Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à LCI le 30 septembre 2020, sur la politique économique du gouvernement.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Elisabeth MARTICHOUX.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ministre de l'Economie. Merci beaucoup d'être ce matin sur LCI, 48 heures après la présentation de votre budget qui parie sur un rebond de croissance important l'an prochain, 8 %. Pas de croissance sans confiance, Bruno LE MAIRE. Comment vous pouvez redonner, donner confiance aux Français aujourd'hui ?

BRUNO LE MAIRE
Eh bien il suffit qu'ils regardent les résultats qu'ils ont réussi à obtenir eux-mêmes aux mois de mai, juin, juillet, août. On a vu un rebond de la consommation, on a vu une économie qui commençait à redémarrer, qui redémarrait doucement mais qui redémarrait. Je pense qu'il faut que nous restions sur la même ligne, c'est-à-dire arriver à conjuguer la lutte contre le virus et le redémarrage de l'activité économique. Le virus ne va pas disparaître du jour au lendemain donc il faut que nous nous habituions à vivre avec ce virus, à nous remettre à consommer, à travailler normalement, à investir pour les entreprises en utilisant tous les moyens qui sont mis sur la table par l'Etat, de façon à ce que nous ayons d'ici 2022 retrouvé le niveau de développement économique d'avant la crise.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais s'habituer au virus, ce n'est pas si facile. Par exemple votre budget, j'en parlais, finalement c'est un budget par principe, il est instable parce que si la deuxième vague est enrayée, s'il n'y a pas plus de conséquences économiques vous tiendrez vos prévisions sinon. Non ? On vit au rythme de l'épidémie.

BRUNO LE MAIRE
Nous avons été prudents et nous avons appliqué au budget le principe de précaution. C'est-à-dire que nous avons mis de côté ce qui est nécessaire pour faire face à des dépenses supplémentaires qui sont liées au retour du virus. Un exemple, le fonds de solidarité : on avait prévu 9 milliards d'euros. On en a dépensé 6 et donc il nous reste 3 milliards d'euros pour faire face, par exemple, pour les restaurateurs, pour les hôteliers, pour les soutenir davantage. Le chômage partiel, on avait provisionné 30 milliards d'euros. On en a dépensé 20 donc il nous reste 10 milliards de côté pour faire face à d'éventuelles mesures de confinement plus difficiles, qui nous amèneraient à renforcer encore le chômage partiel. Donc nous avons été prudents. Nous avons envisagé ces hypothèses-là et, dans le même temps ce budget il doit nous permettre de préparer l'avenir, d'innover, d'investir. Il faut nous dire tous qu'il y aura un après-virus.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui.

BRUNO LE MAIRE
Et ma responsabilité politique, c'est de préparer cet après-virus, c'est-à-dire le moment où la France aura retrouvé une économie plus compétitive et plus verte.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui. Mais pour l'instant, les Français sont quand même très focalisés, vous comprenez, sur le présent très incertain. Vous dites vivre avec le virus, il faut travailler. Vous dites aux Français : il faut travailler normalement ?

BRUNO LE MAIRE
Mais je comprends très bien qu'ils soient focalisés.

ELIZABETH MARTICHOUX
On peut travailler normalement aujourd'hui ?

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr qu'on peut travailler normalement en respectant des gestes barrières, en portant un masque. C'est des circonstances qui sont particulières. Elles nous obligent tous à des comportements de distanciation sociale qui sont honnêtement désagréables - on s'en passerait tous - mais qui sont nécessaires pour notre santé. Elles obligent à porter le masque en entreprise dans les réunions, ça n'est pas agréable, on ne voit pas le visage des autres, c'est compliqué mais c'est nécessaire. Et c'est parce que nous aurons respecté ces règles sanitaires que nous sortirons le plus vite possible de cette épidémie et qu'on pourra reprendre le cours de notre vie normale.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il y avait Michel Sapin à votre place hier. Il a été ministre socialiste de l'Economie. Il dénonce, je cite, des erreurs, des erreurs graves dans votre budget : « On va aider des gens qui n'en ont pas besoin. Par exemple la grande distribution, la logistique » - bon, très bien - et même dit-il « ont profité de la crise. » Il aurait préféré…

BRUNO LE MAIRE
Ah, Elizabeth MARTICHOUX…

ELIZABETH MARTICHOUX
Pardon, il aurait préféré un budget axé pour ceux qui sont dans la survie. Les restaurateurs, les hôteliers, les acteurs de l'événementiel, est-ce que ce n'est pas eux que vous auriez pu mieux servir ?

