Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à BFMTV le 20 octobre 2020, sur la cérémonie en l’honneur de Samuel Paty à la Sorbonne et la laïcité.

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Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Michel BLANQUER, bonjour.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ministre de l'Education nationale. Le président de la République a reçu hier matin à l'Elysée la famille de Samuel PATY, et le président de la République a exprimé à cette famille endolorie, brisée, ses condoléances ; un hommage national sera rendu demain, 19h à la Sorbonne. Pourquoi la Sorbonne ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est évidemment le lieu emblématique par excellence, le centre du savoir historiquement, c'est d'ailleurs une des universités les plus vieilles du monde, et donc la Sorbonne, c'est l'incarnation de l'importance de ce qui se joue en ce moment même, c'est-à-dire, le savoir, la transmission de savoirs, et derrière la transmission de savoirs, il y a toujours la transmission des valeurs, notre pays est attaché depuis qu'existe la Sorbonne et depuis qu'il s'est développé, depuis qu'il est devenu ce pays que nous aimons tant, le pays de la connaissance, des lumières, du doute, du sens du progrès aussi, ces valeurs-là sont derrière les enjeux de connaissance, et donc la Sorbonne est emblématique de ce que finalement Samuel PATY incarne aujourd'hui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le président de la République prononcera un discours, il remettra à titre posthume la Légion d'honneur à Samuel PATY, les palmes académiques aussi, je crois ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, il sera fait commandeur des palmes académiques, là aussi, c'est emblématique, puisque c'est l'ordre qui va avec les professeurs, avec le monde de l'Education, et encore une fois, son martyre de Samuel PATY, puisqu'il faut bien parler de ça, vaut bien cette reconnaissance de son institution.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et à Conflans-Sainte-Honorine, cet après-midi, une marche blanche en fin d'après-midi aujourd'hui. Le lundi 2 novembre, ce sera la rentrée, Jean-Michel BLANQUER, jour de rentrée dans les collèges et lycées de France, que se passera-t-il ce jour-là ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, nous y travaillons justement, nous savons évidemment ce que nous voulons, ce que nous voulons, c'est marquer le coup, pour le dire ainsi, autrement dit, eh bien, marquer la minute de silence, cela va de soi, mais aussi avoir tout un travail pédagogique vis-à-vis des élèves, et nous voulons qu'il n'y ait aucun angle mort, que ce qui se passera se passe dans toutes les écoles, tous les collèges, tous les lycées de France sans exception, et que toute éventuelle perturbation de cela évidemment, ce soit…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça a été le cas après Charlie…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, ça a été le cas, oui, même après le 11 septembre 2001…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Même après le 11 septembre…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Et après Charlie bien sûr, après le Bataclan, il y a eu des phénomènes de ce genre, cette fois-ci, ça ne sera pas le cas, et ça ne sera pas le cas, d'abord, parce que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Chaque élève sera sanctionné s'il y a manifestation pendant cette minute de silence ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, même si ce n'est pas ça la porte d'entrée principale du sujet, bien sûr…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, oui…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais bien sûr, c'est-à-dire que, ce que nous devons faire pour la rentrée, c'est d'abord une véritable séquence éducative, que cette séquence éducative ait été conçue de manière consensuelle à l'Education nationale, et je l'ai déjà dit, mais samedi matin, j'ai été vraiment très heureux de voir que l'ensemble des organisations syndicales était uni autour des enjeux de la République, autour des enjeux des lumières, autour des enjeux de la transmission du savoir, et bien sûr autour des enjeux de la protection des professeurs. L'ensemble de ce qui se joue derrière cet assassinat, autrement dit, la protection de la République, et je dirais même la contre offensive de la République, eh bien, doit être expliqué aux enfants, pour cela, on a besoin d'une unité du monde adulte, je l'ai beaucoup dit, autrement dit, les enfants et les adolescents ont besoin de voir que les adultes sont soudés sur ces sujets quand ils défendent l'essentiel, c'est-à-dire ce qui nous permet d'être le pays que nous sommes, et cela se fera, non seulement par les professeurs, mais aussi en associant d'autres forces vives de notre pays, nous pensons à tous ceux pour qui la liberté d'expression est le métier, les