Texte intégral
SONIA MABROUK
Bienvenue à vous et bonjour Eric DUPOND-MORETTI.
ERIC DUPOND-MORETTI
Bonjour Sonia MABROUK.
SONIA MABROUK
Une adolescente, une jeune adolescente de 15 ans, a été tuée après avoir été violée à Nantes par un multirécidiviste condamné pour neuf viols, trois tentatives de viol, à 18 ans de réclusion et relâché avant le terme de sa condamnation. Quels sont les mots du Garde des sceaux pour qualifier ce qui vient de se passer ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Avant de vous répondre, les mots du Garde des sceaux se sont des mots de compassion pour la famille de cette jeune femme, c'est un crime atroce. Avant que l'affaire soit connue j'ai demandé une inspection, pour savoir si la justice avait dysfonctionné. Cet homme a été arrêté en 2003, il a été jugé en 2005, condamné à 18 ans de réclusion criminelle, il a été remis en liberté, mais avec un suivi socio-judiciaire, et il a été suivi. Ça, ce sont les premiers éléments qui ont été portés à ma connaissance. Si la justice a dysfonctionné je ne me cacherai pas derrière mon petit doigt, il y aura des sanctions. A cet instant précis on peut penser que le suivi a été effectif, c'est un suivi médical d'ailleurs. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? La rémission des crimes ça n'existe pas, je n'ai pas de baguette magique.
SONIA MABROUK
Ne faut-il pas, Monsieur le Garde des sceaux, une rétention de sûreté pour ces profils de condamnés perpétuellement dangereux pour notre société ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Ça n'arrangera rien, madame, je vais vous dire pourquoi, il faut être sérieux. On est évidemment ému, et l'émotion c'est difficilement compatible avec la raison, on est emporté par l'émotion que suscite évidemment ce crime atroce. Il n'y a aucun système qui permet d'obtenir la rémission des crimes, et s'il suffisait de cogner pour que notre société soit pacifiée, pour que les crimes ne soient pas commis, ne soient plus commis, il y a des siècles qu'on saurait.
SONIA MABROUK
Il ne s'agit pas de cogner, il s'agit de protéger le reste de la société.
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais pardonnez-moi. Quand cet homme est remis en liberté, il est remis en liberté parce que la loi prévoit qu'il en soit ainsi, d'ailleurs, d'ailleurs, c'est grâce à l'obtention d'un certain nombre de réductions de peine qui ont été votées par un autre pouvoir. Quand il est remis en liberté il est suivi, on réussit à obtenir…
SONIA MABROUK
Suivi ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Il est suivi, médicalement suivi.
SONIA MABROUK
Deux fois par mois.
ERIC DUPOND-MORETTI
Ce sont les médecins, ce n'est pas la justice.
SONIA MABROUK
Oui, mais peut-être que ce médecin, ce médecin qui n'a pas constaté le danger, peut-être que ce magistrat qui le libère, aura des comptes à rendre, Monsieur le Garde des sceaux.
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais, le magistrat il le libère parce que la loi le lui permet. Je vous ai dit que j'avais demandé une inspection, je ne me cache pas derrière mon petit doigt, j'ai une liberté de parole totale, si des sanctions sont à prendre, elles seront prises, mais de grâce, on ne peut pas anticiper, attendons d'abord les résultats. Moi, ce que je sais de cette affaire, c'est ce qu'en a dit le procureur. Alors, il s'agit d'un suivi médical, c'est de la chose médicale. Mais, vous voyez-vous madame, on s'arrête forcément sur les choses qui ne vont pas, et c'est bien légitime, ces suivis permettent aussi d'éviter un grand nombre de récidives, et on ne peut pas mettre en l'air tout le système parce que de temps en temps ça dysfonctionne.
SONIA MABROUK
Monsieur le Garde des sceaux, les critiques se multiplient à droite et au Rassemblement national pour dénoncer une justice permissive, laxiste, qui ne serait pas du côté des victimes, qu'est-ce que vous répondez précisément ?
ERIC DUPOND-MORETTI
D'abord qu'après un drame comme celui-là on doit se taire, et on n'est pas obligé….
SONIA MABROUK
L'opposition doit se taire ?
ERIC DUPOND-MORETTI
On n'est pas obligé, madame, de faire dans la surenchère populiste. Moi je veux m'adresser à l'intelligence des Français, pas à leurs bas instincts. J'ai entendu la charge qui est sonnée depuis ce week-end, ça commence par la nuancée Madame MORANO, puis Xavier BERTRAND, Xavier Bertrand qui utilise les mêmes mots que Madame LE PEN, qu'il a pourtant combattue pour être élu dans les Hauts-de-France…
SONIA MABROUK
Quels mots ? Précisez-les Eric DUPOND-MORETTI.