BRUNO LE MAIRE
Je regrette vraiment, Elizabeth MARTICHOUX, qu'un ministre des Finances ne fasse pas preuve d'un minimum de sens des responsabilités. Je trouve ça triste pour la vie politique française. D'abord si monsieur SAPIN ne veut pas soutenir la grande distribution, très bien. C'est des centaines de milliers d'emplois. La grande distribution, c'est aussi des agents de caisses, c'est des personnes qui travaillent dans les rayons, c'est un secteur qui est en grande difficulté et qui a besoin de soutien. Quant aux restaurateurs, nous les soutenons évidemment. Le chômage partiel, c'est quoi sinon soutenir des restaurateurs ? Nous avons décidé hier avec le Premier ministre que nous allions maintenir 100 % d'indemnisation au chômage partiel pour tous les restaurateurs, pour tous les patrons de café, pour tous des hôteliers de façon à ce que justement ils puissent passer la crise. Je pense qu'on est dans un moment où chaque responsable politique doit se demander s'il fait de la politique politicienne, qui franchement n'est pas de circonstance, ou s'il est à la hauteur des enjeux. Je regrette que Monsieur SAPIN ne soit visiblement pas à la hauteur des enjeux.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'ailleurs ça me fait penser à l'appel qu'a lancé hier le Premier ministre à l'Assemblée quand il a dit - il a regretté d'ailleurs - qu'il n'y ait pas d'union nationale.

BRUNO LE MAIRE
Je regrette que… Ce sont des cas isolés. Je pense qu'aujourd'hui nous avons un débat à l'Assemblée, on en a eu un en commission des finances qui est très constructif. Bien sûr que c'est légitime de savoir s'il faut aider plus tel ou tel secteur. Est-ce que sur l'aéronautique on fait tout ce qui est nécessaire ? Est-ce qu'on ne peut pas améliorer ? Est-ce que sur l'industrie automobile, on peut encore renforcer tel ou tel dispositif ? Est-ce que sur les hôteliers, les restaurateurs, l'évènementiel par exemple qui est un secteur qui est très inquiet, on ne peut pas les aider davantage ? Ça, c'est un bon débat.

ELIZABETH MARTICHOUX
Justement, est-ce que vous seriez favorable à ce que dans l'événementiel…

BRUNO LE MAIRE
Mais caricaturer les positions du gouvernement, c'est un peu triste.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pardon. Est-ce que vous seriez favorable à ce que dans l'événementiel, dans le sport, le dispositif de prolongement ou prolongation du chômage partiel jusqu'à la fin de l'année soit aussi pour eux ?

BRUNO LE MAIRE
On va en discuter tout à l'heure avec Elisabeth BORNE. Moi je suis favorable à ce que tous les secteurs qui n'ont aucune visibilité économique… Il faut bien voir ce que c'est aujourd'hui. Vous êtes traiteur, vous avez 40, 50, 60 salariés. C'est quoi vos perspectives ? Il n'y a pas de mariages, il n'y a pas de fêtes, il n'y a pas de baptêmes, il n'y a pas de réunions de famille, donc c'est quoi vos perspectives d'ici la fin de l'année ou pour l'année qui vient ? Même chose dans l'événementiel, même chose pour les salles de sport. Donc moi je veux aider ces professionnels, et si ça passe par une prolongation du chômage partiel avec une indemnisation à 100 % parce qu'ils estiment que c'est utile, nous regarderons ça avec Elisabeth BORNE et moi, j'y suis favorable.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous y êtes favorable. Vous aviez lancé il y a un mois, je me souviens, un appel aux Français : dépensez, dépensez. Est-ce que vous avez des chiffres récents de consommation d'abord ?

BRUNO LE MAIRE
Alors ils vont tomber dans la journée mais les chiffres de consommation cet été ont été plutôt bons, mais sans surprise. J'avais averti que cette reprise ne devait pas nous amener à un excès d'enthousiasme. Quand j'ai corrigé la prévision de croissance, on m'avait dit : regardez, la Banque de France vous dis qu'on va faire une récession de moins 8, moins 8,7, donc corrigez votre récession ; vous dites moins 11, c'est beaucoup trop pessimiste. Je l'ai corrigée prudemment parce que j'avais anticipé qu'effectivement l'épidémie risquait de revenir et puis qu'il y avait beaucoup d'incertitudes internationales. Je crois qu'il était sage de faire une correction qui soit prudente.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors on sait, les Français ont épargné aux environs de 90 milliards d'euros depuis le début de la crise.

