Interview de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, à Europe 1 le 16 septembre 2020, sur le développement de la 5G en France, l'écologie et la rénovation thermique des bâtiments.

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Média : Europe 1

Texte intégral

SONIA MABROUK
Bienvenue à vous, et bonjour Barbara POMPILI

BARBARA POMPILI
Bonjour.

SONIA MABROUK
Est-ce que les écologistes ont raison de demander un moratoire sur la 5G ?

BARBARA POMPILI
Ils ont raison, comme d'autres d'ailleurs, de se poser des questions sur cette nouvelle technologie. Parce qu'il faut qu'on essaie de comprendre à quoi elle sert, ce qu'elle peut apporter, et puis, surtout, s'il y a des risques. Moi, je trouve tout à fait normal qu'on pose des questions, et nous, on est là pour essayer d'y apporter des réponses.

SONIA MABROUK
Se poser des questions, c'est-à-dire, un moratoire, selon vous, est-ce que c'est un sujet qui mérite un débat, qu'on prenne son temps, ou alors, il ne faut pas hésiter et jeter la lampe à huile aux orties ?

BARBARA POMPILI
On avait eu l'occasion d'en discuter lors de la Convention citoyenne pour le climat. Et lors de la Convention citoyenne pour le climat, les citoyens, qui étaient là, avaient posé plusieurs questions, ils avaient d'abord dit que c'était plutôt a priori une bonne opportunité, parce que, eh bien, ça permettait de se développer économiquement, et puis, de pouvoir accéder à tous les bénéfices du numérique ; je peux vous donner quelques exemples, mais sur la médecine aujourd'hui, sur la télémédecine, on a besoin de temps de réponse très, très court, et ça peut permettre de faire des opérations à distance, ce qui pourrait être vraiment une avancée. Ça peut aussi permettre pour les municipalités qui mettent de l'eau pour arroser les jardins de pouvoir gérer ça et arrêter l'eau quand il n'y en a plus besoin, etc.

SONIA MABROUK
A vous entendre, vous êtes une convertie de la 5G, Madame la Ministre !

BARBARA POMPILI
Ce que je dis, c'est que je vois ce que ça peut apporter, maintenant, les citoyens nous disaient : eh bien, il faudrait peut-être prendre le temps pour vérifier s'il n'y a pas de problème sanitaire et pour vérifier comment on peut faire pour qu'il n'y ait pas trop de problèmes environnementaux. Et moi, quand je les ai entendus, puisque je les ai reçus dès que je suis arrivée, j'ai décidé avec des collègues de lancer une inspection qui permet de regarder dans la littérature scientifique où on en est sur les questions sanitaires…

SONIA MABROUK
Très bien, mais est-ce qu'il faut un moratoire, c'était ma première question ?

BARBARA POMPILI
Eh bien, le moratoire a un intérêt à partir du moment où on n'a pas encore les données. Et là, justement, on a un rapport qui est sorti hier, qui nous donne des données et qui nous précise que sur les bandes qui vont être mises… qui vont être occupées d'ici la fin de l'année, il ne va y avoir, en gros, aucun risque si on respecte les normes…

SONIA MABROUK
Attendez, c'est important, vous nous dites ce matin, Barbara POMPILI, que sur le risque de la santé, il n'y en a pas, c'est ce que dit le rapport qui a été remis au gouvernement hier…

BARBARA POMPILI
C'est ça, toute la littérature scientifique…

SONIA MABROUK
C'est tranché pour vous…

BARBARA POMPILI
Toute la littérature scientifique nous dit que sur la bande 3,5 gigahertz, qui est utilisée depuis longtemps, en fait, c'est une bande qui continuera à être utilisée, sur cette bande-là, à partir du moment où on respecte les normes, il n'y a pas de risque avéré pour la santé…

SONIA MABROUK
Donc pas de moratoire puisque vous nous dites ce matin que les garanties, en tous les cas, sur le plan de la santé sont apportées.

BARBARA POMPILI
Voilà, le temps a été pris…

SONIA MABROUK
Pas de moratoire, j'ai bien entendu ?

BARBARA POMPILI
Le temps… vous pouvez jouer sur les mots tant que vous voulez, mais moi, je peux y jouer aussi…

SONIA MABROUK
Pas du tout, mais je vous pose la question…

BARBARA POMPILI
Les citoyens ont demandé à ce qu'on prenne le temps de faire des études, il y a une première étude qui a rendu ses conclusions, et qui dit que sur… encore une fois, sur les 3,5 gigahertz qui sont concernés par les enchères qui vont avoir lieu à la fin du mois, il n'y a pas de problème sanitaire avéré, pas plus que ce qu'on a déjà aujourd'hui.

