Texte intégral
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Un ministre du concret sur ce plateau ce matin, Alain GRISET, ministre des PME, bonjour Alain GRISET.
ALAIN GRISET
Bonjour.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Je rappelle votre parcours. Vous avez créé une entreprise de taxis, après vous êtes devenu président de l'assemblée permanente des chambres de métiers et d'artisanat, et vous étiez président de l'Union des entreprises de proximité, syndicaliste, un syndicaliste derrière un maroquin, ça change la vie ?
ALAIN GRISET
Un petit peu, même si en termes de timing ça ne change pas grand chose, j'ai toujours beaucoup travaillé, la différence maintenant c'est que mes anciens collègues me disent il faut que tu fasses ce que tu avais demandé avant, on va essayer.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, est-ce que vous avez justement, on va parler très concrètement, des PME, de tout ce qu'elles attendent de vous pour traverser cette crise. Est-ce que vous avez les coudées franches pour justement répondre à ce que vous disent, sur le terrain, les chefs d'entreprise, les entrepreneurs, les patrons ?
ALAIN GRISET
Dans un gouvernement on ne décide pas tout, tout seul, je travaille avec Bruno LE MAIRE, naturellement les arbitrages, ensuite, du Premier ministre, du président, mais néanmoins aujourd'hui j'étudie, avec mes collaborateurs, tous les dossiers. Alors, il y a ce qui est visible, ce qui est visible c'est le traitement de la crise actuelle, et puis après il y a tout le travail de fond que nous effectuons, et j'espère dans les prochaines semaines pouvoir dire aux entrepreneurs qu'en termes de simplification, décomplexification, d'écoute particulière, ils seront entendus.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, il y a eu une polémique politique quelques jours sur les PME oubliées du plan de relance, sur les 100 milliards, certains disent il y a 3 milliards pour les PME, c'est vrai ça ?
ALAIN GRISET
Je ne suis pas dans la polémique, on est dans le concret dans ce ministère, 100 milliards, plan de relance, 25 milliards très directement concernant TPE-PME, et 40 milliards de façon indirecte. Je prends un exemple vraiment très concret. Les entreprises du bâtiment, les artisans, les PME, 7 milliards disponibles, numérisation, pour, moi j'espère en 2021, 1 million d'entreprises accompagnées en termes de numérisation, les foncières, achat de locaux dans les communes pour remettre des activités économiques, tout ça c'est du concret, du tous les jours, au-delà même de ce qu'on fait pour accompagner les secteurs, fonds de solidarité, prêt garanti par l'Etat, cotisations sociales, activité partielle, tout ça, ça continu, et même on le fait maintenant, je vais dire c'est du sur-mesure, secteur par secteur.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il ne faudrait pas que le chef d'entreprise se transforme en chasseur de primes, de subventions et d'aides d'Etat, avec cette période compliquée.
ALAIN GRISET
D'abord je crois que ce n'est pas la mentalité de la plupart des chefs d'entreprise, PME-TPE, mais il est normal aussi, comme on le fait pour les salariés, qu'on puisse permettre à ces entreprises de passer un moment très particulier, très difficile, et naturellement nous regardons, ce n'est pas de la distribution à gogo, on regarde les secteurs qui en ont le plus besoin, et au fur et à mesure les choses vont de façon dégressive. L'Etat n'a pas vocation à financer l'économie à vie, mais par contre il est normal qu'on accompagne les secteurs les plus en difficulté.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, on va prendre un exemple concret, parce que je sais que vous les recevez vendredi, le secteur des discothèques, boîtes de nuit, complètement sinistré, parce que eux n'ont pas pu rouvrir. Qu'est-ce que vous allez leur dire vendredi ?
ALAIN GRISET
D'abord la vérité. La vérité c'est qu'il y a aujourd'hui une question sanitaire, vous le voyez bien, qui n'est pas réglée, et que, Olivier VERAN, avec toute la bonne volonté du monde, me dit "aujourd'hui les discothèques, on ne peut pas passer le message qu'on va rouvrir les discothèques alors qu'on dit à tout le monde qu'il faut faire attention, qu'il faut rester le plus possible en situation de précaution."
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc pour eux on a prorogé les dispositifs existants, le chômage partiel par exemple.
ALAIN GRISET
Aujourd'hui on va au-delà puisque, par exemple, le Fonds de solidarité, j'ai discuté avec eux au mois de juillet, on a fait sauter tous les critères, au lieu de dire c'est 5000 euros au deuxième niveau, on a dit c'est 3 fois 15.000, mais j'ai bien conscience que c'était un dispositif ponctuel et qu'aujourd'hui il faut qu'on retravaille avec eux, donc je les vois vendredi et naturellement on va regarder avec eux de quelle manière continuer à accompagner, tout en ayant bien conscience que tout ce que je pourrai dire n'est pas, pour eux, totalement satisfaisant. Ce sont des chefs d'entreprise à qui on dit "vous ne pouvez pas travailler", et qui n'ont pas les revenus qu'ils devraient avoir normalement, donc on essaye de faire pour le mieux dans une situation difficile.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Votre mission, votre boulot dans les prochains mois, c'est de faire en sorte que cette vague… de défaillances d'entreprises, soit la plus basse possible et qu'on accompagne les entrepreneurs à passer ce cap, vous pensez qu'on est trop pessimiste quand on voit certains chiffres sur les défaillances à venir ?
