Interview de M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à BFM TV le 31 août 2020, sur le bien-être animal, les néonicotinoïdes et la politique agricole.

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Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Julien DENORMANDIE, bonjour.

JULIEN DENORMANDIE
Bonjour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ministre de l'Agriculture.

JULIEN DENORMANDIE
Et de l'Alimentation.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et de l'alimentation, oui, très important. On va en parler d'ailleurs. L'agriculture dans le plan de relance, le bien-être animal, les néonicotinoïdes, le mystère des chevaux, des poneys, des ânes mutilés ou tués. Je voulais vous recevoir, merci d'être là. Dérogation au port du masque sur les plateaux télé ou radio, nous n'en portons pas. Qu'en pensez-vous ? Est-ce qu'on pourrait réaliser une interview masqués ?

JULIEN DENORMANDIE
En tout état de cause, je pense que le problème il ne faut pas le prendre dans ce sens-là. La question, c'est qu'est-ce que nous disent les médecins, les pédiatres là aujourd'hui. Je pense à toutes celles et ceux qui reprennent le chemin de l'école entre aujourd'hui et demain matin. Donc je crois qu'il faut se fier aux spécialistes et appliquer les règles dictées par les spécialistes. Si demain les spécialistes nous disent : il faut mettre un masque y compris lors de vos interviews, il faudra le faire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On se regardera les yeux dans les yeux. Julien DENORMANDIE, des chevaux, des poneys, des ânes mutilés, tués. Il y en a eu plusieurs mois d'août, il y en a eu depuis le début de l'année. Est-ce que l'enquête avance ?

JULIEN DENORMANDIE
Oui, l'enquête avance. L'enquête, elle est prise très au sérieux. Pourquoi ? Parce qu'on est face à des actes d'une incroyable barbarie. Il faut employer le terme : d'une incroyable cruauté. C'est des personnes qui arrivent - aucune piste aujourd'hui n'est écartée - qui viennent couper une oreille d'un poney, d'une jument, enlever un oeil, arracher les parties génitales, souvent vider de son sang l'animal, et puis repartent sans comprendre l'objectif de leurs actes. Aujourd'hui on a mobilisé avec le Ministre de l'Intérieur, avec le Garde des Sceaux, beaucoup de moyens d'enquête. Les services d'enquête de la gendarmerie que je salue qui font un incroyable boulot, de la Police nationale. J'étais encore vendredi en Saône-et-Loire, auprès des propriétaires de chevaux mutilés, auprès des services d'enquête, et je peux vous dire deux choses. Un : l'enquête est prise très au sérieux…

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'espère ! On espère qu'elle est prise au sérieux.

JULIEN DENORMANDIE
Et deux, justice sera faite parce que précisément on met les moyens sur cette enquête.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez des pistes ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors évidemment, je ne peux pas rentrer dans le détail.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non. Je ne vais pas vous demander quelles pistes mais est-ce que vous avez des pistes ?

JULIEN DENORMANDIE
Ce que je peux vous dire, c'est que l'enquête est prise au sérieux et elle avance.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle avance ?

JULIEN DENORMANDIE
Et elle avance.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc des arrestations auront lieu dans les jours ou les semaines qui viennent.

JULIEN DENORMANDIE
Je ne peux pas évidemment…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous avez des soupçons.

JULIEN DENORMANDIE
Je ne peux pas évidemment, moi en tant que ministre, rentrer dans l'enquête. L'enquête est prise au sérieux, l'enquête avance, les services notamment de gendarmerie sont pleinement mobilisés. J'en ai reparlé encore hier soir avec le ministre de l'Intérieur et il faut à la fois prévenir ces actes mais surtout retrouver ces coupables et qu'ils soient punis.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que toutes les agressions sont liées les unes aux autres ?