SONIA MABROUK
Donc on peut basculer dans la révolution…

BARBARA POMPILI
On peut basculer dans la révolution. Est-ce que ce sera une révolution ? Je n'en sais rien, en tout cas, c'est une évolution qui accompagne aussi notre consommation, par contre, en tant que ministre de l'Environnement, ce que je peux vous dire, ministre de la Transition écologique, c'est que l'évolution des consommations fait qu'on va consommer beaucoup plus, et donc qu'il peut y avoir un risque pour l'environnement, puisque quand on consomme, on augmente nos émissions de gaz à effet de serre…

SONIA MABROUK
Mais quelle est l'empreinte carbone de la 5G ?

BARBARA POMPILI
Alors l'empreinte carbone par rapport à la 4G, elle ne sera pas tout à fait la même, c'est-à-dire qu'on aura plus de données…

SONIA MABROUK
Mais pas beaucoup plus élevée dit-on…

BARBARA POMPILI
On pourra utiliser plus de données en consommant moins d'énergie, donc c'est plutôt pas forcément mauvais, sauf qu'on va consommer plus de données, et donc il faut aussi que nous, on réfléchisse à comment on peut faire pour être un petit peu plus sobre, et donc, c'est l'objet d'une étude qu'on a lancée, on n'arrête pas de lancer des études, vous voyez…

SONIA MABROUK
Oui, oui, je vois ça, vous vous réunissez beaucoup…

BARBARA POMPILI
Non, mais, on lance des études scientifiques…

SONIA MABROUK
Sur la sobriété énergétique…

BARBARA POMPILI
Sur la sobriété pour essayer de réfléchir à nos usages. Vous savez, par exemple…

SONIA MABROUK
Non, mais vous nous faites peur, là, réfléchir à nos usages, c'est-à-dire, changer nos comportements, nous rééduquer, c'est la petite musique en ce moment des écologistes…

BARBARA POMPILI
Non, ce n'est pas du tout nous rééduquer, c'est simplement essayer d'utiliser au mieux une technologie. Vous savez, quand on quand on vous dit… moi, je n'ai jamais trouvé que c'était scandaleux de dire que quand on se lave les dents, eh bien, il faut couper l'eau, eh bien, là c'est pareil, on peut se poser un certain nombre de questions, est-ce que ça vaut la peine d'utiliser la 4K, qui est la super haute qualité, pour regarder un film sur un Smartphone. On peut réfléchir à comment on pourrait faire pour éviter cela…

SONIA MABROUK
Mais jusqu'où irez-vous dans nos vies, c'est la question que l'on pose, moi, je… ce n'est pas la question de la légitimité de regarder une vidéo ou pas par justement la 4K, c'est jusqu'où aller ?

BARBARA POMPILI
Mais jusqu'où aller, je crois que c'est un travail aussi de savoir bien utiliser un produit, et bien utiliser une technologie, pour ça, il faut avoir une information, il faut avoir de la transparence aussi sur ce que c'est. Et puis, essayer d'avoir une attitude rationnelle. Vous savez, les antennes 5G vont avoir un avantage sur les antennes 4G, c'est qu'on peut les éteindre. Et donc quand il n'y aura pas d'utilisation ou peu d'utilisation, eh bien, on pourra les éteindre, est-ce que ça, ça va être très mauvais dans la vie des gens, je ne pense pas, moi, je pense qu'au contraire, on va arrêter de gaspiller de l'énergie, vous savez, moi, le gaspillage, ma grand-mère m'a toujours dit que si on pouvait l'éviter, c'était bien.

SONIA MABROUK
Est-ce que votre grand-mère vous parlait aussi évidemment, parce que vous vous réunissez autour d'un sapin de Noël, alors il est question de supprimer le sapin de Noël du centre-ville de Bordeaux, est-ce que ça vous choque comme initiative ?

