Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, à RTL le 24 août 2020, sur la politique économique du gouvernement.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

ALBA VENTURA
Bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Alba VENTURA.

ALBA VENTURA
Alors, on s'attendait demain à une présentation du plan de relance par le Premier ministre Jean CASTEX, plan de relance à 100 milliards d'euros. Pourquoi ça a été reporté ? Moi, je croyais que la situation économique était tout aussi importante que la situation sanitaire.

BRUNO LE MAIRE
Elle est tout aussi importante, il y a une urgence économique, il y a une urgence sanitaire, et nous mettons au même niveau l'urgence économique et l'urgence sanitaire, simplement, le président de la République et le Premier ministre ont estimé, et ils ont raison, qu'il fallait sans doute resserrer un certain nombre de boulons dans cette rentrée pour garantir la sécurité sanitaire, c'est ce qui va être fait dans les prochains jours, ça ne change rien, je dis bien absolument rien aux mesures qui seront prises dans le cadre de ce plan de relance, les mesures sont prêtes, le plan de relance est prêt, et que les mesures soient annoncées la semaine prochaine, dans 10 jours, dans 15 jours ou qu'elles soient annoncées maintenant, ne change rien au fait qu'elles seront adoptées d'ici la fin de l'année pour être mises en oeuvre au début de l'année prochaine.

ALBA VENTURA
Alors, c'est vrai qu'une semaine, ça ne change rien, les Français quand même attendent des résultats, quand je dis les Français, les ménages, les jeunes, les entreprises, une partie des mesures de ce plan de relance ont déjà été plus ou moins dévoilées d'ailleurs par vous-même, vous aviez annoncé début juillet l'annulation d'une partie des charges des entreprises, ce qu'on appelle les impôts de production, c'est ces charges qui ne sont pas liées aux résultats de l'entreprise. Est-ce que cette piste est toujours valable et est-ce que vous allez aller plus loin ?

BRUNO LE MAIRE
Mais cette piste est toujours valable, mais ce ne sont pas que des pistes, et ce ne sont pas que des mesures qui ont été annoncées, ce sont des mesures qui sont mises en oeuvre, nous avons fait le choix depuis le premier jour de cette crise d'une intervention publique massive, immédiate, et efficace, et s'il y a eu au mois de mai et de juin une reprise de la consommation, un redémarrage de l'économie, c'est parce que nous avons réagi vite et fort, que nous avons fait le maximum, et nous continuerons à faire le maximum ; toutes les mesures qui sont indispensables pour cette rentrée, elles sont déjà en oeuvre, nous n'avons pas attendu d'être à la fin du mois pour les mettre en oeuvre. Je vous donne juste un exemple qui est le plus important pour nos auditeurs, l'emploi des jeunes, il y a des centaines de milliers de jeunes qui vont arriver sur le marché du travail d'ici quelques jours…

ALBA VENTURA
700.000 à 800.000.

BRUNO LE MAIRE
Ou qui le sont dès maintenant, mais je veux dire aux chefs d'entreprise, n'oubliez pas que la prime de 4.000 euros pour l'embauche d'un jeune jusqu'à 26 ans en CDI, elle est disponible, prime de 4.000 euros annuelle…

ALBA VENTURA
Donc là, vous dites : allez-y…

BRUNO LE MAIRE
Je leur dis : allez-y, les mesure sont déjà là, une fois encore…

ALBA VENTURA
Embauchez, n'ayez pas peur…

BRUNO LE MAIRE
Nous n'avons pas attendu pour répondre à l'urgence économique, nous avons frappé vite, frappé fort, fait le maximum avec le président de la République et le Premier ministre, croyez-moi, nous sommes déterminés à continuer à faire le maximum, vous voulez embaucher un apprenti, il y a beaucoup d'apprentis aujourd'hui qui ont du mal à trouver une place, 8.000 euros de prime pour un apprenti de plus de 18 ans, 5.000 euros de prime pour les autres, donc on peut aujourd'hui embaucher des jeunes, les mesures sont disponibles, elles sont prêtes, elles sont en oeuvre…

ALBA VENTURA
Bruno LE MAIRE, Monsieur le Ministre, vous savez bien que cette aide, elle sera versée dans les 4 mois après la déclaration faite, 4 mois, est-ce qu'il y a des entreprises qui peuvent se permettre d'embaucher tout de suite alors qu'elles n'ont pas encore l'aide versée ?

