Interview de M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à France Info le 28 août 2020, sur l'obligation de porter le masque, la chasse, l'élevage, les abattoirs et la sécheresse.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
Je salue tout d'abord Salhia BRAKHLIA qui rejoint Franceinfo et avec qui j'aurai le plaisir chaque matin de mener cet entretien. Bienvenue à toi, à vous Salhia.

SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Marc.

MARC FAUVELLE
Ça va être une belle année. Et bonjour à vous, Julien DENORMANDIE.

JULIEN DENORMANDIE
Bonjour.

MARC FAUVELLE
Vous êtes arrivé masque ce matin dans ce studio, comme les sept millions de Franciliens qui ont depuis un peu plus d'une demi-heure l'obligation de porter ce masque.

JULIEN DENORMANDIE
Oui. Je crois et c'est important et puis je voudrais le dire très clairement : aujourd'hui, l'enjeu c'est de protéger. C'est d'abord de protéger notre santé, c'est évident. Ce sont ces mesures, et on a pleinement conscience que ces mesures ont des contraintes dans notre vie quotidienne. Ce n'est jamais agréable de devoir porter ces masques au quotidien. Mais c'est important pour se protéger, protéger notre santé, je le disais. Et puis surtout et également, c'est de protéger nos emplois, notre économie. Parce que qu'est-ce qu'on essaie d'éviter en prenant ces mesures de précaution ? C'est de devoir reconfiner. On a vu les dégâts du reconfinement sur l'économie française avec des dégâts économiques et sociaux. Avec parfois des enfants qui vivaient très mal le fait de ne pas pouvoir aller à l'école. Des moments familiaux qui nous étaient interdits. Et donc on doit se protéger d'un point de vue sanitaire, d'un point de vue économique et ça nécessite d'appliquer ces mesures de précaution certes contraignantes mais qui sont nécessaires.

MARC FAUVELLE
Vous pensez que tout le monde va jouer le jeu ? Que tout le monde va le porter ?

JULIEN DENORMANDIE
Je l'espère et j'en appelle vraiment évidemment à la responsabilité de chacun. Moi je note objectivement que beaucoup de personnes aujourd'hui portent ce masque et, en réalité dans notre société, ce n'était pas évident. Il y a des sociétés à travers le monde où le port du masque est une habitude ; ce n'était pas le cas en France. Et aujourd'hui, vous avez pu le constater cet été, depuis la fin du confinement, il y a aujourd'hui une habitude qui se prend. Il faut maintenant qu'elle soit totale. Je le dis de manière peut-être un peu crue mais désormais quand vous habitez à Paris, il faut sortir couvert. Couvert de votre masque. C'est une nouvelle…

MARC FAUVELLE
A Paris et dans treize mille villes en France. Paris, petite banlieue, Bordeaux, Marseille pour ne citer qu'elles.

JULIEN DENORMANDIE
Je dis Paris parce que le débat de ce matin était cristallisé sur Paris. Mais évidemment à Paris comme dans toutes ces villes, il faut avoir ce réflexe de sortir couvert. C'est-à-dire vous franchissez la porte de chez vous, vous ne la franchissez pas sans avoir pris votre masque et sans le mettre.

SALHIA BRAKHLIA
Julien DENORMANDIE, obligation de porter un masque dans la rue pour les piétons, ceux à vélo, en trottinette, à deux roues, quand on fait son jogging aussi. Alors la mairie ne comprend pas pourquoi on oblige les cyclistes à porter un masque alors même qu'on peut toujours voyager à deux, à trois, à quatre en voiture sans en porter. Emmanuel GREGOIRE, Premier adjoint de la mairie de Paris, était notre invité tout à l'heure sur Franceinfo. Ecoutez-le.

EMMANUEL GREGOIRE, PREMIER ADJOINT A LA MAIRIE DE PARIS
Nous sommes opposés au port du masque à vélo. C'est un arbitrage de la préfecture de police avec lequel nous ne sommes pas d'accord parce que nous n'en comprenons pas le fondement scientifique. Nous demandons à revenir sur cette décision et à réfléchir sur la question du jogging parce que, là aussi, quiconque a fait du jogging dans sa vie sait que c'est impossible de le faire avec un masque.