BRUNO LE MAIRE
A peu près.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est un stock assez tentant pour un Etat qui doit combler son déficit. Bruno LE MAIRE, est-ce que vous allez taxer l'épargne des Français ?

BRUNO LE MAIRE
Non, je ne taxerai pas l'épargne des Français. J'ai pris un engagement qui n'est de n'augmenter aucun impôt sur les Français et je tiendrai cet engagement. Tant que je serai ministre des Finances, je tiendrai cette parole que j'ai donnée aux Français. En revanche, je veux les inciter à diversifier leurs placements. Vous avez raison, nous avons économisé près de 90 milliards d'euros. Donc ils ont rempli leur Livret A, leur Livret de développement durable, leur assurance-vie. Donc nous leur mettons à disposition, pour tous ceux qui ont déjà bien rempli leur Livret de développement durable et leur Livret A, nous mettons demain à leur disposition un nouveau produit qui est un fonds d'investissement dans les PME françaises. Si vous avez…

ELIZABETH MARTICHOUX
Un nouveau produit boursier.

BRUNO LE MAIRE
Un nouveau produit de placement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour épargner, pour placer son argent.

BRUNO LE MAIRE
Totalement nouveau. C'est la première fois qu'un pays en Europe propose à ses compatriotes d'investir dans leurs PME. Donc si vous avez 5 000 euros à placer - c'est le ticket minimal donc ce n'est pas pour tous les épargnants, soyons clairs : c'est pour ceux qui ont déjà un bas de laine bien constitué - mais s'il vous reste de l'épargne disponible et que vous voulez investir dans les PME françaises, nous mettons à votre disposition un fonds dans lequel il y a 1 500 entreprises françaises. Vous pouvez investir 5 000…

ELIZABETH MARTICHOUX
Des petites entreprises alors, des PME.

BRUNO LE MAIRE
Des petites entreprises partout sur le territoire.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord.

BRUNO LE MAIRE
Elles peuvent être à Nantes, à Lille, à Sélestat ou à Biarritz. Vous investissez dans ces PME. Il y en a 1 500 donc ça c'est diversifie le risque. Le ticket minimum d'entrée, c'est 5 000 euros. C'est bloqué pendant 5 ans parce que ça aide au développement des PME donc il faut avoir 5 années devant soi, il ne faut pas en avoir besoin. Et au bout du compte, on peut avoir une rentabilité qui soit plus importante que celle d'un Livret A ou d'un Livret de développement durable.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord. C'est risqué, c'est un produit risqué.

BRUNO LE MAIRE
Le risque, c'est que dans ce type de placement on ne garantit pas le capital. Donc il faut être totalement transparent avec les Français mais si certains - je pense qu'il y a beaucoup de Français qui y sont prêts, qui veulent investir dans le tissu économique de PME françaises qui est quand même notre première force économique - ils peuvent pour la première fois le faire de manière simple. Ils vont dans leur agence bancaire, ils vont sur Internet, ils cliquent sur le site de la BPI. Ils trouveront ce fonds et ils peuvent commencer à mettre minimum 5 000 euros.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord. Donc ça, c'est ce que vous nous annoncez ce matin à partir de demain.

BRUNO LE MAIRE
A partir de demain. C'est créé et c'est nouveau en France comme en Europe. C'est la première fois qu'on crée ce type de produit.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que faire ça quand on a les moyens, c'est une forme de patriotisme ?

BRUNO LE MAIRE
Oui. J'ai toujours beaucoup aimé le mot de patriotisme. C'est une forme de patriotisme économique. Vous aidez les PME à se développer sur les territoires et je pense que c'est très important dans la vision que je me fais de l'économie française…

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est important pour les entreprises. Elles ont besoin d'argent.

BRUNO LE MAIRE
Oui. C'est important de rassembler. Rassembler les salariés et les chefs d'entreprise : c'est ce que j'ai essayé de faire dans la loi PACTE. Rassembler les citoyens et le monde économique, qu'on comprenne qu'on s'en sortira tous collectivement. Pas en étant séparés les uns contre les autres dans des conflits qui nous font tous du mal, mais en rassemblant nos forces.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous aviez lancé d'ailleurs un produit d'épargne il y a exactement un an. Un plan d'épargne retraite.

