Interview de M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur, à LCI le 14 septembre 2020, sur l'insécurité, la lutte contre le trafic de drogue et le maintien de l'ordre.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Gérald DARMANIN.

GERALD DARMANIN
Bonjour.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être ce matin sur LCI, beaucoup de sujets, on a 20 minutes d'interview. Est-ce que vous allez dire le mot "ensauvagement" ce matin ou est-ce que vous évitez de le dire, de le prononcer, depuis qu'Emmanuel MACRON a regretté votre passe d'armes sémantique avec le garde des Sceaux, c'était la semaine dernière en conseil des ministres ?

GERALD DARMANIN
Non, non, je n'évite pas de le dire, je pense que j'ai dit ce que j'avais à dire, je mets des mots sur les choses, Manuel VALLS a eu la gentillesse de dire que c'était le rôle du ministre de l'Intérieur, après on peut avoir des différences, et je comprends les sensibilités, dans le gouvernement, dans la majorité, et même dans l'opinion, chacun a sa construction. Moi je suis un élu local de Tourcoing et je dis les mots, je crois, qu'utilisent mes compatriotes de ma commune, des gens populaires. Moi je voudrais surtout dire que la sécurité c'est la protection de ceux qui n'en n'ont pas pour l'Etat, que c'est bien les ouvriers, les employés, les chômeurs, les petits cadres, qui ont le plus besoin de l'Etat pour les protéger, face effectivement a parfois des actes qu'on peut qualifier, que le bon sens populaire qualifie parfois de sauvagerie, voilà. Et puis, vous savez, moi ce qui m'intéresse c'est surtout les actions, et avec le garde des Sceaux on a l'occasion, je crois, de démontrer que nous travaillons ensemble, même si parfois on a des désaccords de sensibilité.

ELIZABETH MARTICHOUX
On va en parler, mais juste encore une ou deux questions sur ce sujet, parce que c'est vrai qu'il y a une polémique publique, alors même si on dit que c'est classique sous la Ve République, le hiatus entre l'Intérieur et le garde des Sceaux, tout de même, le président de la République a pris le soin de dire que selon lui c'était une erreur de l'avoir mis sur la place publique. Est-ce que c'était une erreur, est-ce que vous le regrettez ?

GERALD DARMANIN
C'est toujours mieux…Le président de la République a évidemment raison, comme le Premier ministre qui l'avait évoqué, c'est toujours mieux, si on peut éviter de se corriger en public, maintenant il y a des sensibilités, et je pense que le président de la République les respecte, c'est d'ailleurs pour ça qu'il a souhaité qu'Eric DUPOND-MORETTI soit garde des Sceaux et que je sois ministre de l'Intérieur.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ce n'est pas une erreur ?

GERALD DARMANIN
Il vaut mieux que les polémiques sémantiques soient derrière nous et que nous soyons dans l'action pour les Français. Je pense que ce qu'attendent les gens qui regardent la télévision ce matin, et qui vont aller travailler, ou qui sont sur leur lieu de travail, c'est que le ministre de l'Intérieur garantisse la sécurité publique et que le ministre de la Justice organise bien le service public de la justice.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, Marine LE PEN a été très critique sur LCI quant à vos missions, vos objectifs, vos premières priorités, et sur le mot elle dit que le fait que vous l'utilisez, "ensauvagement", c'est pour elle une victoire idéologique, du coup elle va plus loin d'ailleurs, elle parle de barbarie pour qualifier l'insécurité. C'est la course du petit cheval, est-ce que vous n'alimentez pas cette surenchère verbale, jusqu'où irez-vous vous-même ?