SALHIA BRAKHLIA
C'est la préfecture de police qui a pris la décision. On ne comprend pas les critères.

JULIEN DENORMANDIE
Vous savez, moi je ne suis pas médecin, je suis ingénieur agronome. Je ne suis pas médecin.

MARC FAUVELLE
Le préfet non plus.

JULIEN DENORMANDIE
Oui, mais enfin le préfet il le prend avec des services qui s'appellent les services régionaux de santé qui, eux, sont remplis de médecins si je puis dire. Donc moi ce que je fais mais ce que j'applique en tant que citoyen, comme les citoyens des treize mille communes que vous évoquiez, c'est qu'il y a des instructions qui sont données, relayées par les préfectures sur ces conditions sanitaires.

SALHIA BRAKHLIA
Mais comment les Franciliens peuvent accepter les règles si elles ne sont pas claires pour eux, si elles ne sont pas justifiées ?

JULIEN DENORMANDIE
Oui, mais parce que vous savez, dans ces moments-là chacun essaye d'imaginer ce qu'il aurait fait s'il avait été le médecin qui allait donner ses instructions, relayées ensuite par les préfectures. Moi je crois que c'est ça aussi être membre dans une société. C'est de se dire il y a des spécialistes, il y a des personnes dont c'est le métier. Il s'avère que ces personnes-là donnent ces instructions. On peut parfois ne pas totalement les saisir. Il faut les expliquer évidemment mais, en tout cas, au moment où on se parle, il faut les appliquer. C'est ça que je dis très clairement. Vraiment si j'ai un message, dans ces treize mille communes où il y a ce port du masque obligatoire, sortez couvert, sortez avec votre masque et suivez les instructions qui sont données.

MARC FAUVELLE
Un pays comme l'Espagne, Julien DENORMANDIE, a pris une mesure radicale il y a quelques jours : c'est d'imposer le masque partout à l'extérieur. En France ça change quasiment tous les jours, en fonction des villes, des régions, des départements. Marseille il y a quelques jours, une partie de l'Ile-de-France aujourd'hui. Est-ce que la méthode Castex est vraiment plus claire que la méthode Edouard PHILIPPE ?

JULIEN DENORMANDIE
Moi je pense qu'elle est importante, cette méthode Castex.

MARC FAUVELLE
C'est quoi ?

JULIEN DENORMANDIE
C'est de partir des réalités du territoire. C'est-à-dire très concrètement on fixe une ligne générale avec des principes. Regardez pour la rentrée scolaire, c'est ce que nous avons fait. Nous avons fixé une ligne générale qui est de dire : il faut que les enfants puissent retourner normalement, en vivant avec le virus, mais retourner normalement à l'école. Ça nécessite d'avoir un port du masque généralisé pour les enfants y compris dès la 6ème. Maintenant on sait bien que sur des territoires, il y a des différences. D'où on est le mieux placé pour prendre en compte ces différences ? Est-ce que c'est depuis un ministère ici ou est-ce que c'est depuis les territoires eux-mêmes ? Evidemment c'est depuis les territoires. Mais alors après, quand vous l'analysez de manière macro depuis ici, vous dites mais pourquoi toutes ces différences ? Je peux vous dire que sur les territoires, les gens qui ont ces différences le plus souvent ils les comprennent et c'est très bien ainsi.

SALHIA BRAKHLIA
Justement à Marseille, on ne comprend pas forcément les décisions qui sont prises par le gouvernement. Michèle RUBIROLA, la maire de Marseille, s'est exprimée hier. Ecoutez-la.

MICHELE RUBIROLA, MAIRE DE MARSEILLE
Ils décident depuis Paris de ce qui serait bon pour notre ville, sans entamer le dialogue nécessaire avec les élus, et surtout sans nous donner les moyens de faire respecter les décisions qui sont les leurs.

SALHIA BRAKHLIA
« Ils », c'est le gouvernement. Il n'y a pas eu de concertation, c'est ce qu'elle dit.

JULIEN DENORMANDIE
Je crois vraiment… Enfin, vous voyez et votre question précédente le montrait, la méthode Castex. Il y a un Premier ministre qui ne cesse de consulter, de croire dans les territoires, d'être appuyé sur les maires.

