Texte intégral
SONIA MABROUK
Bienvenue à vous et bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Sonia MABROUK.
SONIA MABROUK
Le couvre-feu étendu ce soir à minuit à 38 nouveaux départements, est-ce à dire que toutes les mesures supplémentaires, que vous avez annoncées la semaine dernière, s'appliquent de fait et très rapidement à ces nouveaux départements ?
BRUNO LE MAIRE
Toutes immédiatement, le fonds de solidarité, les exonérations de charges, le chômage partiel. Nous avons dit, depuis le début de cette crise, que lorsqu'il y avait des mesures de sécurité sanitaire, nous accompagnerions les professions qui sont les plus concernées, je pense en particulier aux restaurateurs, je pense au monde de la culture, au monde événementiel, au monde du sport, ils seront accompagnés dans tous les départements exactement de la même manière.
SONIA MABROUK
Vous aviez chiffré, Bruno LE MAIRE, le coût du couvre-feu à 1 milliard d'euros, son élargissement aura quel impact concret sur l'économie ?
BRUNO LE MAIRE
Aujourd'hui si on prend les 56 départements, pour 6 semaines de couvre-feu, nous avons un coût global d'un peu plus de 2 milliards d'euros, 2 milliards d'euros supplémentaires, il n'y a pas d'inquiétude à avoir, nous avions anticipé ce risque sanitaire, nous avions prévu 9 milliards d'euros sur le fonds de solidarité, on n'en dépensé que 6, donc il reste 3 milliards d'euros de disponibles, donc nous pouvons tenir jusqu'à la fin de l'année, début de l'année prochaine, avec les sommes que nous avions prévues.
SONIA MABROUK
Jusqu'à la fin de l'année.
BRUNO LE MAIRE
Oui, jusqu'à la fin de l'année.
SONIA MABROUK
Et au-delà ?
BRUNO LE MAIRE
Mais, si au-delà les mesures devaient se prolonger, nous rechargerions les dispositifs. La politique que nous avons conduite elle doit s'inscrire dans la durée, elle doit être stable, elle doit être claire pour les Français, pour les rassurer, nous protégerons les entreprises et les salariés tant que le virus continuera à circuler, et nous engagerons, dans le même temps, la relance économique qui nous permettra de sortir plus forts de la crise en 2022. Je veux dire aux Français…
SONIA MABROUK
Ça c'est essentiel Monsieur le ministre.
BRUNO LE MAIRE
Que nous sortions plus forts de cette crise, j'en ai la conviction.
SONIA MABROUK
Mais vous parlez de cette reprise, le couvre-feu est étendu, il faut s'attendre à des moments très éprouvants, a dit le Premier ministre, sur le plan économique,la reprise elle est en péril, le recul du PIB au quatrième trimestre n'est-il pas inévitable malheureusement ?
BRUNO LE MAIRE
Nous avons, d'abord je tiens à le rappeler, eu un très fort rebond au troisième trimestre, donc c'est la preuve que l'économie française a du ressort, qu'elle a des atouts qui sont considérables. Au quatrième trimestre nous aurons, probablement, un chiffre de croissance négatif, ce n'est pas une surprise. Et je vais vous dire, quand nous calculons l'estimation de croissance pour une année, nous faisons aussi une estimation trimestre par trimestre, et nous avions prévu un trimestre négatif pour le quatrième trimestre de 2020. Pourquoi ? Parce que nous savions que l'épidémie pouvait repartir, et parce qu'il y a beaucoup d'incertitudes internationales, l'élection américaine et le Brexit, donc tout cela nous l'anticipions. Et de la même manière que je vous dis que le quatrième trimestre nous risquons d'avoir un chiffre de croissance négatif, je vous dis qu'il y aura un fort rebond de l'économie française en 2021, et que nous pourrons retrouver, en 2022, notre chiffre de développement économique de 2019. Il faut que nous regardions au-delà de l'épidémie, que nous sachions conjuguer lutte contre la circulation du virus et relance économique pour retrouver, en 2022, une croissance forte.
SONIA MABROUK
Mais comment regarder au-delà de l'épidémie, Monsieur le ministre, quand elle s'installe ? La confiance, par exemple, des chefs d'entreprise repart à la baisse en octobre, c'est une dégradation nette du climat des affaires calculées par l'INSEE, voilà un indicateur malheureusement inquiétant.