BARBARA POMPILI
Non, ce qui me choque, c'est qu'on puisse réduire l'écologie, pour laquelle, moi, j'ai consacré énormément de ma vie, à des symboles ou des anecdotes, franchement, moi, quand je vois qu'on passe des heures à parler de ça, alors, qu'on a le réchauffement climatique en cours et qu'on a plein de mesures qu'on essaie de mettre en place, des mesures importantes pour baisser nos émissions de gaz à effet de serre…

SONIA MABROUK
Là, vous critiquez vos camarades écologistes, Barbara POMPILI, là…

BARBARA POMPILI
Non, non, moi, je critique…

SONIA MABROUK
Qui a lancé cette initiative…

BARBARA POMPILI
Je critique le fait qu'on monte en épingle des choses qui sont anecdotiques, qui franchement ne m'intéressent pas…

SONIA MABROUK
Le Tour de France, c'est anecdotique, machiste et polluant, l'un des événements les plus populaires…

BARBARA POMPILI
Non, mais les expressions des uns et des autres sont anecdotiques, voilà, sur le Tour de France, vous savez, nous, on a fait une loi l'année dernière qui s'appelle, la loi sur l'économie circulaire, et où on avait déjà dit que sur le Tour de France, par exemple, il faudrait arrêter les petits goodies en plastique qui sont utilisés qu'une fois et qui sont jetés…

SONIA MABROUK
Madame la Ministre, est-ce que ce sont les maires écologiques qui réduisent l'écologie à l'anecdote justement ?

BARBARA POMPILI
D'après ce que j'ai compris, d'après ce que j'ai compris, le truc sur le sapin de Noël, là, que je trouve assez passionnant, c'est vrai que, je trouve plutôt que parler des incendies qui ont lieu par exemple aux États-Unis, on va parler du sapin de Noël à Bordeaux, c'est très intéressant, mais donc, il paraît que ça faisait partie d'une trentaine de mesures qui étaient annoncées, moi, je pense qu'il a fait une grosse maladresse en disant ça, que ça ne sert pas la cause écolo, parce que l'écologie…

SONIA MABROUK
Ce n'est pas de l'idéologie, n'est-ce pas ?

BARBARA POMPILI
Ce n'est pas de la tristesse, ce n'est pas du tout ça, c'est au contraire proposer un avenir qui tient compte des enjeux du monde d'aujourd'hui…

SONIA MABROUK
Vous, vous n'êtes pas rabat joie donc ?

BARBARA POMPILI
Mais moi, je suis quelqu'un de très gaie et de très heureuse, et j'ai juste envie qu'on propose un bon avenir pour nos enfants, parce que, par contre, oui, il y a un certain nombre de risques, mais il faut regarder en face…

SONIA MABROUK
Un avenir à nos enfants avec de l'ordre aussi dans certaines zones, comme celle ZAD qui voit le jour, Barbara POMPILI, en Loire-Atlantique, est-ce qu'il faut la stopper tout de suite avant que ça n'enkyste, que ça devienne la même ZAD que Notre-Dame-des-Landes ?

BARBARA POMPILI
Alors, sur cette ZAD, je viens de l'apprendre, donc, il faut que je regarde de quoi il s'agit de plus près. Mais d'une manière générale, s'il y a une implantation de ZAD, c'est qu'il y a eu un souci sur la concertation. Donc à mon avis, il faut en tout cas revenir sur la concertation, remettre les gens autour de la table pour essayer de trouver une solution. Moi, je n'ai jamais…

SONIA MABROUK
C'est ce qu'on a essayé de faire pour Notre-Dame-des-Landes, on a vu le résultat.

BARBARA POMPILI
Sur Notre-Dame-des-Landes, on a laissé une situation s'enkyster pendant des années.

SONIA MABROUK
Qui "on" ?

BARBARA POMPILI
Eh bien, les différents gouvernements successifs, et d'ailleurs, ce que je remarque, c'est qu'on peut dire ce qu'on veut, Emmanuel MACRON, lui, au moins, l'a arrêtée.

SONIA MABROUK
Parlons du plan de relance, Barbara POMPILI, et de son volet écologique, pour Yannick JADOT, il n'y a pas de rupture, il n'y a pas de changement de philosophie, il n'y a même pas d'investissement immédiat dans ce plan de relance.

BARBARA POMPILI
Oui, alors, Yannick JADOT a des mauvaises informations, c'est tout ce que je peux dire, puisque l'argent du plan de relance va être mobilisé dès cette année, je vous donne un exemple, par exemple, sur la décarbonation des industries, alors décarbonation des industries, ça veut dire quoi, ça veut dire qu'on va aider les entreprises qui aujourd'hui utilisent du fioul par exemple dans leur process pour faire marcher leurs machines, eh bien, à passer à des process en utilisant de la biomasse ou de l'électricité, donc beaucoup moins émetteurs de gaz à effet de serre. Il y a 1,2 milliard qui est prévu pour ça, il y a 200 millions qui vont être utilisés dès cette année, donc d'ici, là, décembre. Donc je ne sais pas où Yannick JADOT a eu ses informations, mais je crois qu'il faudra qu'il se renseigne mieux.

