Interview de M. Olivier Dussopt, ministre des comptes publics, à France Info le 28 août 2020, sur le port du masque obligatoire en extérieur notamment à Paris, la polémique sur la gratuité du masque et la relance de l'économie.

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Média : France Info

Texte intégral

JOHANNA GHIGLIA
Olivier DUSSOPT, bonjour.

OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.

JOHANNA GHIGLIA
Je rappelle que vous être Ministre délégué aux Comptes publics. On vient de l'entendre tout de suite avec Christophe : les masques obligatoires qui deviennent donc obligatoires en extérieur dans toute la ville de Paris.

OLIVIER DUSSOPT
Et la petite couronne.

JOHANNA GHIGLIA
Oui, c'est ça, et la petite couronne exactement, et la liste des villes s'allonge. Pourtant on a d'un côté Jean CASTEX, le Premier ministre, qui dit qu'il ne faut pas s'affoler. Est-ce qu'il faut s'inquiéter ? Parce que les mesures sanitaires quand même se multiplient dans toute la France.

OLIVIER DUSSOPT
Nous prenons des mesures sanitaires pour protéger les Français et pour éviter un reconfinement général. Nous savons que l'épidémie est là, que le virus circule, qu'il est toujours aussi dangereux et donc il faut être extrêmement attentif. Toutes les mesures qui sont prises, notamment le port du masque à Paris et en petite couronne et dans un certain nombre d'autres communes, ont un objectif : c'est ralentir la circulation, diminuer la contagion du virus et donc juguler, maîtriser cette épidémie en attendant qu'un vaccin soit trouvé et en espérant évidemment que ce vaccin soit trouvé le plus vite possible. Donc toutes ces mesures sont des mesures que sont évidemment contraignantes mais qui sont des mesures de santé publique. Des mesures pour nous permettre de vivre avec le virus dans les meilleures conditions et en étant le plus prudent possible.

JOHANNA GHIGLIA
Concernant ces masques justement, beaucoup demandent à ce que les masques soient rendus gratuits parce que ça pèse quand même sur le budget des familles. Qu'est-ce que vous pensez, vous, de ça ?

OLIVIER DUSSOPT
Le gouvernement a déjà mis en place un certain nombre de dispositifs notamment pour aider les plus fragiles, les plus précaires, ceux qui ont le plus de difficultés. Ce sont des dizaines de millions de masques qui sont acheminés vers les ménages les plus précaires, soit par La Poste, soit par l'intermédiaire de réseaux et de structures d'aide sociale. Et donc nous mettons en œuvre ces moyens pour faire en sorte que celles et ceux qui auraient des difficultés à accéder et à acheter des masques soient accompagnés.

JOHANNA GHIGLIA
Alors concernant donc ces masques qui représentent un poids sur le budget des familles avec la rentrée qui approche, mais une rentrée qui s'annonce également compliquée sur le front de l'économie parce qu'il y a des plans sociaux qui sont annoncés, il ne faut pas s'inquiéter pour la situation sanitaire mais est-ce que pour l'économie il faut s'inquiéter ?

OLIVIER DUSSOPT
La situation économique est extrêmement compliquée, nous le savons, et la situation des finances publiques l'est tout autant. La période de confinement a arrêté l'activité de nombreuses entreprises, a ralenti les échanges internationaux et donc pèse sur l'économie. Nous sommes aujourd'hui dans une situation, une perspective où nous imaginons qu'entre la fin de l'année 2019 et la fin de l'année 2020, nous serions sur une croissance négative qui pourrait atteindre 11%. Nous espérons avec les mesures mises en œuvre limiter cette décroissance, limiter cette récession et c'est ce à quoi nous nous acharnons avec Bruno LE MAIRE. Nous avons déjà pris un certain nombre de mesures pour répondre à la crise avec des projets de loi de finances rectificative du budget 2020. Nous en avons voté trois, le parlement en a voté trois. Nous avons engagé plus de quatre cents milliards d'euros pour aider l'économie. Des mesures d'urgence, des mesures de financement du chômage partiel pour faire en sorte que le revenu des Français soit le plus préservé, le plus protégé possible et l'OCDE l'a montré, a dit que c'était le pays - la France - qui avait le mieux protégé le revenu des salariés. Nous avons pris des mesures pour accompagner les entreprises, des prêts garantis par l'Etat, des exonérations et des reports de cotisations. La semaine prochaine, nous présenterons avec Jean CASTEX, le Premier ministre…

JOHANNA GHIGLIA
Le plan de relance.