ERIC DUPOND-MORETTI
"Orange mécanique." La France ce n'est pas un coupe-gorge. Est-ce que ces gens-là, quand ils étaient au pouvoir, ont éradiqué la délinquance ? Est-ce qu'il y a eu, quand ils étaient au pouvoir, des violences urbaines ? Est-ce que le Garde des sceaux, qui était le leur à l'époque, n'a pas connu la récidive ? Vous savez, je vais vous dire quelque chose madame, la réalité c'est que sur le terrain économique ils n'ont rien à proposer, la réalité c'est que les prêts garantis c'est quelque chose qui marche… deux secondes madame - ils font une université d'été, et le seul thème qu'ils choisissent c'est l'insécurité.
SONIA MABROUK
Mais ça m'interpelle ce que vous dites Monsieur le Garde des sceaux. Vous dites la France n'est pas un coupe-gorge. Quand un chauffeur de bus est lâchement et sauvagement agressé pour avoir rappelé qu'il fallait porter un masque, quand un gendarme est écrasée à pleine vitesse par un chauffard multirécidiviste, et la liste est longue, de quoi on parle, est-ce qu'on ne parle pas d'un ensauvagement d'une partie de la population ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais, madame, pardonnez-moi, vous pensez que l'on peut obtenir la rémission des crimes dans un pays comme le nôtre, il y a plus de 60 millions d'habitants ? Mais vous rêvez j'espère, et vous avez le droit de rêver, c'est une utopie.
SONIA MABROUK
On ne peut pas ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais non madame.
SONIA MABROUK
Le droit d'être protégé, Monsieur le Garde des sceaux, est essentiel.
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais, madame, il y a toujours eu des crimes et il y en aura toujours, malheureusement, on peut le déplorer. Je voudrais vous dire d'ailleurs à propos de ces affaires, que vous me rappelez, et qui ne sont pas sorties de ma mémoire, qu'une réponse judiciaire est intervenue. Il n'y a pas une seule des affaires, dont vous venez de parler, et la liste est plus longue, malheureusement plus longue, pour laquelle la justice n'a pas répondu. Qu'est-ce que l'on veut, qu'est-ce que l'on veut faire croire aux Français ? Je vais vous dire, la rémission des crimes c'est l'élection de Marine LE PEN ou de Monsieur BERTRAND, en ticket peut-être ? Ils disent la même chose.
SONIA MABROUK
Vous les mettez sur le même pied Monsieur Xavier BERTRAND et Madame Marine LE PEN ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais, Monsieur BERTRAND est venu nous parler des peines plancher, les peines plancher elles n'ont pas marché.
SONIA MABROUK
Comment vous le savez, Monsieur le Garde des sceaux, est-ce qu'elles ont été appliquées ces peines plancher ? Moi je me souviens de beaucoup de magistrats qui n'ont pas voulu les appliquer ces peines plancher.
ERIC DUPOND-MORETTI
Et beaucoup de magistrats qui les ont appliquées, et est-ce que vous avez vu une baisse de délinquance ?
SONIA MABROUK
Est-ce que vous avez un bilan objectif sur l'efficacité ou non des peines plancher ? Personne ne l'a, Monsieur le Garde des sceaux.
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais évidemment, mais madame, si ça avait marché, on aurait gardé ce système. Est-ce que, vous n'avez pas vu, quand Monsieur BERTRAND était aux manettes, des violences urbaines ? Moi je me souviens qu'on en a vues. Vous pensez quoi, que quand ils étaient aux manettes, ces gens-là, les élèves se levaient quand le professeur rentrait en classe ?
SONIA MABROUK
Quittons un instant les responsables politiques, Monsieur Eric DUPOND-MORETTI, quand des syndicats de police dénoncent une impunité des délinquants, à peine arrêtés, sitôt libérés, sitôt libérés, ils ont tort ces syndicats de policiers ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Alors, il y a plusieurs choses dans votre question. Madame, moi, je voudrais vous rappeler que le Garde des sceaux il peut faire beaucoup de choses, mais il ne peut pas tout faire, le Garde des sceaux, en particulier, il ne peut pas donner d'ordre aux juges, ce n'est pas lui qui juge, ni aujourd'hui, ni hier, ça s'appelle la Constitution, ça s'appelle la séparation des pouvoirs. En revanche, le Garde des sceaux il conduit une politique pénale. Le Premier ministre a dit un certain nombre de choses parfaitement justes sur la justice, elle manque de moyens, mais elle a aussi de mauvaises habitudes. Moi je veux des peines qui soient justes, je veux des peines qui soient immédiates…
SONIA MABROUK
Expliquez-nous, c'est quoi une peine juste ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Attendez madame…
SONIA MABROUK
Attendez, Monsieur Eric DUPOND-MORETTI…
ERIC DUPOND-MORETTI
Vous me posez des questions, et vous ne me laissez pas le temps d'y répondre.
