Interview de M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur, à BFM TV le 7 septembre 2020, sur les questions de sécurité et la laïcité.

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Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Gérald DARMANIN, bonjour.

GERALD DARMANIN
Bonjour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ministre de l'Intérieur. La France s'ensauvage, la France est malade de son insécurité, est-ce grave ?

GERALD DARMANIN
Alors, je ne pense pas que la France s'ensauvage, je pense qu'une certaine partie de la société connaît ce qu'on appelle l'ensauvagement, des actes de sauvagerie, et, oui, bien sûr, ça inquiète nos concitoyens, et notamment les plus…

JEAN-JACQUES BOURDIN
La France est malade de son insécurité, vous le dites.

GERALD DARMANIN
Oui, la France connaît des faits d'insécurité graves, d'autant plus inquiétants, Monsieur BOURDIN, qu'ils touchent les Français populaires. C'est les Français qui travaillent tard le soir, tôt le matin, qui vivent dans les HLM, qui vivent dans les zones pavillonnaires, qui connaissent le plus l'insécurité parce qu'ils n'ont pas les moyens de se payer la sécurité que peuvent se payer les Français les plus riches. On le sait tous, il y a des endroits plus difficiles à vivre, que d'autres, où on est plus inquiet pour ses enfants qu'ailleurs, voilà, et donc le rôle de l'Etat, le rôle du ministre de l'Intérieur, c'est d'être la protection de ceux qui n'ont pas de relations.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc une forme de banalisation de la violence.

GERALD DARMANIN
Le président de la République a utilisé le mot et je le crois très juste.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Banalisation de la violence. Pourquoi est-ce que vous avez employé ce mot ensauvagement, qui est connoté, on le sait, connoté « « sauvageons » Jean-Pierre CHEVENEMENT, connoté par les identitaires d'extrême droite, pourquoi le mot ensauvagement ?

GERALD DARMANIN
On est dans un monde particulier où vous arrivez à mettre dans la même phrase Jean-Pierre CHEVENEMENT et les identitaires d'extrême droite, moi je le souhaite que la France ressemble à celle de Jean-Pierre CHEVENEMENT pour combattre justement les identitaires d'extrême droite. Vous savez, je suis né en 82, la première fois que j'ai voté c'était contre Jean-Marie LE PEN, lorsque je suis devenu député c'était au lendemain où Madame LE PEN était au second tour de la présidentielle, lorsque j'ai dirigé la campagne de Xavier BERTRAND, et j'ai quitté le Parlement pour ça, dans la région des Hauts-de-France, c'était pour battre Madame LE PEN, lorsque je me suis présenté aux élections municipales à Tourcoing, aux élections présidentielles Madame LE PEN faisait plus de 30%, aux dernières municipales contre moi son parti a fait moins de 6%, et je pense que si on ne met pas des mots sur les choses, si on n'a pas, par ailleurs, des actions extrêmement concrètes…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Des mots déjà employés.

GERALD DARMANIN
Mais des mots sur les choses. Si par ailleurs, Monsieur BOURDIN, ensuite ces mots, c'est intéressant, mais les actions sont encore plus intéressantes, extrêmement concrètes, si on ne dit pas aux Français qui nous écoutent, qu'on va agir pour eux et qu'on sait ce qu'ils vivent, si on ne dit pas les mots qui correspondent à ce qu'ils vivent, alors on n'est pas compris par eux. Et moi je souhaite, de ma longue expérience d'élu local dans le Nord de la France, je souhaite dire aux Français que je comprends ce qu'ils vivent, qu'ils connaissent depuis de très nombreuses années, depuis de très nombreuses années, des actes de délinquance totalement inacceptables… vous savez, cette crise de l'autorité, elle ne date pas d'hier, ça fait des dizaines d'années qu'on n'accepte pas…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais alors, est-ce que Marine LE PEN a raison d'employer de tels mots, avait raison d'employer de tels mots, lorsqu'elle dit il n'y a plus de droit, ni d'Etat de droit, c'est ce qu'elle a dit hier, la barbarie s'installe, avec la barbarie on ne négocie pas ?