OLIVIER DUSSOPT
Avec Bruno LE MAIRE qui le pilote, le plan de relance. Cent milliards d'euros d'interventions sur deux ans pour faire en sorte d'aider notre économie à repartir et faire en sorte que, aussi vite que possible, d'ici fin 2022, nous puissions retrouver le même niveau de richesse que fin 2019 et ainsi retrouver la trajectoire de développement, de croissance que nous connaissions jusqu'avant l'épidémie.

JOHANNA GHIGLIA
Concernant ce plan de relance avec l'épidémie qui s'aggrave, est-ce que le « quoi qu'il en coûte » d'Emmanuel MACRON est toujours d'actualité ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous avons engagé énormément de moyens. Je le disais, ce sont quatre cent soixante milliards d'euros : c'est le quart de la richesse nationale qui a été engagé, mobilisé, avec des garanties que l'Etat a apporté un certain nombre de prêts que les entreprises ont pu contracter pour avoir une aide en trésorerie et puis faire face à cette difficulté avec des crédits, des interventions. Je citais le financement du chômage partiel, j'aurais pu citer cette aide que nous avons apportée aux petites entreprises et aux indépendants : le fonds de solidarité. Jusqu'à mille cinq cents euros par mois avec huit milliards d'euros qui ont été engagés pour permettre à ceux dont l'activité avait été suspendue ou fortement dégradée, les secteurs les plus touchés, d'être accompagnés et d'être aidés. Nous avons mis en place des aides pour les Français. Pas plus tard que la semaine dernière, l'allocation de rentrée scolaire a été majorée de cent euros par rapport aux années précédentes parce que nous savons que des familles rencontrent ces difficultés. Donc la réponse est massive et la réponse que nous allons apporter avec le plan de relance est tout aussi massive. Il y a évidemment des limites à tout cela. Même le ciel a des limites dit-on parfois et donc nous devons avoir en tête que tous les efforts qu'il faut faire pour répondre à la crise, nous les faisons. Ce n'est pas quand il y a un incendie qu'on va compter les seaux d'eau pour éteindre le feu, mais dès lors que nous allons retrouver une trajectoire de croissance, il faut aussi qu'on retrouve une forme de normalité dans l'intervention. Et c'est la raison pour laquelle nous veillons à ce que tous les moyens que nous engageons soient des moyens qui soient des moyens conjoncturels – pardonnez-moi pour la technicité - mais en gros que ce soient des dépenses qui soient utiles pour relancer l'économie mais qui ne soient pas des dépenses que l'on retrouve chaque année pendant vingt ans ou trente ans parce que sinon, la dépense publique serait encore plus forte et plus lourde que ce qu'elle est dans notre pays et ça deviendrait une forme de handicap pour notre économie.

JOHANNA GHIGLIA
Donc on comprend que vous nous dites que l'Etat est pleinement engagé et qu'il y a beaucoup de fonds qui sont consacrés pour les plus modestes. Mais en attendant sur le terrain, on a beaucoup d'associations, comme par exemple le Secours populaire qui voit un bond dans le nombre d'inscriptions plus 45 % par exemple.

OLIVIER DUSSOPT
C'est une réalité et c'est aussi la traduction d'un phénomène économique qui fait que les premiers à avoir été touchés par le chômage et touchés par une perte d'emploi sont parfois les plus précaires. Ceux qui vivaient de missions d'intérim, ceux qui travaillaient sur des petits contrats notamment dans le secteur de l'événementiel et qui passent d'une situation de travail partiel ou de travail avec des rythmes irréguliers à une situation où ils n'ont plus d'activité et où ils doivent faire face à des difficultés plus grandes. Nous avons mis en place un certain nombre de mesures là aussi pour accompagner…

JOHANNA GHIGLIA
Et qui va payer tout ça ? Quel va être le financement ?