SALHIA BRAKHLIA
Mais ce n'est pas ce qu'elle dit. Elle est maire de Marseille.

JULIEN DENORMANDIE
Ce n'est pas ce qu'elle dit mais enfin la question précédente qui m'a été posée, c'est de se dire : est-ce qu'on ne territorialise pas un peu trop ? Donc vous voyez, il y a un juste équilibre à trouver très certainement. Concerter, ça ne veut pas dire à la fin qu'il y a consensus. Je crois que c'est bien normal. Enfin il y a des responsabilités que chacun doit prendre mais il y a de la concertation avec les territoires.

SALHIA BRAKHLIA
Mais qui décide à la fin ? Ce sont les préfets ou alors ce sont les élus sur le terrain ?

JULIEN DENORMANDIE
Ce sont les autorités en concertation avec les élus locaux mais, à la fin des fins, il est important que les autorités évidemment puissent décider, encore une fois en concertation avec les élus locaux parce que les élus locaux ont eux-mêmes beaucoup de responsabilités et beaucoup d'actions qu'ils mènent avec un courage formidable et avec énormément d'efficacité. Donc notre souhaite, c'est de s'appuyer au maximum sur eux.

MARC FAUVELLE
Jean CASTEX a raison de dire aux Français qu'il faut limiter au maximum les événements familiaux, les fêtes familiales ?

JULIEN DENORMANDIE
Ça me fait beaucoup de mal à le dire mais oui, malheureusement oui.

MARC FAUVELLE
Ça vaut pour les ministres ?

JULIEN DENORMANDIE
Oui, ça vaut pour les ministres.

MARC FAUVELLE
Ça vaut pour les ministres qui avaient prévu par exemple, comme l'un de vos collègues, de se marier ce week-end ?

JULIEN DENORMANDIE
Je ne rentrerai pas sur ce terrain-là. Objectivement c'est la vie privée de certains et ce n'est absolument pas à moi de le dire.

MARC FAUVELLE
C'est le ministre de l'Intérieur, Gérald DARMANIN. On n'ira pas plus loin sur sa vie privée mais qui se marie, avec une partie du gouvernement qui est invitée. Je ne sais pas si vous l'êtes. Ça vous regarde, pas moi.

JULIEN DENORMANDIE
Objectivement, ce n'est pas à moi de porter un quelconque jugement là-dessus. C'est des comportements de chacun.

MARC FAUVELLE
Ce n'est pas une fête familiale, un mariage ?

JULIEN DENORMANDIE
Mais les mariages aujourd'hui sont autorisés donc ne pointez pas du doigt un mariage par rapport à d'autres. Les mariages, ça vous prend dans votre intimité. Moi je suis d'abord très, très heureux pour lui. Très heureux pour lui.

MARC FAUVELLE
Très heureux pour Gérald DARMANIN. Ce n'est pas du tout la question du bonheur que je pose, c'est celle des risques sanitaires.

JULIEN DENORMANDIE
Est-ce que dans votre entourage, dans votre famille pendant l'été, vous connaissez des personnes qui ont participé à des mariages ? Oui, je suis sûr que vous en connaissez. L'été est une période et, qui plus est, il y a des gens ça fait des mois qu'ils attendaient de pouvoir se marier. Par contre, ces mesures de précaution dans une fête familiale, dans un mariage, à l'occasion d'un enterrement malheureusement, elles doivent être pleinement respectées. C'est ça cette responsabilité de chacun. J'ai entendu tout le débat de savoir est-ce que, lorsque le Premier ministre dit : « Il faut que Papy et Mamy voient peut-être un peu moins leurs petits-enfants »…

MARC FAUVELLE
N'aillent pas chercher les enfants à la sortie.

JULIEN DENORMANDIE
Exactement. Moi j'ai quatre enfants, j'ai des grands-parents qui adorent leurs enfants, qui adorent les voir.

MARC FAUVELLE
Et à qui vous avez dit : ce sera non encore en septembre.