GERALD DARMANIN
Madame LE PEN n'est pas sérieuse, Madame LE PEN c'est l'irresponsabilité faite femme. Qu'a-t-elle fait concrètement ? Elle est députée de la nation, Madame LE PEN elle n'a pas voté la loi de Gérard COLLOMB, portée par le président de la République, contre le terrorisme, elle ne l'a pas votée. Elle n'a pas voté les lois de finances, que j'ai présentées à la demande du président de la République, pour augmenter de 10.000, 10.000 policiers et gendarmes, ceux qui arrivent concrètement dans les commissariats et dans les gendarmeries, elle n'a pas voté cela, parce qu'elle est pour la politique du pire. Madame LE PEN elle n'a pas souhaité non plus voter tout le travail qu'on a fait contre l'immigration irrégulière et contre le dévoiement du droit d'asile, elle ne l'a pas voté. Quand elle était parlementaire européen elle a voté contre toutes les dispositions qui prévoyaient justement de renforcer la sécurité des Européens et des Français. Madame LE PEN elle vit des problèmes, donc elle n'a aucune envie que ces problèmes se résolvent, la grande différence que nous avons avec elle, et je le dis à ses électeurs…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle n'a jamais été au pouvoir.

GERALD DARMANIN
Mais elle est députée de la nation. Moi j'ai été député Monsieur BOURDIN, et c'est logiquement qu'on me demandait, sur votre antenne, ou dans ma circonscription, "qu'est-ce que vous avez voté contre ça ?" Madame LE PEN, je le dis avec franchise, n'a jamais voté une disposition, en 3 ans, pour renforcer la sécurité des Français, même l'augmentation des policiers elle ne l'a pas votée, parce que Madame LE PEN elle a une petite PME, qui consiste simplement à faire des discours, à parler, et à pouvoir espérer que des problèmes perdurent, eh bien le travail des Républicains c'est de dire non à cette farce, tragique pour le pays, et de dire à Madame LE PEN que si elle veut résoudre le problème des Français, qu'elle vote les dispositions quand elles vont dans le bon sens pour la République et pour les Français, et si on veut que les électeurs de Madame LE PEN arrêtent de voter pour elle, il faut leur dire qu'on a compris qu'elles étaient leurs difficultés…

JEAN-JACQUES BOURDIN
La France est malade de son insécurité, on est bien d'accord, c'est ce que vous avez dit, donc le laxisme a prévalu avant vous, pourquoi en est-on arrivé là ?

GERALD DARMANIN
Je ne suis pas certain que le laxisme ait prévalu avant moi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors pourquoi ?

GERALD DARMANIN
Je pense d'abord que ceux qui commettent…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce que les Français ne comprennent pas, Gérald DARMANIN.

GERALD DARMANIN
Je pense que ce que les…

JEAN-JACQUES BOURDIN
On a l'impression que vous découvrez, pas vous, mais que vous découvrez – pardon – que vous découvrez cette insécurité, le président de la République, par exemple.

GERALD DARMANIN
Monsieur BOURDIN, ce que les Français constatent…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, qu'est-ce qu'ils constatent ?

GERALD DARMANIN
C'est qu'une petite partie, une petite partie du pacte national est contestée par une petite partie d'individus, c'est toujours les mêmes, comme on dit – moi, quand j'étais maire, on me disait « Monsieur le maire, vous savez bien, c'est toujours les mêmes » - toujours les mêmes qui dealent du shit en bas de l'immeuble, c'est toujours les mêmes qui cambriolent les bagnoles, c'est toujours les mêmes qu'on revoit et qui sont sortis du système scolaire, c'est toujours les mêmes, et ça fait des dizaines d'années que la crise d'autorité, elle ne vient pas simplement de l'Etat, les parents, une partie des parents ont démissionné, une partie de l'école a pu démissionner, une partie des services sociaux ont pu démissionner. Et que fait le président de la République depuis 3 ans ? Eh bien il remet droit le mur. La première grande politique de sécurité qu'on met en place c'est celle de Monsieur BLANQUER. Quand on dédouble les classes de maternelle et de primaire on fait un travail formidable pour la République, parce que quand on n'a pas assez de vocabulaire, quand on est sorti du système scolaire, à la fin des fins, c'est les policiers et les gendarmes qui sont face à des gens qui effectivement n'ont pas eu toutes les chances parfois dans la République, ou qui sortent sciemment du pacte républicain. Lorsqu'on accepte l'idée, Monsieur BOURDIN, que, effectivement, lorsqu'on commet des actes de délinquance, lorsqu'on fume un joint ce n'est pas très grave, mais c'est extrêmement grave. Quand on fume un joint, Monsieur BOURDIN, on a l'impression que c'est récréatif, et ce n'est pas vrai que pour les gens des quartiers, comme on dit, c'est vrai pour les beaux arrondissements de Paris, en fait on a participé à un trafic, on a fait vivre le crime organisé, on a fait exploiter des êtres humains, on a parfois financé le terrorisme, on a désocialisé des dizaines de milliers de jeunes, je pense que chaque famille française qui m'écoute le sait, lorsqu'on est dépendant de ces addictions, et on n'a pas su dire les mots sur les choses, et, oui, consommer de la drogue, non seulement c'est de la merde, mais c'est grave.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors parlons-en-parlons-en Gérald DARMANIN, parce que c'est l'un de vos combats principaux, j'ai bien compris, la lutte contre la consommation de drogue, cannabis ou autres, des amendes, 200 euros, c'est bien cela… il y a eu des tests qui ont été effectués, ça a donné quoi, combien d'amendes ?