BRUNO LE MAIRE
Mais les entreprises peuvent embaucher tout de suite…

ALBA VENTURA
Donc vous leur dites : c'est garanti ?

BRUNO LE MAIRE
Peuvent bénéficier, c'est garanti, c'est maintenant, regardez, elles peuvent prendre ce qui a été fait il y a encore quelques semaines ou quelques mois, regardez ce que nous avons fait sur le chômage partiel, nous avons mis 30 milliards d'euros sur la table pour que les entreprises ne licencient pas et qu'elles gardent leurs salariés, nous avons mis en place aujourd'hui l'activité partielle de longue durée, elle est en place, elle est mise en oeuvre, regardez SAFRAN qui a déjà conclu un accord qui permet d'éviter les licenciements, donc je le redis, les mesures, elles sont disponibles, elles sont efficaces, le soutien à la demande, même chose, regardez ce qui s'est passé dans l'industrie automobile, nous avons réussi en juin 2020, juin dernier, à vendre plus de voitures qu'en juin 2019, parce que nous avons soutenu la consommation de voitures automobiles en particulier décarbonées et électriques en France.

ALBA VENTURA
Laissez-moi revenir un instant sur ce qu'on appelle les impôts de production, parce que, pardon, mais on est à 2 jours de l'université d'été du MEDEF, et les patrons vous écoutent, ce sont donc des nouvelles exonérations de charges pour les entreprises, vous allez donc alléger leurs factures ?

BRUNO LE MAIRE
Si vous me permettez, Alba VENTURA, je vais élargir un tout petit peu le sujet, il y a 100 milliards d'euros du plan de relance qui vont être mis en oeuvre…

ALBA VENTURA
Non, parce qu'ils veulent savoir exactement quels impôts de production vont sauter…

BRUNO LE MAIRE
Je vous rassure, je vais être très précis. Il y a 5 milliards d'euros disponibles dans le cadre du plan de relance qui s'ajoutent aux 460 milliards d'euros que nous avons déjà mis sur la table, mais il y a aussi 100 milliards d'euros d'épargne, qui ont été mis de côté par les Français à la faveur de cette crise du Covid. Ce que je souhaite, c'est que les Français puissent dépenser cet argent pour relancer l'économie, et que les entreprises puissent participer à la relance de cette économie, pour ça, il y a un principe absolu, nous n'augmenterons aucun impôt, nous garantirons les baisses d'impôts qui ont été promises aux Français, nous leur avons promis de supprimer la taxe d'habitation pour tous les Français d'ici 2023, elle sera supprimée pour tous les Français d'ici 2023 dans le calendrier qui était promis. Nous avons promis…

ALBA VENTURA
2023, si vous êtes encore là, ça peut être remis en cause à la fin du quinquennat…

BRUNO LE MAIRE
Tout peut toujours être remis en cause, c'est la vie, c'est la vie politique, mais pour ce qui tient de nos engagements en termes de baisse d'impôt sur la taxe d'habitation, ils seront tenus, nos engagements sur la baisse de l'impôt sur les sociétés qui doit être ramenée à 25% pour toutes les entreprises en 2022, cet engagement sera tenu, et les impôts de production dont vous me parlez qui pèsent aujourd'hui sur l'industrie, pourquoi est-ce que je tiens tant depuis plusieurs années à baisser ces impôts de production, c'est parce que je crois à la relocalisation industrielle de mon pays, que rien ne m'a plus choqué que cette désindustrialisation massive en France, et que si vous voulez qu'une usine ouvre ses portes en France ou étende son activité en France, il ne faut pas lui dire qu'avant même qu'elle ait fait un euro de profit, on va la taxer, donc nous baisserons à partir du 1er janvier prochain de 10 milliards d'euros les impôts de production sur les entreprises pour qu'elles créent des emplois, et pour que nous réussissions la relocalisation industrielle, qui est une question économique, mais je vais vous dire aussi une question culturelle, parce que l'industrie fait partie de la culture française.

