Texte intégral
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
A huit heures dix-huit, une nouvelle ministre, Brigitte KLINKERT, qui fait son entrée dans « Good Morning Business », merci d'être avec nous ce matin, Brigitte KLINKERT.
BRIGITTE KLINKERT
Bonjour.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous allez vous occuper d'insertion auprès d'Elisabeth BORNE, dossier ô combien important et auquel nous sommes très sensibles dans « Good Morning ». Vous allez me raconter quand même parce qu'il y a quelques jours vous avez reçu un coup de fil, un certain Jean CASTEX nommé Premier ministre vous appelle et vous dit « je voudrais vous nommer ministre », qu'est-ce que vous lui répondez ?
BRIGITTE KLINKERT
Je voudrais d'abord dire combien je suis heureuse et fière d'être ministre de ce gouvernement parce qu'en effet je suis une élue locale, présidente de conseil départemental et c'est pour moi une fierté d'être dans le Gouvernement.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Effectivement, du Haut-Rhin depuis 2017.
BRIGITTE KLINKERT
J'ai accepté de rejoindre Jean CASTEX et mes collègues ministres parce que lundi matin Jean CASTEX m'appelle pour me proposer d'entrer au Gouvernement. Je lui dis « Monsieur le Premier ministre, c'est un grand honneur pour moi, vous savez, je suis une petite élue locale, présidente de conseil départemental ». Et il me répond « Madame la Présidente, moi je suis aussi un petit élu local et ça me ferait très plaisir compte tenu de votre expérience dans le domaine de l'insertion sur le terrain, en tant que présidente du conseil départemental que vous rejoignez mon équipe ».
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais vous aviez été repérée et par Jean CASTEX et par Muriel PENICAUD, Elisabeth BORNE également parce que vous avez justement un track record, vous avez en matière d'insertion, et ça fait déjà polémique, sur le RSA vous aviez mis en place un dispositif qui prévoyait au départ de manière obligatoire puis de manière facultative de contraindre diront certains les allocataires du RSA à faire six ou sept heures de travail bénévole pour la collectivité.
BRIGITTE KLINKERT
Je voudrais être très, très claire sur ce point, il n'est pas question pour moi de généraliser toutes les politiques que j'ai mises en place sur le département du Haut-Rhin.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais si elles sont bien, si elles permettent justement aux gens qui sont au RSA de retrouver, d'être réinsérés !
BRIGITTE KLINKERT
Ce qui fonctionne dans le Haut-Rhin ne fonctionnera pas obligatoirement dans tous les autres territoires même si aujourd'hui il y a 15 départements qui nous ont suivis. Que je vous explique…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui parce que c'est vraiment important !
BRIGITTE KLINKERT
En fait l'idée…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça choque certains de dire qu'à des gens qui ont le RSA on leur demande de travailler pour la collectivité six ou sept heures !
BRIGITTE KLINKERT
En fait nous sommes très en avance je crois dans le Haut-Rhin dans l'accompagnement des bénéficiaires du RSA, nous nous sommes dit comment faire pour leur remettre le pied à l'étrier.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Bien sûr !
BRIGITTE KLINKERT
Le système du bénévolat RSA est une bonne formule parce que ça permet de faire deux, trois heures ou cinq, six pour les bénéficiaires du RSA qui le souhaitent dans des associations, dans des structures. Et ce qui est formidable c'est que vraiment, vraiment les bénéficiaires du RSA sont heureux de faire ces actions. Pourquoi ? Parce qu'ils ont une raison de se lever le matin, ça leur donne un objectif dans leur vie et puis ça recrée du lien social ! Quelquefois même grâce au bénévolat des bénéficiaires du RSA ont retrouvé un job.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais vous connaissez la polémique, certains vous disent « c'est du travail gratuit et c'est une manière de dire aux allocataires du RSA qu'en fait ils ont une dette à l'égard de la collectivité »…
BRIGITTE KLINKERT
Ce n'est pas du travail gratuit puisque c'est du bénévolat et là nous faisons très attention pour que ce ne soit pas du travail déguisé et vraiment les bénéficiaires du RSA nous disent « ça a changé notre vie que de faire du bénévolat ». Je le rappelle, ce n'est pas…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
J'en suis sûr mais c'est impossible dans un pays comme la France, Brigitte KLINKERT, de dire ça et de le généraliser au niveau de notre pays ?!
