Texte intégral
BERNARD POIRETTE
Cet invité s'appelle Alain GRISET, c'est le ministre délégué aux TPE-PME, les très petites entreprises, et les petites et moyennes entreprises, Monsieur GRISET bonjour.
ALAIN GRISET
Bonjour.
BERNARD POIRETTE
Merci d'être en studio avec nous. Alors, vous êtes le premier membre du gouvernement que nous avons au micro depuis qu'on a appris ce week-end que l'annonce du plan de relance, de 100 milliards d'euros, qui était prévu pour demain, est repoussée d'une semaine. Ça veut dire quoi, ça veut dire que la priorité absolue aujourd'hui c'est gérer le Covid, c'est ça, donc, en fait, l'annonce du plan est remplacée par un Conseil de défense ?
ALAIN GRISET
Les deux priorités restent essentielles, la sécurité sanitaire…
BERNARD POIRETTE
Concomitantes.
ALAIN GRISET
Et la reprise économique, néanmoins, vous avez vu, le port du masque, pour les entreprises, la rentrée scolaire, nécessite qu'il y ait pendant une semaine une mobilisation de l'ensemble du gouvernement pour que l'ensemble des Français se mobilisent sur cet aspect sanitaire, ça ne remet pas du tout en cause le plan de relance.
BERNARD POIRETTE
Alors, on verra bien exactement comment il est organisé et articulé ce plan de relance, il n'empêche, tout de même, s'il faut parler du Covid, ça repart très fort, presque 5000 contaminations quotidiennes, comment, vous, qui êtes le ministre des PME-TPE, appréhendez-vous la chose ? Parce que, on parle beaucoup des grandes entreprises, mais comme vous le disiez, moi, mon secteur c'est 95% de l'économie, est-ce que les petites entreprises sont prêtes au masque pour tous, obligatoire le 1er septembre ?
ALAIN GRISET
C'est 95 % des entreprises…
BERNARD POIRETTE
Oui, pas de la fortune, pas de la richesse nationale.
ALAIN GRISET
Voilà…
BERNARD POIRETTE
On est bien d'accord.
ALAIN GRISET
Ecoutez, moi je dis toujours à ces chefs d'entreprise, il n'y a pas le choix, parce que, s'il n'y avait pas les masques, et que le virus arrivait, à un moment donné, à faire que l'économie soit bloquée, les entrepreneurs seraient les premiers concernés, les salariés aussi, et que donc, si le choix est de dire on porte masque pour permettre à l'économie de se développer, ou on ne porte pas de masque et on prend le risque de bloquer l'économie, les entrepreneurs, j'en suis persuadé, n'hésiteront pas une seconde, et n'hésitent pas une seconde. Il faut porter le masque, mais au-delà du masque, il faut respecter les gestes barrières, continuer à se laver les mains, de façon à ce que nous puissions, tous ensemble, éviter que le virus se propage trop.
BERNARD POIRETTE
Alain GRISET, le fait que ça devienne obligatoire veut dire que, en tout cas j'ai compris ça, dans les entreprises ce sont les patrons qui paieront, les masques, et qui mettront à disposition les masques pour les salariés, est-ce que financièrement c'est tenable pour les PME-TPE ?
ALAIN GRISET
Ça fait partie des éléments de sécurité, de santé, et le code du travail donne une obligation…
BERNARD POIRETTE
Comme les extincteurs ou… etc.
ALAIN GRISET
Voilà, donne l'obligation aux chefs d'entreprise de fournir ces masques. vous savez, depuis début mars, avant même que je sois ministre, le gouvernement a mis en place des aides, des soutiens aux entreprises, tout à fait massifs, et donc nous continuons à travailler, avec les différents représentants des branches, des organisations professionnelles, tous les jours, pour regarder comment accompagner ces entreprises, et nous aurons dans les prochains jours des discussions, des réunions, pour regarder comment on va continuer à mettre en place les outils adaptés, et sûrement que certains mettront sur la table la question des masques.
BERNARD POIRETTE
Alain GRISET, le 14 août exactement, vous le disiez, mon secteur à moi, les TPE-PME, aura bien plus que 3 milliards d'euros sur le plan de 100 milliards d'euros, bon c'était le 14 août, on est le 24, donc 10 jours après est-ce que vous y voyez plus clair, vous aurez combien, vous savez ? Vous aurez quoi ?
