Texte intégral
YVES CALVI
Alba VENTURA, vous recevez ce matin le ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance, Bruno LE MAIRE.
ALBA VENTURA
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Alba VENTURA.
ALBA VENTURA
C'est dans trois heures qu'aura lieu l'hommage à Samuel PATY, ce professeur d'histoire-géographie assassiné près de son collège de Conflans-Sainte-Honorine, hommage dans tous les établissements scolaires de France. Enfin, on a vu ce week-end, Bruno LE MAIRE, au lycée professionnel Léon Blum du Creusot, une invitation faite aux élèves qui ne souhaitaient pas participer à la minute de silence, de prendre un temps de pause dans la cour. Alors, finalement l'équipe dirigeante s'est ravisée, mais ça montre quand même une crainte, une peur de la confrontation avec certains élèves. Qu'est-ce que vous en pensez ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense que tous les Français, tous les jeunes Français qui sont scolarisés, doivent sans exception, sans aucune exception, participer à cet hommage. On le doit à Samuel PATY, on le doit aux enseignants, et je crois qu'il est essentiel que tous les enseignants sachent que l'ensemble des citoyens français sont derrière eux, et puis on le doit tout simplement à notre pays. Il y a un texte de Jean JAURES qui va être lu, qui est un très beau texte, qui dit exactement ce que je crois nécessaire aujourd'hui, les enfants qui vous sont confiés sont français et ils doivent connaître la France. C'est ça le vrai combat que nous devons mener aujourd'hui contre l'islam politique, pour nos valeurs, pour notre culture, pour ce que c'est que d'être Français. C'est ce qui se joue ce matin, je crois que c'est un moment très important.
ALBA VENTURA
Il y a un professeur qui vous a particulièrement marqué, vous, Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Il y a beaucoup de professeurs qui m'ont beaucoup marqué, des professeurs de français, des professeurs de latin, j'en retiens un qui est un professeur de français en classe préparatoire, qui voilà, m'a appris à aimer encore plus la littérature, encore plus la langue française.
ALBA VENTURA
Alors, Bruno LE MAIRE, permettez-moi d'en venir maintenant à la crise sanitaire et à ses conséquences. C'est donc non à l'ouverture des commerces de proximité, et on va y revenir parce qu'il va falloir l'imposer. C'est non aux produits non essentiels à partir de mardi dans les grandes surfaces, et donc si je comprends bien c'est : oui à AMAZON, c'est quartier libre, c'est open-bar, vous qui vouliez quand même imposer une taxe sur les GAFA, je trouve que ça ne manque pas d'ironie.
BRUNO LE MAIRE
Alors, rassurez-vous, je compte toujours non pas imposer une taxe sur les GAFA, elle existe, mais percevoir la taxe sur les géants du numérique, que nous avons mise en place en France, elle sera perçue en 2020, nous allons continuer le combat au niveau européen dès le début de l'année prochaine, nous avons eu l'occasion avec le Premier ministre d'en parler à la présidence de la Commission européenne, il faut qu'il y ait un texte européen de taxation des géants du numérique au début de l'année 2021. C'est notre objectif, et le combat que la France livre pour cette taxation qui est une juste une taxation, sera livré jusqu'au bout. Ensuite, regardons ce qui se passe aujourd'hui en France. Il y a une crise sanitaire qui n'a échappé à personne. Notre premier objectif, il a été rappelé par le Premier ministre hier, c'est de stopper la circulation du virus. Il faut que nous arrivions à freiner cette circulation du virus, qu'il y ait moins de personnes dans les services de réanimation et que dans le même temps nous arrivions à maintenir une activité économique et à maintenir du travail pour les Français. C'est cet équilibre-là que nous voulons trouver. Dans la phase où nous sommes aujourd'hui, pour stopper cette circulation du virus, eh bien il est essentiel de dire qu'un certain nombre d'activités vont devoir être réduites, qu'on va devoir faire plus attention, avec l'espoir, je l'ai dis très clairement hier, que d'ici maintenant 10 jours, j'ai donné rendez-vous le 12 novembre, nous puissions rouvrir un certain nombre de commerces, avec des règles sanitaires, avec par exemple la possibilité de prendre rendez-vous dans les commerces, et j'invite tous les commerçant à venir travailler avec moi cette semaine…
ALBA VENTURA
Mais donc on enrichit AMAZON ?