SONIA MABROUK
Allez-y.
ERIC DUPOND-MORETTI
Il y a un vrai sujet, c'est la réaction de la justice, qui parfois est tardive, on y travaille, on est en train de mettre en place, et les mesures vont sortir dans quelques jours, une réponse qui soit immédiate à la petite délinquance, sachant que, la grande délinquance elle est traitée. Est-ce que vous savez, madame, quel est le taux de réponse pénale dans notre pays ?
SONIA MABROUK
Indiquez-le.
ERIC DUPOND-MORETTI
C'est plus de 90%. Donc, on ne peut pas dire que la justice ne fonctionne pas, le problème c'est que quand on est face à un drame de cette nature, certains utilisent la compassion de façon, madame, je le dis, obscène, obscène.
SONIA MABROUK
Est-ce que vous contestez, Monsieur le Garde des sceaux ce matin, l'existence de certains magistrats idéologisés, imbibés par la vulgate de l'extrême gauche et nourris à la culture de l'excuse ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Sans doute que différentes sensibilités politiques s'expriment au sein de la magistrature, et notamment dans une expression syndicale. Qu'est-ce que vous voulez que fasse le Garde des sceaux, qu'il interdise aux magistrats d'être syndiqués ? On n'est pas en dictature, je vois que ce mot fleurit partout, ce n'est pas ça une dictature, ce n'est pas ce que nous vivons, eh bien les juges s'expriment comme ils ont envie de s'exprimer, le tout c'est que quand ils jugent l'idéologie ne transparaisse pas. Mais une fois encore, madame, moi, vous le savez, je n'ai pas le droit, dans des affaires qui sont en cours, de donner des ordres des juges, que dirait-on, ce serait un viol de la Constitution.
SONIA MABROUK
J'entends bien, mais je demande au Garde des sceaux si, en ce moment, les discours victimaires, les discours antiracistes, ne sont pas en train de désarmer moralement notre police et aussi notre société quelque part ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais, je ne vous ai pas répondu, vous allez sans doute trop vite pour moi, je ne vous ai pas répondu complètement sur ce que disent les syndicats. Je vais vous donner un exemple, le Paris-Saint-Germain là, voyez, il y a 105 interpellations de majeurs, 49 condamnations, ça va du rappel à la loi à 10 ans, à 10 mois, pardonnez-moi, d'emprisonnement ferme avec un mandat de dépôt. Pour 13 majeurs l'enquête continue, il n'y a pas d'élément, la justice fait son métier, elle investigue, et pour 43 situations il y a des classements sans suite parce qu'il n'y avait pas de preuves. J'entends la ritournelle de certains syndicalistes de la police qui disent « la justice ne fait pas », et parfois, sur un certain nombre de dossiers, ils ont raison. Ce que nous allons mettre en place, pour la petite délinquance, c'est une réponse immédiate, immédiate. Quand je vois par exemple que certains travaux d'intérêt général mettent 14 mois pour entrer en exécution, c'est insupportable. Mais je vais vous donner un autre chiffre. Il y a plus de 90% des peines prononcées qui sont exécutées, et les Français ne le savent pas.
SONIA MABROUK
Parce qu'on dit souvent justement que les peines prononcées ne sont pas effectivement exécutées. Est-ce qu'il faut, pour aller plus loin, Monsieur le Garde des sceaux, instaurer une responsabilité pénale des mineurs dès 13 ans ? Ecoutez l'ex-Garde des sceaux, Rachida DATI, hier à ce micro sur Europe 1.
RACHIDA DATI
De mettre un âge de responsabilité pénale, dès 13 ans, c'est un signe fort.
SONIA MABROUK
Elle a raison ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Ça existe, madame. Je suis très surpris que Madame DATI, qui est une juriste, qui a occupé le poste qui est aujourd'hui le mien, s'exprime comme ça, il doit s'agir d'une erreur. La responsabilité des mineurs de 13 ans elle existe.