JULIEN DENORMANDIE
C'est ce qu'on est en train de regarder. En fait il y a deux possibilités. Soit c'est un groupe organisé qui commet ces actes. Pour quel motif ? Encore une fois, on n'en exclut aucun. Aucun. Soit ce sont des groupes d'individus qui par mimétisme - vous savez, ces fameux objectifs concours qui sont lancés par exemple sur les réseaux sociaux ou autres - qui par mimétisme feraient ces actes. Au moment où je vous parle, aucune des pistes n'est écartée. Ce qui est sûr, c'est qu'il y a quand même beaucoup de ressemblances entre les actes. A chaque fois, ce sont les mêmes mutilations qui sont opérées. Donc on avance, il y a plus d'une quinzaine de départements aujourd'hui qui sont concernés. Il y a eu plus de 30 actes de cruauté qui ont été commis. Il y a une mobilisation des services sur place, des procureurs sur place, mais aussi au niveau national pour que justice soit faite et pour qu'on puisse retrouver et cesser cette terreur, parce que moi je pense aux éleveurs.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr. Qui ne dorment plus.

JULIEN DENORMANDIE
Exactement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Julien DENORMANDIE, le 2 juillet dernier une soixantaine d'associations de défense de la cause animale, des personnalités publiques également, lançaient un référendum d'initiative populaire sur le bien-être animal pour que les Français soient appelés à s'exprimer. Cette demande doit être signée par 185 parlementaires et 10 % du corps électoral soit quatre millions sept cent mille Français. Est-ce que vous soutenez cette initiative ?

JULIEN DENORMANDIE
A titre personnel ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.

JULIEN DENORMANDIE
Moi je pense que ce n'est pas le bon véhicule. Pourquoi ? Moi je pense qu'on ne répond pas par oui ou par non à une telle question. Je voudrais, vous m'en donnez l'occasion, m'exprimer dessus.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.

JULIEN DENORMANDIE
La cause animale, le bien-être animal, on a vu, c'est quelque chose sur lequel on est tous concernés. A part d'être complètement déjanté, vous ne pouvez pas souhaiter une maltraitance animale. Et donc on est tous concernés. Si la question est est-ce que oui ou non vous êtes pour le bien-être animal ? Evidemment qu'on est pour le bien-être animal.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les questions sont plus précises parce que derrière la question…

JULIEN DENORMANDIE
Oui, elles sont plus précises mais, en même temps, on sait bien que même sur ces questions-là, on ne répond pas par oui ou par non. Je voudrais juste…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors allez-y. Prenez un exemple.

JULIEN DENORMANDIE
L'élevage intensif.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, l'élevage intensif.

JULIEN DENORMANDIE
Le référendum dit : il faut arrêter l'élevage intensif. Moi, ça pose un problème d'abord d'accumulation des sujets. L'élevage intensif, ce n'est pas une question de maltraitance : c'est une question de bien-être. Ce référendum, il associe deux sujets qui sont pourtant très différents. Un sujet de maltraitance animale et un sujet de bien-être animal. La maltraitance, il faut être intransigeant dessus. Le bien-être, il faut accompagner. Et donc vous voyez bien qu'on ne répond pas par oui ou non sur ces sujets.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pardon mais est-ce que l'élevage intensif assure le bien-être de l'animal ?

JULIEN DENORMANDIE
Mais l'élevage intensif, vous savez quoi monsieur BOURDIN, il n'y a même pas de définition à ce stade.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.

JULIEN DENORMANDIE
Un, il n'y a pas de définition. Deux, est-ce que les Français ont en tête que si le système de production du jour au lendemain change, c'est tout à fait possible mais est-ce que tout le monde est prêt à mettre le prix ? C'est-à-dire à payer plus cher demain la viande ? Aujourd'hui nos éleveurs…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc c'est une question de prix avant tout.

JULIEN DENORMANDIE
Je pense à eux.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est le prix qui compte avant tout.

JULIEN DENORMANDIE
Pas avant tout mais nos éleveurs.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce que vous dites.

