Interview de Marlène Schiappa, ministre de la citoyenneté, à France Info le 30 octobre 2020, sur le terrorisme islamiste.

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Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
Bonjour Marlène SCHIAPPA.

MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.

MARC FAUVELLE
Ministre déléguée à la Citoyenneté. La France vient donc de connaître sa troisième attaque au couteau en l'espace d'un peu plus d'un mois. Faut-il s'habituer à ce genre d'acte terroriste.

MARLENE SCHIAPPA
D'abord, je voudrais si vous me le permettez, adresser ma pensée aux victimes de cet acte terroriste ignoble et évidemment à leurs proches et à toutes les personnes qui ont pu être bouleversées par le caractère particulier, du fait que ça se soit produit au sein d'une église. Je crois qu'il ne faut jamais s'habituer, et je crois que le jour où nous nous habituerons à ces actes terroristes, c'est que nous aurons capitulé et qu'ils auront gagné. Donc je crois que l'indignation est saine, je crois que l'émotion est saine, et je crois que la réaction politique elle est nécessaire.

MARC FAUVELLE
Il y a eu Nice hier, cette attaque à la basilique, mais il y a eu également Lyon, un ressortissant afghan arrêté un couteau à la main, alors qu'il allait semble-t-il passer à l'acte. En Arabie Saoudite un gardien de notre consulat attaqué lui aussi au couteau. Est-ce qu'il s'agit à votre connaissance d'attaques coordonnées contre la France ?

MARLENE SCHIAPPA
Ça, l'enquête doit permettre de le dire, l'enquête et les différentes enquêtes doivent permettre de le dire, mais ce que je voudrais dire c'est qu'effectivement la France est devenue la cible d'un certain nombre de personnes qui souhaitent manipuler les discours du président de la République, on l'a vu avec ce qui a été dit par le président ERDOGAN par exemple, au sujet du président de la République et au sujet de la France. Vous avez des gens qui font croire à l'étranger et aussi à une partie de la population française, qui font croire que le président de la République et le gouvernement s'en prend aux musulmans, discrimine les musulmans, déteste les musulmans, en confondant musulmans et islamisme, et c'est pour ça que le président dit à chaque fois « l'islamisme radical » pour faisant désigner qui est la cible. Les millions de musulmans qui vivent dans le respect des lois de la République ne sont évidemment pas concernés par cela.

MARC FAUVELLE
Le président turc ERDOGAN qui hier a présenté ses condoléances à la France. Vous saluez son geste et ses mots ?

MARLENE SCHIAPPA
Eh bien moi je crois que c'est normal, quand il se produit un acte…

MARC FAUVELLE
Ça n'avait pas été le cas après l'assassinat de Samuel PATY, pas tout de suite en tout cas.

MARLENE SCHIAPPA
Absolument. Absolument, et Jean-Yves LE DRIAN l'avait fait observer par ailleurs, mais moi je souhaite que les relations puissent s'inscrire dans un cadre diplomatique, dans un cadre diplomatique normal, et que la conversation puisse avoir lieu entre les chefs d'Etat, dans le respect de chacun et dans le respect des pays chacun bien évidemment.

MARC FAUVELLE
Marlène SCHIAPPA, une partie de la droite vous demande de mettre en place des lois d'exception, aujourd'hui, face aux islamistes, allez-vous le faire ?

MARLENE SCHIAPPA
Mais, vous savez, nous n'avons pas attendu hélas les derniers événements pour travailler sur un projet législatif. Vous le savez. Le président de la République a présenté aux Mureaux il y a plusieurs semaines de cela, le projet de loi contre les séparatismes, que Gérald DARMANIN, le ministre de l'Intérieur, et moi-même, nous portons avec d'autres membres du gouvernement et sur lequel le président de la République travaille depuis des mois. Donc le fait de renforcer la loi, de pouvoir garantir une meilleure neutralité religieuse dans les services publics, y compris dans les délégations, faire la transparence sur les financements des cultes, y compris sur les financements étrangers, mieux lutter contre les associations qui sont des associations radicalisées, tout cela nous l'avons déjà identifié et nous sommes en train d'y travailler, dans ce projet de loi que nous présenterons le 9 décembre prochain au Conseil des ministres.

MARC FAUVELLE
« Il est temps que la France s'exonère des lois de la paix », dit par exemple le maire de Nice, Christian ESTROSI. Vous irez jusque là ou pas ? Vous êtes prêts par exemple à modifier la Constitution pour durcir l'arsenal ?