BRIGITTE KLINKERT
Ce que je voudrais dire c'est ce qui se passe bien dans un département en fonction du contexte local ne se passera pas obligatoirement bien dans un autre département, donc on ne peut pas obligatoirement le généraliser. Et d'ailleurs…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous faites déjà de la politique…
BRIGITTE KLINKERT
Non ! Non ! Non !
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
…alors que vous avez réussi dans le Haut-Rhin à justement insérer les gens grâce à ça !
BRIGITTE KLINKERT
Ce que ce que je voudrais évidemment c'est une mesure phare et très importante et qui mérite d'être prise en compte mais ce que je veux dire, et ça c'est ma conviction profonde, c'est qu'il faut pratiquer la différenciation là aussi, ce qui est possible sur un département n'est pas possible sur tous les départements et ça tombe bien parce que c'est aussi ce que veut faire le président de la République et le Premier ministre.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est-à-dire de l'adaptation locale des politiques nationales, tout ne viendra pas d'en haut !.
BRIGITTE KLINKERT
Exactement et justement d'avoir des élus locaux au Conseil des ministres ça va permettre d'apporter cet éclairage des territoires.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors je vais vous poser la question très, très directement, est-ce qu'on a le risque de voir une génération sacrifiée, est-ce que les 700.000 jeunes qui vont arriver sur le marché de l'emploi en septembre vont être une génération perdue ?
BRIGITTE KLINKERT
Madame BORNE et moi sommes justement là pour qu'il n'y ait pas de génération sacrifiée, nous nous battons et nous travaillons déjà très, très fort pour que chacun puisse trouver une place sur le marché du travail. D'ailleurs il y a un certain nombre de mesures qui ont déjà été prises dans le domaine de l'apprentissage…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
De l'alternance aussi.
BRIGITTE KLINKERT
De l'alternance avec l'allongement des délais, jusqu'à six mois pour trouver une entreprise, avec des aides aussi qui sont importantes pour le recrutement des apprentis jusqu'au niveau de la licence professionnelle. L'objectif c'est vraiment de favoriser l'apprentissage et de ne laisser personne, personne au bord du chemin.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Le problème c'est que, vous avez raison et d'ailleurs c'était un pari plutôt réussi par Muriel PENICAUD, de redonner de l'éclat à l'apprentissage sauf qu'il y a beaucoup d'entreprises aujourd'hui qui serrent les vis et qui se disent « je n'ai même pas de quoi prendre un apprenti et ça me fait peur ». Il y a beaucoup d'apprentis que je connais qui me disent « je devais rentrer dans l'entreprise en juillet ou en septembre et ça a été annulé ».
BRIGITTE KLINKERT
Je le comprends et justement mon expérience d'élue de terrain, en Alsace l'apprentissage est très en pointe aussi mais je rencontre comme vous des chefs d'entreprise qui me disent « aujourd'hui on ne sait pas si on va prendre... »
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Qu'est-ce que vous leur dites aux chefs d'entreprise qui vous disent ça ? Vous leur dites : il y a de nouveaux dispositifs ; c'est ça ?
BRIGITTE KLINKERT
Moi je leur dis, un : il faut avoir confiance en l'avenir quoi qu'il en soit même si la situation est difficile et puis deux, il y a des aides exceptionnelles aujourd'hui, il faut les prendre en compte.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors le président de la République doit annoncer sans doute le 14 juillet les contours du plan Jeunes. Vous savez que dans le gouvernement, il y a un débat : est-ce qu'on fait une exonération de cotisations qui resteraient dans les caisses des entreprises pour leur donner un peu d'air, ou est-ce qu'on fait une prime à l'embauche d'un jeune salarié ? Où va votre préférence à vous ?
BRIGITTE KLINKERT
Alors là, je vais attendre les déclarations du président de la République et du Premier ministre la semaine prochaine, la feuille de route aussi qui va être la mienne dans le domaine de l'insertion. Mais vous savez, pour moi ce qui est important c'est qu'on mette en place le meilleur dispositif pour que tous les jeunes puissent être pris en compte et qu'aucun - aucun - ne reste sur le bord du chemin.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais vous pensez que c'est mieux de d'exonérer de charges ou de donner une prime one shot ?