JULIEN DENORMANDIE
Nos éleveurs aujourd'hui, il y en a beaucoup qui ne vivent même plus de leur activité et donc il faut être cohérent. Il ne suffit pas de donner des injonctions. Si la question c'est il faut que tous les animaux soient élevés dans un bien-être total, mais tout le monde travaille en ce sens. Mais en même temps, il faut accepter à la fin de payer le juste prix. Et puis troisième exemple, demain si vous dites : on arrête l'élevage intensif, les poulets, les porcs, les vaches seront donc tous dans des champs. Ça pose des questions d'aménagement du territoire incroyables. Vous connaissez l'histoire du coq Maurice. Le coq Maurice, c'est la caricature de la chose. Le coq Maurice, c'est des riverains qui mettent en justice des détenteurs de poules en disant : "nous, on ne veut pas de ce bruit-là !" Mais qu'est-ce qu'on constate ? C'est quand demain vous construisez une porcherie ou un volailler, il y a plein de riverains qui vous disent : "attendez, non ! Moi je veux ma tranquillité." Donc vous voyez, tout ça ça emporte des questions, donc il faut avancer des idées simples pour le bien-être animal…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Non mais on est d'accord, Julien DENORMANDIE, mais dans les questions posées à l'occasion de ce référendum il y en a d'autres. Interdiction de l'élevage en cage, interdiction de l'élevage à fourrure.

JULIEN DENORMANDIE
En cage par exemple, très bon exemple aussi. On avance. Il y a des millions aujourd'hui de poules en cage. Des millions. On avance et on a déjà dit par exemple que d'ici 2022, il fallait que les poules qui donnent les oeufs à coquille, ceux qu'on consomme dans la grande surface, elles, on arrête les cages, qu'il y ait de l'extérieur. Donc on avance, il y a une dynamique. Et ce que je veux dire, c'est que ne soyons pas manichéens. La nature, ce n'est pas binaire. Ce n'est pas blanc ou noir. Ce n'est pas bien ou mal. Il n'y a pas ceux qui sont pour et ceux qui sont contre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors interdiction de l'élevage à fourrure.

JULIEN DENORMANDIE
L'élevage à fourrure, typiquement ça c'est un sujet sur lequel il y a quelques dizaines…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y êtes favorable ou pas ?

JULIEN DENORMANDIE
Il y a quelques dizaines de personnes, moi je suis prêt les réunir pour voir comment on peut les accompagner dans une transformation d'activité.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Interdiction de la chasse à courre, c'est aussi contenu dans ce référendum.

JULIEN DENORMANDIE
Moi à titre personnel, les chasses traditionnelles je pense que ça fait partie de nos traditions.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc la chasse à courre, vous dites non. Pas d'interdiction.

JULIEN DENORMANDIE
A titre personnel, je pense que ça fait partie d'un certain nombre de traditions mais pas… Vous prenez la chasse à courre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.

JULIEN DENORMANDIE
Mais regardez les écologistes aujourd'hui qui ne font pas de l'écologie mais qui font de la politique. Ils ne disent pas la chasse à courre ou autres, ils disent la chasse. Ils disent la chasse, il faut interdire la chasse.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Mais la chasse à la tourterelle par exemple, est-ce qu'on doit interdire la chasse à la tourterelle ?

JULIEN DENORMANDIE
Ils disent la chasse. Vous savez, moi je suis ingénieur agronome. C'est quoi le principal problème dans un champ de maïs aujourd'hui ? C'est le sanglier. Tous nos concitoyens qui habitent aujourd'hui dans les ruralités, ils le savent très bien. Mais arrêtons ce côté dogmatique, cette dichotomie en disant : c'est bien ou c'est mal. Avançons progressivement. La chasse à la glu, le président de la République l'a montré, on avance progressivement. Mais quand vous avancez progressivement, prenez en compte…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour un an. Interdite pour un an.

JULIEN DENORMANDIE
Oui, mais avancez progressivement. Prenez en compte nos traditions, prenez en compte ceux qui en vivent et prenez en compte les réalités de nos territoires. Un peu de bon sens paysan.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors prenons en compte les réalités du territoire. Les néonicotinoïdes interdits depuis deux ans.