avocats, les journalistes et bien d'autres…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc dans les collèges et lycées, si j'ai bien compris, minute de silence, mais, bien au-delà, il y aura des débats ouverts et ils peuvent être avec des personnalités extérieures qui viendront débattre, nourrir ces débats ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, les choses vont se préciser, mais on est dans cet état d'esprit…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans cet état d'esprit…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Parce que justement, nous sommes en train de le co-construire avec les partenaires de l'Education nationale, ce que j'ai noté, c'est que ce qu'ils me demandaient, et ils ont bien raison, c'est un cadrage net, clair et précis de ce qui se passera, et ce ne sera pas seulement une minute de silence, ce sera le moment de mettre les choses au point, d'être complètement net, je crois l'avoir été pendant toutes les trois années qui viennent de passer, être très net sur les enjeux de la laïcité, sur les enjeux des lumières, sur les enjeux du respect du professeur, et cette netteté doit se voir, pas seulement de la part…

JEAN-JACQUES BOURDIN
La parole ministérielle…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais de la part de toute la société française…

JEAN-JACQUES BOURDIN
En profiter pour rappeler que la loi de la République s'impose à toutes les autres lois.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien entendu…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans le cadre de l'école.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça devrait aller de soi…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pas que dans l'école, mais dans le cadre de l'école…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça devrait aller de soi, mais ce sera…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça devrait aller de soi…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais puisque ça ne va pas tant de soi que cela, ce sera très affirmé et cela sera affirmé par les professeurs, mais pas seulement par les professeurs, l'ensemble des professeurs de France doivent sentir l'appui complet de la société française derrière eux dans ce moment-là, mais au-delà de ce moment-là, parce qu'il faut aussi éviter le côté feu de paille, il faut que tout ceci s'inscrive dans la durée, dans la lignée de choses que je dis et demande depuis maintenant trois ans et demi, mais qui commençaient à s'accomplir d'ailleurs à bien des égards, mais maintenant, puisqu'il y a ce sursaut national par rapport à ce qui s'est passé, il faut que dès le lundi de la rentrée, cela se voit, et qu'on voit que la force est du côté de la République, et que c'est une force sereine, mais une force qui va et qui va contre les assassins.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans les collèges et lycées, il y a des cours, des cours de consolidation du savoir, des cours de rattrapage aujourd'hui, j'ai l'impression que tout l'encadrement, les enseignants sont un peu perdus. Qu'est-ce qu'ils doivent dire, que doivent-ils faire aujourd'hui, déjà engager le débat, parce que les élèves vont poser des questions, c'est certain ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, à partir du moment il y a questions, il doit y avoir réponses, cela va de soi. Le vrai moment commun de la Nation, ce sera le 2 novembre, et puis, les jours suivants d'ailleurs, ça ne sera pas que sur une seule journée, mais… alors qu'en ce moment, c'est plutôt le travail pédagogique et éducatif auquel les professeurs sont habitués avec les enseignants, bien entendu, s'ils rencontrent un problème, je redis ce que je dis depuis que nous avons installé ce système, ils doivent signaler les problèmes qu'ils peuvent rencontrer en matière de violation des principes de laïcité, et ils seront aidés par l'institution, accompagnés par l'institution…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Michel BLANQUER, est-ce que vous demandez ce matin à tous les enseignants de collèges et lycées de brandir les caricatures de Mahomet, le 2 novembre prochain, pour la rentrée, en signe de défense de la laïcité ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Le sujet n'est pas de brandir, le sujet est que ça doit être normal de le faire, on ne doit pas en faire forcément l'alpha et l'oméga de cette affaire, en revanche, hors de question non plus de s'autocensurer en quoi que ce soit. Les professeurs ont aussi une liberté pédagogique, simplement, une des choses que l'on doit combattre, c'est la peur, n'oublions pas que ce que veulent les terroristes, par définition, c'est la terreur, et donc chaque fois qu'on se laisse gagner par la terreur, et parfois, il y a matière, eh bien, d'une certaine façon, on leur donne en partie raison. Donc mon rôle, en tant que ministre de l'Education nationale et de la jeunesse et des sports, c'est important de le dire, parce qu'il y a aussi tout l'enjeu du périscolaire et de ce qui se passe dans le domaine sportif, eh bien, mon rôle, c'est de conforter l'institution derrière chacun de ces acteurs, pour que chacun ne se sente pas seul et sente que derrière, il y a toute la République, et que, donc la République est inébranlable, c'est pour moi fondamental, et c'est très concret.