BRUNO LE MAIRE
Mais bien sûr, enfin je ne vais vous dire que les indicateurs aujourd'hui, pour le quatrième trimestre, sont tous au vert, ce serait faux, je vous dis que nous risquons fort d'avoir un chiffre de croissance négatif, mais je vois aussi la qualité de nos industries, je vois le savoir-faire de nos salariés, de nos ouvriers, je vois notre capacité d'innovation, nos investissements technologiques, et je sais qu'avec les investissements que nous sommes en train de faire, avec le plan de relance, je sais qu'avec les atouts dont dispose l'économie française, en 2022 vous aurez une économie française plus compétitive et plus décarbonée. Il y a un bout du tunnel, et au bout de ce tunnel, nous souhaitons avoir, avec le président de la République et le Premier ministre, une France plus forte, plus juste, plus décarbonée, et nous allons y arriver.
SONIA MABROUK
Vous dites les investissements du plan de relance, le plan de relance on n'en parle quasiment plus, très concrètement qu'est-ce qu'il y a dans les tuyaux, est-ce que c'est déjà injecté ?
BRUNO LE MAIRE
On n'en parle plus dans les médias, Sonia MABROUK, mais sur le terrain, dans les entreprises, dans les PME…
SONIA MABROUK
Vraiment, on le ressent ce plan de relance ?
BRUNO LE MAIRE
Aujourd'hui les sommes sont en train d'être décaissées. Je vous donne juste un exemple. Sur les relocalisations industrielles, on a fait un appel à projets, nous avons eu 3600 projets venus des PME industrielles de toute la France, j'annoncerai la semaine prochaine plusieurs dizaines de projets de relocalisation industrielle, financés sur des fonds publics, avec le soutien de l'Etat, donc il y a de la demande aujourd'hui pour ces projets, même chose pour la rénovation énergétique, même chose pour les investissements dans l'aéronautique et dans l'automobile, nous avons aujourd'hui des dizaines de PME qui sont soutenues, dans l'aéronautique, dans l'automobile, pour continuer à se développer et relancer l'activité économique.
SONIA MABROUK
Ce sont des soutiens Ô combien légitimes, Monsieur le ministre, d'ailleurs l'Etat continue à soutenir à bout de bras l'économie, mais pouvez-vous nous dire, ce matin clairement, à qui vous allez, à un moment ou un autre, présenter l'addition à la fin, qui va payer le très légitime « quoi qu'il en coûte » ?
BRUNO LE MAIRE
D'abord pourquoi est-ce que nous pouvons le faire ? Nous pouvons le faire parce que la Banque centrale européenne nous soutient, et je veux saluer l'action de Christine LAGARDE qui nous soutient constamment depuis le début pour nous permettre de lever la dette qui nous permet de financer ces dépenses supplémentaires. Viendra le moment où il faudra rembourser cette dette, je ne l'ai jamais caché, mais nous la rembourserons le moment venu. Aujourd'hui il faut soutenir l'économie, ce n'est pas le temps de penser au remboursement de la dette. Nous la rembourserons par de la croissance, nous la rembourserons par la maîtrise des finances publiques qui est absolument indispensable et nous la rembourserons par des réformes de structure. Je n'ai jamais caché que pour moi, une réforme des retraites restait absolument indispensable, d'abord par un souci de justice : c'est la première nécessité, et ensuite parce que c'est la seule façon de financer un modèle social auquel nous sommes tous attachés mais qui est coûteux.
SONIA MABROUK
Même si vous savez que c'est peine perdue. Cette réforme des retraites n'est absolument plus dans les tuyaux aujourd'hui.
BRUNO LE MAIRE
Je ne suis pas d'accord. Je pense que la réforme des retraites, dans le débat que nous devons avoir, le dialogue que nous devons avoir avec les partenaires sociaux, avec les entreprises, avec les élus, avec les citoyens, reste une réforme indispensable.
SONIA MABROUK
Le remboursement, Monsieur le Ministre, juste quand même j'allais dire un horizon, ce sera avant la fin du quinquennat ?