JULIEN DENORMANDIE
A qui on limite au maximum, et je crois que c'est des choses qui vous font mal à chacun. C'est des choses pour lesquelles c'est parfois plus compliqué pour certains parce que vous avez la nécessité de vous appuyer sur les grands-parents, mais là aussi c'est de la responsabilité de chacun.

MARC FAUVELLE
On a fait le mariage de Gérald DARMANIN, on a fait les grands-parents de Julien DENORMANDIE, on va s'interrompre un instant pour le fil info et on va reprendre avec les dossiers qui vous concerne directement, qui sont ceux de l'agriculture et notamment de la chasse.

(…)

- Toujours avec le Ministre de l'Agriculture Julien DENORMANDIE et Salhia BRAKHLIA.

SALHIA BRAKHLIA
Monsieur le Ministre, c'était une demande de l'Europe. Emmanuel MACRON a décidé hier d'interdire pour un an la chasse à la glu pour les grives et les merles cette année donc. La chasse à la glu pour ceux qui ne le savent pas consiste en fait à piéger des petits oiseaux avec de la colle pour en attraper des plus gros. Pourquoi ç'a mis autant de temps d'interdire la chasse à la glu ?

JULIEN DENORMANDIE
Parce que vous avez deux choses. D'abord, vous savez, ça fait partie de ces chasses traditionnelles. Alors ç'a une spécificité, la chasse à la glu, par rapport à d'autres chasses traditionnelles. C'est, comme vous l'avez très bien expliqué, elle n'est pas considérée comme sélective. C'est-à-dire que vous mettez de la glu sur un bâton et l'oiseau que vous chassez, c'est celui qui arrive sur ce bâton-là. Donc elle est dite non sélective. Ça fait que ça emporte des considérations : des considérations de biodiversité, des considérations vis-à-vis de l'action que vous avez en tant que chasseur. Et puis le deuxième élément, c'est qu'il y a un débat juridique autour de cette chasse et, vous l'avez dit aussi, au niveau européen. C'est-à-dire que nous sommes en attente…

SALHIA BRAKHLIA
La France était le dernier pays à autoriser la chasse à la glu.

JULIEN DENORMANDIE
Oui. Mais il s'avère que le débat européen d'un point de vue juridique n'est pas terminé. On attend la décision de la Cour de justice de l'Union européenne. Cette décision, elle devrait arriver et dans l'attente…

MARC FAUVELLE
Si cette décision est défavorable à la France, la suspension sera définitive ?

JULIEN DENORMANDIE
En tout cas, le signe qui a été envoyé ç'a été de dire : on suspend le temps de l'attente de la décision de cette cour de justice européenne.

MARC FAUVELLE
Donc c'est une suspension. C'est provisoire pour l'instant. Si la décision européenne ne va pas dans votre sens, la chasse à la glu pourra être à nouveau autorisée.

JULIEN DENORMANDIE
Pourquoi ? Parce que comment ça fonctionne ? En fait, ce sont des quotas d'oiseaux - pardon de rentrer dans cette technicité – ce sont des quotas d'oiseaux que vous donnez chaque année. C'est pour ça qu'on parle d'une base annuelle. C'est chaque année que vous vous posez la question. Cette année, la question a été posée. On a suspendu. Il s'avère que dans l'année, la cour de justice de l'Union européenne…

SALHIA BRAKHLIA
Mais pourquoi dans les autres pays européens c'est interdit et, en France, ça continue ? Est-ce que le lobby des chasseurs est important ?

JULIEN DENORMANDIE
Non. Vous savez, moi je connais très bien les chasseurs. Je respecte profondément les chasseurs et je pense que souvent on leur colle une image qui n'est pas l'image véritable des chasseurs. Mais on est un pays rempli de traditions, on ne nous l'enlèvera pas. Et moi je trouve que c'est très bien. Ces traditions, elles nous font vivre, elles sont une part de notre identité et les chasses traditionnelles en font partie.

SALHIA BRAKHLIA
Même si cette technique est un peu barbare.