GERALD DARMANIN
Alors, il y a eu une expérimentation, 588 amendes qui ont été données, 300 qui ont été envoyées directement aux personnes contrevenantes, pour 200 euros, voilà, très concrètement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Elles sont payées ces amendes ?

GERALD DARMANIN
Oui. Alors, sur les 300 amendes qui ont été envoyées on a plus de la moitié qui ont déjà été payées sous 45 jours.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et si elles ne sont pas payées, que se passe-t-il ?

GERALD DARMANIN
Eh bien nous allons faire des poursuites et des saisies, c'est très important…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Saisies sur salaires ?

GERALD DARMANIN
Saisies sur les comptes en banque, c'est ce qui se passe…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Comptes en banques, oui…

GERALD DARMANIN
Enfin, Monsieur BOURDIN, une amende de sécurité routière, une amende dans la rue, si vous ne la payez pas, vous avez des relances et à la fin il y a des saisies, donc, moi j'ai été ministre du Budget, je sais que les impôts font leur travail et poursuivent les contrevenants. Ce que je voulais vous dire c'est qu'auparavant qu'est-ce qui se passait ? quand il y avait des policiers qui, à 1h00 du matin, dans le métro, chopaient quelqu'un qui avait 4, 5 grammes de cannabis, ils avaient deux solutions ces policiers, soit ils prenaient cette personne, ils la mettaient en garde à vue, ils faisaient une procédure qui était très longue, et à la fin des fins le procureur de la République, et il avait bien raison ce procureur de la République, il ne poursuivait pas toujours parce que, on ne va pas mettre les gens en prison parce qu'ils ont consommé un joint ou qu'ils ont quelques grammes de cannabis, donc on a fait perdre du temps aux policiers, on a donné un très mauvais message à cette personne puisqu'on lui a dit « tu as du cannabis, ce n'est pas très grave », et à la fin on a embolie la justice qui n'a pas pu poursuivre. Donc ça ne servait à rien. A la demande du Premier ministre, désormais nous allons faire une amende, vous avez un joint, vous avez quelques grammes de cannabis, quelques grammes de cocaïne, vous avez une amende immédiatement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les policiers ou les gendarmes vont passer leur temps à dresser des amendes !

GERALD DARMANIN
Ils feront le temps qu'il faudra pour…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Gérald DARMANIN.

