibilité, tout simplement.
ELISABETH BORNE
Alors ce protocole sanitaire, donc moi je le redis, suite à un avis du Haut Conseil de la Santé publique du vendredi 14 août, suite aussi au constat qu'on peut tous faire que l'épidémie, le virus circule beaucoup plus. On est à quatre, cinq mille nouveaux cas par jour alors qu'on était à mille cas en juillet, eh bien il faut des nouvelles règles, et donc ces nouvelles règles, on a échangé avec les partenaires sociaux mardi dernier. Moi je souhaite qu'on puisse regarder les dérogations qui seront possibles, à la fois pour les activités pour lequel c'est très pénalisant, et je pense que par exemple sur un plateau comme ici, on voit bien que ça serait pénalisant d'avoir systématiquement un masque, aussi pour les situations…
SONIA MABROUK
Donc il y aura dérogations, aménagements pour certaines activités. C'est ce que vous étudiez en ce moment.
ELISABETH BORNE
C'est ce sur quoi vendredi dernier on a ressaisi le Haut Conseil de la Santé publique parce qu'il faut effectivement des règles qui protègent. Il faut aussi faire preuve de bon sens pour des activités pour lequel c'est pénalisant, et puis aussi quand on voit qu'on a d'autres façons de se protéger. Par exemple si on est à trois salariés dans cent mètres carrés, on peut imaginer qu'on peut se dispenser du port du masque.
SONIA MABROUK
Bien sûr. D'ailleurs j'y pense, vous n'avez pas gardé votre masque pour cette interview en studio, dans cet espace clos. Pourtant dans une semaine normalement, si on considère tout ce que vous venez de me dire, ça sera sanctionné.
ELISABETH BORNE
Je vous confirme que nous avons ressaisi le Haut Conseil de la Santé publique et qu'on attend sa réponse vendredi au plus tard. Sur cette base-là, le protocole sera mis en ligne, au plus tard lundi prochain parce qu'il s'appliquera à partir du 1er septembre.
SONIA MABROUK
Avec tout ce que vous venez de nous dire, Madame la Ministre, est-ce que vous encouragez ce matin au retour sur le lieu de travail pour ceux qui ont la chance d'avoir un emploi, ou est-ce que vous continuez à préconiser le télétravail ?
ELISABETH BORNE
Alors on préconise… Enfin le télétravail, ça reste une très bonne solution quand on peut le faire, et tout le monde ne peut pas télétravailler, a fortiori quand on est des zones où le virus circule fortement comme par exemple c'est le cas en région parisienne. Donc ça reste une bonne formule. En même temps, les entreprises nous disent aussi que c'est important d'avoir un collectif de travail et donc de pouvoir aussi revenir sur le lieu de travail et dans ce cas, il faut prendre des précautions particulières, notamment ce port du masque quand on est dans des espaces de travail partagés.
SONIA MABROUK
En même temps si je vous ai bien entendue, c'est un peu de ça, un peu de ça.
ELISABETH BORNE
Ecoutez, je pense qu'il faut faire preuve de bon sens. Faire du télétravail quand on peut, revenir retrouver ses collègues parce que c'est aussi important, et quand on est au travail dans des espaces partagés, porter le masque.
SONIA MABROUK
Alors le bon sens n'empêche pas l'inquiétude et même la grande inquiétude pour la situation du marché de l'emploi. Cette rentrée, vous la redoutez ? Est-ce que le gouvernement la redoute.
ELISABETH BORNE
Ecoutez, surtout il s'y prépare avec beaucoup de détermination. Vous savez que dans une semaine, on présentera le plan de relance c'est cent milliards d'euros.
SONIA MABROUK
Oui, on le sait. On sait surtout que ç'a été décalé et donne le sentiment d'une impréparation.
ELISABETH BORNE
Je pense que le plan, il est prêt, je peux vous rassurer. Cent milliards d'euros qui vont venir soutenir notre activité économique. Moi j'ai la responsabilité de tout ce qui permettra de protéger nos emplois. Ça a été l'activité partielle. Je rappelle que neuf millions de salariés en ont bénéficié au plus fort de la crise, et maintenant ça va être l'activité partielle de longue durée pour sauver le maximum d'emplois. Et puis aussi, on va développer des formations pour les jeunes, pour faciliter leur arrivée sur le marché du travail. On encourage les entreprises à recruter. Des formations…
SONIA MABROUK
Vous les encouragez comment ? Avec la prime ?
ELISABETH BORNE
Alors effectivement, depuis début août, vous savez, on a publié le décret qui met en place quatre mille euros d'aide par an aux entreprises qui embauchent un jeune de moins de vingt-six ans au moins pour un CDD de trois mois ou un CDI.
SONIA MABROUK
Oui. Mais Madame la Ministre, il faut que les entreprises aient les commandes, il faut que les carnets de commandes soient fournis pour pouvoir embaucher aussi. Tout se tient, tout est lié.