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les 13 régions de France métropolitaines publieront un livre de caricatures politiques et religieuses distribué dans les lycées très vite, à partir du 2 novembre. Vous vous associez évidemment à cette initiative, j'imagine, l'Education nationale ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, Renaud MUSELIER m'en a fait part, c'est une bonne idée, et ce qui me paraît important aussi, c'est qu'on canalise toutes les idées qui vont exister, puisque, encore une fois, il faut un cadrage national clair, net et fort, donc c'est pour ça que j'ai demandé au Conseil des sages de la laïcité, de l'Education nationale, de siéger en permanence à partir de maintenant, de façon à recevoir non seulement les organisations syndicales, les organisations des familles, des parents d'élèves, mais aussi toutes les parties prenantes de l'Education nationale et les partenaires, de façon à recueillir un petit peu toutes les propositions des uns et des autres, tout au long de cette semaine, de façon à, justement, à la fois canaliser et cristalliser les propositions, ce qui donnera lieu ensuite aux documents de cadrage pour le 2 novembre, de façon à ce que chaque professeur de France se sente avec une feuille de route claire et pas laisser simplement comme ça en face d'un problème sans avoir tout un appui pour cela.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce matin, je pense aussi à Mila, dans ce cadre-là, Mila, cette jeune fille qui est aujourd'hui dans une institution privée, un établissement privé, qui est obligée de se cacher pour vivre, qui est menacée…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, vous avez raison de…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment elle va, vous avez des nouvelles ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, je prends des nouvelles indirectement très fréquemment. Notre premier devoir vis-à-vis de Mila, c'était, c'est sa protection, au titre de l'Education ou au titre de évidemment du ministère de l'Intérieur, c'est donc évidemment la première des choses à faire, la deuxième relève de la même logique que ce dont nous parlons depuis…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Isolée pour avoir critiqué l'islam…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, ce qui est scandaleux…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Cachée pour avoir critiqué l'islam…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, vous savez, depuis la fatwa contre Salman RUSHDIE, c'est cette logique-là qui est à l'oeuvre, c'est-à-dire, les logiques de fatwa, en effet, et c'est ce qu'elle a vécu, c'est tout à fait ignoble, bien entendu, c'est pourquoi nous devons être évidemment tous solidaires de son cas, et donc de l'enjeu de la liberté d'expression, mais aussi de l'enjeu tout simplement d'une vie normale pour cette jeune fille, et évidemment, nous y travaillons chacun avec ses responsabilités.

JEAN-JACQUES BOURDIN
La sécurisation des établissements scolaires, là aussi, il y a des mesures qui vont être annoncées, vous pouvez faire plus ou mieux, comment ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, alors, on ne part pas de zéro, évidemment, parce qu'il y a un plan de sécurisation de chaque établissement scolaire en France, simplement, nous allons tout au long des vacances bien réviser chacun d'entre eux pour être certains que c'est bien ajusté, peut-être que ce sera renforcé dans certains cas, et bien entendu, cette dimension-là est vue.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Michel BLANQUER, je voudrais revenir, non pas sur les faits, on les connaît, le cours de Samuel PATY, ses élèves, d'abord, quelques précisions qui sont utiles, est-ce que le professeur a proposé aux élèves de fermer les yeux ou de sortir ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Il y a eu quelque chose qui ressemblait à cela, mais n'oublions pas, quand on parle de ce point-là, que c'est le premier temps de cette affaire, ce qui est un premier temps presque anodin, c'est-à-dire que c'est une première affaire qui, en réalité, a été résolue, c'est-à-dire, le professeur a parlé avec les élèves et les parents d'élèves avec l'aide de nos équipes de l'Education nationale, et tout ceci s'est bien passé. Et donc, il y a une deuxième affaire, qui est la vraie affaire, qui s'est greffée là-dessus, ce qu'on comprend bien maintenant, c'est que vous avez des gens extrémistes, et pire que, extrémistes, radicaux, assassins, qui se sont greffés là-dessus, et qui cherchaient à faire une histoire, et c'est ce qu'ils ont fait au travers de leur vidéo, et qui a mené à…