GERALD DARMANIN
Mais non, mais ils ne passeront pas leur temps, mais ils le feront aussi, ils le feront aussi, on ne va pas laisser des gens fumer de la drogue dans la rue devant des enfants en expliquant que, finalement, ce n'est pas grave. Et vous savez quoi, cette amende, non seulement elle doit être payée, mais en plus c'est un délit et c'est donc inscrit sur le casier judiciaire, ce n'est pas une simple petite amende, voilà. Donc, ce que je voudrais vous dire c'est qu'il faut lutter contre les grands trafics. Hier, à Lille, j'ai eu l'occasion de saluer le travail des policiers et des magistrats, 50 kilos d'herbe de cannabis qui ont été arrêtés suite à effectivement un travail d'enquête, et puis en même temps ils ont mis des amendes, dans le métro lillois, pour ceux qui emmerdent la vie de tout le monde parce qu'ils se croient tout permis et qu'on peut fumer du cannabis au vu au su de tout le monde à 16h00 de l'après-midi dans le métro. Eh bien il faut travailler sur les deux bouts de la chaîne. Ma politique, à la demande du président de la République, Monsieur BOURDIN, elle se résume à cette belle phrase de CLEMENCEAU en 1917 : il faut tout faire pour que les bons citoyens vivent en paix et que les mauvais citoyens ne vivent pas en paix. Voilà, c'est aussi bête que ça.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Aussi bête que ça. La légalisation du cannabis, est-ce que c'est envisagé, est-ce que ça tue le trafic, quel est votre avis ?

GERALD DARMANIN
C'est une lâcheté.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est une lâcheté ?

GERALD DARMANIN
C'est une lâcheté…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes totalement contre, légalisation, dépénalisation ?

GERALD DARMANIN
C'est une lâcheté intellectuelle. J'ai été le ministre du Budget, avec Agnès BUZYN, qui était ministre de la Santé, qui a augmenté le prix du tabac, désormais le paquet de tabac va être à 10 euros. Pourquoi ? Parce que fumer ça tue, les buralistes, je les en remercie, nous ont accompagnés vers cela, et je serai donc le même ministre qui va dire "eh ben finalement, fumer de la drogue ce n'est pas très grave et on va légaliser", quel message on donne à nos enfants ? Vous savez la drogue, aujourd'hui, elle est la responsable de dizaines de milliers d'accidents de la route, d'homicides, de cambriolages, parce qu'il faut se payer sa dose….

JEAN-JACQUES BOURDIN
Financement du terrorisme, financement de la grande criminalité.

GERALD DARMANIN
Vous savez, quand vous travaillez un peu, et que vous avez besoin de 60, 80, 100 euros par jour pour payer votre dose, est-ce que vous ne pensez pas qu'à la fin vous n'allez pas cambrioler ou attaquer quelqu'un pour récupérer de l'argent pour votre addiction ? Est-ce que vous pensez qu'il faut légaliser…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais la drogue, dans les quartiers, fait vivre des familles, vous le savez bien Gérald DARMANIN, malheureusement, malheureusement…

GERALD DARMANIN
On dit jusqu'à 200.000 personnes qui vivent de l'économie parallèle, moi je n'accepte pas l'esprit de capitulation, il faut lutter contre ça. Et parfois il y a, moi je le constate dans ma commune, il y a un lien évident entre le trafic, l'argent liquide- on ne paye pas ses impôts, je le rappelle, face aux bonnes gens honnêtes qui eux paient leurs impôts et prennent leur voiture tôt le matin pour aller travailler - et parfois le financement du communautarisme. Et quand les gamins de 13 ou 14 ans, qui font le « Chouf » comme on dit dans les quartiers, gagnent plus que leurs pères, en une journée, quand un gamin gagne 150 euros par jour, quand son père va travailler chez AUCHAN ou chez CARREFOUR, quel est le message de l'autorité ? Vous pensez qu'à 22 ans, ou à 30 ans, ce gamin-là il va dire finalement je mettre une échoppe, je me déclarer aux impôts et puis je vais respecter les lois de la République ? Et vous voulez que je légalise, que je sois partisan de la légalisation d'un esprit où le père n'est plus respecté dans une famille ? Bon, voilà, donc il faut savoir ce qu'on veut, il faut remettre l'église ou la mairie au milieu du village, comme on veut, et je vous dis que la lutte contre les stupéfiants, évidemment elle est très difficile, il faut être très humble, mais elle est capitale pour la sécurité de nos concitoyens.

JEAN-JACQUES BOURDIN
6000 policiers et gendarmes ont été recrutés depuis le début du quinquennat, est-ce que vous allez embaucher l'année prochaine ?

GERALD DARMANIN
Oui, on va continuer à embaucher.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez continuer, combien, vous avez des objectifs ?

GERALD DARMANIN
2000 par an.

JEAN-JACQUES BOURDIN
2000 par an, jusqu'en 2022, 2000 par an ?

