Interview de Mme Marlène Schiappa, ministre de la citoyenneté, à France Bleu Alsace le 23 septembre 2020, sur la lutte contre les violences faites aux femmes.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Bleu Alsace

Texte intégral

MAUD CZAJA
La ministre déléguée en charge de la Citoyenneté est avec nous, après ce témoignage que l'on vous révélait hier matin, l'agression d'une étudiante strasbourgeoise, agressée, tout cela parce qu'elle portait une jupe. Marlène SCHIAPPA répond à Aude RASO.

AUDE RASO
Bonjour Marlène SCHIAPPA.

MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.

AUDE RASO
Quand vous avez vu cette affaire monter, puisque tous les médias l'ont reprise, vous vous êtes dit quoi, ça a été quoi votre première réaction ?

MARLENE SCHIAPPA
Moi, vous savez, des affaires comme celle-ci, depuis des années, j'en reçois tous les jours, tous les jours, hélas, on me remonte des photos des affaires de femmes qui ont été agressées, violentées, harcelées, mais à chaque fois, ça me tord les tripes de la même manière. Et c'est aussi le fondement de mon engagement, et c'est la raison pour laquelle au ministère de l'Intérieur, nous faisons tout pour que les forces de l'ordre soient mobilisées, et elles le sont, et je veux leur rendre hommage. Et nous faisons tout pour qu'il y ait ce lien de confiance entre les femmes et les forces de l'ordre, et qu'elles sachent vraiment qu'elles ne sont pas seules, et que les forces de l'ordre sont avec elles, sont de leur côté pour faire respecter la loi et pour les protéger.

AUDE RASO
Le fait que ce seul témoignage fasse réagir jusqu'au sommet, jusqu'au gouvernement, ça montre quand même qu'il y a une prise de conscience de plus en plus marquée.

MARLENE SCHIAPPA
Oui, je crois que cette prise de conscience, elle a lieu depuis longtemps, en ce qui me concerne, c'est le combat de ma vie que de défendre la sécurité des femmes et leur protection. C'est pour ça d'ailleurs qu'en 2018, le gouvernement a fait voter une loi que j'ai portée, qui verbalise le harcèlement de rue et qui vise justement à pénaliser ce qu'on a appelé l'outrage sexiste pour mieux protéger la liberté des femmes à aller et venir dans l'espace public. Alors, tout n'est pas parfait, on n'a pas encore gagné ce combat contre le harcèlement de rue, la preuve en est avec des faits qui produisent partout en France beaucoup trop souvent, mais en tout cas, les forces de l'ordre sont à pied d'oeuvre et ont déjà verbalisé à plus de 1.800 reprises depuis le vote de la loi des faits de harcèlement de rue.

AUDE RASO
Vous le dites, tout n'est pas parfait, est-ce que, vraiment, les comportements changent, est-ce qu'on peut dire ça ?

MARLENE SCHIAPPA
Moi, je crois qu'il y a un frémissement, on l'a vu avec le mouvement MeToo, on l'a vu avec la grande cause du quinquennat du président de la République pour l'égalité entre les femmes et les hommes ; je rappelle que la France est le seul pays à verbaliser le harcèlement de rue, nous sommes le premier et le seul à ce stade au monde à le faire, et ça, c'est très important, parce que ça marque un interdit, ça dit que la République ne tolère pas que l'on entrave la liberté des femmes à aller et venir. Maintenant, il y a encore un travail important à mener, c'est pour ça qu'avec Gérald DARMANIN, le ministre de l'Intérieur, nous avons demandé aux préfets de s'organiser pour doubler le nombre de verbalisations de harcèlement de rue, ça veut dire plus de présence de policiers et de gendarmes auprès des femmes pour assurer leur liberté d'aller et venir dans l'espace public.

AUDE RASO
Le problème, Marlène SCHIAPPA, c'est que très, très peu de femmes portent plainte à l'arrivée, c'est vrai en Alsace, et c'est vrai partout en France.