BRUNO LE MAIRE
… pour que nous regardions dans quelles conditions nous pourrions, à partir du rendez-vous qui a été fixé par le président de la République, rouvrir le plus grand nombre possible de commerces, dans des conditions de sécurité sanitaire totales.
ALBA VENTURA
C'est quand cette réunion ?
BRUNO LE MAIRE
Toute la semaine je vais recevoir avec Alain GRISET, le ministre chargé des PME, les différentes fédérations de commerçants, je pense aux coiffeurs, je pense aux fleuristes, je pense aux vendeurs d'habillement, pour qu'on regarde avec eux, avec les caractéristiques de chaque profession, quelles seraient les règles sanitaires qui nous permettraient, à partir du rendez-vous fixé par le président de la République, de rouvrir un certain nombre de commerces.
ALBA VENTURA
Ah, d'accord. Mais, pardon d'insister, vous demandez aux Français de ne pas aller se balader sur les plateformes ou les géants du e-commerce comme AMAZON ?
BRUNO LE MAIRE
Non, vous savez je crois à la liberté et je n'ai pas à dicter le comportement de consommation des Français. Je comprends que…
ALBA VENTURA
C'est ce qu'a fait le Premier ministre hier.
BRUNO LE MAIRE
… je crois qu'il faut être très offensif, je crois surtout qu'il faut rattraper notre retard sur la numérisation des commerçants français. Il y a une boutique sur trois qui est numérisée, donc là c'est le deuxième volet de ce que nous allons faire dès cette semaine, c'est regarder comment concrètement nous pouvons apporter un soutien en conseils et un soutien financier, à un fleuriste qui voudrait se digitaliser, un magasin de chaussures, un bijoutier de quartier qui voudrait se digitaliser, de quoi est-ce qu'il a besoin, comment est-ce qu'on peut l'aider, combien ça coûte, c'est tout le travail qu'on va faire cette semaine. Vous savez, je crois plus à l'offensive qu'à la défensive. Moi je crois dans les commerçants français, je pense que les commerces sont essentiels, que les commerces de proximité sont essentiels, et je veux de tout mon coeur les aider, pas simplement financièrement, mais aussi en leur permettant de franchir une étape pour numériser, digitaliser leur boutique.
ALBA VENTURA
Bruno LE MAIRE, vous, vous étiez contre la fermeture des petits commerces. Si ça n'avait tenu qu'à vous Bruno LE MAIRE, si vous aviez été Premier ministre, vous les auriez laissés ouverts.
BRUNO LE MAIRE
Mais, Alba VENTURA, tout ne tient pas qu'à telle ou telle personne, il y a des choix collectifs, et quand on est dans une crise sanitaire, une crise économique et une crise de terrorisme, il n'y a pas de place pour la position des uns ou des autres, il n'y a de place que pour une position collective, qui est celle du gouvernement, fixée par le Premier ministre, sous l'autorité du président de la République. Ça s'appelle l'Etat. Et aujourd'hui on a besoin de respecter les règles de l'Etat, c'est par définition la mienne. Maintenant, ce que je souhaite, c'est que cette position soit comprise, ce qui suppose de mettre fin au deux poids, deux mesures, c'est ce que nous avons fait ce week-end, il y avait un sentiment de deux poids, deux mesures qui était insupportable pour les commerçants, qui disaient : attendez, moi je ne peux pas vendre mes fleurs, et puis on peut les vendre dans la grande enseigne ! Je ne peux pas vendre mes chaussures, mais on peut aller en acheter dans la grande enseigne. Donc nous avons rétabli ce qui est fondamental pour moi : l'équité entre les petits commerçants et les grandes surfaces. Ensuite on se donne jusqu'au 12 novembre, en espérant que nous pourrons rouvrir un certain nombre de commerces à partir du 12 novembre.
ALBA VENTURA
Oui, alors, on va regarder un peu dans le détail. C'est quoi un produit non essentiel ? Enfin, ce n'est pas forcément un produit non alimentaire, je pense, les piles par exemple.
BRUNO LE MAIRE
Je prendrais un autre terme, c'est un produit de première nécessité, donc on ne va pas faire la liste de tous les produits, mais ce qui restera ouvert dans les grandes surfaces, c'est ce qui peut rester ouvert pour les petits commerces. Aujourd'hui, un petit commerce qui vend de l'informatique, peut rester ouvert parce que c'est utile pour le télétravail, ce sera la même chose dans les grandes surfaces. Aujourd'hui, les pharmacies peuvent rester ouvertes, les produits d'hygiène peuvent être vendus dans un petit commerce, ce sera le cas aussi dans les grandes surfaces. Donc prenez la liste de ce qui est autorisé pour les…
ALBA VENTURA
Est-ce que la taille les magasins, d'ailleurs, va jouer, va compter ?