JULIEN DENORMANDIE
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui a poussé à l'interdiction ?

JULIEN DENORMANDIE
Interdit depuis quatre ans plus précisément.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Depuis quatre ans.

JULIEN DENORMANDIE
Depuis 2016.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Depuis 2016 et 2018, il y a eu confirmation.

JULIEN DENORMANDIE
2016, on devait arrêter et plus de dérogation possible à partir de 2018.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Voilà. Qui a voulu cette interdiction ? Barbara POMPILI.

JULIEN DENORMANDIE
Oui. Elle a présenté la loi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Elle a présenté la loi. Qui est aujourd'hui ministre de l'Ecologie. Alors un choix, le fait qu'il puisse y avoir des dérogations, un choix que je regrette et qui me met en colère dit-elle. Vous comprenez sa colère ?

JULIEN DENORMANDIE
Oui, je comprends mais…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura dérogation ?

JULIEN DENORMANDIE
Il y aura dérogation. En tout cas il y aura présentation d'un projet de loi dès cette semaine en conseil des ministres.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Demain ?

JULIEN DENORMANDIE
Jeudi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Jeudi en conseil des ministres.

JULIEN DENORMANDIE
Jeudi en conseil des ministres.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et que dira ce projet de loi ?

JULIEN DENORMANDIE
De permettre non pas de réintroduire les néonicotinoïde, de permettre des dérogations à ces néonicotinoïdes quand il y a une urgence sanitaire. Pour que tout le monde comprenne de quoi on parle, aujourd'hui vous avez des champs de betteraves, et je parle de la betterave sucrière, la betterave qui fait le sucre que vous avez dans vos sucriers. Vous avez des champs de betteraves qui aujourd'hui sont tout jaunes. Pourquoi ? Parce que les hivers sont doux et il y a des pucerons qui se développent et qui viennent tuer la betterave.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui transmettent la jaunisse.

JULIEN DENORMANDIE
Et aujourd'hui la réalité, c'est qu'il n'y a pas de solution technique. C'est une réalité, ce n'est pas moi qui le dis. Ce sont y compris mes agences de recherche agronomique qui le montrent très bien. Il n'y a pas de solutions. Qu'est-ce qu'on fait Monsieur BOURDIN ? Qu'est-ce qu'on fait ? On dit on laisse : on laisse tomber la filière et demain dans nos assiettes, on aura du sucre belge et du sucre allemand ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que les producteurs bio ont les mêmes problèmes ?

JULIEN DENORMANDIE
Les mêmes problèmes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les mêmes ?

JULIEN DENORMANDIE
Les mêmes. Il y a quelques solutions en se disant : il faut qu'on change par exemple la taille des parcelles, il faut qu'on mette des haies. Mais tout ça, c'est enclenché mais ça ne se fait pas du jour au lendemain. Et donc aujourd'hui, on est…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc dérogation uniquement pour la betterave ou pour d'autres cultures ?

JULIEN DENORMANDIE
Non. L'objectif, c'est la betterave.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais l'objectif est une chose. Soyons précis.

JULIEN DENORMANDIE
Non, non. Mais parce qu'à la fin, il y a une loi qui sera présentée au Parlement, donc c'est les parlementaires qui décideront.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.

JULIEN DENORMANDIE
Mais moi je présente cette loi avec Barbara POMPILI avec un seul objectif : c'est la betterave sucrière.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est inscrit dans la loi.

JULIEN DENORMANDIE
La loi ne l'écrit pas comme ça.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ne l'écrit pas.

JULIEN DENORMANDIE
Mais je le dis concrètement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous comprenez l'inquiétude des associations environnementales ?

JULIEN DENORMANDIE
Je ne peux pas être plus clair. J'ai répondu à votre question, je ne peux pas être plus clair.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, vous avez répondu à ma question, Julien DENORMANDIE. Mais je vous demande uniquement la betterave, vous me dites non.

JULIEN DENORMANDIE
Si. Je vous dis : l'objectif de cette loi, c'est uniquement la betterave sucrière.

