Interview de M. Alain Griset, ministre des petites et moyennes entreprises, à RMC le 7 octobre 2020, sur l'aide de l'État en faveur des travailleurs indépendants et des entreprises confrontés à l'épidémie de Covid-19.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Et l'invité, ce matin, c'est Alain GRISET. Bonjour.

ALAIN GRISET
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être avec nous ce matin, vous êtes le ministre en charge des Petites et Moyennes Entreprises, et on voulait parler avec vous ce matin de ceux qui sont un peu les oubliés ou qui ont le sentiment d'être les oubliés du fameux "quoi qu'il en coûte". Jusqu'où est-ce que ce sera le "quoi qu'il en coûte", pour ceux qui sont parfois en deuxième ou en troisième ligne, qui sont pénalisés par l'arrêt de ceux qui sont obligés d'arrêter leur activité face au Covid ? Je voudrais, avant de commencer cette interview, que vous écoutiez un message, c'est celui d'Axelle, elle est praticienne en hypnose. A cause de la crise sanitaire, son activité s'est brusquement ralentie, quasi à l'arrêt, elle n'a droit à aucune aide. Ecoutez.

AXELLE CARLIER, PRATICIENNE EN HYPNOSE A LILLE
En chiffre d'affaires, de 30 000 je suis passée à 3 000 €, sans avoir payé mes charges. Donc moins de 500 € par mois sur les six derniers mois. C'est l'horreur. C'est l'horreur, vraiment. On demande un sursis, on demande du temps pour s'adapter. Monsieur Alain GRISET, c'est ce que je vous demande. De comprendre que l'on n'est pas des fainéants, on n'est pas des assistés, on a juste envie de, là, pouvoir souffler, être soulagés, parce que pour moi ça serait un soulagement. J'ai honte. J'ai honte de devoir dire : "Hey, au fait, j'ai besoin d'aides !" Ce n'est pas dans nos valeurs en tant qu'indépendants, si je fais ça, c'est que je suis juste désespérée.

APOLLINE DE MALHERBE
Qu'est-ce que vous répondez à Axelle ? A quoi peut-elle prétendre ?

ALAIN GRISET
Tout d'abord dire qu'il peut y avoir ce sentiment, mais en réalité beaucoup de choses ont été faites depuis le 14 mars. Fonds de solidarité, très important pour beaucoup d'indépendants, jusqu'à 1 500 € par mois, cotisations sociales, exonérations, pour ceux qui étaient fermés, reports de cotisations, on a étalé sur 36 mois, activité partielle pour ceux qui avaient des salariés, et puis le prêt garanti par l'Etat. Sur les 600 000 bénéficiaires, 94% sur les travailleurs indépendants, qui ont bénéficié de ce PGE. Donc j'entends bien qu'il y a sûrement encore des besoins, qu'il y a de la crainte sur l'avenir, mais nous essayons de nous adapter et de mettre en place les outils les plus adaptés possibles pour ces 3 millions de travailleurs indépendants.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous en avez encore un peu sous le coude ?

ALAIN GRISET
En tout cas on s'adapte au fur et à mesure des circonstances. Vous l'avez vu, à l'occasion de la fermeture des restaurants, nous avons avec Bruno LE MAIRE, dans les 12 heures, modifié les dispositifs pour s'adapter à une nouvelle situation. Et donc c'est ce qu'on essaie de faire tous les jours, regarder quelles sont les situations, quels sont les secteurs en difficulté, pour répondre le mieux possible, et quand je dis mieux possible, j'ai bien conscience qu'il peut y avoir des difficultés et qu'il y a des drames personnels qui se jouent, mais nous essayons à chaque fois de trouver des solutions adaptées.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous avez chiffré le nombre d'entreprises qui sont au bord de mettre la clef sous la porte ?