ALAIN GRISET
Naturellement qu'on sait, mais…
BERNARD POIRETTE
Ah, vous ne voulez pas le dire !
ALAIN GRISET
Permettez, au président, au Premier ministre, de faire les annonces la semaine prochaine. Non, les 3 milliards, c'est un moment où Bruno LE MAIRE avait focalisé 3 milliards sur les investissements dans les PME…
BERNARD POIRETTE
Oui, absolument.
ALAIN GRISET
Donc, naturellement c'était une petite partie, mais là on ne parle pas de 3 milliards, on parle de 100 milliards, et donc sur les 100 milliards il y aura naturellement beaucoup plus que 3 milliards qui iront aux PME-TPE.
BERNARD POIRETTE
Alors, ils iront comment, c'est du don absolu, ou c'est une avance de trésorerie à rembourser, c'est des allègements de charges, ça va se ventiler comment ?
ALAIN GRISET
En tout cas ce n'est pas du don, il y aura naturellement des montants qui iront aux particulier, par exemple quand on parle de rénovation énergétique, ça existe déjà, donc on voit bien qu'il y a une partie importante de ce plan qui est basée sur une économie plus verte, et donc il y aura par exemple une baisse de l'impôt de production, Bruno LE MAIRE l'a annoncé, 10 milliards dès l'année prochaine, 10 milliards l'année ensuite, donc 20 milliards sur la baisse d'impôts de production, donc voilà c'est différentes mesures, très nombreuses, mais toutes avec un objectif à la fois d'accompagner les secteurs les plus en difficulté et de transformer l'économie.
BERNARD POIRETTE
Et surtout, surtout, d'éviter un reconfinement, on est bien d'accord ?
ALAIN GRISET
Le président l'a dit, le Premier ministre aussi…
BERNARD POIRETTE
Il faut continuer à fonctionner.
ALAIN GRISET
Ecoutez, je pense que tout le monde s'est bien rendu compte d'abord que le confinement ce n'était pas terrible, à titre personnel, pour personne, et qu'ensuite, pour le pays, pour l'économie, ça serait dramatique. Déjà, ça met la France dans une situation compliquée, si on devait être reconfiner, la France serait à genoux, donc il faut que chacun fasse tout pour que justement on ne reconfine pas, et chacun a une partie de la réponse en main dans son comportement quotidien.
BERNARD POIRETTE
Alors, vous avez pris des vacances sans doute, Monsieur GRISET, certes, mais vous avez aussi fait des visites, visiter des entreprises, etc., au mois d'août, je pense qu'il vous est remonté aux oreilles ce qui m'est remonté à moi, aux oreilles, c'est-à-dire que tous les gens ont compris qu'on leur fichait en gros la paix pendant les vacances, en juillet/ août, parce que c'était les vacances et qu'il fallait laisser souffler les Français, mais qu'à partir de fin août la vis allait être resserrée en matière de lutte contre le Covid, c'est-à-dire que, voilà, ça allait être plus directif que ça n'a été cet été. Est-ce que c'est une vue de l'esprit ?
ALAIN GRISET
Ce n'est pas dû au fait qu'on ne soit plus en vacances, c'est dû au fait que le virus…
BERNARD POIRETTE
Que ça repart.
ALAIN GRISET
C'est reparti…
BERNARD POIRETTE
Oui, oui, j'ai bien compris.
ALAIN GRISET
Si c'était reparti pendant les vacances il aurait fallu…
BERNARD POIRETTE
Vous aurez serré plus tôt.
ALAIN GRISET
Naturellement, c'est concomitant. Il est évident que nous avons une responsabilité collective pour tout faire pour que ce virus ne puisse pas, dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, atteindre des niveaux qui compromettraient la reprise économique, puisque, encore une fois, je pense que c'est important que tous les Français le comprennent, l'objectif du gouvernement c'est à la fois de trouver des solutions pour la sécurité sanitaire, mais aussi de trouver des solutions pour la reprise économique, et là aussi chaque Français…
BERNARD POIRETTE
C'est difficile !