SONIA MABROUK
Soyons précis. On peut condamner pénalement un mineur, mais ce qui conditionne la peine, ou la mesure éducative, c'est le discernement. Vous le savez mieux que moi Monsieur le Garde des sceaux, si on juge qu'il n'y a pas discernement de la part du mineur, pas de sanction. L'ex-Garde des sceaux veut modifier cela précisément.
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais la responsabilité, madame, c'est le discernement. On peut incarcérer un mineur quand il a plus de 13 ans, on ne peut pas le faire quand il a moins de 13 ans.
SONIA MABROUK
Donc, ce que propose l'ex-Garde des sceaux c'est d'enlever cette condition du discernement.
ERIC DUPOND-MORETTI
Et de les envoyer en prison.
SONIA MABROUK
Vous n'êtes pas l'accord.
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais enfin madame, un mineur de 13 ans ça reste un mineur, et tout est mis en place, dans notre système, pour qu'on les aide. Voyez, je suis allé visiter un centre éducatif fermé…
SONIA MABROUK
Oui, mais le discernement est subjectif.
ERIC DUPOND-MORETTI
Ecoutez-moi 2 secondes madame s'il vous plaît. Il y avait deux gamins, là, qui m'ont interpellé, qui faisaient des devoirs, qui se sortent de la délinquance, ils sont nés en prison tous les deux, vous voulez faire quoi avec des enfants ? Parce que ce sont des enfants. Et d'ailleurs cette ordonnance de 45, qui est décriée, elle a été envisagée par le Général de GAULLE lui-même après la guerre, et elle protège d'abord les enfants. Vous voulez faire quoi ? Vous pensez que c'est la solution, on met tout le monde en prison ?
SONIA MABROUK
J'entends ce que vous dites, ce sont des enfants, mais les…
ERIC DUPOND-MORETTI
C'est ça que vous proposez ?
SONIA MABROUK
Ce n'est pas moi Monsieur le Garde des sceaux. Les 804 mineurs qui sont aujourd'hui en détention, ce sont des enfants, vraiment, qu'est-ce qu'ils ont commis comme crime ? Dites-le-nous Monsieur le Garde des sceaux.
ERIC DUPOND-MORETTI
Alors d'abord, madame, vous avez raison de souligner qu'il y en a 804 qui sont en détention, d'accord ! Moi je veux innover en la matière et faire un certain nombre de choses qui me paraissent extrêmement fortes et intéressantes, et notamment je vais me rapprocher d'une merveilleuse institution, que les Français aiment, c'est l'armée. Voilà. Et ce que je veux faire de ces mineurs, eh bien c'est des majeurs qui soient sortis de la délinquance. C'est un beau projet, c'est un projet humaniste, parce que, en réalité…
SONIA MABROUK
Un beau projet, dans une société qui s'ensauvage ? Vous ne m'avez pas répondu sur l'ensauvagement.
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais, madame, je vais vous dire quelque chose. Un mineur qu'on laisse en prison il sort avec des galons, il est parfois fier d'avoir été en tôle, et il raconte ça à ses petits copains.
SONIA MABROUK
Eh bien oui, la prison ne fait plus peur !
ERIC DUPOND-MORETTI
Bien sûr que la prison fait peur, madame, c'est curieux ce discours répressif que vous reprenez à votre compte, en réalité madame…
SONIA MABROUK
Je vous pose des questions.
ERIC DUPOND-MORETTI
En réalité, madame, il faut sauver tous ceux qui peuvent être sauvés, et si vous étiez venue avec moi au SPIP de Douai, on vient d'inaugurer des nouveaux locaux, je sais que la justice ne fait rien, vous auriez vu que le SPIP traite 1000 dossiers, et que sur ces 1000 dossiers il y a plein de jeunes majeurs qui sont sortis d'affaire, madame, sortis d'affaire, entendez-moi, et c'est notre intérêt à tous, c'est le vôtre et c'est le mien.
SONIA MABROUK
Vous ne m'avez pas répondu, Monsieur le Garde des sceaux, sur le terme d'ensauvagement, vous ne le reprenez pas depuis tout à l'heure.
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais vous savez, je l'ai déjà dit, je ne le reprends pas, c'est une question de sensibilité, chacun utilise les mots qu'il veut utiliser.
SONIA MABROUK
Quand même, vous ne partagez pas le même diagnostic, sur la réalité de notre pays, que le ministre de l'Intérieur, ça nous interroge.