OLIVIER DUSSOPT
Qui paye ? Ce sont les Français, nous le savons.

JOHANNA GHIGLIA
Mais par contre, vous avez promis, et ç'a été martelé, il n'y aura pas d'augmentation d'impôts.

OLIVIER DUSSOPT
Pas d'augmentation d'impôts. C'est la raison pour laquelle, et permettez-moi d'apporter les deux précisions suivantes, la raison pour laquelle en 2020 comme l'année prochaine, nous avons une dette publique qui s'alourdit et nous l'avons dit : en 2020, la dette publique pourrait représenter 120% de la richesse nationale, 120% du PIB. Ça ne peut pas être durable. Il faut y faire extrêmement attention et réfléchir à une trajectoire de maîtrise de la dette dans les années suivantes. Mais c'est parce que nous avons recours à la dette pour financer cela et parce que nous avons recours à la dette pour financer cela, pour ne pas augmenter les impôts, il faut faire attention à ce que les mesures que nous engageons soient des mesures qui soient ponctuelles.

JOHANNA GHIGLIA
Alors pas d'augmentation d'impôts mais jusqu'à quand ?

OLIVIER DUSSOPT
Que ce soient des mesures qui soient ponctuelles et qui ne se traduisent pas par un endettement massif année après année pendant longtemps. Pas d'augmentation d'impôts parce que nous ne voulons pas augmenter les impôts des Français, nous voulons même continuer à les baisser.

JOHANNA GHIGLIA
Mais jusqu'à quand ? Ça ne va pas être tenable sur le long terme.

OLIVIER DUSSOPT
Je pense que si parce que l'attitude qui est la nôtre, la volonté qui est la nôtre est de faire repartir l'économie. Si on fait repartir l'économie, on produit de la richesse. Et avec les mêmes impôts qu'aujourd'hui, plus vous avez de richesse, plus vous avez de recettes fiscales. Nous allons même continuer à baisser les impôts. Nous voulons que nos entreprises soient compétitives. Depuis le début du quinquennat, nous avons commencé à baisser l'impôt sur les sociétés, nous allons le tenir. Bruno LE MAIRE a précisé devant les chefs d'entreprises du MEDEF que nous allions baisser les impôts de production. Nous baissons la taxe d'habitation et nous allons aller au bout de la réforme de la taxe d'habitation. Et gardons en tête qu'il n'y a pas si longtemps, au début de l'année dernière, nous avons baissé l'impôt sur le revenu pour les deux premières tranches et cette baisse d'impôt sur le revenu pour les deux premières tranches est évidemment en vigueur et à vocation à être pérennisée.

JOHANNA GHIGLIA
Une dernière question. Vous auriez reçu gratuitement en 2017 des tableaux offerts par une entreprise de gestion d'eau qui a conclu ensuite des contrats avec la ville d'Annonay dont vous étiez maire. Il y a eu une perquisition la semaine dernière à votre domicile. Où est-ce qu'on en est de cette affaire ?

OLIVIER DUSSOPT
Il n'y a pas eu de contrat conclu après cet épisode. J'ai indiqué qu'il n'y avait rien de répréhensible mais que, face à la polémique, j'avais fait le choix de restituer. Pour le reste, il y a un certain nombre de vérifications. Le parquet fait son travail et ce travail permettra de voir qu'il n'y a rien à me reprocher.

JOHANNA GHIGLIA
Donc une enquête a été ouverte pour corruption.

OLIVIER DUSSOPT
C'est le cas et cette enquête permettra de voir qu'il n'y a rien à me reprocher.

JOHANNA GHIGLIA
Très bien. Merci beaucoup Olivier DUSSOPT d'avoir été en direct avec nous dans la matinale de Franceinfo.

OLIVIER DUSSOPT
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 août 2020