Texte intégral
ORIANE MANCINI
Et notre invitée politique ce matin, c'est Agnès PANNIER-RUNACHER. Bonjour.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Oriane MANCINI.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être nous. Ministre déléguée, chargée de l'Industrie. On est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la Presse quotidienne régionale, représentée par Julien LECUYER, de La Voix du Nord. Bonjour Julien.
JULIEN LECUYER
Bonjour Oriane. Madame la Ministre.
ORIANE MANCINI
Et on commence, bien sûr, Agnès PANNIER-RUNACHER, par ces annonces hier d'Olivier VERAN, qui tire une nouvelle fois la sonnette d'alarme, 69 départements en alerte, et l'alerte maximale, notamment dans la métropole d'Aix-Marseille où les bars et restaurants fermeront samedi, et ça a provoqué la colère des élus marseillais. Michèle RUBIROLA, la maire de Marseille, qui parle d'un gouvernement déconnecté des réalités. Renaud MUSELIER, le président de la région de Sud, qui accuse Olivier VERAN de perdre son sang-froid. Est-ce qu'ils ont raison, est-ce qu'il y a eu un manque de concertation ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois au contraire que c'est un gouvernement très connecté aux réalités, très connecté à la santé des Français et dont le rôle est d'assumer des décisions qui sont difficiles, et on le reconnaît, c'est difficile, pour protéger les Français, et c'est ce que nous faisons avec les Marseillais. Alors, évidemment, il y a des conséquences économiques, et évidemment, on va les traiter, Bruno LE MAIRE et Alain GRISET annonçaient déjà hier qu'ils réuniront aujourd'hui l'ensemble de la filière pour, justement, regarder comment on va les accompagner…
ORIANE MANCINI
La filière hôtellerie…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tous ceux qui sont concernés par cette décision d'un point de vue économique pour voir comment on va les accompagner. Vous savez, on est dans l'action, et ce n'est vraiment pas le moment de polémiquer. Nous traversons une crise qui est totalement inédite…
ORIANE MANCINI
Pour vous, c'est une polémique politique que font Michèle RUBIROLA Renaud MUSELIER ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je trouve un peu, parce qu'il y a toujours cette opposition de Paris et du territoire, mais en réalité, ces décisions, il faut les prendre sur la situation telle qu'elle est, et il ne s'agit pas d'opposer un centre qui serait déconnecté, enfin, c'est vraiment une espèce de thématique un petit peu dévoyée, répétée, et aujourd'hui, on doit faire face à la réalité de la situation. Les chiffres parlent d'eux-mêmes, la situation à Marseille-Aix n'est pas la même que sur le reste du territoire…
JULIEN LECUYER
Madame la ministre, si vous le permettez, et c'est vrai que les élus, à la fois, ne comprennent pas qu'il n'y ait pas eu de concertation, alors que Olivier VERAN hier disait que chaque préfet allait se mettre en concertation dans les jours prochains, justement pour adapter au niveau local. Et ce qu'a annoncé Olivier VERAN, c'est une décision, c'est un coup de massue, qu'ils ont du mal à comprendre, et sur le terrain, on entend aussi des témoignages qui disent : on autorise finalement les gens à aller travailler, on les autorise à prendre les transports en commun et à être serrés les uns contre les autres dans les bus, mais, finalement, on n'accepte pas à ce qu'ils soient sur des terrasses. Est-ce que vous comprenez ces interrogations ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
En fait, sur une terrasse, vous ne portez pas votre masque, c'est une différence assez sensible, je crois…
JULIEN LECUYER
On pourrait le décider, au moins pendant le moment…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Essayer de manger avec un masque, si vous y arrivez, moi, je vous salue…
JULIEN LECUYER
Excusez-moi, mais on ne fait pas que manger sur une terrasse !