ALAIN GRISET
Non, parce qu'on n'a pas cette connaissance fine. Je sais très bien qu'il y a beaucoup d'indépendants pour lesquels c'est dur, mais je sais aussi, et cette dame a totalement raison, j'en ai conscience, je connais, que ces hommes et ces femmes sont naturellement extrêmement courageux, volontaires, le fait d'être à son compte c'est une démarche qui est vraiment une démarche très positive, et j'ai conscience qu'il faut tout faire pour leur permettre de continuer et de tenir, et avec cette idée qu'il y a la petite lumière au bout du tunnel, parce que le virus un jour ou l'autre on va s'en sortir, et notre objectif c'est de les maintenir dans la situation la moins mauvaise possible, pour qu'ils puissent arriver à reprendre une activité normale.

APOLLINE DE MALHERBE
Alors, à l'heure actuelle, si j'ai bien compris, mais tout cela reste encore extrêmement complexe et continue à bouger, donc ça va peut-être bouger encore ce matin, mais moi ce que je comprends, c'est qu'il faut une baisse de 80% du chiffre d'affaires par rapport au chiffre d'affaires de l'année précédente à la même période, pour pouvoir toucher ces fonds de solidarité. Est-ce que c'est toujours le cas ou est-ce que ça va évoluer ?

ALAIN GRISET
Bon, c'est toujours le cas. Nous travaillons avec Bruno LE MAIRE pour regarder de quelle manière et assez rapidement la semaine prochaine, il est possible qu'on ai des arbitrages permettant de faire évoluer ce fonds.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire, attendez, ça voudrait dire que vous pourriez faire bouger ce seuil de 80% de baisse ? On pourrait quand même toucher des aides si on ne fait que 60% de baisse par exemple ?

ALAIN GRISET
Je ne vais pas aller jusque-là, je ne sais pas encore les arbitrages qui…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est ce que vous espérez peut-être ?

ALAIN GRISET
Nous avons travaillé sur une évolution positive pour les indépendants, de ce dispositif. Mais ça se sont pour ceux qui ne sont pas interdits de travailler.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, non mais attendez, restons quand même juste deux secondes sur cela, parce que moi je voudrais comprendre. Quand on est restaurateur aujourd'hui, qu'on a dû s'adapter, qu'on a dû investir, qu'aujourd'hui on nous dit : ok, vous pouvez rester ouverts mais en gros que vous allez vous allez faire moitié moins de tables, vous allez être obligé de continuer à investir dans les masques, le gel, le plexi, que les gens vont être forcément un petit peu frileux d'aller au restaurant. Moi je suis restaurateur, je me pose la question : est-ce qu'il faut que je reste ouvert, coûte que coûte, c'est le cas de le dire, où est-ce qu'il vaut mieux que je me dise : eh bien écoutez en fait, plutôt que de travailler à perte, je ferme et j'attends que ça aille mieux ?

ALAIN GRISET
Tout d'abord les restaurateurs nous ont demandé, et nous avons beaucoup travaillé pour qu'ils soient ouverts. Donc je n'imagine pas qu'ils aient envie de fermer.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais s'ils se retrouvent dans cette situation ?

ALAIN GRISET
J'ai bien entendu, mais je veux dire que nous avons beaucoup travaillé, j'insiste, pour qu'ils puissent ouvrir, avec les organisations professionnelles, avec les protocoles qui leur permettent d'ouvrir, d'être ouverts, pardon, et donc je n'imagine pas qu'ils nous disent maintenant : je ne veux pas être ouvert. Mais j'entends bien la question de la rentabilité.

APOLLINE DE MALHERBE
Travailler à perte, faut-il continuer à travailler à perte ?

ALAIN GRISET
Sûrement pas. Une entreprise qui travaille à perte plusieurs mois, à un moment donné elle n'y arrive pas. Donc la réponse est non. Et nous avons travaillé dans les protocoles pour justement qu'on ne soit pas à ce niveau de perte de 50%, au niveau des tables, au niveau des distances. Donc moi j'espère que très vite ces professionnels vont pouvoir travailler, en gagnant leur vie.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, enfin techniquement, quand on vous dit : vous devez fermer à 22h00 alors qu'avant vous finissiez à minuit, voire même à 01h00 du matin, ça ne peut pas être autrement.

ALAIN GRISET
Pour les restaurateurs, il n'y a plus de…

APOLLINE DE MALHERBE
Non, mais enfin je veux dire, à Marseille, partout, enfin, vous ne pouvez pas imaginer qu'ils vont faire le même chiffre d'affaires, c'est utopique.