BRIGITTE KLINKERT
Je pense que ce qui est le mieux, c'est ce qui va permettre aux jeunes d'être dans une activité et de ne pas rester…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça, je vous le confirme. Mais sauf qu'il faut convaincre les entreprises en septembre, alors que la rentrée sera si difficile, de continuer à embaucher.
BRIGITTE KLINKERT
Oui. La rentrée sera difficile mais, je le redis, je pense qu'il faut avoir confiance en l'avenir et des dispositifs sont là, d'autres vont être mis en place par le gouvernement pour aider les jeunes, et qu'il n'y ait justement pas de génération sacrifiée. En tout cas moi je vais me battre, je suis une combattante, aux côtés d'Elisabeth BORNE, aux côtés du Premier ministre et du président de la République dans ce sens-là. Personne ne doit rester sur le chemin.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc vous me confirmez : il y aura quand même un plan Jeunes et qu'il sera d'ampleur.
BRIGITTE KLINKERT
Alors comme dit, je suis toute nouvelle ministre. Je vais attendre les déclarations du président de la République et du Premier ministre. Mais il est indispensable - indispensable - que nous ayons rapidement des actions fortes, très fortes en direction des jeunes.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce que vous n'avez pas peur que le taux de réussite spectaculaire au baccalauréat cuvée 2020, 91 %, 91,4 je crois, dévalorise ce diplôme ? Et qu'au fond beaucoup de jeunes aient le bac mais que ce diplôme ne vaille pas grand-chose ?
BRIGITTE KLINKERT
Vous savez, j'ai connu la génération des bacheliers de 1968.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui, c'est vrai.
BRIGITTE KLINKERT
C'était le même débat. Quelques années plus tard, personne ne demandait à ces bacheliers s'ils ont eu le bac en 68 ou maintenant 2020.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il faut espérer que ça ne sera pas une double-peine : et un bac au rabais et effectivement une rentrée sur le marché du travail qui sera compliquée.
BRIGITTE KLINKERT
Faites-nous confiance et faites-moi confiance.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui, je fais confiance mais après il faudra des actes. Justement regardez, il y a ce débat ce matin. On voit que sur plein de sujets : les retraites, la réforme des retraites, la réforme de l'assurance chômage, les baisses d'impôts de production promises par Bruno LE MAIRE, il y a plein de voix qui s'élèvent. Les syndicats, le MEDEF, le gouverneur de la Banque de France qui a écrit qui au président pour dire : on arrête tout, statu quo, plus de réformes pour ne pas perturber le redémarrage.
BRIGITTE KLINKERT
Vous savez moi, ma marque de fabrique en tant qu'élue locale et en tant que ministre maintenant, ma méthode c'est l'écoute. Je co-construis avec l'ensemble des acteurs pour trouver un consensus. En Alsace aussi, on a cette habitude du consensus, c'est l'humanisme rhénan.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Parfois le consensus, ça ne fait pas statu quo ?
BRIGITTE KLINKERT
S'adapter aux réalités du terrain. Et s'adapter aux réalités du terrain, c'est ça qui fait avancer.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais vous n'avez pas peur qu'à force de recenser un consensus, on ne fasse plus rien ?
BRIGITTE KLINKERT
Non. Non, non, non parce que consensus oui, mais s'adapter à la réalité du terrain et c'est dans ce sens-là que moi je veux travailler.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Bon. Moi je redoute que ce soit au final quand même une pause dans les réformes.
BRIGITTE KLINKERT
Ça n'est pas du tout ce qui est envisagé. Pas une pause mais, par contre, une adaptation compte tenu de la nouvelle situation d'après crise sanitaire et d'entrée malheureusement dans une grande crise économique.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Eh bien on verra. On verra le discours du président le 14 juillet. On verra le discours de politique générale du Premier ministre le 15. On verra effectivement si cette feuille de route elle est consistante et si on ne nous balade pas effectivement, si on poursuit les réformes ou si au contraire on juge qu'il faut faire une pause pour ne pas troubler le pays et ne pas repartir dans des débats délétères. Franchement le débat est légitime. Merci en tout cas Brigitte KLINKERT.
BRIGITTE KLINKERT
Merci.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous êtes donc chargée de l'insertion dans ce nouveau gouvernement, d'avoir été avec nous ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 juillet 2020