GERALD DARMANIN
Que Madame LE PEN nous attaque, et singulièrement m'attaque, je le prends comme une légion d'honneur. Tout mon engagement politique, depuis que j'ai l'âge de voter, a été contre la famille LE PEN, parce que c'est une PME familiale, la première fois que j'ai voté c'était pour battre son père, comme chacun s'en souvient, en 2002, moi je suis un enfant, d'avoir eu à 18 ou 19 ans en 2002, pour voter contre Jean-Marie LE PEN. Quand je me suis engagé pour être député, c'était dans une circonscription où le Front National faisait des scores extrêmement importants, ma ville de Tourcoing, LE PEN faisait 30 % aux élections, et son candidat fait moins de 10 désormais quand je m'y présente, avec mes amis. J'ai dirigé la campagne de Xavier BERTRAND dans la région des Hauts-de-France et j'ai quitté le Parlement pour battre Madame LE PEN, pour qui je ne voulais pas ma région, ma région de coeur, le Nord, tombe dans les griffes du Front national, et si je rejoins Emmanuel MACRON c'est justement parce que je crois que les partis républicains, les partis modérés, ceux qui croient en la République, en l'Etat de droit, doivent battre Madame LE PEN. Et madame LE PEN qui m'attaque, je trouve que… on est sur le bon chemin. Alors ensuite, Madame LE PEN, par ailleurs…

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est la cheffe de l'opposition, elle est puissante.

GERALD DARMANIN
Non, elle n'est pas la cheffe de l'opposition, Madame LE PEN elle essaye d'avoir un peu plus de popularité que sa nièce, puisque vous avez compris qu'il y a une bataille, c'est Dallas chez les LE PEN, et ça n'intéresse pas tellement les Français. Moi je constate qu'en 3 ans de vie ministérielle, j'ai Madame LE PEN, comme 577 députés, dans l'hémicycle. Elle est membre de la commission des Finances, Madame LE PEN, comme ministre du Budget, vous savez que je l'ai été pendant 3 ans, je ne l'ai quasiment jamais vue, et je ne crois pas qu'elle m'ait posé plus d'une question, en 3 ans, sur l'ensemble des grandes questions qui concernaient les Français, la taxe d'habitation, la vie économique, elle brillait, c'est vrai, mais par son absence. Depuis que je suis ministre de l'Intérieur, depuis 3 mois, je ne l'ai pas vue une seule fois m'interroger, je n'ai pas reçu une seule lettre d'elle. Alors, elle court les plateaux télé, mais elle n'est pas tellement dans le fond de la politique publique, et j'ai eu l'occasion de souligner qu'elle-même encourage l'insécurité, parce qu'elle la souhaite cette insécurité, parce que sans insécurité Madame LE PEN ne serait pas populaire, ou elle ne serait pas élue. Elle n'a jamais voté les lois du gouvernement qui allaient dans le bon sens, tellement elle a de l'idéologie, jamais la lutte contre le terrorisme n'a eu son accord, jamais les augmentations d'effectifs dans la police et dans la gendarmerie n'ont eu son accord, donc Madame LE PEN, ce qui nous intéresse plutôt c'est ses actes, et en l'occurrence il n'y a pas grand monde.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous dites elle ne vous pose pas de questions, vous souhaiteriez débattre avec elle publiquement ?

GERALD DARMANIN
Evidemment, moi je suis à la disposition de tous les responsables politiques…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous lui proposez un débat ou pas ?

GERALD DARMANIN
Non, je ne lui propose pas forcément un débat. J'ai eu l'occasion de débattre avec son père, j'ai eu l'occasion déjà de débattre avec elle dans d'autres lieux, moi j'ai constaté plusieurs fois, au Conseil régional, où j'ai siégé, ou alors à l'Assemblée nationale, qu'elle n'était jamais là, elle était là que le temps, peut-être, de l'intervention provocante, elle repart…

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc elle ne fait pas son boulot, là vous dites elle ne fait pas son boulot de députée ?

GERALD DARMANIN
Eh bien dans le Nord on dit "Grand causeux, petit faiseux", voilà, donc Madame LE PEN c'est une "petite faiseuse" et une "grande causeuse."