GERALD DARMANIN
Exactement. Alors, ce qu'a fait le président de la République c'est sans précédent. D'abord, qu'est-ce qu'il a fait ? Il a fait rajouter 2000 personnes, 2000 agents, 2000 policiers, à la DGSI, c'est-à-dire nos services secrets intérieurs, et aux renseignements territoriaux, c'est-à-dire les gens qui font du renseignement, et grâce à ces agents supplémentaires nous avons pu éviter de très nombreux attentats sur le sol français. Rappelez-vous de 2017, nous faisons la semaine, aujourd'hui, des attentats de Charlie Hebdo au tribunal, rappelez-vous 2017, 32 attentats déjoués sous la présidence du président de la République, grâce à nos policiers, aux moyens supplémentaires qu'on leur a donnés…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ces derniers temps, des attentats ont été déjoués ?

GERALD DARMANIN
Y compris au tout début de l'année, alors il y a eu des attentats qui ont…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Depuis l'été ?

GERALD DARMANIN
Aujourd'hui vous avez des enquêtes, spécifiques, il n'y a pas, d'ailleurs, que des terroristes islamistes, même si c'est l'essentiel de la menace, il n'y a pas très longtemps la DGSI est intervenue pour arrêter quelqu'un qui est un suprématiste blanc, quelqu'un qui pense que les Blancs sont supérieurs aux autres, évidemment c'est un acte de séparatisme qu'il faut absolument combattre, comme ce s'est passé en Nouvelle-Zélande par exemple, il a été arrêté en possession d'armes avant de commettre des attentats, et donc ces moyens supplémentaires on les doit au président de la République. Et puis ensuite, une fois que ces services de renseignement ont été abondés en personnel, il faut s'occuper des policiers, des gendarmes du quotidien, c'est ce qu'a fait Christophe CASTANER, c'est ce que je vais continuer de faire, il y a désormais chaque année 2000 policiers et gendarmes de plus, en plus des départs à la retraite, dans les commissariats et dans les gendarmeries de France.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que le budget du ministère de l'Intérieur, vous connaissez bien le budget, les comptes publics, Gérald DARMANIN, est-ce que le budget du ministère de l'Intérieur va augmenter en 2021 ?

GERALD DARMANIN
Il a augmenté déjà, plus d'1 milliard d'euros depuis 3 ans.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que là il va encore augmenter ?

GERALD DARMANIN
D'abord, un…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il a augmenté, très bien.

GERALD DARMANIN
Morceau avalé n'a plus de goût, comme disait ma grand-mère, je vous l'ai déjà fait…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, oui, il a augmenté, ça a permis la création de postes, on est bien d'accord.

GERALD DARMANIN
Voilà, et deuxièmement, dans le cadre du plan de relance, à la demande du Premier ministre, nous avons augmenté les crédits, pour changer notamment les voitures de ces policiers et de ces gendarmes. Moi, quand j'arrive dans un commissariat, et qu'il y a plus de 200.000 kilomètres sur une bagnole de la BAC, bon, eh bien j'ai proposé au Premier ministre que ce n'était pas possible et qu'il fallait en changer, un quart des voitures de la police et de la gendarmerie vont être changées dans le cadre du plan de relance, grâce d'ailleurs à des entreprises françaises comme RENAULT et PEUGEOT. Donc oui, le budget va augmenter, plus d'1 milliard, dans le cadre du plan de relance.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Plus que celui de la justice ?

GERALD DARMANIN
Non, je crois qu'il va augmenter un peu moins, en proportion, que celui de la justice, parce que la justice ça a encore plus…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est la priorité la justice ?

GERALD DARMANIN
Je crois, oui, et le garde des Sceaux a raison de le dire, et le Premier ministre a raison de le dire. Madame LE PEN, d'ailleurs, n'a pas voté l'augmentation ni de ces crédits, ni de la loi de programmation de la justice, tout en tapant sur notre gouvernement, et bien sûr que la justice a besoin encore plus de moyens que la police. Vous savez, moi je n'ai jamais considéré que la justice était laxiste, les procureurs de la République ils font un travail difficile, et les juges ils jugent selon les preuves qu'on leur apporte, ce qui est embêtant ce n'est pas le fait que la justice puisse avoir telle ou telle décision dont on considère qu'elle n'est pas assez ferme, je pense que la séparation des pouvoirs c'est vraiment quelque chose de très important dans notre pays…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce qui est embêtant c'est la lenteur.