BRUNO LE MAIRE
On a lancé un plan d'épargne, tout à fait.

ELIZABETH MARTICHOUX
Qui a marché ?

BRUNO LE MAIRE
Le PER qui a remarquablement marché. 1,8 million de Français qui ont fait appel à ce plan d'épargne retraite pour 8 milliards d'euros. Qu'est-ce que ça veut dire ? C'est que les Français sont à la recherche de produits de placement qui soient plus attractifs, plus simples. On leur a proposé ce plan d'épargne retraite, 8 milliards d'euros d'encours, c'est un immense succès en six mois, et 1,8 million de Français qui ont fait appel à ce produit. C'est un nombre très important. Eh bien je souhaite que ce soit la même chose pour ce fonds de placement dans les PME françaises, que le plus grand nombre possible de Français aille investir dans nos PME qui sont notre force économique.

ELIZABETH MARTICHOUX
S'ils n'ont pas peur. Vous leur dites : la dépense publique est massive comme jamais, Bruno LE MAIRE. Pourquoi souligner depuis lundi qu'il faudra aux Français, pourquoi absolument souligner cet aspect-là qui est quand même un peu anxiogène aussi ?

BRUNO LE MAIRE
Parce que je pense que la responsabilité n'est jamais anxiogène, Elizabeth MARTICHOUX. Ce qui est anxiogène, c'est les gouvernements qui vous disent : c'est open-bar ; ne vous inquiétez pas, on ne remboursera jamais ; la dette, ça n'a aucune importance. Si, la dette c'est important. Et une immense majorité de Français a parfaitement conscience que s'endetter aussi lourdement, c'est nécessaire dans la période de crise parce que c'est un investissement pour protéger nos emplois et pour protéger nos entreprises. Et je pense qu'avoir un ministre des Finances qui leur dit avec beaucoup de clarté et beaucoup de force : nous rembourserons cette dette, ça rassure les Français et ça rassure les investisseurs qui vont acheter de la dette. Et expliquer comment nous allons rembourser, c'est-à-dire par la croissance, par un principe de responsabilité sur la dépense publique et par des réformes de structure dont la réforme des retraites - parce que je persiste et je signe : nous aurons besoin à un moment donné d'avoir une réforme des retraites qui garantisse que financièrement notre dispositif est soutenable et qu'il est plus juste et plus équitable - je pense que ça rassure plutôt que ça inquiète.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord. Mais donc, vous admettez que la réforme des retraites, son impératif ou son objectif premier c'est de faire des économies.

BRUNO LE MAIRE
Non. Je vous dis simplement…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous venez de dire : la réforme des retraites, c'est pour pouvoir…

BRUNO LE MAIRE
Je vous dis que c'est un des aspects de la réforme des retraites. C'est qu'en ayant une réforme des retraites qui soit solide, ça garantit que les jeunes qui rentrent sur le marché du travail aujourd'hui auront le même niveau de retraite que vous et moi, Elizabeth MARTICHOUX. C'est un principe de justice et c'est aussi un principe de responsabilité.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et puisqu'on parle d'efforts, les comptes sociaux sont très mauvais. Olivier DUSSOPT l'a confirmé et ça pour longtemps. Tôt ou tard, Bruno LE MAIRE, vous dites : je parle clair ; voilà, il faudra travailler plus ?

BRUNO LE MAIRE
Tôt ou tard, mais ce n'est pas tôt ou tard. On sait que globalement, et une fois encore, qu'on me comprenne bien : chaque Français travaille beaucoup. Chaque salarié français est très productif et tous ceux qui travaillent font un effort considérable. Mais comme nous avons un taux de chômage qui reste très élevé, comme nous avons un départ à la retraite qui est plus tôt que dans beaucoup d'autres pays, globalement la France travaille moins que certains de ses partenaires. Et ça à un moment donné, quand on a un système de protection sociale qui est très généreux auquel je suis viscéralement attaché, eh ben ça pose un problème financier.

ELIZABETH MARTICHOUX
Un gros dossier sur votre table aujourd'hui Bruno LE MAIRE, c'est le mariage - enfin le mariage, non - la volonté de VEOLIA qui est un géant du traitement des eaux, c'est un marché très porteur, de racheter SUEZ qui est son concurrent français. Bon, l'offre court - c'est un peu compliqué et technique - mais jusqu'à ce soir. Vous vouliez absolument que les deux grands patrons se parlent, ils se sont parlé enfin - il y a quoi, cette nuit - il y a quelques heures. Ça donné quoi ? Ça change quoi ?