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors vous, vous parlez, vous commencez en tout cas votre mission au ministère de l'Intérieur avec les mots, mais à la fin, Gérald DARMANIN, ce sont les résultats qui comptent. Aurez-vous des résultats en 18 mois ? Ça vous fait rire ?

GERALD DARMANIN
Oui, parce qu'on progresse, je veux dire qu'au bout de 3 mois on demande déjà des résultats, donc ça c'est vraiment une manie très française.

ELIZABETH MARTICHOUX
Dès le départ, je pense, les Français attendent des résultats d'un gouvernement.

GERALD DARMANIN
Bien sûr, ils ont raison, mais le temps du bilan, peut-être faut-il laisser un peu le temps aussi de l'action. Il y a quelques jours on disait encore mais quelle est la feuille de route ? La feuille de route elle est extrêmement simple. D'abord, et avant tout, c'est la lutte contre les stupéfiants, il faut que les Français comprennent, mais ils le voient tous les jours en bas de chez eux, dans leur famille, en discutant avec leurs amis, les stupéfiants, les drogues, sont partout sur le territoire national, pas simplement en France, dans l'Europe bien sûr. Pourquoi ? eh bien parce que nous avons laissé faire, sans doute du fait de réseaux internationaux extrêmement puissants, des grands trafics, qui pourrissent la vie de nos quartiers et de nos villages, et chaque famille de France connaît quelqu'un qui est désocialisé parce qu'il a fumé trop de cannabis, ou connaît des accidents de voiture à cause de drogue, ou ne peut pas rentrer chez lui normalement parce qu'il y a un trafic près de chez lui.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous avez raison. Comment vous vous attaquez aux racines du mal, parce que la réalité c'est que dans les cités, souvent, les trafiquants sont plus forts que l'Etat, et ça depuis longtemps, et ce sont les riverains qui trinquent, si vous me passez… vous le dites vous-même. Comment vous vous attaquez aux racines du mal ?

GERALD DARMANIN
Alors, nous devons à la fois attaquer la racine du mal dans les grands trafics, le président de la République et Christophe CASTANER avaient mis en place, voilà un an, et il m'appartient désormais de l'appliquer, l'OFAST, c'est-à-dire la DEA à la française, une sorte de lieu…

ELIZABETH MARTICHOUX
Drug Administration, en bon français.

GERALD DARMANIN
Exactement, de lieu où les douanes, où la gendarmerie, la police, les renseignements, demain les impôts, travaillent ensemble, dans tous les territoires, et au niveau international, pour lutter contre ces grands trafics internationaux, ça c'est évidemment extrêmement important. Nous savons que la drogue elle arrive à la fois par la route, par les ports, que nous devons mieux contrôler, et nous devons mieux lutter contre la drogue par ces grands trafics qui financent aussi le terrorisme et qui financent ce crime organisé. Il y a eu des résultats, je rappelle qu'au premier semestre, sous mon prédécesseur, 33 tonnes de cannabis – premier semestre – pendant le confinement, ont été saisis. Et puis après il y a la consommation courante, d'où l'amende forfaitaire qu'on a mis en place…

ELIZABETH MARTICHOUX
De 200 euros.

GERALD DARMANIN
C'est extrêmement important, parce que quand vous fumez du cannabis, quand vous prenez votre rail de coke, certains pensent que ça peut être récréatif et que de temps en temps ce n'est pas grave, d'abord il faut combattre cette idée, avec la première des énergies. Et puis deuxièmement…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes contre la légalisation ?

GERALD DARMANIN
Absolument contre.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pourquoi ?

GERALD DARMANIN
Pour moi c'est une lâcheté intellectuelle. Moi je ne vais pas dire aux parents qui nous regardent, et qui se battent pour que leurs enfants sortent de la drogue parce qu'ils ont 14, 15, 16, 17 ans, "finalement on peut légaliser, ce n'est pas si grave", quel message on donne, quel message on donne à des familles où le gamin de 14 ans fait "le Chouf", comme on dit dans les quartiers, c'est-à-dire est payé, parfois 100 euros, 150 euros, pour regarder si la police n'intervient pas, pour garantir la tranquillité des trafiquants ? Quand l'enfant de 14 ans touche plus que son père en une journée, alors que son père travaille à l'usine d'à côté, il ne faut pas s'étonner qu'il y ait une crise d'autorité. Donc il faut condamner…

ELIZABETH MARTICHOUX
Lâcheté intellectuelle, ceux qui réclament la légalisation ?