JEAN-JACQUES BOURDIN
L'objectif.

JULIEN DENORMANDIE
Oui. Après vous avez un débat parlementaire. Laissons les parlementaires dessus.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais vous ? Est-ce que cette loi doit se limiter à la betterave ?

JULIEN DENORMANDIE
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ?

JULIEN DENORMANDIE
Oui, je ne peux pas être plus clair.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour vous, oui.

JULIEN DENORMANDIE
Pour moi, oui. Pourquoi ? Encore une fois, et j'insiste dessus parce que c'est une question de souveraineté et d'indépendance. Moi je ne veux pas laisser tomber la filière de la betterave et que demain mes enfants ne mangent que du sucre belge ou allemand, qui en plus sont produits avec des productions et des produits qui sont bien pires que les nôtres. Premier point. Deuxième point, ça représente quand même 46 000 planteurs, agriculteurs. Troisième point la betterave aujourd'hui, la filière, nous sommes les leaders mondiaux. Et donc cette souveraineté, cette indépendance agro-alimentaire qui pour moi doit être le fil de marque de notre action, elle doit être mise sur le terrain avec un peu de pragmatisme.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Si j'ai bien compris, une loi est votée et en fonction des circonstances, on rechange la loi. C'est un peu ça Julien DENORMANDIE.

JULIEN DENORMANDIE
Non. Tout à l'heure j'évoquais ce bon sens paysan. Quand vous faites de l'écologie, moi je suis profondément attaché à l'écologie. Mais une écologie, encore une fois, il ne suffit pas de dire. Il ne suffit pas de rester dans une posture qui fait que, si à la fin vous n'avez pas de solution, vous mettez tout le monde dans le mur et vous perdez votre indépendance. Quel est le sens d'une écologie si demain tout notre sucre est du sucre belge ou allemand qui produit de manière inférieure aux normes qui sont les nôtres ? Ça n'a pas de sens. C'est un peu de pragmatisme dans tout ça.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On sait que les néonicotinoïdes tuent les abeilles.

JULIEN DENORMANDIE
Oui. Mais enfin une betterave, vous savez quoi ? On la récolte avant qu'elle fasse des fleurs. C'est pour ça également que le sujet de la betterave est à mes yeux quelque chose sur lequel on peut se retrouver. C'est une question d'indépendance et de souveraineté mais c'est une question évidemment aussi de bon sens où on va se dire : la betterave on peut, à la différence d'autres cultures parce que la betterave ça ne fait pas de fleurs. Et donc sauf si vous êtes une abeille aveugle, complètement paumée et avec aucun sens de l'orientation, vous ne vous retrouvez pas dans un champ de betteraves. Maintenant - maintenant - ça pose d'autres conséquences parce que cette substance peut rester dans le sol. Donc on travaille avec la filière pour…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et il y a des fleurs qui poussent. Il y a des plantes qui poussent et qui font des fleurs.

JULIEN DENORMANDIE
Et donc on travaille avec la filière pour les cultures suivantes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Jeudi - je crois que c'est jeudi, enfin j'en suis même certain - présentation du plan de relance. Quelle sera la part de l'agriculture ?

JULIEN DENORMANDIE
Très importante et je me suis beaucoup battu pour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelle ? 100 milliards annoncés. 100 milliards d'euros pas pour l'agriculture. C'est dommage mais bon.

JULIEN DENORMANDIE
Je ne peux pas vous dire de chiffre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais quel pourcentage ?

JULIEN DENORMANDIE
Non, je ne peux pas vous dire de chiffres, et vous le savez, les…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne savez pas ?

JULIEN DENORMANDIE
Les arbitrages sont en cours de finalisation d'ici jeudi, donc j'ai l'habitude de répondre très clairement à vos questions, mais là je ne peux pas…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, vous ne savez pas combien pour l'agriculture.

JULIEN DENORMANDIE
J'ai une idée, je me suis fait une idée, un objectif…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quel est votre objectif ?