GERALD DARMANIN
C'est la rapidité. Moi j'ai vu des gamins de 19 ans, Monsieur BOURDIN, qui ont pu trafiquer un peu, pas des choses très graves, mais un peu, et qui devaient être sanctionnés, et qui ont attendu parfois 2,5 ans avant d'être condamnés, et en attendant ils ont fait une formation, ils ont retrouvé un emploi, ils se sont parfois mariés, ils ont eu des gamins, et on leur rappelle 2,5 ans après ce qu'ils ont fait avant, ce n'est pas de la bonne pédagogie.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, j'ai des questions directes et concrètes. Les violences sur les policiers et gendarmes seront-elles punies plus sévèrement ?

GERALD DARMANIN
Je le souhaite. J'ai proposé notamment que les refus d'obtempérer, c'est-à-dire vous êtes en voiture, vous ne vous arrêtez pas lorsque le policier ou le gendarme vous demande de vous arrêter, soit davantage sanctionné, et on en a parlé avec le garde des Sceaux, on va y travailler, parce qu'on a désormais, Monsieur BOURDIN, un refus d'obtempérer toutes les demi-heures en France, et depuis que je suis…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est pour ça que je vous pose la question.

GERALD DARMANIN
Depuis que je suis ministre de l'Intérieur, depuis 2 mois, il y a eu trois policiers et gendarmes morts, par des refus d'obtempérer, et un quatrième est mort il y a 2 jours parce que quelqu'un qui n'avait pas de permis de conduire l'a tué…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc les sanctions seront alourdies.

GERALD DARMANIN
Quatrième policier mort du fait de la route et d'un code de la route qui n'est pas respecté. Et donc voyez, cette délinquance particulière, qui est celle des refus d'obtempérer, elle doit, je crois, être davantage mise en avant et, je l'espère, davantage sanctionnée.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Faut-il instaurer des statistiques ethniques ?

GERALD DARMANIN
Non, j'y suis particulièrement opposé.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y êtes opposé.

GERALD DARMANIN
Mais moi je suis quoi alors, dans ces cas-là ? Je suis petit-fils de tirailleur algérien, petit-fils de juif maltais et j'ai deux grand-mères flamandes, on me case dans quelles statistiques ? C'est absolument n'importe quoi. Je pense, pour ma part en revanche, que nous devons lutter très fortement contre les discriminations, il est évident qu'un gamin qui sort d'un quartier populaire il a moins de chances de trouver un stage, ou de trouver un boulot, que celui qui a fait le lycée Montaigne. Donc, si vous luttez contre ça, je suis d'accord, évidemment pour que nous progressions dans la République.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que la République est menacée par le communautarisme ? Le projet de loi sur le séparatisme sera présenté en novembre, c'est ça ?

GERALD DARMANIN
C'est ça.

JEAN-JACQUES BOURDIN
En novembre. Est-il vrai que les associations subventionnées seront obligées de signer une charte des valeurs républicaines ?

GERALD DARMANIN
Pas un euro d'argent public à une association qui ne respecte pas les valeurs de la République.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, si dérives communautaires, plus de subventions, on est bien d'accord ?

GERALD DARMANIN
Tout à fait.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça ce sera, engagement sera la laïcité en quelque sorte, c'est un engagement sur la laïcité.

GERALD DARMANIN
Sur l'égalité femme-homme et sur la laïcité, bien sûr. C'est normal.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Des femmes qui ont créé une association et qui se baignent en burkini dans une piscine, que se passe-t-il ?

GERALD DARMANIN
Eh bien il n'y a aucune raison de la subventionner.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On coupe les subventions ?

GERALD DARMANIN
J'espère d'abord que ce n'est pas dans une piscine publique, parce que dans ces conditions l'Etat aura les moyens de rappeler aux maires qu'on ne peut pas accepter des atteintes graves à la laïcité…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce que vous rappellerez au maire de Grenoble.

GERALD DARMANIN
C'est ce qu'on rappellera à tous les maires de France, et je sais que l'essentiel, la quasi intégralité, je l'ai été maire, ils travaillent, c'est des soldats de la laïcité les maires, donc je ne fais pas…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas d'horaires de piscine réservés aux femmes ?