ALAIN GRISET
Oui, mais en tout cas ceux qui ont eu un peu de moyens de mettre de l'argent de côté, ont une part de la reprise entre les mains, on est aujourd'hui à plus de 60 milliards d'économies, eh bien ceux qui le peuvent, consommez, faites-vous plaisir, faites les achats utiles, de façon à participer à cette reprise qui est essentielle pour éviter des plans sociaux, pour éviter le chômage.
BERNARD POIRETTE
Enfin, moi je note surtout que les ménages ont épargné 80 milliards d'euros depuis le mois de mars et qu'ils ont presque tout mis sur leur livret A, qui explose littéralement les plafonds de collecte.
ALAIN GRISET
Oui.
BERNARD POIRETTE
Donc ils n'ont pas l'air prêt à consommer les Français !
ALAIN GRISET
Eh bien il faudrait qu'ils le fassent, pour ceux qui le peuvent, ça participerait justement à la reprise économique. Vous imaginez 80 milliards dans l'économie, c'est presque autant que le plan de relance, donc chaque Français, qui le peut, encore une fois, je pense, ferait bien de contribuer à cette relance économique.
BERNARD POIRETTE
700.000 emplois ont été détruits sur les six derniers mois, surtout dans le domaine qui est le vôtre, c'est-à-dire les TPE-PME, ou c'est malheureusement également réparti pour tous, les grandes entreprises et les petites ?
ALAIN GRISET
C'est pas seulement les emplois détruits, c'est les emplois qui n'ont pas été créés.
BERNARD POIRETTE
Oui, c'est un défaut de création.
ALAIN GRISET
Voilà, c'est là où on se rend compte que, parce qu'il y a moins d'activités, les entreprises embauche moins, par contre les TPE, les PME, ce n'est pas égal, mais globalement, pour l'instant, se sont maintenues, grâce d'ailleurs à tout ce que l'Etat a pu faire comme soutien, comme accompagnement, et dont d'ailleurs moi je rends hommage aux chefs d'entreprise qui, pour beaucoup d'entre eux, ont eux-mêmes sacrifié leur ressource, leur revenu, pour maintenir leur entreprise, et ils méritent qu'on les accompagne, et on va continuer à le faire.
BERNARD POIRETTE
Vous avez peut-être entendu tout à l'heure l'un des chroniqueurs de la première demi-heure dire ça a été incroyable, cet été le nombre d'entreprises qui ont changé de mains, notamment dans le secteur du textile, de l'alimentation, il a cité toute une série. Alors, moi je veux bien que ça change de main, mais est-ce que, un, les salariés de ces entreprises s'y retrouvent systématiquement, et les consommateurs aussi parce que, au changement de main, il y a toujours des réductions de personnel, toujours, et donc moi je me pose la question de savoir si cette affaire du Covid n'est pas une excellente opération financière pour les gens qui ont l'argent, dans ce pays, mais pas forcément pour les salariés et les consommateurs.
ALAIN GRISET
Ecoutez, en tout cas dans les secteurs, qui sont ceux qui sont de mon ministère, les entreprises, vous savez, qui ont 10, 20, 30 salariés, quand il y a un changement de main, ce n'est pas pour « de faire partir des salariés », souvent ces entreprises ont besoin de compétences. D'ailleurs, j'ai le souvenir, parce que ce n'est pas très lointain, au mois de février dernier, dans la responsabilité que j'avais à cette époque-là, le défi que nous avions c'était de trouver des salariés parce que l'activité était telle qu'on ne trouvait pas les salariés pour faire marcher les entreprises…
BERNARD POIRETTE
On dirait la préhistoire, c'était il y a six mois.
ALAIN GRISET
Ressortez les articles de l'époque…
BERNARD POIRETTE
Oui, oui, je me souviens très bien.
ALAIN GRISET
Et donc, quand une entreprise qui a 5, 10 salariés, a des salariés, compétents, d'abord il y a une relation personnelle entre l'employeur et le salarié qui fait qu'on ne s'en sépare pas comme ça, et ensuite, quand on a un salarié compétent, on le garde, parce que sinon on perd la valeur ajoutée de l'entreprise. Ces entreprises-là, leur valeur ce n'est par le capital financier, le capital de ces entreprises c'est les hommes et les femmes qui les constituent…
BERNARD POIRETTE
C'est les gens, oui.