JULIEN DENORMANDIE
Non, mais ne rentrons pas dans…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Julien DENORMANDIE, puisque vous répondez franchement à mes questions, quel est votre objectif pour l'agriculture française ?

JULIEN DENORMANDIE
Je ne vous donnerai pas de chiffres, mais je vais vous donner le sens de ce qu'on va faire. Très important. Aujourd'hui, le plan de relance c'est quoi ? C'est de préparer, non seulement la France dans la situation sanitaire du moment, pour qu'elle se relève, mais c'est surtout de présenter une France plus forte sur la durée. Et aujourd'hui, dans l'agriculture, on a énormément de défis qu'on doit mettre en oeuvre, pour assurer une agriculture forte sur la durée. Je vous prends un exemple.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y.

JULIEN DENORMANDIE
Le changement climatique. Le changement climatique aujourd'hui, cet été une sécheresse encore incroyablement forte. Comment on adapte nos exploitations pour faire face à ces aléas climatiques ? On a des solutions très concrètes, face aux orages de grêle par exemple, il y a des solutions techniques, elles coûtent de l'argent, et donc comment on fait pour accompagner les agriculteurs ? Deuxième élément, vous l'avez compris, je le disais sur la betterave, moi je suis très attaché à l'indépendance et la souveraineté agroalimentaire. Je veux que notre pays et l'Europe soient indépendants. Aujourd'hui, ce n'est pas possible d'être dépendant des importations de soja brésilien ! On marche sur la tête !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, que va prévoir pour l'agriculture ce plan de relance ?

JULIEN DENORMANDIE
Eh bien typiquement, je vous le dis très clairement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors allez-y, je ne sais pas moi, un soutien à l'irrigation, une modernisation des abattoirs, il y en a, il y en a des sujets.

JULIEN DENORMANDIE
Typiquement, ce plan de relance sur le changement climatique, ce sera le financement d'agroéquipements, typiquement. Sur l'indépendance agroalimentaire, typiquement ce plan de relance il financera ce qu'on appelle le plan protéines. C'est quoi le plan protéines ? C'est dire : on fait en sorte que les cultures aujourd'hui de protéines comme du soja, ou autres, soient sur notre sol pour arrêter d'être dépendant du soja brésilien. On marche sur la tête de faire…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc aider à la production de soja.

JULIEN DENORMANDIE
Aider à la production de ces cultures-là, de faire en sorte…

JEAN-JACQUES BOURDIN
De ces protéines.

JULIEN DENORMANDIE
Troisième élément, on parlait du bien-être animal, vous avez compris, moi ma position. Le bien-être animal, ce n'est pas blanc ou noir, mais le bien-être animal on doit accompagner. Les abattoirs sont un formidable exemple. Les abattoirs, on est tous d'accord pour dire qu'il faut améliorer la situation dans les abattoirs. Les abattoirs aujourd'hui…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais comment ?

JULIEN DENORMANDIE
Mais les abattoirs aujourd'hui ils gagnent quasiment 0 €, sauf s'ils appartiennent à un grand groupe. Et donc vous faites quoi ? Nous consommateurs on va dire aux abattoirs : on ne veut pas le savoir, vous investissez, vous investissez. Et les gars dans les abattoirs, ils vous disent : mais moi j'aimerais bien, mais je ne gagne rien. Et donc le plan de relance c'est une opportunité d'investir massivement dans les abattoirs, pour leur permettre enfin de pouvoir faire en sorte qu'il y ait des investissements. Donc voyez, je vous ai pris trois exemples mais qui résument ma pensée : changement climatique, indépendance agroalimentaire et en même temps accompagner la transformation.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, indépendance alimentaire, comment imposer les produits français dans les rayons des grandes et moyennes surfaces ? Comment faire ? Il y a eu des efforts pendant le confinement, mais des efforts imposés finalement par le confinement, est-ce que, comment poursuivre ? Comment trouver en permanence des produits frais français dans les rayons des grandes surfaces ?