JULIEN DENORMANDIE
En revanche ces traditions, elles ne sont pas les mêmes dans notre pays que dans d'autres pays européens, où certaines pratiques dans d'autres pays européens on les considérait comme absolument pas adaptées à ce qu'est notre culture française. C'est ça, c'est ça la France. Il s'avère qu'en l'occurrence, il y avait un débat. Le président de la République l'a tranché hier et il y a également une question juridique et on est en attente de cette disposition de l'Union européenne.

MARC FAUVELLE
Sur cette question de la chasse en général, Julien DENORMANDIE, écoutez ce que disait sur ce plateau Yannick JADOT, l'eurodéputé écologiste. C'était avant-hier.

YANNICK JADOT, EURODEPUTE EUROPE ECOLOGIE-LES VERTS
Je pense qu'il faut aller vers une sortie progressive de la chasse. La chasse ne peut pas être un loisir. On chasse soixante-quatre espèces en France. C'est deux à trois fois plus que dans toute l'Europe. On chasse dans notre pays de manière totalement illégale des espèces protégées. Vous vous rendez compte que sur le Courlis cendré par exemple, on élève, l'Europe paye des élevages pour sauvegarder l'espèce en Pologne, et en France on les tire.

MARC FAUVELLE
Une sortie progressive de la chasse dit Yannick JADOT. C'est oui, c'est non, c'est inenvisageable ?

JULIEN DENORMANDIE
Là Yannick JADOT, il ne fait pas de l'écologie, il fait de la politique là uniquement. Il ne fait que de la politique. La chasse, j'en parlais tout à l'heure. Moi je connais très bien les chasseurs encore une fois, et l'écologie n'est pas du tout opposée à la chasse. Pas du tout. Les chasseurs prennent soin du territoire par définition. Premier point. Deuxième point, il y a des pratiques de chasse qui posent question. La chasse à la glu, pour un cas très spécifique qui est justement le fait qu'elle ne soit pas sélective.

MARC FAUVELLE
La chasse à courre aussi pose problème ou pas ?

JULIEN DENORMANDIE
Elle est sélective. La chasse à courre est une chasse traditionnelle qui, pour le coup, n'emporte pas le même problème que la chasse à la glu. Et puis le troisième point, pourquoi il fait de la politique et pas de l'écologie là Yannick JADOT ? C'est que la chasse, parlez-en aux agriculteurs, quelle est l'une des principales causes de dégâts de toutes les cultures ?

MARC FAUVELLE
En ce moment, les sangliers.

JULIEN DENORMANDIE
Les sangliers et d'autres cervidés. La régulation de la faune dans une société, ça passe évidemment aussi par la chasse. L'apport des chasseurs dans cette régulation, elle est nécessaire. Le fait de pouvoir avoir des cultures qui fonctionnent, ça passe aussi par ça. Donc il ne faut avoir en l'espèce encore une fois aucun dogmatisme. Le problème de l'écologie de monsieur JADOT, c'est qu'on est dans le blanc ou le noir. Dans le oui ou le non. Dans un côté binaire dogmatique qui fait qu'à la fin, on clive les gens et on n'avance pas vers des solutions bénéfiques aux Français.

SALHIA BRAKHLIA
Julien DENORMANDIE, on va parler d'un mystère : celui d'une trentaine de chevaux qu'on retrouve morts ou mutilés le matin, notamment avec une oreille coupée à l'aide d'armes blanches. Une vingtaine d'enquête a été ouverte en début de semaine dans l'Yonne. Deux hommes ont été surpris en flagrant délit et un portrait-robot a pu être dessiné de l'un d'eux. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire sur cette affaire ? Qu'est-ce qui se passe avec ces chevaux mutilés ?

JULIEN DENORMANDIE
Déjà c'est objectivement une atrocité ce qu'il se passe. Ce sont des actes de cruauté, d'une barbarie inimaginable et d'une cruauté totalement gratuite. Je ne sais pas.

MARC FAUVELLE
C'est gratuit, il n'y a pas de raison. Je ne vois pas laquelle en vous posant la question. C'est entièrement gratuit : il y a des gens qui s'amusent à découper les oreilles des chevaux.