JEAN-JACQUES BOURDIN
D'abord, c'est une mère d'élève qui a contacté le collège, qui a contacté le collège pour dire : ma fille a été mise à l'écart dans le couloir sous le prétexte qu'elle était musulmane, tout est parti de là.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, ce qui est une sorte de premier malentendu, dont on donnera tous les détails après ce que l'inspection générale…, que j'ai envoyée, et parce qu'elle est en train de reconstituer tout ça, mais je tiens à signaler que cette partie-là, qui est le début, est une partie qui, en quelque sorte, avait été réglée, et à la satisfaction de…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais la principale du collège a dû contacter, waouh ! Contacter de sa propre initiative les référents laïcité de l'Education nationale, c'est bien cela ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Tout à fait, c'est d'ailleurs le système qu'on a mis en place…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui sont allés sur place à la rencontre du professeur, que lui ont-ils dit ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Tout à fait. Ils l'ont soutenu d'abord, ils lui ont apporté leur soutien du début à la fin, c'est la chose que j'ai vérifiée, bien entendu, on aura le fin mot…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce qu'il a été dit ou écrit beaucoup de choses autour de…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, parce que, si vous voulez…

JEAN-JACQUES BOURDIN
De l'intervention de l'Education nationale…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Il a été dit beaucoup de choses de bonne foi ou de mauvaise foi, de bonne foi, parce que beaucoup de gens ont intégré une logique qui a pu exister dans le passé, et dont il peut y avoir encore des traces aujourd'hui, je ne le nie pas, cette fameuse logique du pas de vagues, c'est-à-dire, faire en sorte qu'on étouffe les problèmes…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça existe, ça existe ça ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, ça a sans doute en partie beaucoup existé à une certaine période, depuis que je suis là, je n'ai cessé de le dire, et je le redis à votre micro, ce n'est pas la logique que je demande. Et je l'ai dit dès le premier jour de mon arrivée, je n'ai jamais été pour le pas de vagues, j'ai mis sur place un système de signalements, à telle enseigne qu'on le voit à l'oeuvre dans cette affaire malheureusement, c'est-à-dire, on voit bien que, dès le début, le professeur et la principale ont ce réflexe de faire appel à cette équipe, et cette équipe, je le redis, a soutenu, alors, des gens de bonne foi…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Jamais aucune sanction n'a été envisagée contre l'enseignant ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais bien sûr que non, jamais, ceux qui disent cela, peut-être que certains l'ont dit de bonne foi…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais vous savez quelle est l'origine de cette supposition, c'est la vidéo faite par le père de cette élève, autrement dit, l'homme qui est à l'origine de cet assassinat, dans cette vidéo, il dit : je ne sais plus quelle est la formule exacte, mais c'est : l'inspection va sévir contre cet homme, mais bien entendu que c'était un affreux mensonge, ignoble, lui aussi, et donc, on ne va pas se référer aux paroles de quelqu'un qui est à l'origine d'un assassinat pour établir les faits quand même. Et donc bien sûr que non, et de toute façon, tout ce que je suis en train de vous dire est corroboré par des choses tout à fait vérifiables. Ceci étant, encore une fois, j'ai envoyé l'Inspection générale, on aura un rapport…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Commission d'enquête, demande Marine LE PEN…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Je suis ouvert à tout ce que l'on voudra, vous savez, s'il y a bien… vous savez, ça fait, je vais vous parler très nettement là-dessus, ça fait trois ans et demi que je parle de ça. Et j'ai parfois parlé sous les quolibets…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est vrai, ici même d'ailleurs, oui, je me souviens…

JEAN-MICHEL BLANQUER