JULIEN DENORMANDIE
Déjà, il faut le dire aux Français. La meilleure des choses à faire, pour soi, pour son alimentation, c'est de manger des produits frais français. J'insiste dessus, des produits frais français.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand on les trouve.

JULIEN DENORMANDIE
Quand on trouve, enfin on en trouve quand même beaucoup.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On les a trouvés, ces derniers mois.

JULIEN DENORMANDIE
Et on les a beaucoup trouvés pendant le confinement, vous avez 1 000 fois raison de le dire, et on travaille aujourd'hui avec la grande conso pour faire en sorte que ça continue. Mais donc il faut d'abord le dire d'un point de vue de nutrition, de santé, d'alimentation, mangeons des produits frais français. Deuxièmement, moi je n'en peux plus, et à chaque fois que je vois qu'il y a des détournements, vous savez, de ces étiquetages, on voit le drapeau français, mais en fait il y a marqué " élaboré en France ", et vous vous rendez compte qu'il n'y a pas une portion d'aliment français…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, qu'allez-vous faire ?

JULIEN DENORMANDIE
Eh bien typiquement, samedi dernier, il y a 2 jours, j'ai recensé avec mes services tout ce que j'ai pu constater pendant l'été, qui m'est remonté, j'ai envoyé ça au ministère de l'Industrie, qui a autorité sur la Direction du contrôle et des fraudes, en disant : merci de regarder tous ces points. Je ne laisserai rien passer.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ?

JULIEN DENORMANDIE
Eh bien c'est-à-dire que quand vous avez un emballage où il a un drapeau français, et qu'en fait vous regardez en petit astérisque et que vous voyez, eh bien que ce n'est pas de la viande française, c'est de la viande qui vient de…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura des amendes ?

JULIEN DENORMANDIE
Eh bien il y a aujourd'hui, des amendes qui peuvent être fortes, au titre de la tromperie vis-à-vis du consommateur. Deuxième point.

JEAN-JACQUES BOURDIN
De la tromperie, oui.

JULIEN DENORMANDIE
Troisième point, il faut développer les circuits courts. Il faut aider nos agriculteurs à développer…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, les Français veulent privilégier les circuits courts.

JULIEN DENORMANDIE
Et donc ça aussi…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais attendez, la grande distribution a fait des bénéfices cette année.

JULIEN DENORMANDIE
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est l'un des rares secteurs qui s'en est très très bien sorti avec le confinement.

JULIEN DENORMANDIE
Eh bien ils ont continué à travailler fortement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, comment en faire bénéficier les producteurs ?

JULIEN DENORMANDIE
Eh bien il faut...

JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment faire ? Parce que beaucoup de producteurs souffrent, vous le savez.

JULIEN DENORMANDIE
Mais bien sûr.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour d'autres raisons, je vais en parler rapidement, après la sécheresse.

JULIEN DENORMANDIE
Vous avez une loi qui s'appelle la loi EGALIM, qui visait à inverser les tendances. Aujourd'hui, il y a des dynamiques qui sont créées, mais on n'est clairement pas…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non.

JULIEN DENORMANDIE
Clairement pas. Et donc c'est un travail de tous les jours qu'on mène, avec cette grande distribution, pour veiller à ce que tout ce qu'on a prévu dans cette loi, soit bien appliqué. Une semaine après ma nomination, je réunissais tous ces acteurs avec le ministère de l'Economie, pour justement faire le point dessus. Il y a des sujets, c'est un peu technique, je m'en excuse, mais comme des seuils de revente à perte, qui ont été imposés, donc ont vérifié, on travaille avec eux, etc. La réalité c'est quoi ? C'est qu'aujourd'hui on a vu qu'il y avait eu des améliorations, par exemple dans le lait, mais très insuffisantes dans plein d'autres secteurs, par exemple dans la viande.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, que faire ?