ALAIN GRISET
Je n'ai pas dit ça, j'ai dit qu'on avait adapté les dispositifs : chômage partiel, activité partielle à 100%, à 100 %, exonération, report de cotisations, et puis le fonds de solidarité pour les restaurateurs qui étaient fermés, qui est passé de 1 500 à 10 000 € par mois, pour couvrir la différence de chiffre d'affaires. Donc encore une fois je suis bien conscient, je les rencontre vous savez quasiment tous les jours, les difficultés elles sont réelles, mais on a aussi une situation sanitaire qui est unique, qui est compliquée, donc nous essayons, avec Bruno LE MAIRE, de regarder tous les jours de quelle manière il faut essayer de faire bouger les critères pour accompagner ces professions.

APOLLINE DE MALHERBE
Alain GRISET, vous êtes en charge des Petites et Moyennes Entreprises, cette question du télétravail qui est à nouveau sur le devant de la scène, mais pas de manière franche et massive, c'est-à-dire il y a une incitation au télétravail mais non pas une obligation au télétravail comme ça avait été en mars, pour ceux qui le peuvent, bien entendu, est-ce que c'est suffisant d'inciter ?

ALAIN GRISET
D'abord, dans les entreprises qui sont de mon ministère, le télétravail n'est pas majoritairement possible, dans le bâtiment, dans la restauration, dans la coiffure, dans l'esthétique, dans la boulangerie, je pourrais en citer des dizaines. Donc ce n'est pas majoritairement possible. Quand ça l'est, naturellement j'y suis favorable, mais je pense, obliger des entreprises en tout cas celles qui sont dans le ministère des PME, à utiliser le télétravail, c'est utopique, il faut permettre aux entreprises de s'adapter par rapport à leur activité, par rapport aux besoins.

APOLLINE DE MALHERBE
Alain GRISET, qu'est-ce que vous pouvez dire ce matin à ceux qui nous écoutent et qui sont inquiets, pour l'instant vous leur dites : on va faire plus mais il n'y a pas encore beaucoup de concret ?

ALAIN GRISET
Ecoutez, je pense que quand on va faire le bilan, on peut déjà commencer à le faire : il n'y a aucun pays au monde, je dis bien aucun pays au monde, qui a autant accompagné, aussi bien les salariés que les entreprises. Aucun. Quand vous regardez les dispositifs, ça n'existe nulle part au monde. Alors, j'entends bien, encore une fois j'ai été longtemps celui qui demandait…

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, vous faisiez partie de ces indépendants.

ALAIN GRISET
J'entends bien, mais naturellement, donc c'est pour ça que je pense assez bien les connaître.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous connaissez parfaitement, parfaitement ce…

ALAIN GRISET
Je pense assez bien connaître et je connais les réactions, et je connais les demandes. Mais quand je regarde bien, en réalité, même si ça peut considérer n'être pas assez, nous avons fait beaucoup, et à un moment donné, certains nous disent ici : attention, et à un moment donné, il faudra tirer les traits sous les additions, quand on voit, partout c'est difficile. Donc j'entends bien, nous essayons de nous adapter et nous avons fait une réunion hier avec Bruno LE MAIRE sur l'événementiel, sur le sport, sur tous ces métiers-là, nous allons faire des propositions au Premier ministre pour regarder comment on peut mieux accompagner et nous adapter.

APOLLINE DE MALHERBE
Et on le sent bien, c'est là-dessus que joueront les marges que vous avez, quand vous dites que vous pourriez élargir effectivement à tous ces indépendants. Et puis cette question quand même du seuil, est-ce qu'on pourra toucher des aides quand on quand on fait beaucoup de baisses mais sans aller jusqu'à 80 %. Merci beaucoup Alain GRISET d'être venu dans le studio de RMC ce matin.

ALAIN GRISET
Merci à vous.

APOLLINE DE MALHERBE
Je rappelle que vous êtes ministre en charge des Petites et Moyennes Entreprises. Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 octobre 2020