AGNES PANNIER-RUNACHER
Pareil, essayez de boire avec un masque, c'est ça la grosse différence. Et je crois qu'il ne faut pas tomber dans ce type de polémique, de petites polémiques, évidemment…
JULIEN LECUYER
Ce n'est pas une petite polémique, il y a des enjeux économiques énormes, il y a des gens qui disent clairement qu'ils ne vont pas survivre…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Lorsque nous sommes dans les transports en commun et au travail, on porte un masque, on peut respecter les gestes barrières de manière beaucoup plus simple que lorsqu'on est dans la convivialité, et que de dire ça, qui est du sens commun, et de faire, je dirais, attention à la santé des Français et de regarder les statistiques, et malheureusement, les statistiques, elles sont cruelles et elles donnent la réalité, c'est prendre nos responsabilités de gouvernants, c'est prendre nos responsabilités face aux Français, y compris quand la décision est difficile.
JULIEN LECUYER
Et alors, quelles aides allez-vous reconduire pour les aider le secteur de la restauration ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça, c'est ce dont vont discuter Bruno LE MAIRE et Alain GRISET avec l'ensemble du secteur, vous savez qu'à chaque fois qu'il y a eu des décisions qui ont empêché des professionnels de travailler, nous avons été au rendez-vous, le fonds de solidarité, c'est plus de 6 milliards d'euros porté, par l'Etat, 6 milliards d'euros qui ont accompagné plus d'un million d'entreprises. Donc nous serons encore au rendez-vous, bien entendu.
ORIANE MANCINI
Est-ce que ces mesures annoncées, et cette remontée de l'épidémie, c'est vrai que les chiffres sont là, ça va mettre un coup d'arrêt au timide redémarrage de l'industrie française ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois que là, on n'est pas là sur le même type d'économie, les décisions qui ont été annoncées, elles impactent le secteur de l'hôtellerie, de la restauration, ce n'est pas le secteur de l'industrie…
ORIANE MANCINI
Pour le moment…
AGNES PANNIER-RUNACHER
L'important pour le secteur de l'industrie, c'est le de redémarrage mondial, c'est le redémarrage de l'ensemble des économies, et notamment des économies européennes, c'est qu'on soit globalement relancé. Donc aujourd'hui, l'industrie est en croissance... ;
ORIANE MANCINI
Sauf que les chiffres, ils augmentent dans plusieurs pays, les chiffres de l'épidémie…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, mais l'industrie est en train de redémarrer…
ORIANE MANCINI
Est-ce que vous craignez un coup d'arrêt à cette industrie qui est en train de redémarrer ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
L'industrie est en train de redémarrer, et sa dynamique est assez indépendante de celle d'autres secteurs qui sont ceux de services, tournés vers la convivialité, donc je crois qu'il ne faut pas tout mélanger, ça ne veut pas dire que la situation dans l'industrie soit simple, l'important dans l'industrie, c'est la façon dont les carnets de commandes vont se recharger, et dont on va passer un trou d'air dans certains secteurs, on le sait, dans l'aéronautique, on a un trou d'air de plusieurs années, pas de plusieurs mois, parce que l'arrêt de l'aviation commerciale empêche de commander des avions, qui empêche de faire tourner les chaînes aéronautiques aujourd'hui.
ORIANE MANCINI
Alors on imagine que le gouvernement se prépare à gérer une seconde vague qui pourrait être forte, on ne le sait pas pour le moment, est-ce que vous mettez déjà des entreprises françaises en alerte sur ce qui a manqué lors de la première vague, des masques, des gels, est-ce que vous avez déjà un travail avec ces industries ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
En fait, nous avons anticipé ce travail au mois de juillet, puisque, moi, j'ai cosigné une recommandation pour l'ensemble des entreprises avec Olivier VERAN, et avec Elisabeth BORNE, leur demandant de faire un stock de 10 semaines de masques dans les entreprises, précisément pour anticiper ce type de situation, s'agissant du gel hydro-alcoolique, on est en bonne posture, il n'y a pas de situation de tension, s'agissant des gestes barrières, aujourd'hui, l'ensemble des entreprises ont rodé leur dispositif, depuis le mois de mai, ces dispositifs ont eu le temps d'être appropriés par les salariés et d'être rodés sur le terrain, de même que les systèmes de télétravail. Et donc, on est plutôt en meilleure posture qu'on ne le fût au mois de mars, où, brutalement, la situation s'est arrêtée.