J'ai parfois parlé à votre micro sous les tomates, sous les quolibets, ce n'est pas pour maintenant entendre certains qui n'étaient pas à ce rendez-vous de la lucidité sur les enjeux du fondamentalisme islamiste, de maintenant me donner quelques leçons que ce soit, d'autant plus que quand vous analysez ce qui s'est passé avec le soutien de monsieur PATY, il y a eu le déroulement justement d'un soutien institutionnel. Bien sûr, personne ne pouvait prévoir qu'il allait y avoir ensuite un assassinat…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il n'y avait aucune raison de placer Samuel PATY sous protection ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça, c'est l'enquête qui le déterminera. Je n'irai pas jusqu'à dire cela. C'est-à-dire que, ce que je vous dis, si je me résume, ce que je vous dis, c'est que, en une minute, c'est que, premièrement, vous avez une première affaire, relativement anodine, qui requiert néanmoins le soutien de l'institution à monsieur PATY, c'est ce qui s'est passé. Cette première affaire, en quelque sorte, est résolue grâce au professionnalisme de la principale et de ses équipes et de monsieur PATY. Elle est résolue, avec les parents d'élèves concernés. Ensuite, vous avez d'autres parents d'élèves d'une jeune fille qui n'était pas dans ce cours, laquelle jeune fille avait été exclue pour des raisons qui n'ont rien à voir avec tout ça, mais comme ces gens-là sont des menteurs, et même beaucoup plus que des menteurs, eh bien, ils ont prétendu qu'elle avait été exclue à cause de cette histoire, et ensuite, ils ont fait cette vidéo pour exciter les gens, et cette excitation, c'était finalement un appel à la violence, laquelle a débouché sur cet assassinat, c'est ça l'enchaînement des faits quand on veut les résumer. Donc surtout, ne nous laissons pas manipuler par ces gens, et au contraire, voyons que ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu une protection de l'institution, finalement, monsieur PATY a déposé plainte, accompagné par la principale du collège, il a déposé plainte pour ce qui s'était passé, c'est-à-dire diffamation, il n'y avait pas eu, que je sache, de menaces de mort, maintenant, à partir du moment où il dépose plainte le mardi, est-ce qu'il aurait fallu qu'il se passe plus de protection, c'est possible, je n'en sais rien, mais c'est ce qu'il faut regarder maintenant.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et les élèves, des élèves du collège ont désigné monsieur PATY à l'assassin contre des sommes d'argent, vous confirmez ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Là, je ne veux pas empiéter sur le travail de l'autorité judiciaire, il y a des éléments qui laissent penser cela, nous verrons, si c'est cela, c'est évidemment d'une gravité extrême, et ça dit quelque chose de la pénétration d'une certaine vision du monde, y compris chez les plus jeunes, et c'est bien ça le problème, c'est l'influence qu'exercent ces réseaux radicaux, et de façon générale, l'islamisme fondamentaliste, au travers des réseaux sociaux, et puis aussi, de certaines structures sur notre jeunesse.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans la loi séparatisme, défense de la laïcité, qui sera présentée le 9 décembre, est-ce que vous allez faire de nouvelles propositions, une nouvelle proposition, non vous avez déjà pensé à l'interdiction de la scolarisation à domicile, vous maintenez ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous maintenez cela, sauf exception, sauf exception. Contrôles évidemment beaucoup plus stricts de toutes les écoles hors contrat…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce que nous faisons déjà…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce que vous faites déjà…

JEAN-MICHEL BLANQUER
J'ai empêché des ouvertures d'écoles, on a fait des fermetures, simplement, ce que nous prévoyons, c'est désormais d'avoir la fermeture administrative, c'est-à-dire, on n'a pas à attendre un procès, on pourra fermer sur demande du ministre une structure islamiste…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Michel BLANQUER, est-ce que vous... parce que je sais que vous le souhaitiez, est-ce que vous demandez l'interdiction du port du voile par des mères d'élèves en sortie scolaire ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Pour le coup, ça n'est pas le sujet…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, ce n'est pas le sujet, mais…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce n'est pas le sujet. Vous savez mon positionnement sur cette question, mon positionnement, c'est la laïcité, la laïcité, ça signifie que à l'intérieur de l'enceinte scolaire, on ne doit pas avoir de signes ostentatoires, dans l'enceinte scolaire, on ne doit pas montrer de manière ostentatoire sa religion, on ne doit pas non plus montrer son argent, on n'a pas à rentrer dans tout ce qui finalement empêche la vie commune d'être sobre et normal et tout ce qui crée de la pression sur autrui. Le sujet des sorties a toujours été quelque chose d'ambivalent, puisque c'est à la fois du temps scolaire, donc les règles que je suis en train de dire devraient valoir, mais ce n'est pas non plus de l'espace scolaire, et c'est des personnes qui sont des bénévoles, donc ça pose un problème, on peut argumenter dans les deux sens. Donc ce sujet-là, franchement, n'est pas au coeur de la question, en revanche, être capable d'en finir rapidement sans avoir de la chicailla juridique sur les fermetures de structures qui vont à l'encontre des droits