JULIEN DENORMANDIE
Eh bien il faut être intransigeant, je le disais tout à l'heure, il faut être très exigeant dans l'implication de cette loi, et puis moi, pour moi il y a un troisième sujet, c'est qu'il faut aussi expliquer aux Français que manger un poulet français, n'a rien à voir avec manger un poulet brésilien. Le problème du poulet français et du poulet brésilien, c'est qu'ils se ressemblent beaucoup en apparence. Parfois pas complètement, mais enfin il n'y a rien qui ressemble plus à un poulet qu'un poulet. Bon. Et la difficulté c'est que ça n'a rien à voir en termes de gout, mais en termes de nutrition. Et donc moi je dis aux Français qui nous écoutent, vous savez, quand je vous propose de manger produits frais français, ça n'est pas uniquement par chauvinisme, c'est d'un point de vue nutritionnel.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Puisque vous voulez que nous mangions français, le Mercosur est abandonné, si j'ai bien compris, c'est fini…

JULIEN DENORMANDIE
On a une position très claire dessus.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Très claire. Et TAFTA ?

JULIEN DENORMANDIE
Mais, on a une position très claire dessus, et je vais répondre parce qu'on ne va pas faire tout, on a eu aussi cet été, là…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, cet été le Vietnam…

JULIEN DENORMANDIE
La Nouvelle Zélande.

JEAN-JACQUES BOURDIN
La Nouvelle Zélande, oui.

JULIEN DENORMANDIE
Moi, ce que je dis très clairement, vous savez, cet après-midi je me rends en Allemagne pour voir les ministres de l'Agriculture européens. On est en train de négocier la nouvelle politique agricole commune. Comptez sur moi pour que dans cette nouvelle Politique agricole commune, on mette des normes environnementales fortes. Mais je dis, à partir du moment où nous en Europe on met des normes environnementales encore plus fortes sur notre agriculture, ça veut dire qu'il faut être incroyablement exigeant vis-à-vis de tous les pays tiers, dans tous ces accords commerciaux.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Même si on a signé un accord commercial.

JULIEN DENORMANDIE
Vous avez des clauses de suivi et de révision.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Julien DENORMANDIE, dernière question sur les éleveurs, qui souffrent parce qu'ils n'ont pas de foin cette année, avec la sécheresse. Pour les viticulteurs aussi qui souffrent, des aides ou pas ?

JULIEN DENORMANDIE
Des aides. Des aides qu'on a déjà mises en place, agronomiques ou de trésorerie, très importantes, par exemple déclarer en calamités agricoles là où c'est possible, faire des dégrèvements sur les taxes foncières, c'est-à-dire... mais en gros il faut aider à la trésorerie de nos éleveurs. Il faut les aider.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, qu'allez-vous faire ?

JULIEN DENORMANDIE
Ça, on les a déjà annoncées, et là aujourd'hui on est en train de les mettre en place. Premier point. Et deuxième point, il faut justement dans le plan de relance, tous ces agroéquipements, toute cette indépendance par exemple sur des protéines, les protéines ça concerne les éleveurs, c'est qu'est-ce qu'on met dans les prairies aussi, eh bien tout cela se soit des aides qui bénéficient directement à nos éleveurs, pour que, année après année, sécheresse après sécheresse, on trouve des solutions de long terme, et pas que simplement des solutions de court terme, comme celles que je prends et que je vais continuer à prendre, pour les calamités agricoles ou pour améliorer la trésorerie. Court terme, long terme, n'oublions jamais qu'en agriculture il n'y a qu'un truc qui compte, c'est le temps, le temps qu'il fait et le temps sur la durée. Il faut donner cette vision de cette indépendance agroalimentaire française.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais certains n'ont pas le temps d'attendre, Julien DENORMANDIE.

JULIEN DENORMANDIE
Mais je n'ai pas dit ça, le temps qu'il fait, c'est du temps tout de suite, c'est du très concret, et je peux vous dire que certains n'ont pas le temps d'attendre…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Notamment certains éleveurs.

JULIEN DENORMANDIE
... et mon impatience elle est totale aussi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Julien DENORMANDIE.

JULIEN DENORMANDIE
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 septembre 2020