BRUNO LE MAIRE
Visiblement, ça n'a pas donné de résultats donc on est en train de m'expliquer qu'il faut que tout soit bouclé en 24 heures. Je veux être très clair : ce genre d'affaire ne peut pas être bouclé en 24 heures et ne sera pas bouclé en 24 heures. L'Etat ne cédera à aucun ultimatum. On ne va tout de même pas m'expliquer que deux compagnies qui ont quasiment 150 ans d'existence : SUEZ, la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, VEOLIA, n'auraient pas d'autre choix que de conclure un mariage en 24 heures. On ne pouvait pas se donner 48 heures, 72 heures ou quelques jours de plus ? Enfin, personne ne peut comprendre.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour quoi faire ? Pour quoi faire ? Quel est l'objectif du temps, du délai que vous demandez ?

BRUNO LE MAIRE
Mais le temps, c'est de passer d'une procédure inamicale ou qui est perçue comme telle…

ELIZABETH MARTICHOUX
De VEOLIA, oui.

BRUNO LE MAIRE
A une procédure qui soit amicale et chacun doit balayer devant sa porte. ENGIE qui veut céder sa participation ne peut pas s'exonérer de sa responsabilité sociale vis-à-vis de SUEZ dont elle détient une partie. Il ne s'agit pas simplement de vendre bien…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ne pas voir que ses intérêts.

BRUNO LE MAIRE
Il faut vendre dans de bonnes conditions, c'est-à-dire en protégeant les salariés et en donnant aux salariés de SUEZ des garanties. VEOLIA de son côté doit faire une offre qui doit être amicale. Parce que tout ce qui est inamicale aujourd'hui ne doit plus avoir sa place dans le capitalisme français.

ELIZABETH MARTICHOUX
Elle est trop agressive.

BRUNO LE MAIRE
Ce n'est pas le capitalisme que nous voulons construire. Ce n'est pas le capitalisme de la loi PACTE que je défends où il y a une responsabilité sociale des entreprises. VEOLIA doit montrer que son offre est amicale. Et SUEZ a aussi sa part de responsabilité. SUEZ doit arrêter de se livrer à une guérilla juridique en plaçant ses actifs…

ELIZABETH MARTICHOUX
Dans un fonds néerlandais.

BRUNO LE MAIRE
Dans un fonds néerlandais, ce qui est incompréhensible.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça vous a choqué ?

BRUNO LE MAIRE
Mais ce n'est pas ces guérillas juridiques qui permettront de résoudre le problème. Donc j'appelle chacune des trois parties à faire preuve de sens des responsabilités et de faire chacune un pas dans la direction de l'autre. Qu'ENGIE assume sa responsabilité sociale, que SUEZ cesse sa guérilla juridique et que VEOLIA transforme sa proposition, qui est une proposition intéressante, pour qu'elle devienne une proposition amicale. Parce que l'enjeu dépasse VEOLIA, SUEZ et ENGIE. L'enjeu, c'est quel capitalisme nous voulons construire.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ce n'est pas celui-là que vous voulez.

BRUNO LE MAIRE
Je ne veux pas, Elizabeth MARTICHOUX, de capitalisme brutal qui règle ses affaires sur le dos des salariés, de l'emploi ou de l'empreinte industrielle de notre pays. Ce que je veux c'est un capitalisme responsable, respectueux des salariés et respectueux de sa responsabilité sociale.

ELIZABETH MARTICHOUX
En un mot, si VEOLIA s'affranchit de ça, si SUEZ n'entend pas, vous ne pourrez pas faire grand-chose mais vous…

BRUNO LE MAIRE
L'Etat peut toujours plus qu'on ne le croit. Il suffit de le vouloir et de marquer très clairement quelles sont les règles du jeu. Cette opération ne peut pas se faire en 24 heures. 24 heures, c'est aujourd'hui. Nous verrons bien ce qui se passera d'ici la fin de la journée. Donnons-nous du temps. Je ne dis pas des semaines : donnons-nous du temps pour rapprocher les positions des uns et des autres.