de l'enfant, parce qu'il ne s'agit pas seulement de défendre la République, et bien sûr, nous la défendons bec et ongles, mais il faut aussi défendre les droits de l'enfant, ça va ensemble, autrement dit, quand vous mettez une petite fille de 3 ans dans un hangar voilée de la tête aux pieds pour l'endoctriner, avec des théories fondamentalistes, bien sûr que, non seulement, vous faites courir un risque à la République, mais en plus, et je dirais, de la même façon, vous violez les droits de l'enfant, et donc nous devons les protéger, non pas en attendant la Saint-Glinglin, mais en ayant les moyens juridiques d'agir. Tous ceux qui disent le contraire, tous ceux qui veulent toujours, pour paraître de belles âmes, empêcher d'agir l'Etat sur ces questions, en réalité, eh bien, ils empêchent l'efficacité d'une lutte pour les droits de l'enfant, donc le vrai progressisme, le vrai humanisme, il est de savoir empêcher ces choses-là, et c'est ce que je m'emploie à faire depuis trois ans et que nous devons faire avec plus de moyens juridiques, au travers de cette loi, qui n'est pas la première étape, je ne veux pas laisser croire que depuis trois ans, on n'aurait rien fait là-dessus, on a énormément progressé, bien sûr, il y a une telle pente à remonter qu'il y a encore beaucoup à faire…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et je pense beaucoup aux enseignants, certains s'autocensurent. D'autres ne veulent pas de vagues, certains ne parlent plus du Coran, d'autres se sentent désarmés, ce métier d'enseignant est-il devenu un métier dangereux, Jean-Michel BLANQUER ? Ils sont confrontés à tout, ils sont confrontés, tiens, je regardais, j'ai listé : certificats d'allergie au chlore pour dispenser une fille de piscine, vous le savez, colère de parents et d'élèves après des cours de sciences sur la sexualité, par exemple, après des cours sur les infections sexuellement transmissibles. Contestation de la mixité en classe, il y a même en maternelle des petits garçons qui ne s'assoient plus à côté de petites filles, ça existe, Jean-Michel BLANQUER !

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, et souvenez-vous que j'ai dit ce que vous venez de dire, quand je l'ai dit, il y a eu des émissions de télévision, des émissions de radio pour se moquer de moi, pour dire que ce que je disais n'était pas vrai. Alors, vous savez, ça me fait parfois un peu bizarre d'entendre aujourd'hui par exemple ce que vous venez de dire, comme si, moi-même, 1°) : je ne l'avais pas vu, je l'ai très bien, je sais que tout ce que vous dites est exact. Et 2°) : comme si je n'avais pas agi, nous avons évidemment agi sur le sujet. Je n'ai jamais prétendu que nous réussissions à résoudre tous les problèmes du premier coup, mais tout ceci dépend non seulement de moi, mais évidemment pas de moi seul, ça dépend de la mobilisation générale, et pour ça, et je vais à la racine de votre question, évidemment que nous devons lutter contre la peur, évidemment qu'elle peut se comprendre, moi, je ne…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais les enseignants disent : nous ne sommes pas suffisamment soutenus, aidés pour enseigner la laïcité, par exemple…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Je leur dis, alors, d'abord, nous avons mis en place toute une série de mécanismes de soutien, ce que je vous disais, nous avons mis en place, 1°) : des normes de référence, 1°) : j'ai créé ce conseil des sages de la laïcité, qui a fait le vade-mecum de la laïcité, nos auditeurs peuvent le lire sur notre site Internet, ce vade-mecum est désormais la référence de l'Education nationale, pour qu'il n'y ait pas de flou. Ensuite, vous avez les équipes laïcité, c'est celles dont nous parlions tout à l'heure, elles interviennent dès qu'elles sont appelées. Ensuite, maintenant, nous avons un numéro vert pour les enseignants, et d'ailleurs, toute personne qui veut signaler un problème. Ce système de signalements s'est mis en place et nous a permis l'année dernière d'avoir 935 signalements de ce type et des actions correspondant à ces signalements, bien sûr, on doit aller plus loin, parce qu'il reste ce que vous avez dit, c'est-à-dire des formes d'autocensures, parfois, les gens ne savent pas, n'ont pas compris encore que l'institution s'était mise dans ce volontarisme depuis trois ans. Donc le message, c'est celui que je passe sans arrêt, et que je passe encore plus en ce moment, c'est-à-dire : non, vous n'êtes pas seuls, oui, vous serez soutenus, et si vous rencontrez une exception à ce que je suis en train de dire, signalez-là parce que ça n'est pas la volonté ministérielle que de vous laisser seuls face à ces sujets.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est ce qu'il faut renforcer certains cours ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les cours des professeurs d'histoire-géographie qui enseignent l'éducation morale et civique.