ALAIN GRISET
D'abord il ne faut pas remettre en cause la difficulté de la crise, elle est terrible, mais au bout du compte la situation est un peu meilleure que ce qui avait été prévu…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous parlez de la BANQUE DE FRANCE, par exemple, qui…
ALAIN GRISET
Par exemple, qui donne des chiffres qui sont bien meilleurs que ceux qu'on avait envisagés il y a quelques mois, on voit bien que l'activité, la reprise a été meilleure, même s'il ne faut nier qu'ils restent des secteurs encore très touchés, une partie des cafés, hôtels-restaurants, le tourisme, tout ce qui est l'événementiel, on voit bien que là c'est difficile, mais globalement ça va un peu mieux. Et, les mesures que nous prenons, et le plan de relance a pour objet de donner le petit coup de pouce en plus, si les Français, ceux qui ont mis de l'argent de côté, pouvaient eux-mêmes contribuer un peu plus à la consommation, ce sera encore mieux…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous voulez que les Français dépensent les 80 milliards qu'ils ont accumulés…
ALAIN GRISET
Je pense qu'ils pourraient se faire plaisir…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Sur le Livret A notamment ?
ALAIN GRISET
Ils pourraient améliorer leur habitat, voilà, ils pourraient participer à la relance un peu plus.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, ils le font un peu d'ailleurs, on voit que si le rebond est plus rapide qu'anticipé en France, c'est parce que les Français consomment quand même !
ALAIN GRISET
Oui, c'est bien, c'est vrai, mais il y a quand même encore 80 milliards, l'Etat met 100 milliards, il y a 80 milliards, donc tout ça, ça irait dans le bon sens.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il ne faut presque être patriote en dépensant l'argent accumulé pendant, pour ceux qui ont pu le faire, pendant le confinement ?
ALAIN GRISET
Un petit peu comme au niveau sanitaire, chaque Français a une part de responsabilité, une part de réussite, sur le plan économique c'est pareil, l'Etat joue son rôle, eh bien chaque Français qui le peut, naturellement, peut contribuer, d'une façon ou d'une autre, en faisant, en achetant français, en ayant une activité de loisir, quand c'est possible, en améliorant son habitat, enfin tout ça ce sont des gestes qui contribuent à faire que la France va mieux.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, on parlait de l'hypothèse d'augmentation des défaillances d'entreprises, on a vu, on en a parlé pendant le journal, qu'il y a un amendement qui serait déposé au projet de loi sur la simplification administrative pour pérenniser dans le temps les mesures du confinement, c'est-à-dire l'accélération des procédures de sauvegarde. Alors, je sais bien qu'on parle de procédures judiciaires et que ce n'est jamais une très bonne nouvelle pour les entreprises, mais parfois ça permet de protéger l'entreprise et ses salariés.
ALAIN GRISET
Oui, nous allons travailler, avec Eric DUPOND-MORETTI, sur ce sujet. Moi je souhaite qu'on fasse un effort avant cette procédure, c'est-à-dire que, la défaillance d'entreprise, si elle est prise au tout premier moment, 9 fois sur 10 ce n'est même pas la peine d'aller au tribunal, on arrive à accompagner, parce que dans une entreprise, comme dans la vie quotidienne, d'un être humain, il peut y avoir une difficulté, et ce n'est pas parce qu'on a un rhume qu'on considère qu'on est totalement à la mort, donc, une entreprise qui a une difficulté, difficulté de paiement, difficulté de clientèle, difficulté de santé, il faut qu'on l'accompagne tout de suite, très vite, de façon à ce qu'elle n'aille pas dans cette procédure du tribunal, qui est traumatisante pour beaucoup des entrepreneurs. Donc, il y a deux éléments importants, améliorer la procédure tribunal, accélérer, accompagner, mais surtout prévenir avant.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et pour pérenniser les mesures exceptionnelles du confinement, elles vont être adoptées dans la loi ?
ALAIN GRISET
Oui, et puis on va, à côté de ça, avoir un gros travail de fait, à côté du plan de relance, pour essayer de décomplexifier, pour essayer de raccourcir le délai, pour avoir un Etat qui soit un Etat d'écoute et d'accompagnement, je crois que ça c'est extrêmement important, en particulier pour les plus petites entreprises.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, il y a quelque chose qui inquiète aussi les petites entreprises et leurs dirigeants, c'est le fait que les reports, par exemple de loyers commerciaux, les reports de charges, on arrive au bout, il va falloir payer maintenant. Est-ce qu'on peut imaginer une forme de lissage ?