GERALD DARMANIN
Non, mais… nous augmentons le prix du tabac, dans ce gouvernement, courageusement, parce que le tabac c'est mauvais pour la santé, c'est aussi bête que chou, on ne va pas légaliser la drogue à côté, on ne va pas dire le tabac c'est pas bien et on va légaliser la drogue. Vous savez, ce qu'il faut extrêmement souligner, c'est qu'il y a tous les jours des associations, des parents des policiers, des élus locaux, qui concrètement luttent contre cette merde qu'est la drogue…

ELIZABETH MARTICHOUX
Pardon ?

GERALD DARMANIN
Cette merde, la drogue c'est de la merde. Quand j'étais gamin, à la télévision, dans les années 80, il y avait un spot, je ne sais pas si vous vous rappelez, "La drogue c'est de la merde", eh bien ils luttent contre cette merde, eh bien on ne va pas légaliser cette merde, voilà, en tout cas moi je le dis avec les mots, je crois, de tous les parents que j'ai déjà reçus dans ma permanence d'élu, et qui me disaient "Monsieur le Maire, aidez-nous", donc ma façon de les aider c'est de lutter contre les trafics, lutter contre les consommations, mais aussi, et il faut bien le dire, passer un message, je crois, de fermeté, la drogue effectivement c'est de la merde. Mais je voudrais vous dire, Madame MARTICHOUX, que ce qu'est le plus important dans tout ça c'est que la drogue elle fait naître aussi la délinquance du quotidien, ce n'est pas qu'une question de grands trafiquants ou de consommateurs de cannabis, ou de cocaïne…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous luttez contre cette délinquance qui exaspère les Français en mettant une amende de 200 euros ?

GÉRALD DARMANIN
Eh ben oui ! Parce que pourquoi ? Parce que quand vous avez besoin de votre dose, 80, 100 euros, 150 euros par jour, vous n'avez pas forcément les moyens de vous la payer, donc pour cela vous faites des larcins, vous faites des cambriolages, vous faites des agressions dans la rue. Et lorsque vous êtes sous emprise de stupéfiants, il y a une grande explication, je pense que certains quartiers de Paris pourraient en témoigner, il y a une grande consommation de stupéfiants, et parfois il y a des actes de délinquance, qu'on appelle gratuite, dans la rue. Lutter contre la consommation de stupéfiants c'est remettre aussi de l'ordre public dans la rue, moins de cambriolages, moins d'agressions, moins d'accidents.

ELIZABETH MARTICHOUX
Samedi, mobilisation très importante des forces de l'ordre, face à une mobilisation assez limitée des Gilets jaunes. Au final, Gérald DARMANIN, combien d'interpellations et quels types de profils ?

GERALD DARMANIN
Alors, il y a eu 322 interpellations dans toute la France, mais singulièrement à Paris, il y a eu 202 gardes à vue à la suite de ces interpellations, je voudrais d'ailleurs souligner qu'il y a eu 9 policiers blessés, légèrement, mais policiers blessés quand même. Mais je voudrais me féliciter, malgré tout, de la bonne tenue de l'ordre public dans notre pays, et singulièrement à Paris, chacun a pu voir, malgré quelques débordements qu'il faut condamner, il y a deux véhicules légers qui ont brûlé, deux voitures qui ont brûlé, et quelques feux de poubelles, que samedi le maintien de l'ordre a été bien fait, d'autant bien fait, par les policiers, les gendarmes, dans un climat parfois de tension, il y a eu plusieurs manifestations, plusieurs groupes avec des armes, vous les avez vus, des gens qui ont voulu rentrer sur les Champs-Elysées, que j'avais fait interdire comme lieu de manifestation, à la fin des fins il n'y a même pas eu de tirs de la part de la police et de la gendarmerie, le fameux LBD, ce qui montre que le nouveau schéma de maintien de l'ordre, à mon avis, fonctionne.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est vrai que cette arme, qui a eu comme effet… un effet collatéral, ce n'était pas son but, mais d'éborgner des manifestants est-ce que vous allez la supprimer, Gérald DARMANIN ?