BRUNO LE MAIRE
Non. Le remboursement ne commencera pas en 2021-2022. Là nous serons encore dans le temps de la relance et je pense qu'il ne faut surtout pas mélanger les temps parce que, si on veut casser la relance économique, eh bien il faut mélanger les temporalités. Aujourd'hui nous investissons, nous soutenons l'économie. Nous refusons l'augmentation des impôts qui serait une solution de facilité. Je veux redire à quel point je suis attaché comme ministre des Finances à ce qu'on n'augmente aucun impôt des Français. Et quand nous serons sortis de la crise, que nous aurons retrouvé de la puissance économique, de la vitalité économique, là viendra le temps du remboursement de la dette.
SONIA MABROUK
Le ministre que vous êtes, Bruno LE MAIRE, s'exprime très clairement et très fortement ce matin dans Le Figaro contre l'islam politique et vous dites que c'est un combat culturel. Qu'est-ce qui nous menace très précisément ?
BRUNO LE MAIRE
Je veux d'abord dire à quel point l'assassinat de Samuel PATY, la décapitation de Samuel PATY, nous a tous saisis d'effroi, tous bouleversés. Le geste nous a bouleversés. Cet enseignant qui se rendait à l'école pour faire son travail, pour appliquer le programme qu'on lui demandait d'appliquer, qui enseignait à nos enfants et qui se voit suivi, traqué, exécuté, décapité en pleine rue en octobre 2020 en France. C'est bouleversant. Et quand j'ai vu la famille rentrer dans la cour de l'université de la Sorbonne, je pense que tous les Français ont été bouleversés comme moi par la dignité de la famille de Samuel PATY. Parce que je crois qu'il y a un symbole derrière. Dans cette décapitation, il y a le symbole d'une transmission que l'islam politique veut couper. Ils ne veulent plus que nos enseignants enseignent la liberté d'expression. Ils ne veulent plus qu'on transmette notre mémoire. Ils ne veulent plus qu'on transmette notre culture, notre langue, notre savoir-vivre, notre liberté d'expression.
SONIA MABROUK
Voilà pourquoi vous dites que c'est un combat culturel et même civilisationnel si on vous entend bien.
BRUNO LE MAIRE
Il est temps de dire non. C'est un tournant.
SONIA MABROUK
Mais comment on dit non ? Monsieur le Ministre, il y a des mesures qui sont sur la table. Est-ce que les Français sont prêts à davantage aller plus loin pour mener cette véritable guerre ?
BRUNO LE MAIRE
Mais ils ne demandent pas d'aller plus loin les Français, je ne crois pas du tout. Ils nous demandent simplement de nommer les choses. Il y a le terrorisme, oui, le crime qui doit être jugé et condamné. Et il y a l'idéologie qui est à la base du terrorisme qui, elle, est beaucoup plus insidieuse. C'est l'islam politique qui a ses complicités depuis des années en France.
SONIA MABROUK
Elles sont où ces complicités ?
BRUNO LE MAIRE
Mais elles sont dans les partis politiques. La France insoumise qui ne cesse d'excuser l'islam politique et qui essaie de nous empêcher, l'islam politique, parce qu'à chaque fois que je prononce les mots que je prononce, on se fait traiter d'islamophobe.
SONIA MABROUK
Mais c'est une accusation grave de dire qu'un parti politique aujourd'hui en France, Monsieur le Ministre, est le terreau du fondamentalisme.
BRUNO LE MAIRE
Mais la démocratie, c'est savoir défendre ses convictions et combattre celles qu'on estime nocives pour la nation française. J'estime que tous ceux qui aujourd'hui défendent, soutiennent, excusent l'islam politique sont complices de la volonté de cet islam politique d'abattre la nation française. Les élus locaux qui tolèrent des ouvertures différenciées de piscines, des comportements qui ne sont pas respectueux de nos règles républicaines par leur lâcheté, par leurs petits renoncements, par leurs accommodements raisonnables…
SONIA MABROUK
Mais depuis tant d'années, tant d'années
BRUNO LE MAIRE
Dans le fond ne cessent d'alimenter aussi l'islam politique. Ce que nous demandent les Français, c'est de faire respecter les lois de la République. C'est de rappeler qu'en France, les lois de la République s'imposent à toutes les lois religieuses sans exception. Nous n'accepterons jamais qu'une loi religieuse l'emporte sur la loi de la République.