ORIANE MANCINI
Donc vous dites ce matin, aux Français : rassurez- vous, on ne connaîtra pas les mêmes problèmes qu'en mars, vous ne manquerez pas de masque, pas de gel, quelle que soit l'ampleur de la seconde vague ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je rappelle que sur les masques, nous étions à 3 millions de masques produits en France sur les masques chirurgicaux et FFP 2, nous sommes aujourd'hui au-delà de 50 millions par semaine, par semaine, et nous serons à 100 millions à la fin de l'année. Et s'agissant des masques textiles, j'étais hier soir avec la filière textile qui attend les commandes et qui vraiment fait un appel aux entreprises pour privilégier leurs masques filtrants, filtrants, au-delà de 90%, c'est-à-dire vraiment des performances exceptionnelles de protection des salariés, en disant : nous produisons français, c'est plus écologique, Messieurs les entrepreneurs, équipez-vous chez nous.
ORIANE MANCINI
Parce que les entreprises ne font pas assez appel à ces entreprises françaises pour les masques ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait, aujourd'hui, il y a une petite déception de la filière textile, parce qu'on continue à préférer des masques à usage unique, c'est plus cher et moins écologique, et même si on produit des masques en France en volume, on ne peut plus produire de masques textiles en France…
JULIEN LECUYER
Est-ce qu'il n'y a pas un sujet, Madame la Ministre, également sur les gants, alors, c'est peut-être moins grand public, mais ça intéressera énormément le personnel de santé, on nous a fait part d'une augmentation parfois par 4 du prix des gants à la fabrication, au point que madame Brigitte BOURGUIGNON, la ministre déléguée à l'Autonomie, se posait la question de savoir s'il ne fallait pas intervenir sur ces prix, voire même compenser par l'Etat le surcoût qui est appliqué aux établissements, est-ce que là, il n'y a pas un sujet à traiter rapidement ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, ça, je laisserai Brigitte BOURGUIGNON adresser ce sujet au niveau des EHPAD, sur la prise en charge du grand âge. Les gants, c'est une production qui est internationale, pour une raison toute simple, c'est que la matière première, elle n'est pas produite en France, puisque, c'est de l'hévéa, et qu'il faut un certain climat pour pouvoir faire pousser ces arbres-là, c'est un dérivé du caoutchouc. Donc effectivement, vous avez une concentration du marché des gants dans des pays asiatiques, et bloquer les prix n'aurait pas d'impact, puisque ce sont des productions qui sont importées, et même si nous avons un fabricant ou des projets de fabrication de gants, il y a la matière première dont on a besoin. Donc ça sera, ensuite, chacun, dans son, je dirais, périmètre, d'apprécier si la charge pour payer tel ou tel bien suppose une intervention de l'Etat. Encore une fois, l'Etat était au rendez-vous systématiquement à chaque fois qu'il fallait accompagner les collectivités locales, les entreprises, les hôpitaux, les EHPAD pour compenser des difficultés financières ; je crois qu'il faut savoir le reconnaître aujourd'hui, et il l'a fait très rapidement, puisque dès le 15 avril, nous avions déployé l'ensemble des dispositifs.
ORIANE MANCINI
Allez, on va passer à ces plans sociaux qui menacent malheureusement plusieurs entreprises, on commence par BRIDGESTONE, Julien.