JULIEN DENORMANDIE
Je ne sais pas si vous avez vu les images mais les images sont assez effroyables. C'est-à-dire qu'en fait, on coupe une oreille, on enlève, un oeil, on vide l'animal de son sang, on le lacère sans aucune raison expliquée. Alors on n'exclut aucune piste. Ce que je peux dire, c'est qu'au-delà de ce message de compassion vis-à-vis de tous les propriétaires qui ont été victimes de ces barbares - je ne sais pas quel terme employer mais enfin de ces personnes qui sont d'une cruauté sans nom – c'est que tous les dispositifs aujourd'hui d'enquête du ministère de l'Intérieur, et j'en ai encore reparlé avec Gérald DARMANIN avant-hier, et du ministère de la Justice, on en a encore discuté avec Eric DUPOND-MORETTI hier, sont mobilisés. On n'exclut aucune piste. Aucune.

MARC FAUVELLE
On ne va pas surveiller tous les chevaux de France.

JULIEN DENORMANDIE
Evidemment.

MARC FAUVELLE
Mettre des gendarmes devant…

JULIEN DENORMANDIE
Pour la première fois hier, un portrait-robot, un premier portrait-robot a été diffusé suite à une attaque dans l'Yonne et une personne qui a essayé d'aller défendre ces animaux a identifié l'un des deux agresseurs. Et donc un portrait-robot a été diffusé par la gendarmerie de l'Yonne puis relayé.

MARC FAUVELLE
Ça pourrait être, comme on a pu le lire, une sorte de défi lancé sur Internet, ce qui expliquerait que les chevaux soient attaqués dans toute la France.

JULIEN DENORMANDIE
On ne sait pas si c'est une communauté organisée, un groupe organisé ou s'il y a un effet de mimétisme pour répondre à votre question. Moi je serai tout à l'heure en Saône-et-Loire, là où il y a eu un nouvel acte hier aux côtés du propriétaire du centre équestre mais aussi aux côtés des services d'enquête pour justement faire le point sur la situation. Mais très clairement aujourd'hui, on n'exclut absolument aucune piste. Il faut en revanche, je le dis très clairement, que justice soit faite et donc on mobilise tous les moyens avec mes collègues de l'Intérieur et de la Justice. (…)

MARC FAUVELLE
Julien DENORMANDIE, il y a quelques jours l'association L 214 a publié une nouvelle vidéo montrant cette fois un élevage de canards dans les Pyrénées-Atlantiques. On y voit des cages extrêmement petites, des ailes coupées chez ces animaux. Vous avez fermé immédiatement ce site et deux autres qui appartenaient à son propriétaire. Des vidéos comme ça, il y en a une fois par mois. Est-ce que ça veut dire que l'association L 214 fait le travail que vos services ne peuvent pas faire ?

JULIEN DENORMANDIE
Non. Non, très clairement pas. Il y a peu près de deux cent quarante mille élevages dans notre pays.

MARC FAUVELLE
Il y a combien de contrôleurs ?

JULIEN DENORMANDIE
Il y a vingt-deux mille quatre cents contrôles à peu près qu'on fait chaque année.

MARC FAUVELLE
Pour deux cent quarante mille exploitations ?

JULIEN DENORMANDIE
Exactement.

MARC FAUVELLE
Ça veut dire une sur dix si je calcule bien est contrôlée chaque année.

JULIEN DENORMANDIE
Exactement.

Marc FAUVELLE
Donc les associations font en partie le travail des services de l'Etat.

JULIEN DENORMANDIE
Il y a plusieurs choses. Il faut faire attention. Quand vous faites un contrôle d'exploitation, seules les personnes habilitées à le faire sont autorisées à le faire. Une exploitation, c'est une propriété privée. Vous ne pouvez pas appeler à un appel en disant que quiconque va aller dans une propriété privée, déposer une caméra et voir ce qui s'y passe. C'est d'ailleurs tout le sujet des lanceurs d'alerte.

MARC FAUVELLE
Je vous pose la question différemment. L 214, c'est une association pour vous lanceuse d'alerte ou qui est dans l'illégalité parce qu'elle filme à l'intérieur d'une propriété privée ?

JULIEN DENORMANDIE
Elle est par définition lanceuse d'alerte mais je le dis clairement : personne n'est habilité à rentrer dans une propriété privée.