SONIA MABROUK
Malheureusement, Monsieur le Ministre, dans les faits une partie de la jeunesse place justement ces lois religieuses devant la loi de la République.
BRUNO LE MAIRE
C'est bien pour cela, Sonia MABROUK, qu'au-delà des mesures immédiates qui doivent être prises et qui sont prises avec beaucoup de courage - je tiens à le dire - par le ministre de l'Intérieur Gérald DARMANIN, par le Premier ministre, par le président de la République : les expulsions d'imams radicaux, les fermetures de mosquées lorsque des prêches inacceptables y sont tenus, et je tiens à saluer une fois encore la force des décisions qui sont prises par le ministre de l'Intérieur, le Premier ministre et le président de la République. Le combat est beaucoup plus profond. C'est un combat qui doit être livré sur le plan culturel pour réaffirmer notre Histoire, pour ne rien céder à ceux qui veulent déconstruire l'Histoire de France.
SONIA MABROUK
Et à vous entendre, là c'est un sursaut beaucoup plus large. Sursaut sociétal.
BRUNO LE MAIRE
Je veux bien accepter toutes les critiques mais pas la déconstruction.
SONIA MABROUK
Sursaut sociétal par rapport à ce combat culturel.
BRUNO LE MAIRE
Oui, c'est un sujet de société, c'est un sujet culturel. Il faut savoir ce qui donne du sens à la nation française.
SONIA MABROUK
Et c'est aussi un sujet…
BRUNO LE MAIRE
Ce qui donne du sens à la nation française, Sonia MABROUK, c'est la liberté, c'est l'égalité et c'est la fraternité. L'islam politique ne veut pas de fraternité, il veut le combat des Français les uns contre les autres. L'islam politique ne veut pas d'égalité, il veut la domination d'une religion sur la nation. L'islam politique ne veut pas la liberté, il ne cesse de la combattre. Mais la France, c'est la liberté et il est temps que tous les Français - tous sans exception - se lèvent et fassent preuve d'un esprit de résistance comme le font, je tiens à le dire, les policiers depuis des années, les enseignants depuis des années, les fonctionnaires qui sont au guichet et qui refusent de verser des prestations à des femmes qui sont intégralement voilées font preuve d'un esprit de résistance.
SONIA MABROUK
Les Français aussi attendent l'application des mesures annoncées. En un mot Monsieur le ministre, puisque vous êtes ministre de l'Economie et des Finances, comment assécher également – et c'est très important évidemment - les flux financiers de cet islam politique ? Comment le traquer aujourd'hui ? Est-ce que vous allez faire concrètement des propositions ?
BRUNO LE MAIRE
Il reste beaucoup à faire. Je ferai dans quelques instants au Conseil de défense toute une série de propositions très précises au président de la République et au Premier ministre parce qu'il faut que nous soyons aussi méticuleux, précis et obstinés que nos adversaires. Je vous donne juste un ou deux exemples. Le financement étranger : aujourd'hui les financements étrangers sont contrôlés par les services de renseignement mais ils ne sont pas obligatoirement déclarés. Je propose que désormais, toute somme venue de l'étranger à partir d'un certain montant, lorsqu'elle va vers une association cultuelle soit déclarée obligatoirement en préfecture pour qu'elle puisse être contrôlée. Nous savons que ces réseaux utilisent très souvent les cartes prépayées que vous allez chercher dans un bar tabac et vous n'êtes pas obligé de donner votre nom. Je ne parle pas des cartes des enseignes comme les cartes FNAC ou autres.
SONIA MABROUK
L'identité sera obligatoire. Donner son identité.
BRUNO LE MAIRE
L'identification sera obligatoire parce qu'au bout du compte, on transforme ces cartes en crypto-monnaie, ils sont envoyés à l'étranger et ces sommes sont converties ensuite en espèces qui peuvent aller jusqu'à cent cinquante mille euros selon les services de renseignement qui financent des activités terroristes. Donc il faut aller dans le détail, être précis, méticuleux, obstiné et faire preuve d'un esprit de résistance dans la durée.
SONIA MABROUK
Merci Bruno LE MAIRE d'avoir été notre invité ce matin sur Europe 1 en direct.
BRUNO LE MAIRE
Merci Sonia MABROUK.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 octobre 2020