JULIEN LECUYER
Oui, évidemment, c'est un dossier qui nous tient à coeur évidemment à La Voix du Nord, plus de 800 emplois qui sont menacés un investissement de BRIDGESTONE, de l'entreprise BRIDGESTONE, dans la transformation de l'usine, est-ce que vous y croyez encore ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vais regarder les chiffres, j'ai regardé très précisément la situation de BARI, la situation de BARI, c'est un accord, puisque c'est l'exemple qui est donné, c'est l'usine italienne, qui devait être fermée en 2013, puis, en 2015, dans laquelle BRIDGESTONE a accepté finalement de faire un investissement, à deux conditions, la première condition, c'est un co-investissement des autorités publiques locales et nationales à hauteur de 12 millions d'euros, on parlait d'un investissement total de 40 millions d'euros. Et la deuxième condition, c'est une baisse des salaires de l'ordre, de mémoire, 40%. La première condition, si elle devait arriver sur la table, je crois qu'il n'y aurait aucune hésitation, ni de la part de la région, ni de la part des élus locaux, ni de la part de l'Etat, pour accompagner la transformation d'une usine qui la rendrait durable pendant des années. La deuxième condition est une condition drastique, et qui ne correspond probablement pas aux attentes des salariés. Donc ce que nous allons faire aujourd'hui, c'est d'étudier très simplement les différents scénarios, des scénarios de maintien d'une activité autour du pneu, soit de fabrication, soit dans la chaîne, recyclage, par exemple, est-ce que ça a un sens sur cette usine, et regarder des alternatives. Mais moi, ce que j'ai demandé à BRIDGESTONE, et ce qu'ils ont accepté, c'est effectivement de remettre… d'abord, de travailler à livre ouvert, de remettre à plat les scénarios et de regarder des scénarios dans lesquels BRIDGESTONE est partie prenante et pas seulement où BRIDGESTONE laisserait un chèque sur la table pour s'en aller. Je pense que c'est la responsabilité de BRIDGESTONE de travailler sur ces sujets-là. Vous savez qu'on a un accord de méthode qui a été signé en 48 heures, ce qui est plutôt bon signe, dans lequel BRIDGESTONE a repris toutes les demandes des organisations syndicales, en termes justement de temps libéré pour les représentants des salariés, en termes de temps de négociations, nous avons 5 mois maintenant pour construire un projet pour ce site.
JULIEN LECUYER
Est-ce que vous êtes, comme le président des Hauts-de-France, Xavier BERTRAND, à qualifier ce projet de fermeture comme un assassinat, donc un assassinat prémédité ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois que je ne veux pas être dans l'invective, moi, je suis dans la construction, aujourd'hui, on n'a pas le choix que de trouver une solution pour ce site et une solution pour les 863 salariés. Et c'est ça qui me motive, je ne vais pas distribuer les bons et les mauvais points. Si on veut avancer, il faut trouver une solution, ne pas perdre de temps sur le passé, on sait ce que le passé est, c'est une entreprise qui a perdu progressivement de la compétitivité, il y a eu une tentative l'année dernière pour trouver un accord de restructuration et de réinvestissement, probablement que cet accord était à mi-chemin, n'allait pas suffisamment loin dans le réinvestissement, allait trop loin dans certains éléments, et il n'a pas fait l'objet d'un soutien de la part des salariés ; pour trouver un projet, il faut que les salariés suivent, et c'est ce qui va nous motiver.
ORIANE MANCINI
Alors la question est peut-être naïve, mais est-ce que depuis votre réunion de lundi, il y a déjà des choses qui ont avancé sur ce dossier ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Depuis lundi, on est mercredi, donc…
JULIEN LECUYER
Jeudi…
ORIANE MANCINI
Trop tôt ?
JULIEN LECUYER
Donc aujourd'hui, on a effectivement nommé un cabinet, un conseil tiers qui va expertiser l'ensemble des hypothèses, nous travaillons avec BRIDGESTONE sur les éléments qu'ils peuvent nous communiquer, mais à ce stade, on ne construit pas une solution industrielle en 48 heures, ce ne serait pas sérieux, ça voudrait dire qu'elle existait déjà si c'était le cas. Donc, nous, nous sommes dans la phase de travail, ça va prendre du temps, toutes ces solutions, je pense à Hambach, je pense à BORGWARNER, qui sont des situations équivalentes, c'est-à-dire de menace de fermeture avec des recherches de solutions, ça se construit sur plusieurs mois.