ELIZABETH MARTICHOUX
Voilà. Message très ferme. Bruno LE MAIRE, vous êtes apparu assez ému hier en évoquant sur France Inter votre expérience du virus. Vous étiez isolé il y a une semaine exactement jour pour jour chez vous. Vous avez lancé à tous ceux qui disent : arrêtons tout ça, les masques etc, vous avez dit : arrêtons avec l'égoïsme. Mais vous ne comprenez pas les jeunes et les moins jeunes qui disent aujourd'hui : on n'a pas envie de vivre avec le masque, on ne veut pas de cette société. Tous ces jeunes qui vont se fracasser sur le marché du travail, vous les condamnez ? Vous leur dites qu'ils sont égoïstes ? Franchement ?

BRUNO LE MAIRE
Evidemment que non.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous ne les entendez pas ?

BRUNO LE MAIRE
Evidemment que je les entends. Je les entends chez moi, j'en ai quatre. J'ai un fils aîné qui a 20 ans, j'en ai un deuxième qui a 18 ans, j'ai un troisième gars de 12 ans, un quatrième qui a 10 ans donc les jeunes ils sont auprès de moi. Je les écoute et je comprends parfaitement quand je discute avec mon fils aîné, qu'il a envie d'aller dans un bar, qu'il a envie d'aller boire un verre avec ses amis, je comprends bien que ce soit pénible de porter le masque.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ce n'est pas l'avenir qu'il veut.

BRUNO LE MAIRE
Mais ce n'est pas un avenir qu'on lui propose. Et d'ailleurs, il est parfaitement responsable et ses amis que je vois sont aussi parfaitement responsables. Arrêtons de dire que les jeunes ne sont pas responsables, c'est complètement faux Elizabeth MARTICHOUX. Ils sont parfaitement responsables. Il fait attention à sa grand-mère comme, je pense, tous les jeunes de France dans leur immense majorité font attention aux personnes âgées qui sont autour d'elles. Ils portent le masque, ils essayent d'avoir des comportements responsables et ils savent très bien qu'on gagnera contre ce virus si on le combat collectivement. Mais ne laissons jamais dire que les jeunes ne sont pas responsables parce que c'est totalement faux.

ELIZABETH MARTICHOUX
Bon, ça c'est un petit rectificatif par rapport au message d'hier. Deux questions, je vous demande d'être très rapide. D'abord en un mot, qu'est-ce qu'elle vous a appris sur la maladie cette expérience ? Qu'est-ce que vous avez découvert que vous ne saviez pas ?

BRUNO LE MAIRE
Eh bien on découvre quelque chose qui souvent échappe aux politiques, c'est la fragilité. Vous découvrez votre fragilité.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et donc, ça change quelque chose sur la façon de faire de la politique dans l'immédiat ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, bien sûr. Bien sûr. Parce que vous prenez un peu plus de recul, un peu de détachement aussi par rapport aux choses. Vous les voyez avec un peu plus de distance. Vous voyez davantage ce qui est essentiel et ce qui est accessoire. Et vous vous apercevez que vous perdez beaucoup de temps avec l'accessoire et qu'il vaut mieux se concentrer sur l'essentiel.

ELIZABETH MARTICHOUX
Personne n'a été contaminé dans votre famille ?

BRUNO LE MAIRE
Ni dans ma famille, ni dans mes proches, ni dans mon cabinet.

ELIZABETH MARTICHOUX
Très rapidement, une question. France Inter justement ce matin affirme que la Cour des comptes a débusqué des dépenses sur le fonds de Notre-Dame à partir des dons, vous savez, très, très importants qui ont été ceux des Français, petits, grands, des grandes entreprises. Ces donc n'ont pas été utilisés seulement pour les travaux mais aussi pour des dépenses de fonctionnement de la structure.

BRUNO LE MAIRE
Je vérifierai ce point. Je vous dis très sincèrement que je ne suis pas au courant. Je vérifierai ce point mais il va de soi que lorsque les Français font des dons pour un projet, chaque euro, chaque centime d'euro doit aller au projet pour lequel les Français ont cotisé.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ce serait une anomalie majeure et…

BRUNO LE MAIRE
On va évidemment vérifier cela dans la journée.

ELIZABETH MARTICHOUX
Une forme de trahison par rapport à…

BRUNO LE MAIRE
Je ne veux pas me prononcer, je ne connais pas le sujet.

ELIZABETH MARTICHOUX
Si c'était le cas.

BRUNO LE MAIRE
On va vérifier que l'argent des Français est bien allé à ce pourquoi les Français se sont engagés.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup Bruno LE MAIRE d'avoir été avec nous ce matin sur le plateau de LCI.

BRUNO LE MAIRE
Merci Elizabeth MARTICHOUX.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 octobre 2020