MARC FAUVELLE
C'est un peu paradoxal ce que vous dites.

JULIEN DENORMANDIE
J'en ai conscience mais je l'affirme : il faut vivre avec. Il faut vivre avec. Et je le dis très fort parce que vous savez, tous les débats qu'il a pu y avoir en l'occurrence, et je vous remercie de poser la question, cet élevage dans les Pyrénées Atlantiques ce n'était pas un éleveur en vrai. Cette personne-là représente beaucoup plus quelqu'un qui est tout simplement un hors la loi qu'un éleveur. Ça ne représente en rien de l'élevage français. En rien.

SALHIA BRAKHLIA
Monsieur le Ministre…

JULIEN DENORMANDIE
Juste pour terminer. Il s'avère que cet élevage, dès qu'on a été informé, on a envoyé effectivement toutes les équipes d'enquête etc.

MARC FAUVELLE
Il avait été contrôlé ?

JULIEN DENORMANDIE
J'ai pris la décision d'étendre ces contrôles à tout ce qui avait un lien avec cette personne.

MARC FAUVELLE
Il avait été contrôlé cet élevage ?

JULIEN DENORMANDIE
Il avait parfois été contrôlé parfois pas. Pourquoi ?

SALHIA BRAKHLIA
Le dernier en septembre 2019.

JULIEN DENORMANDIE
Parce que parmi leurs bâtiments, ses bâtiments, parfois l'éleveur ne les déclarait même pas. C'est-à-dire qu'on ne le connaissait pas. C'est pour ça que je dis que cette personne était une personne hors la loi et pas un éleveur. Maintenant, le défi vis-à-vis de tout ça, c'est évidemment d'arrêter de stigmatiser mais de se dire :il y a un sujet de société donc il faut l'appréhender et il faut accompagner les éleveurs dans ce qu'on appelle le bien-être animal dans l'investissement dans leurs élevages. Mais je pourrais vous montrer des dizaines et des dizaines d'exemples où les élevages français sont à la pointe de tous ces sujets.

SALHIA BRAKHLIA
Mais ces vidéos de L 214, on en voit aussi dans les abattoirs, ce qui pose la question aussi des caméras aussi dans les abattoirs. Est-ce qu'il ne faut pas changer la législation par rapport à tout ça ? Se dire que les caméras, ça permet d'éviter des vidéos atroces de L 214 ?

JULIEN DENORMANDIE
En fait la question, c'est par quel bout il faut prendre le sujet. En France, on prend toujours le sujet par le bout soit du contrôle soit de la dénonciation. C'est quoi le vrai problème dans les abattoirs ? C'est qu'aujourd'hui un abattoir, c'est très peu rentable. Très peu. Pourquoi ? Parce qu'on ne paye pas à la fin notre viande assez cher et donc les outils de transformation, notamment l'abattoir, n'est pas du tout valorisé. Et donc au même moment où vous allez dire à une personne qui détient un abattoir : il faut arrêter, on va vous contrôler, on va vous mettre des caméras, on va vous pointer du doigt ; vous lui dites : faites vos investissements. Mais la personne n'en a pas la capacité financière. Je parle des abattoirs indépendants, pas des grands groupes, mais des abattoirs indépendants de nos territoires. Ils n'en ont pas la capacité financière et donc on est dans ce paradoxe où nous, consommateurs, on donne des injonctions. On a une bien-pensance, on donne des injonctions et la personne à qui on impose par la loi, on va lui dire : faites-le. Mais la personne, elle dit : je suis prêt à tout mais comment je le finance ? Et donc dans le plan de relance et je le dis très clairement, j'ai décidé par exemple d'investir massivement dans notamment ces abattoirs pour faire en sorte qu'on puisse prendre le sujet par le bon sens.

SALHIA BRAKHLIA
Combien dans le plan de relance pour l'agriculture ?

JULIEN DENORMANDIE
On est en train de le finaliser. Je suis désolé, on est en train de le finaliser. On les annoncera jeudi prochain. On est en cours de finalisation de ces arbitrages mais ce sera une somme significative.

MARC FAUVELLE
Il y a eu beaucoup de contaminations au début de l'épidémie dans des abattoirs en Allemagne et en France, est-ce que cette question est réglée aujourd'hui, contaminations au Covid ?