ORIANE MANCINI
Vous avez déjà une prochaine date de réunion ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Donc BORGWARNER, il y a deux repreneurs possibles, Hambach, il y a un repreneur possible, aujourd'hui, BRIDGESTONE, on est au tout début de l'histoire.
ORIANE MANCINI
Est-ce que, avec BRIDGESTONE, avec la direction, vous avez déjà une prochaine date de réunion ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bien sûr, nous avons une première date de réunion qui est prévue d'ici 2 à 3 semaines, donc dans la semaine, de mémoire, du 5 octobre, il faut caler exactement pour que tout le monde puisse être autour de la table, et il y a un rendez-vous important avec les organisations syndicales à partir du 1er octobre, et Elisabeth BORNE travaille, en temps masqué, pour faire toute l'évaluation des compétences des personnes qui travaillent à BRIDGESTONE, donc vous voyez, on ne chôme pas dans les jours qui viennent.
ORIANE MANCINI
Alors, on parle beaucoup de BRIDGESTONE, c'est vrai, ces dernières heures, mais malheureusement, il n'y a pas que cette entreprise qui est concernée, il y a beaucoup de plans sociaux, on va peut-être les voir à l'image, est-ce que vous vous préparez à une vague de plans sociaux, est-ce que vous arrivez à chiffrer ce qui va se passer dans les prochains mois ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, je vais reprendre les chiffres d'Elisabeth BORNE, qui est ministre du Travail et qui est à la manoeuvre sur ces sujets-là, elle indiquait qu'il y avait aujourd'hui de déposés un peu plus de 300 plans sociaux pour un peu plus de 50.000 salariés, déposés, ce n'est pas forcément la photo-finish, derrière chacun de ces plans sociaux, il y a une négociation, et cette négociation, avec les outils qu'a mis en place, l'Etat vise à réduire autant que possible l'addition pour les travailleurs français ; je veux redire ici qu'il y a un dispositif d'activité partielle de longue durée, qui n'est sans égal au niveau européen. Et lorsque vous regardez les suppressions massives d'emplois au niveau mondial, vous vous apercevez que la France aujourd'hui, paye une addition, encore une fois, je ne dis pas que nous sommes dans une période d'un dynamisme échevelé, mais l'addition que nous payons a été très fortement réduite, parce que l'Etat s'est impliqué, et parce que l'Etat a mis sur la table des dispositifs extrêmement puissants pour limiter la perte de compétences et pour protéger les salariés.
JULIEN LECUYER
C'est-ce que vous valorisez, excusez-moi, à l'heure actuelle, c'est activité, temps partiel de longue durée, et puis, les accords de compétitivité, finalement, est-ce que vous dites aussi aux gens, il est peut-être temps d'accepter parfois des baisses de salaires pour poursuivre l'activité ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, les accords de compétitivité, en règle générale, ils vont s'attacher, pas à baisser le salaire principal, mais à revoir les primes annexes et tout un ensemble d'éléments qui peuvent peser effectivement ponctuellement sur l'entreprise. Ces accords de compétitivité, oui, ça peut être des bonnes portes de sortie, il est important qu'ils soient équilibrés, il est important qu'ils soient l'objet d'un dialogue social construit et de qualité au sein de l'entreprise, il est important aussi qu'ils prévoient des mécanismes ou si tout le monde s'en sort bien, tout le monde s'y retrouve à la fin, c'est-à-dire, ce qu'on appelle le partage de la valeur, nous, nous poussons à ce qu'on développe encore plus les accords d'intéressement, les accords de participation et l'actionnariat salarié, autant de dispositifs qui font que quand l'entreprise traverse un moment difficile, tout le monde se serre les coudes, mais quand elle rebondit, tout le monde en profite et ça, c'est important.