GERALD DARMANIN
Mais enfin, dans quelle République doit-on vivre pour accepter ça ? bien sûr que non. Et, deuxièmement, pas un euro d'argent public pour des gens qui ont envie, finalement, que la foi soit au-dessus de la loi. Oui à la liberté de conscience, oui à la liberté de culte, je suis le ministre qui protègera, les juifs, les musulmans, les catholiques, les protestants, tous ceux qui croient en Dieu, et ils ont le droit de le faire, et on doit aider à ce qu'ils puissent le faire, mais non à ceux qui pensent que la foi est au-dessus de la loi, aussi bête que ça.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, autre mesure, interdiction de la délivrance de certificats de virginité. Condamnation des médecins qui les délivrent ?

GERALD DARMANIN
Il faut peut-être qu'on explique ce que c'est. Il y en a très peu, mais ça arrive, et moi j'en ai vus en tant que maire, dans certains mariages religieux on exige de savoir si la femme était vierge ou pas, c'est une absurdité. Certains médecins, très très peu nombreux, dont l'Ordre des médecins a déjà condamné cette pratique, je voudrais les en remercier, le font parfois, eh bien il n'y a pas de pénalisation de cet acte, qui est le contraire du serment d'Hippocrate…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura pénalisation ?

GERALD DARMANIN
Nous souhaitons poursuivre, poursuivre ceux qui font des certificats de virginité à des femmes. Enfin, on n'est pas au Moyen-âge ! Donc, évidemment ces sujets sont extrêmement importants, ils doivent être rappelés aux Français pour dire que nous ne céderons pas un pouce à l'islamisme radical et à toute forme de séparatisme. La République elle est belle, elle doit se protéger.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et d'ailleurs, d'ailleurs, vous avez réfléchi à la mise en place d'un islam français sécularisé. Je me souviens du texte….

GERALD DARMANIN
Oui, il appartient…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Assimilé à la République.

GERALD DARMANIN
D'abord, l'essentiel des musulmans de France…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec un Grand conseil de l'islam de France, je continue ce que vous avez écrit vous-même, Grand conseil de l'islam de France, toutes les mosquées qui seront contrôlées par ce Conseil et les imams nommés par ce Conseil.

GERALD DARMANIN
Alors, vous avez dit plusieurs choses. Il y a ce qui relève de l'Etat, et ce qui ne relève pas de l'Etat…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Enfin c'est votre volonté…

GERALD DARMANIN
Mais un homme politique il peut avoir une volonté et des avis, et il peut aussi se dire ça ce n'est pas de ma compétence.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, vous l'avez toujours cette volonté…

GERALD DARMANIN
Bien sûr. Moi, mon deuxième prénom c'est Moussa, et mon grand-père était musulman, j'ai vu mon grand-père, des photos où il priait dans le salon, et pourtant il était tirailleur algérien, il a été décoré par l'Armée française, c'était un grand Français, et on peut être musulman et un grand Français par nature, évidemment, et tous ceux qui pensent que l'islam est incompatible avec la République crachent à la tête de tous ces soldats qui ont versé leur sang pour la France. En même temps, il faut que l'islam, qui est une grande religion, puisse faire le travail, et c'est tout à fait normal, qu'ont fait auparavant, d'abord les protestants, puis les juifs sous Napoléon, puis les catholiques au début du XXe siècle, de sécularisation, pour être dans la France d'aujourd'hui, qui a une religion qui permet à ses fidèles de vivre leur foi tout en respectant les valeurs de la République, c'est le cas de la quasi intégralité des musulmans de France, mais on le sait, il y a des dérives sectaires dans l'islam extrêmement dangereuses, qu'on pourrait appeler le salafisme, l'islam radical, qu'il faut combattre. Et parmi les combats que l'on doit avoir, on doit discuter avec les musulmans de France, pour travailler ensemble, pour abattre les dérives sectaires et ouvrir et protéger la plupart de ceux qui vivent dans la République.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc la création d'un Islam de France, d'un Grand conseil de l'islam qui permettrait comme ça…

GERALD DARMANIN
Mais aujourd'hui, le CFCM, le Conseil Français du Culte Musulman, le permet, alors il faut le renforcer, il faut donner des moyens supplémentaires. Mais, vous savez, moi j'ai vu le Grand recteur de la Mosquée de Paris, un homme de bien, qui a pris la parole publiquement, et qui a expliqué, même s'il a pu être choqué par les caricatures du prophète à la Une de Charlie Hebdo, et moi je comprends qu'on puisse être choqué, mais il a dit la liberté d'expression c'est que Charlie Hebdo puisse le faire. Eh bien voilà, ça, je trouve qu'il faut le souligner, il faut l'applaudir et il faut remercier le Recteur de la Mosquée de Paris pour ces mots courageux.