GERALD DARMANIN
Moi il ne s'agit pas de désarmer les policiers et les gendarmes, vous évoquez des manifestants blessés, on le regrette tous ; il y a quand même eu surtout 2000 policiers et gendarmes blessés dans toutes les manifestations de Gilets jaunes depuis 1 an, on n'en parle quasiment jamais, et moi je veux dire qu'avant tout je souhaite dire aux policiers blessés et aux gendarmes blessés que leur travail c'est de protéger la République et ce n'est pas d'être, à coup sûr, blessés dans une manifestation publique, et s'en prendre à un policier, à un gendarme, c'est s'en prendre à la République. Ce LBD, il a des inconvénients, il a des avantages, on a essayé de gommer ses inconvénients, ses inconvénients c'est que désormais il y a un superviseur, il n'y aura plus de tir de LBD sans qu'un superviseur, quelqu'un qui a peut-être un peu plus de recul, chez les CRS, chez les gendarmes mobiles, n'autorise ce tir.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous voulez dire, c'est comme dans les chars d'assaut où il y a quelqu'un qui dit "on tire" et il y a le tireur, c'est un peu ça, il y aura quelqu'un qui dira "maintenant tu tires", c'est possible, ça, dans le feu de l'action ?

GERALD DARMANIN
Non, mais votre comparaison évidemment je ne la prends pas…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais elle parle…

GERALD DARMANIN
Il y a un superviseur, dans une manifestation, qui autorisera le tir de LBD ou non. Je voudrais quand même souligner que dans les dizaines de manifestations qu'on a connues, d'une extrême violence parfois, les policiers et les gendarmes n'ont jamais tué quelqu'un, c'est quand même la grandeur de la police et de la gendarmerie française que d'être capable de faire du maintien de l'ordre, avec des gens qui viennent pour casser du flic, parce que c'est parfois le cas, ce n'est pas le cas de la majorité des manifestants, mais c'est parfois le cas, des gens qui viennent avec des arcs, des tournevis, des sécateurs, enfin des armes absolument contendantes, et affreuses, dans l'action quand on veut attaquer quelqu'un, eh bien quand on veut casser du flic il faut aussi donner aux policiers les moyens de se protéger.

ELIZABETH MARTICHOUX
…Il y a eu une femme qui est décédée effectivement…

GERALD DARMANIN
Mais ce n'est pas l'effet de la police.

ELIZABETH MARTICHOUX
Absolument, mais juste un mot sur cette stratégie de maintien de l'ordre. Ça a beaucoup frappé, fin août, dans le cadre des matchs du PSG, vous vous rappelez, il y a eu…. On avait annoncé des débordements et la police ne les a pas empêchés, il y a eu beaucoup de casse. Ne pas aller au contact, et tant pis s'il y a de la casse, s'il y a des vitrines, s'il y a… s'il y a de la casse quoi, et en volume important. C'est toujours ça la stratégie du maintien de l'ordre en France ?