BRUNO LE MAIRE
C'est un deuxième sujet : est-ce qu'il faut revoir les jauges ? En tout cas il faut respecter les juges dans les grands magasins on a vu encore ce week-end, des images de grandes surfaces qui étaient bondées, ce n'est pas acceptable. La jauge aujourd'hui, c'est une personne tous les 4 m², ça veut dire que si vous avez 1 000 m² il doit y avoir 250 personnes dans le grand magasin, pas une de plus. Je demande à ce qu'on vérifie, par comptage, à l'entrée des grands magasins, que la jauge est respectée. Si on s'aperçoit que cette jauge n'est pas suffisamment stricte, si les autorités sanitaires nous disent qu'il faut la durcir, nous durcirons la jauge, comme ça a été fait par exemple en Allemagne. Dans cette phase, la priorité absolue, on ne peut en avoir qu'une seule, c'est je le redis, de stopper la circulation du virus et de protéger la santé de nos compatriotes.
ALBA VENTURA
Limiter que les gens se croisent, limiter le fait que les gens se…
BRUNO LE MAIRE
Exactement. Si on veut limiter la circulation du virus, hélas, ce n'est pas agréable, il faut limiter la circulation des personnes.
ALBA VENTURA
Plusieurs maires ont pris des arrêtés, Anne HIDALGO la maire de Paris, avec une cinquantaine d'autres maires, a décidé de prendre une initiative pour rouvrir d'ailleurs le commerce de proximité, si je comprends bien vous soutenez ces initiatives.
BRUNO LE MAIRE
Moi je soutiens le dialogue, et je soutiens tous ceux qui arrivent avec des propositions, qui me disent : regardez dans les commerces, on pourrait procéder par rendez-vous, prenez les concessions automobiles, pour aller dans une concession automobile vous prenez un rendez-vous, c'est un achat très important, je trouve que c'est une piste qui est intéressante. En revanche, je trouve que défier l'Etat en prenant des arrêtés municipaux, c'est tout simplement irresponsable, et je préfère les maires avec qui je discute, qui sont très ennuyés. J'ai appelé le maire de Saint-Laurent-du-Var, Joseph SEGURA, qui est un ami, il est très ennuyé pour ses commerçants, mais on discute, on regarde quelles sont les solutions, on ne brave pas l'autorité de l'Etat en mettant en jeu la santé de nos compatriotes, en prenant des arrêtés qui sont des arrêtés illégaux.
ALBA VENTURA
Bien sûr, mais vous nous avez dit qu'il y a la crise sanitaire, et il y a aussi la crise économique, et ce que se disent ces petits commerçants aujourd'hui, c'est : là, on va crever à cette deuxième vague. C'est ça qu'on entend Bruno LE MAIRE. Bien sûr qu'il y a la préoccupation sanitaire, et ce virus qui circule activement, mais il y a la préoccupation de gens, de petits commerces, et même des grandes surfaces qui sont des commerces de proximité, parce que pardon, il y a de la grande distribution qui sont des tout petits commerces, en vérité.