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une question politique pour terminer.

GERALD DARMANIN
Ce n'était pas de la politique là ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est autre chose, la politique politicienne si vous préférez, de la politique politicienne, ça concerne tous les citoyens, tous ceux qui votent. Emmanuel MACRON avait fait une promesse, la proportionnelle, est-ce que vous travaillez sur la proportionnelle pour les prochaines législatives ?

GERALD DARMANIN
Le ministère de l'Intérieur est en train de regarder et de proposer, peut-être au président de la République et Premier ministre, la possibilité de mettre une dose de proportionnelle…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le président de la République vous en a parlé ?

GERALD DARMANIN
On en a parlé avec le président de la République, on ne parle pas que de ça, mais on parle aussi de ça.

JEAN-JACQUES BOURDIN
De ça, donc il est favorable, donc il y aura probablement de la proportionnelle aux prochaines législatives.

GERALD DARMANIN
Il appartient au président de la République de faire des consultations ensuite…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y êtes favorable ou pas ?

GERALD DARMANIN
Ah moi je suis favorable au programme du président, et je trouve qu'effectivement, désormais, une proportionnelle au moment où les maires ne peuvent pas cumuler avec un mandat de parlementaire, au moment où les Français se disent qu'ils ne sont pas assez bien représentés dans leurs courants de pensée, je trouve qu'effectivement la proportionnelle est un moyen sans doute efficace de le faire, à condition, Monsieur BOURDIN, pour ma part, que la majorité puisse l'avoir, parce que les errements de la IVe République c'est la proportionnelle sans la majorité

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc proportionnelle intégrale ?

GERALD DARMANIN
Le président de la République aura l'occasion de proposer les choses aux chefs des partis, il m'a demandé d'y travailler, et je rendrai au Premier ministre et au président de la République…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand ?

GERALD DARMANIN
On aura l'occasion d'en reparler, je ne pense pas que ce soit l'essentiel de la vie des Français, l'essentiel de la vue des Français c'est la sécurité, mais j'aurai l'occasion de présenter au président de la République et au Premier ministre les commandes qu'il m'a demandées.

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une dernière question, parce que mon invité demain sera Christian ESTROSI, est-ce que le choix de Christian ESTROSI prépare une coalition autour d'Emmanuel MACRON ?

GERALD DARMANIN
Moi d'abord je remercie Christian ESTROSI parce que c'est un homme honnête, et il voit bien que le gouvernement fait tout ce qu'il a pu pour aider, non seulement la ville de Nice et les niçois, mais de manière générale la France, sur les questions économiques, sur les questions de sécurité, donc d'abord Christian ESTROSI, qui est dans l'opposition au gouvernement, a une honnêteté intellectuelle que je voudrais saluer, qui ne m'étonne pas de lui. Deuxièmement, le président de la République, quand on est gaulliste comme l'est Christian ESTROSI, mais comme je crois l'est aussi Monsieur MACRON, on n'est pas l'homme d'un parti, on parle aux Français, et qu'il y ait des Français qui n'ont pas voté pour Emmanuel MACRON, qu'il y ait des militants politiques qui ont même combattu Emmanuel MACRON, et qui se disent regardez ce type, là, il fait ce qu'il peut, sur la scène internationale il montre que la France a une grande voix, regardez ce qu'il a fait au Liban, il est au rendez-vous des grands sujets français, et que c'est finalement le meilleur qu'on puisse avoir pour être président de la République dans ces temps-ci, troublés, eh bien je dis banco, et j'espère, Monsieur BOURDIN, que d'autres Christian ESTROSI, et je suis sûr qu'il y en aura, appelleront à voter pour le président de la République.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Gérald DARMANIN.

GERALD DARMANIN
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 septembre 2020