Interview de Mme Olivia Grégoire, secrétaire d'État à l'économie sociale, solidaire et responsable, à France Info le 2 octobre 2020, sur l'épidémie de Covid-19, le secteur de la restauration et l'économie sociale.

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Intervenant(s) : 
  • Olivia Grégoire - Secrétaire d'État à l'économie sociale, solidaire et responsable

Média : France Info

Texte intégral

STÉPHANE DEPINOY
Ravi de vous retrouver dans #Deuxpointsleco avec notre invitée d'aujourd'hui Olivia GREGOIRE qui a en charge l'Economie sociale et solidaire au sein du gouvernement. Alors bonjour Olivia GREGOIRE. La première question, c'est forcément une question sur l'actualité sanitaire avec ce risque pour Paris d'avoir un nouveau tour de vis. Est-ce que le fait de décaler la décision à lundi, ça veut dire qu'il est difficile d'arbitrer entre la nécessité sanitaire et, de l'autre côté, la problématique économique ?

OLIVIA GREGOIRE
Bonjour à tous. Je ne crois pas que ce soit l'objet de cette attente. Je crois que ce qu'a dit Olivier VERAN hier est très clair : les indicateurs concernant Paris et d'ailleurs d'autres villes, Paris n'est pas la seule, ont été dépassés et il nous faut observer dans les 24 heures, dans les 48 heures comment la courbe des contaminations et comment les réanimations se comportent dans les prochaines 48 heures. Il y a deux chiffres qu'il faut avoir en tête parce que j'entends tour de vis, mise en garde, c'est une sémantique très dure et, vous savez, je voudrais rappeler une chose : Olivier VERAN, le gouvernement fait tout ça pour protéger les Français. Ça relève de l'évidence mais je veux le rappeler. Deux chiffres importants pour vos auditeurs. Entre le 15 août et le 30 septembre, plus 350 % de cas positifs au Covid. Aujourd'hui au moment où on se parle, ce sont 560 000 personnes en France contaminées. En Ile-de-France pour être précis, en une semaine nous avons quasiment 400 patients qui sont arrivés en réanimation ; c'est quasiment la moitié des 800 cas de réanimation qui ont été constatés depuis une semaine. Ça veut dire qu'il y a une tension extrêmement forte sur l'Ile-de-France ; ça veut dire que les indicateurs ont été dépassés à Marseille - on va en parler – il y a huit jours, des mesures ont été prises. Les indicateurs sont dépassés à Paris depuis hier, des mesures vont possiblement être prises mais on va en parler parce qu'il y a encore une journée de concertation aujourd'hui avec les restaurateurs notamment.

STEPHANE DEPINOY
Alors justement, c'est le problème de l'économie. On ne veut pas l'étouffer et, du coup, les restaurateurs disent : mais attendez, vous n'allez pas nous faire refermer les établissements. Est-ce que vous pensez que les restaurateurs ont plus de chances de garder les établissements ouverts alors que les bars vont forcément fermer ?

OLIVIA GREGOIRE
Je vais vous le dire, dans ces moments-là il faut qu'on reste ensemble, unis et surtout pas qu'on commence à jouer une profession contre les autres. Que ce soient les restaurateurs, que ce soient les bars, que ce soient les commerces, les salles de sport, chacun a ses problématiques, chacun est traité spécifiquement notamment par le Ministère de la Santé mais aussi de l'Economie. Un exemple : 98 professions concernées précisément par le chômage partiel. C'est bien démonter, si vous voulez, que ligne par ligne ou profession par profession, le gouvernement traite les sujets. Il y a une réalité : dans les bars, on boit des verres ; pour boire un verre on retire son masque ; on est souvent plus en proximité ; c'est donc plus problématique. En parallèle aujourd'hui, toute la journée je crois, Olivier VERAN reçoit les restaurateurs et va voir, va étudier les protocoles sanitaires que les restaurateurs ont travaillé en responsabilité. Ils vont échanger entre restaurateurs et autorités sanitaires pour voir si les protocoles fonctionnent. Si les protocoles au plan médical sont estimés bons par le Ministère de la Santé, on peut envisager sous conditions… C'est quoi ces conditions ? Faire payer les clients par exemple à table plutôt qu'au bar…

STEPHANE DEPINOY
Laisser les coordonnées des clients de manière à pouvoir les recontacter.