BRUNO LE MAIRE
Et que se passera-t-il, je vais répondre à votre question qui est très importante, que se passera-t-il si la circulation du virus explose, si les services d'urgences sont débordés, si les services de réanimation n'arrivent pas à faire face ? Vous pensez que ce sera bon pour notre économie ? Vous pensez qu'une crise sanitaire qui s'aggrave, c'est bon pour l'économie ? Le responsable politique, il ne doit pas avoir des oeillères, il doit avoir l'intégralité des sujets et trouver le bon équilibre, c'est pour ça que notre priorité aujourd'hui c'est de lutter contre la circulation du virus, mais en soutenant totalement les commerçants. Je ne veux pas de faillite, je ne veux pas de difficultés financières qui soient insupportables pour des commerçants qui souffrent, qui ne dorment pas, qui font des insomnies, je les ai au téléphone par dizaines, depuis des jours, et je veux juste rappeler, parce que je crois qu'il y a des choses qui n'ont pas été comprises, que nous avons profondément modifié le soutien et profondément accru le soutien financier pour ce mois de novembre, pour ce mois de confinement, aux commerçants. J'entendais sur votre antenne tout à l'heure une fleuriste de Verdun qui disait : « Je vais pouvoir toucher 1 500 € ». Non, si cette le fleuriste de Verdun fait 4 000 € de chiffre d'affaires, elle pourra toucher ses 4 000 €. Le fonds de solidarité pour le mois de novembre peut aller jusqu'à 10 000 € de chiffre d'affaires mensuel. Et il n'y a aucun reste à charge, je l'ai supprimé le reste à charge. Si cette femme de Verdun, j'y étais il y a quelques semaines, veut faire du click & collect, et vendre quelques fleurs, elle l'a expliqué très bien, que c'est difficile, que ça demande du travail, mais qu'elle arrive à faire 1 500 € de chiffre d'affaires en plus, ces 1 500 € ne sont pas déduits de son chiffre d'affaires, ça se rajoute à l'argent du fonds de solidarité. Elle a un problème de loyer ? Nous pouvons prendre en charge un mois de loyer sur trois, peut-être même plus, parce que nous avons mis en place un crédit d'impôt pour les bailleurs. Elle a un problème de charges, elle est fermée, elle est exonérée de toute charge. Et je veux vraiment qu'à travers cette fleuriste de Verdun, chacun…
ALBA VENTURA
Donc il n'y aura pas de faillite.
BRUNO LE MAIRE
… comprenne que l'Etat soutien au maximum, l'Etat ne fait pas de miracle, et je peux vous dire qu'il fera le maximum pour les petits commerçants.
ALBA VENTURA
Il y a une question qui est revenue aussi souvent au standard de RTL, sur les coiffeurs. Salons de coiffure fermés, coiffeurs à domicile possibles.
BRUNO LE MAIRE
Mais ce n'est pas compréhensible, c'est pour ça que nous avons corrigé ce week-end avec le Premier ministre, il n'est pas compréhensible pour un salon de coiffure, qui a fait tous les efforts pour s'adapter aux règles de sécurité sanitaire, qui a mis du gel à l'entrée, qui a demandé à ce que les coiffeurs soient masqués, que dans le même temps vous puissiez avoir de la coiffure à domicile. Donc nous corrigerons les choses dans la journée, et la coiffure à domicile ne sera plus possible. Là aussi, par souci d'équité, puisqu'il n'est pas normal qu'un salon de coiffure soit fermé…
ALBA VENTURA
Mais comment vous contrôlez ça ?
BRUNO LE MAIRE
Mais, le contrôle c'est que on peut aussi compter sur le sens de la responsabilité des Français, il est immense et ils le montrent tous les jours face à cette crise, ils doivent savoir qu'il n'est pas raisonnable de laisser un coiffeur à domicile venir chez vous, ce sera corrigé dans la journée.
ALBA VENTURA
Vous craignez une épreuve de force avec les Français ?
BRUNO LE MAIRE
Pas du tout.
ALBA VENTURA
Vous…
BRUNO LE MAIRE
Ah non mais je vous le dis très sincèrement, je ne crains pas…
ALBA VENTURA
Non, vous n'avez pas le sentiment qu'il y a une forme d'insoumission ou…
BRUNO LE MAIRE
Pas du tout. Non, moi je salue au contraire l'immense sens des responsabilités des Français. Mais vous savez, c'est le jeu médiatique aussi, on met toujours la loupe sur ce qui ne va pas. On met toujours la loupe ce ceux, pardon, qui gueulent le plus fort. Alors on met la loupe sur la petite trentaine de maires, la poignée de maires qui ont pris des arrêtés irresponsables. Je rappelle qu'il en reste derrière 36 000 qui sont responsables, qui ont expliqué aux commerçants pourquoi il fallait fermer, qui expliquent tous les jours à leurs compatriotes pourquoi il faut respecter les règles sanitaires. Le peuple français est un peuple responsable qui fait preuve d'un esprit de résistance dans ces situations terribles, qui, moi, force mon admiration.
ALBA VENTURA
Merci beaucoup Bruno LE MAIRE.
YVES CALVI
Bruno LE MAIRE qui annonce notamment l'interdiction des coiffeurs à domicile. « Nous devons freiner la circulation du virus », vient de nous dire le ministre de l'Economie, et à 08h20 ce sont les auditeurs qui pourront dialoguer avec vous Bruno LE MAIRE
source : Service d'information du Gouvernement, le 3 novembre 2020