MARLENE SCHIAPPA
Mais moi je crois que toutes les réflexions législatives efficaces doivent être sur la table, à partir du moment où elles produisent une efficacité. Il ne s'agit pas de faire des lois pour faire plaisir aux législateurs ou aux observateurs, mais je crois que ce projet de loi contre les séparatismes et pour renforcer le principe de laïcité, nous donnera un cadre emportant et je crois qu'il est fondamental de rester dans le respect de l'Etat de droit, parce que c'est aussi ça qui nous différencie des terroristes, c'est que eux, n'ont aucun principe, aucune valeur, tuent, ne respectent rien, ne respectent pas la vie humaine, alors que nous, nous donnons un cadre et ce cadre c'est un cadre notamment législatif, et donc c'est par la loi que nous voulons avancer.

MARC FAUVELLE
Le terroriste de Nice, Marlène SCHIAPPA, est un Tunisien de 21 ans, il était arrivé en Europe il y a un peu plus d'un mois en passant par l'île italienne de Lampedusa, l'Italie lui avait ensuite demandé de quitter son territoire, ce qu'il n'a pas fait. Savez-vous quand et comment il est arrivé en France ?

MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, nous avons travaillé sur ces questions hier pendant que Gérald DARMANIN était à Nice avec le président de la République, puisqu'ils se sont rendus sur place. J'ai présidé à sa demande de la cellule interministérielle de crise, donc nous avons passé en revue ce parcours, et effectivement cet homme serait arrivé en par Lampedusa, de Tunisie…

MARC FAUVELLE
En se faisant passer pour un migrant, pour commettre des attentats en Europe, c'est possible ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors ça, l'enquête devra le déterminer, encore une fois, mais moi j'observe qu'il y a eu dans cette enquête et dans ce début d'enquête, une bonne coopération avec l'Italie, avec la Tunisie, avec les services d'Interpol, et ça c'est extrêmement fondamental. Pour le reste, vous savez qu'il y a une séparation des pouvoirs et donc je ne suis pas habilité à communiquer sur l'enquête, c'est le procureur qui partagera l'ensemble des éléments, sur son parcours en particulier.

MARC FAUVELLE
On sait simplement s'il était en situation régulière ou irrégulière en France ?

MARLENE SCHIAPPA
Encore une fois, là, sur le sujet en particulier, ce sera à lui de le dire, mais a priori, manifestement, il n'avait pas de titre de séjour en France.

MARC FAUVELLE
Vous avez peut-être entendu, Marlène SCHIAPPA, les propos du président du Conseil français du culte musulman, Mohammed MOUSSAOUI, il y a quelques jours sur France Info, avant ce nouvel attentat donc, qui dit que dans ce contexte aujourd'hui de tension, il n'est pas favorable à ce qu'on montre à nouveau les caricatures de Mahomet dans les écoles. Quelle est votre position ?

MARLENE SCHIAPPA
Moi je crois que c'est facile quand on n'est pas enseignant, de dire : les enseignants doivent ou les enseignants ne doivent pas. Moi j'ai beaucoup de respect pour le métier d'enseignant, je suis d'une famille de profs, mes parents, mes frères et soeurs, et tous les membres de ma famille à l'exception de moi-même, sont enseignants, et donc moi je respecte la liberté pédagogique de chacun. Mais je crois que tout enseignant qui fait le choix de montrer les caricatures, parce qu'il donne un cours sur la République, un cours d'éducation civique et morale, parce qu'il parle de liberté d'expression, et bien tous les enseignants qui font ce choix pédagogique, doivent être soutenus et doivent être protégés, parce que c'est leur liberté pédagogique et t il faut le respecter. Et je crois que si on s'amène à une forme d'autocensure en se disant : non, on ne va surtout rien montrer, eh bien ça voudra dire qu'on aura cédé à quelque chose. Mais encore une fois, en France il y a une liberté d'expression, on a le droit de faire des caricatures, on a droit de les montrer, on a aussi le droit de ne pas apprécier des caricatures, de ne pas avoir envie de les regarder, de ne pas avoir envie de les acheter, mais on n'empêche pas les autres de le faire, ça me semble assez simple, et comme vous savez c'est le principe qui fonde la République française.

MARC FAUVELLE
Marlène SCHIAPPA, ministre déléguée à la Citoyenneté, merci et bonne journée à vous.

MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 novembre 2020