GERALD DARMANIN
Non, on ne peut pas comparer les deux manifestations. D'abord, il y en a qui était déclarée, celle des Gilets jaunes, et il y en a qui n'était pas déclarée, celle du PSG, mais ce n'est pas propre aux supporters du PSG, c'est bien des gens extérieurs qui sont venus casser. Dans le cas des manifestations après les demi-finales et finale du PSG, la moitié des gens qui ont été interpellés étaient des mineurs. Alors, moi je le dis aussi à la journaliste que vous êtes, est-ce qu'on envoie des policiers charger des mineurs ? Je ne pense pas que ce soit la bonne solution dans un Etat démocratique, et je le dis bien sûr aux Français les yeux dans les yeux. En revanche, il y a eu beaucoup d'interpellations, d'ailleurs je remercie le Parquet de Paris et je remercie la justice…

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ce n'était pas une erreur ce qui s'était passé fin août, honnêtement ?

GERALD DARMANIN
Non mais, c'est évidemment scandaleux, mais je pense que la délinquance des mineurs elle n'est pas le fait de la police en tant que tel, elle est le fait de parents qui ont été manifestement très défaillants dans l'éducation de leurs enfants, sans doute de la société qui a laissé trop faire, et moi dans le discours de fermeté que j'essaye de tenir, quand j'essaye de le tenir sur la drogue, je pense qu'il faut remettre l'autorité parentale au coeur de notre ADN commun, et je veux dire à toutes et tous ici, la police, en général, elle est en bout de chaîne. Les policiers, ils font un gros travail social, de protection de la population, et ils sont à la fin, quand tout le monde a failli. Quand quelqu'un commet de la délinquance c'est parce que les parents n'ont pas su faire leur travail de parents, j'imagine, que l'Education nationale n'a pas eu des moyens de faire ce qu'elle a pu faire, que la prévention de la délinquance n'a pas été au rendez-vous, que la formation, le travail, n'a pas donné des valeurs à ces populations, donc à la fin des fins le policier, eh bien il récupère ce que toute la société n'a pas pu faire auparavant.

ELIZABETH MARTICHOUX
Un mot des Gilets jaunes, mobilisation très faible, c'est la fin du mouvement, comment vous l'analysez ?

GERALD DARMANIN
Il ne m'appartient pas, en tant que ministre de l'Intérieur, de commenter les manifestations, moi mon travail c'est de permettre ces manifestations.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais est-ce que c'est un soulagement, honnêtement, pour le pouvoir, pour Emmanuel MACRON, de voir que ce mouvement à l'évidence s'est essoufflé ?

GERALD DARMANIN
Non, mais moi je ne me permettrai pas de commenter l'opinion… des manifestations, mon travail de ministre de l'Intérieur, encore une fois…

ELIZABETH MARTICHOUX
Enfin, vous êtes un homme politique, et vous le revendiquez Gérald DARMANIN.

GERALD DARMANIN
Oui… chacun connaît mes idées politiques, mais, moi, ce qui me paraît très important dans un Etat de droit c'est de se dire que le droit de manifester est un droit constitutionnel, que la grandeur de notre démocratie c'est de permettre à des gens qui sont contre le gouvernement, ce qui est manifestement le cas des Gilets jaunes, de pouvoir manifester en toute quiétude, et qu'ils puissent le faire, et je me réjouis que ceux-là aient pu être au rendez-vous. Sur les revendications, je voudrais quand même dire que le président de la République il a baissé de 5 milliards d'euros l'impôt des Français, les impôts des Français ont baissé, sur leur taxe d'habitation, ou sur leur impôt sur le revenu, surtout lorsqu'ils appartenaient à la classe moyenne.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça c'est l'ancien ministre des Comptes publics qui en parlent.

GERALD DARMANIN
Eh bien vous me posez la question. J'ai été celui…

ELIZABETH MARTICHOUX
Non, je vous demande comment vous analysez, vous me répondez parce qu'il y a une satisfaction par rapport à la politique fiscale du gouvernement, c'est ça ?

GERALD DARMANIN
Je crois qu'une partie, une partie, une partie des gens qui ont manifesté, qui ont donné…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous pensez que les Gilets jaunes, la colère sociale elle a été… finalement on y a répondu ?

