Entretien de M. Clément Beaune, secrétaire d'État aux affaires européennes, avec "Ouest France" le 3 septembre 2020, sur le plan de relance, la gestion de la crise sanitaire au niveau européen, le Brexit et la situation politique en Biélorussie.

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Média : Ouest France

Texte intégral

Q - Le gouvernement présente aujourd'hui son plan de relance. Comment s'articule-t-il avec le plan européen ?

R - Le plan de relance européen est une victoire massive pour la France et pour les Français. Le plan français présenté ce jeudi s'élève à cent milliards d'euros, pour des dépenses d'investissement, dont 40 milliards sont financés par le plan européen qu'on a négocié cet été.

Chaque pays, très concrètement, en cette rentrée, va présenter son plan national, le transmettre à ses partenaires européens. Et ensuite, il y aura une discussion collective pour coordonner les priorités et l'investissement. Donc c'est un plan adapté aux besoins de chacun mais coordonné entre pays européens.

Q - Quelles sont les priorités à l'échelle européenne ?

R - L'écologie, le numérique, la rénovation des logements notamment. On les retrouvera dans tous les plans nationaux. Et il y aura une validation collective, c'est important.

Q - La validation aura lieu quand ?

R - Cet automne, il faut qu'on aille le plus vite possible, j'y veillerai, pour être opérationnel début 2021. La discussion entre les ministres européens va aller vite. Un point essentiel, pour lequel on s'est battu, c'est qu'il n'y a pas de droit de veto.

Q - Aucun pays ne pourra donc s'opposer au plan français, par exemple ?

R - Non, mais il y aura un vote à la majorité. C'est normal. Il y a de l'argent emprunté collectivement, la discussion pour son utilisation doit l'être aussi.

Q - Qui fera la vérification ?

R - C'est la commission européenne qui fera les évaluations. Le Conseil [des ministres européens] émettra un avis, mais il n'y aura pas de pouvoir de blocage d'un Etat. Il faut aller vite. Les fonds doivent arriver rapidement sur le terrain pour que l'essentiel soit dépensé sur 2021 et 2022.

Q - Il y aura une sorte de grand oral à Bruxelles ?

R - Non, je conteste cette vision d'un examen de passage. Je combats l'idée d'une Europe qui serait l'instituteur distribuant les bons ou mauvais points. C'est pour cela qu'on s'est opposé au droit de veto. On ne veut pas répliquer le mécanisme de la troïka durant la crise grecque.

Q - Il y aura néanmoins un vote à la majorité sur chaque plan ?

R - Oui, sur chaque plan.

Q - Après le chaos du confinement par pays cet hiver, quel est l'état de l'harmonisation des mesures de contrôles d'un pays à l'autre ?

R - Notre objectif est d'éviter de retomber dans le chacun pour soi du printemps. On fait donc deux choses concrètes. D'abord, je suis en contact permanent avec les ministres des pays voisins, pour limiter les perturbations entre nos pays. On a 350000 travailleurs frontaliers en France : il faut qu'ils passent la frontière pour gagner leur vie, c'est la priorité absolue. Et puis nous nous battons pour harmoniser les critères au niveau européen.

Q - Mai c'est encore en ordre dispersé. Londres impose la quarantaine, Berlin recommande de ne pas venir à Paris, Rome s'inquiète des chiffres français...

R - Le cas britannique est particulier. Le Royaume-Uni, peut-être parce qu'il a en tête le Brexit, a une approche malheureusement politique et pas exclusivement sanitaire de la gestion de crise. On souhaite que les mesures de quarantaine soient levées le plus rapidement possible.

Q - Un Brexit sans accord est de nouveau possible ?

R - Il faut se préparer à tous les scénarios. Nous accélérerons dès septembre les préparatifs sur tous les secteurs.

Q - Quelle est la date sans retour pour un accord ?

R - Michel Barnier a parlé de fin octobre, pour matériellement faire aboutir à une sortie avec accord.

Q - Le plan de relance européen du 21 juillet aurait été possible avec les Britanniques dans l'UE ?

R - Très sincèrement, je ne crois pas. Je pense qu'ils auraient bloqué un accord de cette nature parce qu'il témoigne d'une ambition européenne très forte.

Q - Concernant la Biélorussie, jusqu'où et comment peut-on soutenir le mouvement démocratique ?

R - Je crois qu'il faut être très ferme en soutien à ce mouvement démocratique. Nous avons été en contact avec l'opposition, je me suis entretenu directement avec Svetlana Tikhanovskaïa. L'Europe doit être aux côtés de ces mouvements démocratiques. Mais les responsables de l'opposition biélorusse le disent eux-mêmes, un changement ne doit pas venir de l'extérieur. Il ne s'agit pas de se défausser, mais c'est sur la scène interne que les libertés et les droits progressent. On peut agir en soutien, et par des sanctions - ciblées, car il ne s'agit pas de faire souffrir la population biélorusse. J'espère qu'on va pouvoir les mettre en place dans les prochains jours contre les responsables de la répression du régime.

Q - Quelles sanctions ?

R - Elles touchent essentiellement à leur patrimoine, à leurs avoirs et à leur liberté de circulation. Le plus efficace est de frapper au portefeuille. La seconde chose importante, c'est un dialogue constant avec le président russe. La solution ne doit pas non plus être imposée par une puissance comme la Russie. Je crois justement que le meilleur moyen de soutenir un mouvement démocratique en Biélorussie, c'est de ne pas en faire un enjeu géopolitique.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 septembre 2020