ALAIN GRISET
C'est les gens, le chef d'entreprise et ses salariés, et donc je peux vous assurer que ces entrepreneurs-là ils ont envie de garder leurs salariés et c'est vraiment à contrecoeur, quand ils doivent s'en séparer, qu'ils le font.
BERNARD POIRETTE
Vous qui représentez 95% des entreprises françaises, qui sont toutes petites, voire moyennes, est-ce que vous avez l'impression, pour le moment, d'avoir été aussi bien servi par les aides d'Etat que les grands groupes comme RENAULT, AIR FRANCE, qui ont reçu des milliards d'euros, des milliards, est-ce que vous vous avez eu correctement votre part ?
ALAIN GRISET
Je pense que quand vous ajoutez le prêt garanti par l'Etat, 115 milliards, plus de 90% pour les PME-TPE, quand vous rajoutez l'activité partielle, quand vous ajoutez le report, l'exonération de cotisations, et quand vous ajoutez le fonds de solidarité, 1,7 million entreprises, au bout du compte il y a là plusieurs dizaines de milliards qui ont été mis en place pour les PME et les TPE. Alors, ce n'est pas une entreprise, comme RENAULT ou comme AIRBUS, mais ce sont des centaines de milliers d'entreprises qui ont été soutenues, qui ont été accompagnées, il faut le dire très clairement, je l'ai dit avant d'être ministre, il n'y a pas de raison que je ne le dise pas aujourd'hui, la France est le pays qui a le plus accompagné les entreprises au monde.
BERNARD POIRETTE
Plus que l'Allemagne ?
ALAIN GRISET
Plus que l'Allemagne, naturellement, parce que l'Allemagne, ils ont donné une somme au début, comme ça, et puis après c'est tout, alors que quand vous cumulez les différents dispositifs, on fera le point à un moment donné, vous verrez, la France aura été le pays qui aura le plus accompagné les entreprises, quelle que soit leur taille.
BERNARD POIRETTE
Malgré cette aide massive du gouvernement, que vous venez de décrire Monsieur GRISET, est-ce que certaines, malheureusement, ne survivront pas, je pense par exemple au domaine de la culture, ça peut aussi être chez vous, par exemple les petites discothèques, ça peut être une PME une discothèque, elles sont fermées depuis 6 mois, elles n'ont aucune perspective de réouverture, ils sont morts eux !
ALAIN GRISET
Je n'espère pas, d'ailleurs je les ai reçus très vite après ma nomination, nous avons discuté avec leurs représentants, nous avons mis en place un dispositif très particulier…
BERNARD POIRETTE
Pour eux ?
ALAIN GRISET
Pour eux, puisque d'abord on a modifié les critères du fonds de solidarité, auquel ils n'avaient pas accès pour beaucoup d'entre eux, deuxième chose, nous avons, dans ce fonds de solidarité, modifié ce qu'on appelle le niveau 2, niveau 1 c'est 1500 euros, niveau 2 c'était 5000, et pour eux, sur 3 mois, on est passé à 45.000. C'est un premier pas, qui était indispensable, j'ai bien conscience que ce n'est ça qui va totalement les sauver, naturellement. Je leur avais promis, et je vais le faire, de les recevoir fin août, donc la semaine prochaine, la semaine après, nous allons de nouveau retravailler avec eux, parce que c'est vrai que pour l'instant il n'y a pas de perspective d'ouverture. Pourquoi ? Parce que le Conseil de défense dit interdiction, et donc on va regarder avec eux comment on peut effectivement mettre en place les outils permettant d'éviter des fermetures totales de ces discothèques, parce que… ça fait partie de la vie, pour les jeunes et autres, et que naturellement ça serait dramatique qu'on ferme toutes les discothèques en France.
BERNARD POIRETTE
Merci beaucoup Alain GRISET, ministre délégué aux TPE-PME, sur Radio Classique ce lundi matin, je vous souhaite une bonne semaine et une bonne fin d'été…
ALAIN GRISET
Merci, à vous également.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 août 2020