SONIA MABROUK
Un exemple précis quand même, le budget du plan de rénovation des logements privés atteindra 1,75 milliard en 2021 avec le plan de relance, en 2018, je lis : il était de 1,85 milliard, les artisans et les entreprises attendaient autre chose qu'un retour quand même en 2018.

BARBARA POMPILI
Oui, alors, juste, vous omettez de dire qu'en plus de ça, il y aura 4 milliards pour les bâtiments publics, donc on n'est plus du tout sur les mêmes sommes, et donc les artisans vont avoir du travail, je n'ai aucun doute là-dessus. Et ensuite, sur ce qui concerne le privé, là, vous avez raison, mais nous, ce qu'on a essayé de faire, c'est de faire en sorte qu'on ait plus de l'argent qui arrose le sable, on avait trop de dispositifs qui étaient compliqués, qui n'étaient pas efficaces, et donc là, on a mis Ma Prime Rénov, qui est une seule prime, c'est un seul un seul outil, c'est moins compliqué, et c'est surtout qu'on va essayer de faire des rénovations globales, les rénovation globales, c'est pour que les bâtiments soient plus efficaces, vraiment, ce n'est pas une fenêtre par-ci, ou un comble par-là…

SONIA MABROUK
Madame la Ministre, deux questions rapides, si c'est possible, sur les 149 propositions de la Convention citoyenne, il y a l'idée d'une taxation de tous les vols courts ou longs par une éco-contribution, vous êtes pour ou contre ?

BARBARA POMPILI
Moi, je suis pour la concertation, à un moment, il y a des méthodes, non, mais, pardon…

SONIA MABROUK
Vous êtes aussi pour la langue de bois…

BARBARA POMPILI
Non, pas du tout, pas du tout…

SONIA MABROUK
Pour ou contre ? Votre religion, votre conviction ?

BARBARA POMPILI
Alors, moi, je n'ai pas de religion, à part que je suis écologique, non, mais ma conviction, c'est que sur les 146 mesures de la Convention citoyenne pour le climat, il faut qu'on concerte avec eux et avec les parlementaires et avec les parties prenantes, pour atterrir, vous parliez de taxe sur l'aviation, pour atterrir, et donc non, moi, j'ai entendu l'avis personnel d'un ministre…

SONIA MABROUK
Il y a quelques jours, Barbara POMPILI, le ministre des Transports a dit…

SONIA MABROUK
Jean-Baptiste DJEBBARI…

BARBARA POMPILI
Absolument, sauf que ma méthode, ce n'est pas de dire : on va faire ça, alors que les concertations n'ont pas eu lieu, il y a 146 propositions, je peux vous dire qu'on a du travail, on a un mois et demi de concertations…

SONIA MABROUK
Voilà un différend entre ministres sur un sujet essentiel…

BARBARA POMPILI
Non, ce n'est pas un différend entre ministres, il donne son avis, sauf que, à la fin, c'est la concertation qui va aboutir à un projet de loi, voilà, il a le droit d'avoir son opinion.

SONIA MABROUK
Vous avez signé pour conclure un appel, l'appel des coquelicots contre les pesticides de synthèse, est-ce que c'est le rôle d'une ministre ou d'un ministre de signer un appel ? Un ministre ne devrait pas faire ça ?

BARBARA POMPILI
En fait, je l'avais déjà signé il y a quelques années…

SONIA MABROUK
Vous récidivez alors…

BARBARA POMPILI
Voilà, je récidive. Non, mais je partage complètement les préoccupations qui sont portées par plus d'un million de personnes qui nous disent : il faut, à terme, qu'on sorte des pesticides, je suis absolument d'accord, et je vais mettre tout en œuvre, en tant que ministre, pour pouvoir aller vers ça, je leur ai dit que d'ici deux ans, ça me paraissait quand même un petit peu compliqué…

SONIA MABROUK
Et le fait qu'un pesticide soit de synthèse, ça ne veut pas dire qu'il est dangereux…

BARBARA POMPILI
Non, ce que je veux dire, c'est que, ce qu'ils demandent, eux, c'est de sortir d'une agriculture industrielle qui est une des raisons pour laquelle on a une perte énorme de biodiversité en ce moment, je n'ai pas à vous faire un dessin sur les risques que ça entraîne pour notre avenir, et donc, revoir notre modèle agricole pour passer vers l'agro-écologie, c'est un objectif absolu qu'on doit tous avoir.

SONIA MABROUK
Merci Barbara POMPILI d'avoir répondu à nos questions. Je vous souhaite une belle journée, ainsi qu'à nos auditeurs.

BARBARA POMPILI
Belle journée à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 septembre 2020