Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de l'industrie, à Radio Classique le 4 septembre 2020, sur la politique du gouvernement en faveur des entreprises.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

BERNARD POIRETTE
L'invitée est Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de l'Industrie. Madame PANNIER-RUNACHER, bonjour.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Bernard POIRETTE.

BERNARD POIRETTE
Merci d'être en studio avec nous. Madame PANNIER-RUNACHER, les mauvais esprits disent, 100 milliards, c'est bien mais en fait ce n'est pas 100 milliards parce qu'il y a déjà une partie, ce sont des impôts qu'on ne va pas percevoir, donc l'argent, c'est de l'argent qui fait défaut par perception. Il y en a d'autres, ça a déjà été annoncé il y a plusieurs semaines, etc… Stricto sensu il y a combien de dizaines de vrais milliards d'euros qui ont été annoncés par monsieur CASTEX ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois que les entreprises ne s'y trompent pas et les salariés non plus et tous les indépendants, c'est bien 100 milliards de bon argent qui va permettre de soutenir notre économie. Pourquoi c'est 100 milliards de bon argent, parce que même si les mesures ont été annoncées ou même votées cet été, ce qui est important aujourd'hui c'est de mobiliser l'argent. Moi je dispose par exemple pour l'industrie d'une enveloppe de 500 millions d'euros pour l'année 2020, cette enveloppe n'est pas encore dépensée. Et donc c'est bien cet argent qui va venir accompagner la relance de notre économie, permettre de sauver des emplois et permettre de relancer la machine économique qui est touchée par une crise sanitaire, ce qui est inédit, c'est une crise sanitaire, ce n'est pas une crise des fondamentaux économiques de notre modèle économique et donc le sujet c'est de remettre du carburant pour relancer la machine.

BERNARD POIRETTE
Madame PANNIER-RUNACHER, autre polémique outre le fait ce n'est pas vraiment 100 milliards, etc à laquelle vous avez répondu, les syndicats et à peu près tous les syndicats y compris ceux avec qui vous travaillez en bonne entente comme la CFDT, disent écoutez nous on veut bien aider les entreprises mais il y a aucune contrepartie aux aides de l'Etat, il a rien simplement monsieur CASTEX leur demande s'ils veulent bien essayer d'embaucher, c'est tout, mais il y a aucune contrepartie.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors c'est intéressant ce que vous dites parce que précisément dans l'industrie, vous avez un texte de l'UIMM qui est cosigné par plusieurs centrales syndicales et qui dit nous soutenons la baisse des impôts de production et nous estimons qu'il doit avoir un dialogue social transparent nourri mais qui ne parle pas de conditionnalité automatique et pourquoi ça ? Parce qu'en fait cette baisse des impôts, elle correspond à une baisse des impôts qui ne porte que sur les entreprises qui produisent en France, on ne paye pas d'impôts de production quand on délocalise, les projets que nous soutenons qui sont des projets d'investissements de recherche et développement ou des projets de transformation des sites industriels, la contrepartie c'est les investissements, c'est les investissements qui sont faits sur des sites français, ça n'est pas fait ailleurs et lorsqu'on soutient par exemple un dispositif d'activité partielle de longue durée des salariés, c'est monsieur DUPONT que nous soutenons, c'est pas l'entreprise Tartempion. Donc vous voyez bien qu'il y a toujours une conditionnalité. Là où il va falloir être vigilant, c'est que les entreprises elles-mêmes s'engagent avec vigueur dans cette transformation et notamment qu'elles soient attentives et solidaires dans leur filière, je vous donne un exemple.

BERNARD POIRETTE
Oui.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Une entreprise qu'on accompagne dans l'aéronautique par exemple dans sa transformation et qui ne paye pas en temps et en heure ses fournisseurs, ce n'est pas ok pour nous et donc nous mettrons en place aussi des suivis de façon à assurer dans chaque filière et moi j'ai 18 filières stratégiques industrielles, que ces bons comportements soient mis en oeuvre.

BERNARD POIRETTE
Mais vous, Ministre de l'Industrie, vous n'exigez pas d'une entreprise en échange d'une aide par exemple la garantie de l'Etat pour un prêt bancaire, vous n'exigez pas qui est à un certain nombre d'embauches par exemple puisque l'obsession du gouvernement actuellement c'est le raz-de-marée des chômeurs qui va arriver là bientôt probablement, vous n'exigez pas ça ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Parce que je prends le sujet de l'autre côté, c'est-à-dire que lorsqu'on met en place un prêt garanti par l'Etat, ce que l'on fait c'est que souvent, on sauve, on sécurise une entreprise donc on sauve et on sécurise les emplois derrière. On a disserté par exemple sur l'achat des situations de RENAULT. RENAULT, c'est un prix garanti par l'Etat de 5 milliards d'euros, mais cet argent va être remboursé, ce n'est pas un don, ce n'est pas un cadeau, c'est à un moment où on sort la tête de l'eau de RENAULT pour qu'elle passe ce cap et effectivement il y a une autre réalité qui est que son marché s'est fracturé et qu'elle perd des commandes et qu'elle doit rattraper. Donc le secteur automobile est en train de rattraper, l'argent va être remboursé, il y a un plan social chez RENAULT que nous regardons très attentivement justement pour, et nous travaillons à ce qu'il n'y ait pas de fermeture de site et nous travaillons à ce que Renault se projette dans l'avenir et utilise au maximum les dispositifs pour limiter l'impact social du plan. Mais la réalité de lorsque vous n'avez plus de chiffre d'affaires, plus de carnet de commandes, c'est quelque chose dont nous devons tenir compte dans le suivi des entreprises et c'est comme ça que nous avançons.