JEAN-MICHEL BLANQUER
D'abord, si vous voulez les professeurs d'histoire…

JEAN-JACQUES BOURDIN
La laïcité, est-ce qu'on pourrait faire de la laïcité une matière à part entière ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Il faut l'intégrer, la laïcité d'une part, ça, doit s'intégrer dans l'éducation morale et civique d'une part, et d'autre part, elle doit être vécue. Il s'agit non seulement d'avoir des enseignements disons théoriques, mais d'avoir aussi une vie pratique correspondant la laïcité y compris à la récréation, à la cantine, etc donc la laïcité, ce n'est pas, il n'y a pas une heure de laïcité, c'est tout le temps la laïcité et ce qui est très important aussi c'est de ne pas laisser simplement les professeurs d'histoire géographie qui était la discipline de Monsieur PATY ? Seul face à ce sujet. Je salue les professeurs d'histoire géographie qui font un très gros travail et dont vous savez qu'ils ont l'éducation morale et civique la plupart du temps en charge.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Et donc nous devons, nous y réfléchissons et je vais en discuter avec tous les partenaires, voir comment aussi mieux répartir cela de façon à ce que les enjeux d'éducation morale et civique soient assumés par l'ensemble de l'institution et pas seulement dans le cours d'éducation morale et civique. il faut aussi s'assurer que ce cours a bien lieu, parce que parfois il est mangé par l'heure d'histoire ou de géographie, donc je suis très conscient de cela, on avait d'ailleurs déjà un peu révisé grâce au Conseil supérieur des programmes des éléments en la matière, on va encore aller plus loin. Ça va de paire avec un plus grand engagement des collégiens et des lycéens. Nous allons plus encourager et reconnaître l'engagement civique des lycéens. C'est vrai au travers par exemple des cadets de la République, vous savez quand on travaille avec la gendarmerie, avec la police, avec l'armée pour que les enfants aient des expériences qui leur permet de comprendre l'esprit de défense, le sens de l'esprit national. Il y a aussi le secourisme. Il y a tout ce qui peut être fait pour le développement durable. Tous ces sujets, pour le sport aussi, tous ces sujets, ce sont des sujets qui permettent aux adolescents d'abord d'avoir des occupations pertinentes, de donner un sens à leur engagement et que cet engagement soit reconnu. Donc j'envisage par exemple qu'au brevet où nous avons déjà mis l'éducation morale et civique, nous mettions une reconnaissance de l'engagement des collégiens de façon à ce que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Une reconnaissance du fait qu'un collégien s'est engagé dans… par exemple à aider des personnes âgées.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc si un collégien a aidé des personnes âgées, s'est engagé, il aura des points supplémentaires au brevet ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Il y aura une partie du brevet qui reconnaîtra que son engagement civique de façon à ce que si vous voulez on retrouve l'esprit de la République qui est l'esprit de l'école de la République. C'est quand même tout à fait normal que l'école de la République qui a accompagné la naissance, le développement de la République, qui est l'ossature de la République, que l'école de la République eh bien n'ait pas peur d'affirmer l'esprit républicain et l'esprit républicain, c'est le civisme, c'est le patriotisme.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et qui fait la loi à l'école ? C'est la République.

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est la République et la République est la plus forte. Nous sommes les plus forts et de très loin, nous sommes évidemment l'immense majorité à vouloir la paix, la liberté, l'égalité, la fraternité, la laïcité, tout ce qui fait qu'on peut bien vivre tous ensemble avec nos différences. eh bien tout ça, tout le monde le veut et c'est pas une minorité violente qui va s'imposer à nous, ni même les théoriciens de cette violence parce que n'oublions pas que derrière cet assassin, il y a tous ceux qui depuis des années sapent la République par leurs théories folles, celles qui veulent toujours mettre la France en situation de culpabilité, en situation de honte, qui jouent sur une culture de l'excuse, une culture de l'humiliation, tout ça pour former des enfants à ne pas aimer le pays qui pourtant est le leur. Donc quand ils font ça, ils font des choses graves, on doit être lucide sur ces enjeux, travailler à évidemment une forme de reconquête républicaine sans peur et sans reproche.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Jean-Michel BLANQUER.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 octobre 2020