ALBA VENTURA
Et vous nous détaillerez, j'imagine, plus tard, quels seront ces impôts de production…

BRUNO LE MAIRE
Je peux vous le dire, il y aura de la CVAE, la contribution sur la valeur ajoutée, ce sera l'élément principal de la baisse des impôts de production, mais je souhaite que d'autres taxes locales soient aussi concernées parce qu'elles pénalisent beaucoup les implantations industrielles, et que, une fois encore, je veux que cette relocalisation industrielle bénéficie à nos territoires, à nos emplois, y compris dans les endroits les plus reculés de France.

ALBA VENTURA
J'ai encore une question sur les entreprises qui ont bénéficié notamment des prêts garantis par l'Etat, est-ce que les entreprises et notamment les PME qui ont bénéficié de ces prêts vont devoir rembourser ?

BRUNO LE MAIRE
On doit toujours rembourser un prêt…

ALBA VENTURA
Alors à quel taux ?

BRUNO LE MAIRE
Simplement, je connais les inquiétudes de toutes ces petites entreprises, je pense aux hôtels, je pense aux restaurants, je pense aux commerces, qui ont contracté un prêt garanti par l'Etat à un taux très avantageux, 0,25%, et elles se disent : eh bien, d'ici un an, maintenant, d'ici 9 mois, il va falloir que je rembourse, et je ne peux pas rembourser, donc il va falloir que j'étende la durée de mon prêt, quel va être le taux, est-ce que le taux ne va pas être prohibitif, je veux leur garantir ce matin que le taux restera attractif, je suis en négociation avec les banques françaises qui ont parfaitement joué le jeu pendant cette crise pour soutenir les entreprises, elles s'engageront à maintenir un taux attractif pour une entreprise…

ALBA VENTURA
C'est quoi attractif ?

BRUNO LE MAIRE
Laisser la négociation aller jusqu'au bout, c'est une négociation qui est comme toutes les négociations financières difficiles, mais je souhaite qu'un restaurant, qu'un hôtel, qu'un commerce qui décide au bout d'un an, non pas de rembourser son prêt à 0,25%, mais de prolonger la durée de 1 an, 2 ans, jusqu'à 5 ans, puisse le faire à un taux qui reste attractif, de façon à éviter les faillites.

ALBA VENTURA
Parmi les autres mesures du plan de relance, vous aviez annoncé Bruno LE MAIRE, 30 milliards pour la croissance verte, vous l'avez évoqué tout à l'heure, est-ce qu'on doit comprendre qu'il va y avoir de nouveaux crédits d'impôt pour les ménages, quand on veut isoler, quand on veut faire de la rénovation thermique ?

BRUNO LE MAIRE
Si on a décidé de reporter les annonces précises du plan de relance, ce n'est pas pour que je les donne toutes ce matin, ce que je peux garantir, c'est deux choses, la première, c'est que ce plan de relance sera bien un plan vert, nous devons avoir une économie qui à la sortie de cette crise accélère sa décarbonation, soit plus vertueuse du point de vue environnemental, parce que c'est ce qui fera le succès de l'économie française. Le deuxième point sur lequel…

ALBA VENTURA
Donc est-ce qu'il y aura des nouveaux crédits d'impôt ?

BRUNO LE MAIRE
Mais il y aura, il y a déjà des crédits d'impôt qui sont disponibles, vous verrez les sommes qui y sont allouées, je me suis engagé à ce que 30% des crédits du plan de relance soient consacrés à la transition écologique, il y aura bien 30% des crédits du plan de relance qui seront consacrés à la transition écologique, et ce plan de relance doit être fondamentalement un plan d'investissement, un plan d'investissement pour tous les Français…

ALBA VENTURA
Donc vous allez investir par exemple dans le rail, à la SNCF ?