ELISABETH BORNE
Eh bien écoutez, c'est pour ça qu'il y a à la fois le plan de relance la semaine prochaine, les formations, les nombreux dispositifs - on a parlé de la prime de quatre mille euros - pour accélérer l'embauche des jeunes. Je peux aussi citer les aides qu'on met en place pour accompagner le développement de l'apprentissage : cinq mille euros pour un jeune apprenti mineur, huit mille euros sinon. Et donc on a tous ces dispositifs qui vont favoriser l'arrivée de nos jeunes…
SONIA MABROUK
On ne peut que se féliciter évidemment, et vous avez un discours volontariste, c'est votre rôle, mais vous vous attendez aussi, Madame la ministre du Travail, à une très forte augmentation du chômage malheureusement d'ici à la fin de l'année. Plusieurs centaines de milliers.
ELISABETH BORNE
On s'attend effectivement à une augmentation du chômage et on a déjà eu une augmentation au deuxième trimestre. Mais, je vous dis, que ce soit avec des dispositifs…
SONIA MABROUK
Augmentation ou explosion ? Les mots sont importants.
ELISABETH BORNE
Vraiment, moi je peux vous dire que je suis déterminée à tout faire pour sauver le maximum d'emplois.
SONIA MABROUK
Ce n'est pas la question.
ELISABETH BORNE
Sauver le maximum d'emplois et pour ça, des dispositifs comme l'activité partielle de longue durée. Vous savez, par le passé on a trop vu des entreprises, quand leur activité baissait de 20 % elles se séparaient de 20 % des salariés. L'activité partielle de longue durée, ça permet de baisser le temps de travail des salariés. La partie qui n'est pas travaillée est prise en charge par l'Etat…
SONIA MABROUK
Par l'Etat. Il y a des accords comme le groupe SAFRAN qui l'a signé.
ELISABETH BORNE
Absolument. Qui a pu sauver six mille emplois donc moi j'invite…
SONIA MABROUK
Est-ce que c'est vraiment une arme anti-licenciements, Madame la Ministre ?
ELISABETH BORNE
C'est vraiment une arme anti-licenciements et je pense que c'est assez exceptionnel en Europe ce dispositif qu'on met en place, pour permettre de garder des compétences, pour que ces compétences soient là quand l'activité économique repart.
SONIA MABROUK
Et pourtant. Pourtant entre le 1er mars et le 16 août, trois cent vingt-six plans de sauvegarde de l'emploi ont été enregistrés avec quarante-neuf mille postes qui ont disparu. Voilà la réalité aussi.
ELISABETH BORNE
Mais je peux vous dire que mes équipes, moi-même, avec détermination on va discuter avec les entreprises pour qu'elles se saisissent de tous ces outils qui permettent de préserver nos emplois.
SONIA MABROUK
C'est important ce dispositif, ces accords d'activité partielle de longue durée ? Tout le monde y a droit. Est-ce que ce matin clairement, Madame le ministre du Travail, vous encouragez des entreprises, des groupes à y avoir recours ?
ELISABETH BORNE
Moi j'encourage vraiment toutes les branches professionnelles dont l'activité va être en dessous de ce qu'elle était avant la crise à se saisir de cet outil. Vous savez, la métallurgie a signé un accord Syntec. Donc l'ingénierie, le commerce de gros sont en train de discuter d'accords de ce type, et je crois que c'est vraiment la meilleure façon de sauver des emplois et de garder des compétences. On peut en plus, l'Etat va financer la formation des salariés qui seront en activité partielle de longue durée.
SONIA MABROUK
Jusqu'à quelle date ? Fin 2021 ?
ELISABETH BORNE
Alors jusqu'à la fin de l'année, on peut signer ces accords et on peut les appliquer pendant deux ans. Donc ça donne aux entreprises des marges de manoeuvre pour garder les salariés et les former pour que les entreprises soient plus fortes en sortie de crise.
SONIA MABROUK
On va conclure. Quand on retrouvera-t-on un niveau de chômage d'avant crise pandémique ? Est-ce que vous le savez ? Très sincèrement, est-ce qu'on peut dire ce matin « on ne sait pas vu la situation sanitaire économique évolutive » ?
ELISABETH BORNE
Evidemment il y a beaucoup d'incertitudes, mais moi je vous dis : on a de nombreux outils pour sauver des emplois, pour former les jeunes, pour accompagner les salariés des secteurs en difficulté vers ceux qu'on va dynamiser avec le plan de relance, et c'est bien mon objectif : sauver le maximum d'emplois.
SONIA MABROUK
Et on va suivre évidemment tout cela. Merci Elisabeth BORNE d'avoir répondu à nos questions sur Europe 1. Bonne journée à vous et bien sûr à nos auditeurs à l'écoute.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 août 2020