OLIVIA GREGOIRE
Laisser les coordonnées des clients, réduire la taille des tables mais aussi par exemple prendre la température à l'entrée des restaurants des clients qui viennent dîner. Si ces mesures étaient acceptées, estimées opérables par les autorités sanitaires, nous pourrions envisager de laisser les restaurants ouverts sous conditions. Mais n'opposons pas les professions dans ces moments extrêmement difficiles, c'est… De toute façon quoiqu'il advienne, si des bars doivent fermer, le chômage partiel est en place. 31 milliards d'euros aujourd'hui. Jusqu'à fin décembre il couvrira les salariés et, par ailleurs le fonds de solidarité a été lourdement augmenté. 1 500 euros, nous sommes passés à 10 000 euros et l'Etat a encore des marges de manoeuvre, Bruno LE MAIRE l'a dit, pour augmenter le fonds de solidarité. Nous avions anticipé à l'été, j'étais encore députée aux finances. On a mis 9 milliards sur le fonds de solidarité, nous n'en avons décaissé que 6. Nous ne laisserons personne au bord du chemin.

STEPHANE DEPINOY
Olivia GREGOIRE, votre secteur c'est l'économie sociale et solidaire. C'est quand même un secteur qui représente une part non négligeable dans la richesse nationale.

OLIVIA GREGOIRE
Bien sûr.

STEPHANE DEPINOY
2,4 millions de salariés.

OLIVIA GREGOIRE
10 % du PIB.

STEPHANE DEPINOY
Est-ce que ce secteur est impacté de la même manière ou bien, comme ce sont des emplois non-délocalisables, il y a une opportunité de rebondir assez vite ?

OLIVIA GREGOIRE
Alors votre question est très juste. C'est une économie à part entière, l'économie sociale et solidaire, mais c'est aussi une économie à part. C'est une économie à part entière, de fait elle a été frappée par la crise du Covid. Beaucoup de chantiers d'insertion ont dû fermer, beaucoup d'associations n'ont pas pu mener à bien leur mission de solidarité comme elles le font habituellement et certains - je pense notamment à EMMAÜS par exemple - ont dû fermer leurs recycleries, leurs entrepôts et ç'a été compliqué. Ils sont accompagnés, quasiment 5 000 associations pour 1,5 milliard d'euros de prêts garantis d'Etat. C'est important de le dire.

STEPHANE DEPINOY
Et ça, ça va leur suffire pour survivre à la crise ?

OLIVIA GREGOIRE
Non, ce n'est jamais suffisant. C'est déjà fait, il faut faire plus. On travaille sur le sujet à plusieurs au gouvernement, ça ne vous a pas échappé. C'est un vrai sujet. Avec Sarah EL HAÏRY notamment, on y travaille tous les jours pour consolider les annonces faites auprès des associations et je peux vous dire qu'on surveille ça comme le lait sur le feu. Mais l'économie sociale et solidaire, c'est aussi une économie à part. C'est une économie qui est très agile, qui est maligne, qui est souvent innovante et dans des moments un peu durs : il pleut, la situation sanitaire est dure, il faut trouver des zones d'espoir. Eh bien l'économie sociale et solidaire, elle vous en propose. Ils sont très agiles, ils ont beaucoup innové. Ils ont mis en place des nouvelles pratiques, par exemple de livraison de paniers bio pour des chantiers d'insertion. Ils se sont beaucoup organisés pour pouvoir aussi dépasser la crise. J'en profite pour leur tirer mon chapeau.

STEPHANE DEPINOY
Et donc, c'est un gisement d'emplois…

OLIVIA GREGOIRE
C'est un gisement d'emplois.

STEPHANE DEPINOY
Parce que j'ai vu que dans votre feuille de route, il y une volonté de créer pas mal d'emplois dans ce secteur.

OLIVIA GREGOIRE
Avec les contrats à impact, tout à fait. C'est un gisement d'emplois, je crois surtout que c'est un gisement d'inspiration, c'est un gisement d'innovation pour l'économie en général. Il y a beaucoup de pratiques dans l'économie sociale et solidaire qui ont été prises par intuition au service d'un impact social, solidaire, environnemental depuis des années. C'est au coeur de cette économie. Qu'est-ce que je remarque aujourd'hui ? Que c'est la quête de l'économie normale et donc on va essayer de faire en sorte que l'ESS inspire l'économie normale dans les mois et années qui viennent.

STEPHANE DEPINOY
Merci Olivia GREGOIRE de nous avoir rendu visite.

OLIVIA GREGOIRE
Merci à vous.

STEPHANE DEPINOY
Vous avez terminé avec un titre qui s'appelle Under pressure donc c'est tout un programme.

OLIVIA GREGOIRE
J'ai pour mérite d'être franche. On est tous sous pression, on est tous sous tension. Under pressure, j'ai demandé juste la version avec David BOWIE qui est un peu plus rare que celle basique de QUEEN. Gardons le moral et ensemble on va y arriver.

STEPHANE DEPINOY
Eh bien on se quitte avec David BOWIE. Merci, bonne journée.

OLIVIA GREGOIRE
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 octobre 2020