BRUNO LE MAIRE
Vous verrez, attendez, un peu de patience, dans quels domaines nous investirons, mais c'est un plan d'investissement pour tous les Français, il y a bien entendu des mesures de soutien à la demande, j'ai cité l'industrie automobile, on pourrait citer l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, qui a augmenté de 100 euros, mais ce plan de relance doit permettre à l'économie française de sortir plus forte de la crise, et elle peut sortir plus forte, plus compétitive, plus verte de la crise, c'est un plan d'investissement pour l'avenir des Français.

ALBA VENTURA
Vous aviez dit au plus fort de la tempête, c'est la crise la plus grave vécue depuis la deuxième guerre mondiale, est-ce que nous sommes, vous dites, on va sortir plus fort, mais là, on est toujours dans un moment extrêmement critique.

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr qu'on est dans un moment critique, on ne peut pas avoir une crise qui est la plus importante que la France ait connu de son histoire moderne avec un tiers des capacités productives qui on été à l'arrêt, et puis, ensuite, arriver et vous dire : ne vous inquiétez pas, dans 3 mois, tout est réglé, ce n'est pas vrai, ça prendra du temps, ça demandera de l'énergie de la part de chacun, de tous, de l'engagement de la part des entreprises, mais d'ici 2 ans, c'est l'objectif que nous nous sommes fixé avec le président de la République et le Premier ministre, d'ici 2 ans, en 2022, la France devrait avoir retrouvé le même niveau de richesse économique qu'avant la crise…

ALBA VENTURA
Vous aviez annoncé une croissance négative à moins 11% en juin, l'INSEE a l'air de tabler sur une récession à moins 9, est-ce que ça veut dire que ce sera moins pire que prévu ?

BRUNO LE MAIRE
Pour le moment, je confirme ce chiffre de moins 11% de récession pour 2020, tout simplement, parce qu'il y a eu effectivement un bon redressement en mai et juin, mais nous avons d'ici la fin de l'année beaucoup d'incertitudes internationales, le Brexit, l'élection américaine, le nouveau plan quinquennal en Chine, tout cela pèse sur le commerce mondial, donc sur la croissance française.

ALBA VENTURA
Je reviens sur ce que vous disiez au début et pour terminer, vous avez dit, en raison de la situation sanitaire, il va falloir serrer les boulons parfois, le journal La Provence annonce ce matin un tour de vis à Marseille de la part du gouvernement, en raison d'une augmentation du nombre de cas et du nombre d'hospitalisations, les bars pourraient fermer à partir de 20h, c'est ça ?

BRUNO LE MAIRE
Je ne suis pas responsable des décisions dans ce domaine, la seule chose sur laquelle je veux insister, c'est que nous allons réussir cette relance économique, la France, elle a tout pour réussir, regardez la situation juste avant la crise, il y a quelques mois, 1,5% de croissance, un chômage qui baissait, la nation la plus attractive en Europe, nous avons tout pour réussir, il y a un seul écueil, cet écueil, c'est le manque de responsabilité que nous pourrions avoir face à la crise sanitaire, et donc la reprise de l'épidémie, c'est le seul vrai écueil sur le chemin du redressement économique français, donc j'appelle chacun à faire preuve de sens des responsabilités, à respecter les gestes barrière, la distanciation sociale, pour que nous réussissions tous ensemble le redressement de l'économie française, parce que, je le redis, l'urgence économique est à mettre au même niveau que l'urgence sanitaire.

ALBA VENTURA
Merci Monsieur le Ministre. Merci Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Merci Alba VENTURA.

YVES CALVI
Bruno LE MAIRE qui annonce, je le cite, un revissage de boulons sur le plan sanitaire, en ce qui concerne l'économie, c'est-à-dire, son domaine, nous n'augmenterons aucun impôt, vient de nous dire le ministre, et 10 milliards de baisse d'impôts de production pour nos entreprises sont confirmés d'ici 2 ans, la France devra retrouver son niveau d'avant la crise vient de nous dire le ministre.


Qource : Service d'information du Gouvernement, le 25 août 2020