ALAIN GRISET
Tout d'abord il y a, sur les cotisations sociales, le lissage a été prévu, le report de cotisations sur 3 ans, sur le prêt garanti par l'Etat, au bout de la première année, on peut aller jusqu'à 6 ans…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Avec des conditions financières assez intéressantes, entre 1,5 et 2,5% à peu près dans les banques.
ALAIN GRISET
Sur l'année 2 et 3, 1%, et au-delà de la troisième année on est au maximum à 2,5%, précision, toujours garanti 90% par l'Etat, ce qui est quand même quelque chose d'important.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Sur les loyers commerciaux ?
ALAIN GRISET
Il y a un sujet sur les loyers. Sur les loyers, le vrai sujet c'est qu'une grande partie des loyers, les bailleurs ce sont Monsieur et Madame Tout-le-monde, et pour une partie d'entre eux c'est leur retraite, c'est leur revenu, et donc on peut difficile dire à Monsieur et Madame Tout-le-monde, qui a 800, 900 euros de retraite, "on ne va pas avoir le loyer", donc là on a un sujet particulier. Je reçois la semaine prochaine l'ensemble des acteurs, les bailleurs, les professionnels, les représentants des bailleurs pour les particuliers, les entreprises elles-mêmes, de façon à ce qu'on regarde ce qui a été fait avant le mois de mai, c'est-à-dire Madame PROST avait engagé une négociation…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
La médiatrice.
ALAIN GRISET
Voilà, médiatrice, nous avons demandé aux préfets de regarder comment, dans les départements, la médiation se met en place, on va faire ce bilan, et en fonction du bilan on regardera si on doit aller plus loin ou pas…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On peut imaginer une forme de lissage aussi ?
ALAIN GRISET
On peut imaginer toutes sortes de solution, mais en tout cas c'est sûrement un des sujets qui n'est pas encore totalement traité, et donc on va le traiter naturellement.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On a vu dans l'actualité beaucoup de défaillances, de reprises d'entreprises, ALINEA, BIO C'BON, FAUCHON, il faut laisser faire le marché, il faut laisser faire ces défaillances, parce qu'il y a souvent une pression sur le gouvernement, une pression politique, pression de la société, sur le fait d'intervenir, c'est quoi votre position à vous ?
ALAIN GRISET
Je pense qu'il ne faut pas tout laisser faire, Bruno LE MAIRE l'a dit, il y a quelquefois un certain nombre de cas où les entreprises ne jouent pas le jeu, c'est surtout dans les plus grosses, et l'Etat a mis en place des dispositifs, par exemple ce qu'on appelle l'APLD, l'Activité Partielle de Longue Durée, qui permet d'avoir une perspective de 2 ans.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est compliqué pour les PME ça !
ALAIN GRISET
C'est vrai, mais celles dont vous parlez ce n'est pas tout à fait des PME, on est plutôt sur des entreprises, quelquefois, où il y a beaucoup plus de personnes…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui, mais pour une entreprise qui a très peu de salariés, se dire, "d'abord quelles sont mes perspectives à 6 mois, 1 an, c'est compliqué…"
ALAIN GRISET
C'est vrai.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et puis en plus… il ne faut pas simplifier un peu, peut-être pas pour les toutes petites entreprises, mais pour les entreprises, je ne sais pas, de 50, 100 salariés, parce qu'il faut un accord aujourd'hui, il faut un accord avec les organisations collectives pour mettre en place le dispositif de longue durée ?
ALAIN GRISET
Bon, l'APLD c'est quelque chose qui donne de la perspective, et vous avez raison, tout le monde n'a pas une perspective très lointaine, c'est pour ça d'ailleurs que dans les 2 ans on a fait des périodes de 6 mois, ce qui permet quand même de voir un peu plus clair. Et puis, derrière ça, sur l'accord d'entreprise, c'est vrai que pour beaucoup… lorsque vous êtes une petite entreprise c'est compliqué, c'est pour ça que moi j'ai demandé aux partenaires sociaux de regarder s'ils ne pouvaient pas, pour les PME, TPE, avoir un accord chapeau, en gros, de façon à ce que…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ah oui ! Et ça ils vous ont répondu quoi ?
ALAIN GRISET
Il faut qu'ils négocient.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
De manière à ce que toutes les entreprises puissent le faire même si elles n'ont pas d'accord d'entreprise.
ALAIN GRISET
Mais il y aurait un accord, et ensuite il suffirait de se baser sur cet accord pour pouvoir l'intégrer, c'est une simplification importante. Et puis, par ailleurs, à côté de cette APLD il y a toujours le dispositif actuel d'activité partielle, qu'on adapte en fonction des secteurs, donc je pense que l'Etat joue son rôle, et moi ce que je demande c'est que chaque entreprise utilise les outils avant de dire on va fermer, on va licencier. Je crois qu'il y a aussi, là, un aspect responsabilité, et d'image de l'entreprise par rapport aux Français, qui doit être totalement importante.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Merci Alain GRISET…
ALAIN GRISET
Merci à vous.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ministre des PME, d'avoir été l'invité de "Good Morning Business."
source : Service d'information du Gouvernement, le 18 septembre 2020