BERNARD POIRETTE
Madame PANNIER-RUNACHER, certes il a RENAULT, certes il y a AIRBUS, certes il y a AIR FRANCE, tous ceux-là ils ont le feu là parce que toutes leurs activités se sont effondrées. Il y en a d'autres dont on parle moins parce que ça fait moins d'emplois mais je pense par exemple au trafic transmanche, Brittany Ferries par exemple, terminé, plus rien parce qu'à cause du Brexit et des conditions sanitaires, ils n'ont plus aucune liaison, ils ont des centaines de gars qui sont au chômage technique, vous ne pourrez pas aider tout le monde.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais vous prenez un exemple qui est excellent parce que précisément Brittany Ferries, on va les aider. La situation à laquelle ils font face n'est pas une situation de mauvaise gestion leur part.

BERNARD POIRETTE
Non pas du tout.

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est une situation.

BERNARD POIRETTE
Conjoncturelle.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Leur carnet de commandes s'effondre pour des raisons qui sont totalement indépendantes de leurs actions et donc nous devons les accompagner parce que les savoir-faire, leur activité elle est essentielle et demain matin s'ils ne sont plus là quand ça redémarrera on aura besoin de cette activité et c'est pour ça que cette action de l'Etat, elle est justifiée et Bruno LE MAIRE l'a dit de manière très nette encore hier, Brittany Ferries, nous serons à leur côté. Nous avons déjà accordé un prêt garanti par l'Etat de 117 millions d'euros, nous effaçons 8 millions d'euros de cotisations sociales et nous continuons à les associer, le SIRI interviendra très prochainement auprès d'eux.

BERNARD POIRETTE
Qu'est-ce que c'est Madame PANNIER-RUNACHER, ce fonds de soutien aux investissements industriels dans les territoires, ça semble être un petit peu une novlangue mais enfin ça veut dire quelque chose a quand même beaucoup d'argent à la clé et en plus l'enveloppe va être presque triplée d'un an à l'autre, c'est ça ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors tout à fait, moi je peux vous annoncer aujourd'hui que nous allons accélérer avec 150 millions d'euros à la clé d'ici la fin de l'année une enveloppe de 400 millions d'euros, l'investissement dans les territoires, ce n'est pas de la novlangue, c'est des choses très concrètes. Nous avons il y a 2 ans mis en place un dispositif qui s'appelle territoires d'industrie, territoire d'industrie 148 territoires qui ne sont pas dans les grands drames agglomération qui concentrent les richesses, qui sont plutôt dans des territoires périphériques ou rurales où on fabrique de l'aéronautique, de l'automobile, de la mécanique de précision, de l'électronique. Dans ces territoires nous avons mis autour de la table les entreprises, les élus locaux, la région et les services de l'Etat et ses opérateurs. Et nous avons fait monter des projets, des projets qui vont permettre d'attirer de nouvelles entreprises, de remettre sur pied des friches industrielles, d'installer de nouvelles productions et nous avions 1500 projets qui se mettaient progressivement en place, ce que nous avons décidé de faire avec Jacqueline GOURAULT, c'est d'accélérer ces projets. Dans les 1500 projets, il y en a peut-être 200 qui sont quasi murs, on va prendre ces projets, on va les passer au tamis avec les présidents de région et les élus locaux, on va regarder ceux qu'on peut lancer d'ici la fin de l'année et on va les accélérer et les financer pour avoir plus de production sur les territoires. C'est très concret, ça va être ici dans l'Aube, l'extension d'une usine, d'une usine textile, là le changement d'une chaudière pour faire la transition carboné, donc une centaine de projets qui vont être accompagnés dans les prochaines semaines.

BERNARD POIRETTE
Encore une question Madame PANNIER-RUNACHER, le masque est obligatoire en entreprise depuis le 1er septembre, c'est d'ailleurs très respecté ici à Radio Classique, pas en studio parce qu'il y a un problème pour les micros etc, mais en dehors du studio tout le monde le porte, vous avez des retours de terrain, apparemment tout le monde s'y plie bon gré, mal gré ou pas ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors dans l'industrie, c'est quelque chose qu'on avait anticipé. D'abord parce que l'industrie ne s'est jamais arrêtée, elle a continué à travailler, elle n'a pas été confinée comme les commerçants, etc. deuxièmement dans l'industrie vous avez une culture de la sécurité, donc on porte déjà des équipements de protection, d'ailleurs des gens portaient déjà le FFP2 avant même que le Covid soit connu. Donc c'est beaucoup plus facile dans ces environnements-là que dans des environnements où le port du masque n'a jamais été…

BERNARD POIRETTE
Dans le tertiaire.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Voilà alors dans les bureaux évidemment, dans les équipes de recherche et développement, on est plus dans des open space et c'est un peu moins naturel, mais dans le monde industriel, il est plutôt très bien toléré parce que ça fait partie des fondamentaux de ce métier.

BERNARD POIRETTE
Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de l'Industrie donc au micro de Radio Classique ce vendredi. Je vous souhaite un mot week-end Madame PANNIER-RUNACHER et une bonne reprise pour ce début de rentrée.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Merci beaucoup.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 septembre 2020