ORIANE MANCINI
Il y a d'autres emplois qui sont menacés chez NOKIA notamment, et il y a l'un de nos téléspectateurs qui a souhaité vous poser une question à ce sujet. O va regarder. Alors, il s'appelle Bernard EGON, il vous demande que compte faire le gouvernement face au désengagement de NOKIA au plan social annoncé, cette suppression de 1.233 postes en recherche et développement sur la 5G, dont 402 ingénieurs à Lannion, est-ce que vous êtes pour la promotion du savoir-faire français développé depuis 60 ans ; c'est-ce qu'il vous demande.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait. Et puis, et d'ailleurs, nous y travaillons de très près, pour vous donner une idée, je voyais lundi le directeur général France d'ERICSSON pour lui parler de la situation, mardi, il y avait une réunion interministérielle pour regarder ce que les services de l'Etat pouvaient faire, puisque vous savez que la Direction générale de l'armement et l'ANSSI ont des recrutements dans les domaines de cyber-sécurité et correspondants aux compétences des ingénieurs concernés chez NOKIA. Mercredi, nous avons eu un contact avec QUALCOMM, et j'ai vu la patronne France d'ORANGE. Donc tous les jours, il se passe quelque chose sur le dossier de NOKIA. Nous sommes évidemment en contact avec la direction de NOKIA pour également discuter d'une possible réduction du plan qui serait le corollaire d'un réinvestissement dans certains éléments de recherche et développement, puisque…
ORIANE MANCINI
Possible réduction, juste ça veut dire, on rappelle qu'il y a 831 postes qui sont menacés dans l'Essonne, et ces 402 postes qui sont menacés à Lannion…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne vous donnerai pas de chiffre, je ne fais pas de sur-promesse. On attend d'avoir les éléments finalisés…
ORIANE MANCINI
Mais vous travaillez sur un chiffre ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait, mais à ce stade, c'est les salariés qui auront l'information les premiers, et c'est quand même ce qu'on leur doit, il me semble, ce n'est pas dans les journaux qu'on apprend les plans qui vous concernent. Et par ailleurs, il est également important d'avoir ce contact, et mes équipes ont un contact toutes les semaines avec le représentant des salariés.
ORIANE MANCINI
Et NOKIA, selon les syndicats, reçu 280 millions d'aides entre 2016 et 2019 au titre du CICE, et ça repose la question des contreparties, il y a Hervé MARSEILLE, qui est le président du groupe centriste ici au Sénat, qui annonce sur notre site Internet, « publicsenat.fr », que lors de l'examen du plan de relance, il va faire des propositions fortes pour qu'il y ait des contreparties à ces aides aux entreprises, est-ce que vous, vous êtes prêts à le suivre sur ces questions ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, plusieurs choses, d'abord, le CICE, ça n'existe plus en France, et c'est ce gouvernement l'a supprimé…
ORIANE MANCINI
Mais il y a encore des aides…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Voilà. Et je pense qu'il faut se départir de cette idée qu'il y a systématiquement des aides, donc le CICE, on n'en parle plus. La deuxième chose, c'est qu'effectivement, nous, on est prêts, on a déjà travaillé sur des contreparties, vous avez des prêts garantis par l'Etat qui sont assortis de contreparties de décarbonation. On n'a pas attendu que ce débat soit sur la place publique. Tous les investissements qui sont soutenus par exemple dans l'industrie, moi, j'accompagne un certain nombre d'entreprises, j'ai 2.400 projets aujourd'hui qui sont déposés pour de la modernisation industrielle, pour de la décarbonation, pour de la relocalisation, 2.400 projets, c'est juste gigantesque dans le monde industriel, je rappelle qu'il y a 33.000 PME industrielles, 1.000 entreprises de taille intermédiaire, donc, c'est pour vous donner la maille. Eh bien, derrière chacun de ces projets, il y a une localisation de l'investissement, et il y a un projet très clairement établi, on ne va pas financer n'importe quoi.
ORIANE MANCINI
Allez, il nous reste peu de temps, mais un sujet dont vous vous occupez aussi, ce sont les jouets genrés et une charte qui a été signée, Julien.