ERIC DUPOND-MORETTI
Mais le ministre de l'Intérieur c'est le ministre de l'Intérieur, l'ensauvagement c'est un mot qui développe, me semble-t-il madame, le sentiment d'insécurité. Et je vais vous dire quelque chose à ce propos…
SONIA MABROUK
Le sentiment ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Le sentiment…
SONIA MABROUK
C'est un sentiment ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Madame, je vais vous dire quelque chose. Pire que l'insécurité, il y a le sentiment d'insécurité, par quoi est-il nourrit le sentiment d'insécurité ? D'abord par les difficultés économiques que traverse notre pays, les gens ont peur, bien sûr, par le Covid, ça fait peur aussi, ça fout la trouille, par certains médias. Je voudrais vous dire quelque chose, madame, pardonnez-moi, mais autrefois, vous appreniez un crime, voilà… on poussait tous des cris d'orfraie, maintenant, sur certaines chaînes d'info continue, ce n'est plus un crime que vous apprenez, c'est 50 crimes, mais c'est le même en réalité, et ça nourrit le sentiment d'insécurité tout ça. Et puis ensuite vous avez le discours populiste, la surenchère, ceux qui en rajoutent en permanence. Voilà, la réalité elle est là. Et, pardon, l'insécurité il faut la combattre, le sentiment d'insécurité c'est plus difficile, madame, c'est pour ça que je vous dis que je veux m'adresser à l'intelligence des Français et pas à leurs bas instincts, parce que le sentiment d'insécurité c'est de l'ordre du fantasme.
SONIA MABROUK
Demain, Monsieur le Garde des sceaux, s'ouvre un procès inédit, celui des attentats de janvier 2015 qui ont fait basculer la France dans le chaos, l'avocat de Charlie Hebdo, Richard MALKA, estime que la situation actuelle est pire qu'il y a 5 ans. Voici ce qu'il a dit dans un entretien au Point : "qui aujourd'hui publierait les caricatures de Mahomet, quel journal, dans quelle pièce, quel film, quel livre oserait le faire ?" Il a raison, personne n'oserait le faire.
ERIC DUPOND-MORETTI
Il a raison et je l'ai déjà dit, je le disais notamment au théâtre, "nous avons perdu de notre liberté et il faut veiller à notre liberté, c'est un bien précieux." Je voudrais vous dire encore une chose, madame, les oreilles m'en sont tombées ce week-end, "la justice ne fait rien, elle ne fait rien, elle ne fait rien", bien sûr, sur le terrain économique la droite n'a rien à opposer au président de la République, donc on vient sur les sujets régaliens, sécuritaires. Vous savez ce que…
SONIA MABROUK
Ils sont importants, ils font partis des priorités des Français.
ERIC DUPOND-MORETTI
J'entends bien madame, mais vous savez ce que je vais mettre en oeuvre ? je dois aux Français de communiquer sur ce que je fais, et régulièrement je vais d'abord demander aux procureurs de la République de dire ce qu'ils ont fait, combien de personnes ont été déférées, comment ils ont été condamnés, quelles sont les appels qui ont été interjetés, et moi je prendrai la parole directement avec les Français, pour leur faire part de ce que je fais.
SONIA MABROUK
A quelle fréquence ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Je n'ai pas encore décidé…
SONIA MABROUK
Régulièrement ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Peut-être tous les 15 jours, il ne faut pas non plus saturer les Français d'information, mais on verra si la justice ne fait rien, comme certains se plaisent à le dire, ou si elle travaille, et moi je vous dis, madame, qu'elle travaille.
SONIA MABROUK
Merci Monsieur le Garde des sceaux Eric DUPOND-MORETTI de nous avoir accordé cet entretien de rentrée sur Europe 1. Nos auditeurs, Monsieur le Garde des sceaux, auraient pu avoir le loisir de vous écouter tous les jours, mais, mais évidemment, de lourdes responsabilités vous ont rattrapé…
ERIC DUPOND-MORETTI
Ils m'écouteront tous les 15 jours ou tous les mois, je dirai ce que je fais.
SONIA MABROUK
Merci en tous les cas de nous avoir accordé cet entretien.
ERIC DUPOND-MORETTI
Je vous en prie.
MATTHIEU BELLIARD
Merci Sonia, merci Maître. On vous appelle encore Maître quand on est ministre ?
ERIC DUPOND-MORETTI
Ah non, non, on m'appelle Monsieur le ministre, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?
MATTHIEU BELLIARD
Monsieur le ministre, c'est terminé. Eric DUPOND-MORETTI était l'invité politique de la matinale.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 septembre 2020