GERALD DARMANIN
Je crois que les manifestations des Gilets jaunes, qui ont fait naître le Grand débat, dans lequel le président de la République nous a demandé de mettre en place un certain nombre de dispositions, a pu contenter une partie, une partie, des gens qui voulaient manifester jusqu'alors.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, à nouveau je m'adresse au ministre de l'Intérieur que vous êtes, la politique du chiffre, vous y tenez manifestement, elle a été critiquée. Ce que disent beaucoup de policiers et de gendarmes, Gérald DARMANIN, c'est que ça joue à rebours d'une des volontés du gouvernement d'instaurer une politique de proximité puisque la hiérarchie sur le terrain sera poussée, d'une certaine façon, à faire du chiffre, à produire des résultats, qui seront bons, puisque vous voulez les publier, ce n'est pas pour qu'ils soient mauvais, donc pour eux, honnêtement, j'en ai interrogés plusieurs, ils trouvent que c'est contreproductif et ils ne sont pas satisfaits par votre volonté.

GERALD DARMANIN
Comment vous jugez l'efficacité d'une politique économique, qu'est-ce que vous commentez, vous les journalistes, depuis que j'ai l'âge de vous regarder à la télévision ? Le taux de chômage. Vous dites « voilà, le taux de chômage il baisse, c'est une réussite économique, le taux de chômage il augmente, ce n'est pas bien pour le gouvernement », vous passez votre temps à le faire. La sécurité elle doit aussi avoir des résultats, ce n'est pas que des résultats, ce n'est pas la politique du chiffre, ce n'est pas la…d'activité des services, c'est les résultats. Si je dis, je lutte contre la drogue et que j'ai moins de saisies de drogue à la fin de l'année, qu'au début, vous allez me dire "Monsieur DARMANIN il parle pour rien", il faut bien fonder sur quelque chose le fait qu'une politique réussisse ou ne réussisse pas. Eh bien moi je me réjouis que tous les mois, en toute transparence, devant les journalistes, devant les Français, on puisse dire eh bien voilà, nous avons saisi tant de tonnes de cannabis en plus, on a mis tant d'amendes pour les consommateurs, on a pu intervenir dans tant de difficultés du quotidien des Français, et de le faire de manière, ce qu'on appelle territoriale désormais, rue par rue, quartier par quartier. Donc je revendique le fait que les Français ne croient plus tellement en leurs responsables politiques, ils ont besoin des preuves pour aimer, et plus simplement des déclarations, alors oui, chaque mois je donnerai les résultats des services de police.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il faudra convaincre les policiers et les gendarmes que c'est une bonne politique. Très rapidement, je vous demande de répondre très brièvement. La loi sur le séparatisme sera présentée par le président de la République les 22 et 23 septembre ?

GERALD DARMANIN
A la fin du mois de septembre, le président de la République, dans un déplacement, aura l'occasion d'évoquer les grandes lignes du projet de loi en effet.

ELIZABETH MARTICHOUX
Un déplacement où ? Dans l'Hérault ?

GERALD DARMANIN
Le président de la République aura l'occasion de l'annoncer lui-même.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous ne confirmez ni la date, ni le lieu ?

GERALD DARMANIN
Je ne suis pas le porte-parole du président de la République, mais je peux vous assurer qu'il y travaillé beaucoup, avec Marlène SCHIAPPA et moi-même, et nous aurons l'occasion, sans doute d'ici fin du mois de septembre, de pouvoir énoncer ces grandes lignes.

ELIZABETH MARTICHOUX
Réponse brève aussi. Les caméras piétons, dont sont progressivement équipées les forces de l'ordre, qui déclenche la caméra - enfin qui, ce sont les policiers, mais – à quel moment est-ce que c'est une obligation absolue pour eux de les déclencher dès qu'ils sont en patrouille et avec une possibilité d'interpellation ?