JULIEN LECUYER
Oui, en effet, vous avez signé cette charte pour lutter contre les stéréotypes dans les jouets, alors, c'est vrai que, il est encore un peu tôt dans la saison, mais on va commencer à s'en préoccuper. Qu'est-ce que vous voulez, par-là, montrer ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, voilà, c'est la charte dont c'est la première année d'anniversaire. Pourquoi cette charte, mon sujet, ce n'est pas de savoir si les jeux sont roses ou sont bleus, mon sujet, c'est que les petites filles puissent se projeter dès leurs 5 ans, 6 ans, 7 ans, dans des univers qui ne soient pas fermés, lorsqu'on pense à la construction, lorsqu'on pense à des jeux un petit peu, on va dire, scientifiques, ou même dans des professions qui sont présumées réservées aux petits garçons, une Barbie spationaute, c'est une façon de nourrir l'imaginaire des petites filles. Donc vraiment, notre enjeu, c'est de partir du constat que depuis 40 ans, il y a eu une évolution, où les jouets sont devenus de plus en plus genrés, que l'on réserve un certain type de jouets qui développent plutôt des compétences verbales chez les filles, et des jouets qui développent, pour les garçons, plutôt des compétences de construction et de créativité, et que ça enferme les uns et les autres dans des univers qui derrière vont avoir une implication sur leur choix d'orientation et de carrière. Pourquoi les petites filles qui sont bonnes en maths font systématiquement des sciences du vivant et pas des sciences dures ? Je pose la question. Et aujourd'hui, notre enjeu, c'est que toutes les petites filles et tous les petits garçons aient toutes les orientations professionnelles ouvertes, et que ce ne soit pas nos projections qui influent leur carrière. Et des chiffres en France, il n'y a pas plus de 30 % de femmes dans l'industrie, et il y a 17% de femmes dans les fonctions exécutives, c'est-à-dire de direction. Eh bien, c'est un handicap pour notre compétitivité.
ORIANE MANCINI
Allez, dernière question, Agnès PANNIER-RUNACHER, elle est politique, est-ce que vous serez candidate aux régionales ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, je l'ai dit, les régionales, c'est l'économie, le développement économique et le rééquilibrage sur les territoires, c'est évidemment des sujets qui me passionnent, l'Ile-de-France, c'est mon territoire, où j'ai grandi, et je suis évidemment disponible pour être candidate, mais le sujet aujourd'hui, ce n'est pas de savoir qui est candidat, le sujet, c'est d'avoir une vision, je pense que la majorité présidentielle a une vision distinctive d'autres voies, des Républicains ou de la gauche, que nous devons porter cette vision, que nous devons la porter ensemble, chacun en prenant notre risque, et que, derrière, nous devons faire collectivement cette campagne.
ORIANE MANCINI
Dernière question, Julien.
JULIEN LECUYER
Une question, parce qu'on a l'impression que ça occupe beaucoup l'esprit en tout cas cette tête de liste de Gabriel ATTAL, de Jean-Michel BLANQUER, d'Elisabeth BORNE, de vous, est-ce que vous, vous en avez 100 % envie par exemple ?
ORIANE MANCINI
Plus que les autres en tout cas…
JULIEN LECUYER
Est-ce que vous en avez envie plus que les autres ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, mais je pense que, moi, je ne me pose pas cette question de cette manière, je me pose plutôt la question de : qu'est-ce qui va faire, qu'on portera le mieux le projet…
JULIEN LECUYER
Est-ce que vous avez envie, très envie, comment est votre envie là-dessus ? Dites-le-nous…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, je vais le redire, il y a des conditions de réussite à cette campagne, et ces conditions de réussite, c'est la clé pour en avoir envie, c'est-à-dire qu'il faut avoir un projet qui ait vraiment de l'ambition, et une majorité présidentielle qui soit réunie derrière, où chacun prend son risque…
JULIEN LECUYER
C'est ce que vous êtes en train de construire…
ORIANE MANCINI
Et une majorité présidentielle unie, ce n'est pas vraiment le cas en ce moment ? Ça peut être compliqué…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien, c'est exactement la maison commune, donc faisons-là…
ORIANE MANCINI
Mais ça peut être compliqué ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est le moment.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup. Merci Agnès PANNIER-RUNACHER d'avoir été avec nous. Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 septembre 2020