JULIEN DENORMANDIE
On le suit de près, on est en lien permanent avec le ministre de la Santé…

MARC FAUVELLE
C'est réglé ?

JULIEN DENORMANDIE
Est-ce que l'épidémie est réglée, non…

MARC FAUVELLE
L'épidémie non…

JULIEN DENORMANDIE
Non.

MARC FAUVELLE
Mais dans les abattoirs ?

JULIEN DENORMANDIE
Donc, par définition, on suit… en fait on a aujourd'hui, jour après jour, un suivi très exhaustif. Il y a eu des cas, par exemple il y a eu un cas, dont on a beaucoup parlé, en Mayenne, le Premier ministre l'expliquait hier, la situation en Mayenne est revenue à une normalité par rapport à d'autres départements, donc on est vigilant dans les abattoirs, comme dans d'autres structures à vrai dire, mais, évidemment, y compris le ministre de l'Agriculture que je suis, on est pleinement mobilisé dans le suivi, la prévention.

SALHIA BRAKHLIA
Julien DENORMANDIE, cette année, à cause de la sécheresse, la production de blé a atteint un niveau historiquement bas, la récolte est la deuxième plus faible de la décennie, vous leur dites quoi à ces céréaliers qui ont la corde au cou ?

JULIEN DENORMANDIE
Que, un, je suis à leurs côtés pour apporter des solutions de court terme, et j'en ai déjà exposées un certain nombre, je les revoyais encore hier soir, c'est, pour faire simple et sans rentrer dans le détail, des sujets de trésorerie, parce que, comme vous avez des faibles récoltes, vous avez moins de revenus, vous devez pourtant acheter vos semences pour l'année d'après, bref, vous avez des problèmes de trésorerie. Mais surtout…

SALHIA BRAKHLIA
Donc vous allez alléger les cotisations sociales ?

JULIEN DENORMANDIE
C'est des dégrèvements, ce qu'on appelle des dégrèvements de taxe foncière, etc., etc. Mais surtout, qu'est ce qu'on observe ? C'est que ces épisodes de sécheresse ils se répètent année après année, 2018, 2019, maintenant 2020, le mois de juin a été très pluvieux, mais le mois de juillet a été le mois le plus sec depuis le début des années 60, et donc il faut surtout qu'on s'intègre dans le long terme. Ça veut dire quoi s'intégrer dans le long terme ? Ça veut dire que nous, pouvoirs publics, on doit investir massivement dans l'agriculture de demain. L'agriculture de demain c'est une agriculture résiliente vis-à-vis de ces aléas climatiques, on parle de la sécheresse, on pourrait parler de la grêle, on pourrait parler de la canicule qui vient tout griller, etc., etc. Et ça aussi, je vous l'annonce très clairement, dans le plan de relance, moi je veux qu'on arrive, grâce à cette opportunité magnifique du plan de relance, de construire cette agriculture résiliente, c'est-à-dire qui va durer…

MARC FAUVELLE
Qu'on bannisse, par exemple, certaines cultures qui sont plus consommatrices d'eau, le maïs ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors, ça veut dire que, d'abord, il faut se protéger contre ces aléas climatiques. Je prenais le cas de la grêle, demain j'irai dans le bordelais faire les vendanges, elles ont deux semaines d'avance, dans beaucoup de cas d'ailleurs, ce qui montre la réalité de ce changement climatique, on sait que par exemple il y a des grêles, on a des solutions techniques, eh bien nous on va accompagner pour financer. Mais, deuxièmement, pour répondre à votre question, il y a aujourd'hui une recherche agronomique qui est fabuleuse dans notre pays, on peut déterminer des semences qui sont plus résistantes, eh bien tout ça c'est possible, il faut accompagner en finançant, et ce sera, je vous l'annonce, un élément du plan de relance, de créer notre agriculture de demain.

MARC FAUVELLE
Merci Julien DENORMANDIE.

JULIEN DENORMANDIE
Merci à vous.

MARC FAUVELLE
Bonnes vendanges donc demain à Bordeaux, et merci Salhia.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 août 2020