GERALD DARMANIN
Le problème des caméras piétons c'est qu'elles ont, aujourd'hui, une charge qui est limitée, et donc, comme la patrouille fait à peu près 8h00, la charge aujourd'hui est entre 2 et 4 heures, donc vous comprenez bien qu'elles ne peuvent pas la mettre dès le début de la patrouille. Donc, pour l'instant, la consigne, c'est de mettre en marche la caméra lorsqu'il y a une intervention, il n'y a pas toujours des interventions quand on fait une patrouille de police, et la caméra est faite de telle sorte qu'elle enregistre, quand on appuie dessus, 30 secondes avant et 30 secondes après. Mon travail à moi c'est de trouver des nouvelles caméras, qui durent le temps des patrouilles, ça c'est du bon sens, donc on est en train de les acheter en ce moment-même, tout sera généralisé pour le 1er juillet 2021, et peut-être que demain, Madame MARTICHOUX, on aura l'occasion de voir que quand on sortira son arme, lorsqu'on va courir, la technologie le permet, eh bien la caméra se met aussi elle-même en fonctionnement, donc on a l'occasion…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais est-ce qu'on sera sanctionné si un policier décide de ne pas la déclencher, la caméra… ?

GERALD DARMANIN
Il faut arrêter de penser toujours sanction = policiers, moi je fais confiance aux policiers et aux gendarmes, la caméra elle est là pour les protéger…

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord…

GERALD DARMANIN
Mais c'est le corps, Madame MARTICHOUX, le corps des agents publics, les policiers, les plus sanctionnés de tous les fonctionnaires, donc c'est une grande police, une grande gendarmerie, il faut leur faire confiance. C'est souvent des gens, vous savez, qui se sont engagés pour l'amour du drapeau et pour la protection des plus faibles, et donc le "police-bashing" commence vraiment à agacer, je crois, les Français.

ELIZABETH MARTICHOUX
Encore deux petites questions. D'abord regardez ces images, c'était à Marseille hier soir, en marge… dans les rues à Marseille, voilà. Ça, la victoire, Marseille, a dû faire plaisir à Emmanuel MACRON, sur PSG, la fête, la fête sans masque sur le vieux port, l'allégresse en ces temps de Covid.

GERALD DARMANIN
Eh bien oui, on ne peut que condamner les images que nous voyons. Je voudrais que ce matin, à la demande du Premier ministre, plusieurs préfets, dont celui des Bouches-du-Rhône, auront l'occasion sans doute de proposer au gouvernement des mesures de restriction supplémentaires pour pouvoir éviter des rassembler comme celui-ci, donc je fais confiance également aux préfets pour, au mieux, nous proposer des choses qu'on doit appliquer très rapidement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Très rapidement. Merci à vous. Juste un mot. Votre ami Edouard PHILIPPE, vous souhaitez qu'il soit l'animateur de la majorité ?

GERALD DARMANIN
Si le président de la République le souhaite je ne peux que m'en réjouir.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais ce sera une bonne chose pour la majorité ?

GERALD DARMANIN
Moi je suis à mon travail de ministre de l'Intérieur, vous avez raison de dire que je suis l'ami d'Edouard…

ELIZABETH MARTICHOUX
Le parler vrai, la transparence, ça a des limites, vous souhaitez qu'il soi ?

GERALD DARMANIN
Mais, vous savez, quand le matin vous pensez à la sécurité des Français, que le midi vous pensez à la sécurité des Français, et que le soir vous pensez à la sécurité des Français, et parfois la nuit vous pensez à la sécurité des Français…

ELIZABETH MARTICHOUX
Et en vous rasant aussi ?

GERALD DARMANIN
Ça ne vous empêche pas de garder vos amitiés, comme celle que j'ai, profonde, avec Edouard PHILIPPE, qui en plus d'avoir été mon Premier ministre est mon ami, je souhaite qu'il puisse évidemment avoir un rôle très important dans la campagne présidentielle du président de la République, mais ce n'est pas moi qui fait les nominations du président de la République.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup Gérald DARMANIN d'avoir été ce matin sur LCI. Bonne journée à vous.

GERALD DARMANIN
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 septembre 2020