MARLENE SCHIAPPA
Oui, moi, j'en appelle d'abord aux témoins, parce que, justement, depuis cette loi, on peut verbaliser le harcèlement de rue, ça veut dire qu'il n'y a pas nécessairement besoin d'une plainte, si un policier ou un gendarme observe des faits de harcèlement de rue, il peut évidemment dresser un procès-verbal, une verbalisation d'un montant de 90 euros. Maintenant, effectivement, parfois, il y a aussi des agressions, au-delà de ces faits de harcèlement, des agressions physiques, des agressions sexuelles, voire des viols, et dans ces cas-là, oui, nous faisons tout pour que les femmes soient bien accueillies dans les commissariats, les policiers et les gendarmes sont maintenant formés pour les accueillir, prendre les plaintes, les qualifier et les transmettre au Parquet, mais surtout, je dis aux témoins qu'ils peuvent appeler la police, appeler la gendarmerie, dès lors qu'on voit qu'une femme est entravée dans sa liberté de circuler, qu'il y a un groupe d'hommes ou un homme seul d'ailleurs, qui tente de l'humilier, de la suivre, de l'importuner, comme on a dit parfois, j'invite les témoins à contacter la police, à contacter la gendarmerie.

AUDE RASO
Après, c'est vrai que c'est ce qui choque dans cette affaire, c'est la deuxième chose qui choque dans cette affaire, c'est qu'il y avait du monde autour de cette jeune femme et de ces trois hommes qui l'ont agressée, et que personne n'a rien fait, et ça, c'est choquant.

MARLENE SCHIAPPA
Oui, alors, je ne peux pas me prononcer sur l'affaire en tant que telle, puisqu'il y a une plainte et donc une enquête, et donc qui devra dire ce qui s'est passé exactement, il y a une séparation des pouvoirs, donc je ne peux pas me prononcer sur l'affaire en tant que telle. Mais de façon générale, oui, toute l'action qui est menée au gouvernement, c'est porter ce combat culturel pour alerter tout le monde sur la situation des femmes et demander aux témoins de réagir, comme on le fait sur les violences conjugales. Moi, j'ai toujours dit : quand vous voyez un cambrioleur qui est en train de rentrer dans la maison ou dans l'appartement d'à côté, vous appelez la police, c'est un réflexe, eh bien, je veux que quand on entende des violences conjugales dans la maison d'à côté, on appelle la police et que ce soit un réflexe, et de la même manière, dans la rue, imaginez si à chaque fois que quelqu'un est témoin de ce type de fait ou a un doute, il intervient, il s'interpose, ou il ou elle appelle la police ou la gendarmerie, il y aura une vigilance citoyenne qui s'opérera et les femmes seront mieux protégées.

AUDE RASO
Marlène SCHIAPPA, on peut dire aussi avec cette affaire que, finalement, les femmes aujourd'hui se font entendre, c'est une libération de la parole aussi.

MARLENE SCHIAPPA
Oui, moi, je salue le courage de toutes les femmes qui, lorsque des agressions terribles leur arrivent, témoignent, parce que c'est une situation extraordinairement difficile pour elles, et j'adresse évidemment tout mon soutien à toutes les femmes, qu'elles s'expriment ou non d'ailleurs, qui sont victimes de ces faits tous les jours, parce qu'il faut comprendre que le harcèlement de rue, il entrave la liberté des femmes de circuler. Quand on est une étudiante et qu'on se rend sur un lieu où on va passer un examen ou un entretien d'embauche et qu'on doit penser à la tenue qu'on va porter, qu'on doit se demander quel est le message que la tenue envoie, qu'on doit choisir notre endroit où on va s'asseoir dans les transports en commun en fonction de : est-ce qu'il est proche de la porte, est-ce que s'il m'arrive quelque chose, je peux appeler à l'aide, je peux sortir, c'est une charge mentale écrasante que de savoir que le harcèlement devait existe lorsqu'on est une femme. J'ai vu dans l'affaire de Strasbourg des gros titres qui disaient : une femme frappée parce qu'elle porte une jupe. Nous verrons si les faits sont avérés, mais une femme n'est jamais frappée parce qu'elle porte une jupe, une femme est frappée parce qu'il y a des gens qui sont misogynes, sexistes, violents et qui s'affranchissent de toute loi et de toute règle de civilité en les frappant, mais la jupe n'est pas responsable de l'agression, et la femme encore moins, évidemment.

AUDE RASO
Merci Marlène SCHIAPPA. Merci d'avoir été sur France Bleu Alsace ce matin.

MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous. Bonne journée à vous.

MAUD CZAJA
Marlène SCHIAPPA qui est attendue ce matin au commissariat de Strasbourg avant de déambuler dans le centre-ville cet après-midi pour présenter les dispositifs de lutte contre le harcèlement de rue.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 septembre 2020