Texte intégral
ORIANE MANCINI
Notre invitée politique ce matin c'est Frédérique VIDAL, bonjour Madame la ministre.
FREDERIQUE VIDAL
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous. Ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, on est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la presse quotidienne régionale représentée ce matin par Pascal JALABERT, bonjour Pascal.
PASCAL JALABERT
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Du groupe EBRA, les journaux régionaux de l'Est de la France. On commence bien sûr, Frédérique VIDAL, avec la France qui est une nouvelle fois frappée par le terrorisme, cet attentat à Nice qui a coûté hier la vie à trois personnes dans une église. Vous êtes née dans la région, Frédérique VIDAL, vous avez présidé l'université de Nice Sophia Antipolis, quelle a été votre réaction en apprenant ce drame ? Vous étiez, je crois, dans l'hémicycle du Sénat à ce moment-là d'ailleurs.
FREDERIQUE VIDAL
Oui, c'était à la fois évidemment beaucoup de tristesse et puis immédiatement les images de 2016, comme si l'histoire se répétait.
ORIANE MANCINI
Du précédent attentat qui avait endeuillé la ville de Nice.
FREDERIQUE VIDAL
Oui, et c'est vrai que… j'ai tenu, puisqu'effectivement j'étais au Sénat, immédiatement dire à tous les Niçois à quel point j'étais touchée et j'étais avec eux dans ces moments très difficiles, un message d'amitié aussi au maire de Nice, qui est sur le pont et qui accompagne nos concitoyens.
ORIANE MANCINI
Il y a Emmanuel MACRON qui s'est rendu sur place, le plan Vigipirate a été renforcé et passe désormais en niveau « attentat », sécurisation dans les lieux de culte, dans les écoles, est-ce qu'il va y avoir également une sécurisation renforcée dans les universités, les lieux d'enseignement supérieur ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors il y a des protocoles qui sont prévus, bien sûr, sur tous les niveaux de Vigipirate, y compris dans les établissements d'enseignement supérieur. Bon, là nous rentrons dans une période de confinement, mais oui, les protocoles sont prêts, ils sont prêts, malheureusement, depuis 2015.
PASCAL JALABERT
La loi sur les séparatismes qui doit venir va-t-elle concerner aussi les universités ?
FREDERIQUE VIDAL
Dans quel sens vous me posez cette question ?
PASCAL JALABERT
Y aura-t-il, à l'intérieur de la loi, des directives pour les enseignants, des protocoles de sécurité, des signalements, des choses comme ça ?
FREDERIQUE VIDAL
Non. Alors, il faut comprendre que les universités sont évidemment des lieux qui ne sont pas imperméables à la société, mais il faut savoir aussi que les présidents d'université ont évidemment un certain nombre de prérogatives et que, évidemment, nous avons travaillé, notamment dans le cadre du comité de lutte contre la radicalisation, pour un certain nombre de préconisations. C'est le travail de chaque jour de nos renseignements, que de nous protéger, et évidemment ils le font, donc il n'y a pas de choses particulières qui concernent les universités, ce ne sont pas des lieux de radicalisation.
ORIANE MANCINI
Quand vous entendez Jean-Michel BLANQUER, vous l'avez entendu évidemment, dire ce qu'on appelle « l'islamo-gauchisme fait des ravages, il fait des ravages à l'université, il fait des ravages quand l'UNEF cède à ce type de choses », est-ce que vous êtes d'accord avec le ministre de l'Education nationale ?
FREDERIQUE VIDAL
J'ai réaffirmé, ce qui est ma conviction profonde, c'est que l'université c'est un lieu où on doit pouvoir débattre de tout, mais débattre avec le doute méthodique qui concerne, enfin qui représente le fondement même de ce qu'est la recherche. Donc, qu'il y ait des études qui portent sur la question du décolonialisme à l'anglo-saxonne, oui, bien sûr, ça existe dans les universités, et c'est normal que ça puisse exister. Ce qu'il faut éviter c'est que les universitaires mettent en avant leurs opinions plutôt que l'état de l'art de la science, et c'est ce qui a été rappelé encore dans le projet de loi pour la recherche que nous portons, la liberté…
ORIANE MANCINI
On va y venir sur cet amendement, mais sur la phrase de Jean-Michel BLANQUER, « l'islamo-gauchisme fait des ravages à l'université », vous êtes d'accord, vous n'êtes pas d'accord, est-ce que vous partagez ce constat ?
FREDERIQUE VIDAL
Je pense que l'islamisme, et l'islamo-gauchisme, ou l'islamo-fascisme, on a entendu tous les termes, l'islamisme fait des ravages dans notre société, et au sein de l'université, et parmi certains étudiants, bien sûr, comme partout ailleurs, mais l'université…
ORIANE MANCINI
Et au sein de l'UNEF aussi, comme il le dit ?
FREDERIQUE VIDAL
J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur ce sujet, je crois que c'est à l'UNEF de continuer à porter les valeurs du syndicalisme étudiant, et ce n'est pas à moi de dire à l'UNEF quelles doivent être ces valeurs, mais ce qui est très clair c'est que c'est toujours dans le respect des valeurs de la République, et ça c'est essentiel, et c'est ce que rappellent les universités en permanence. Elles ne sont pas à l'origine des maux de la société les universités, simplement elles les interrogent, voilà.
ORIANE MANCINI
Justement, on va revenir sur cet amendement Pascal.
PASCAL JALABERT
Oui, donc Laure DARCOS a déposé un amendement, la sénatrice LR, donc justement, les enseignants en université doivent-ils inculquer et faire reposer leur enseignement sur les valeurs de la laïcité, de la République ?
FREDERIQUE VIDAL
Ah, mais de toutes les façons, les valeurs de la laïcité, les valeurs de la République, ça ne se discute pas si je puis dire, ce sont des valeurs fondamentales, qui font ce que nous sommes, ce qu'est la France, donc bien sûr que c'est très important de rester toujours… enfin ça va mieux en le disant.
PASCAL JALABERT
…Il y a un besoin d'un amendement, de dire « écoutez, vous êtes hors la loi si vous ne faites pas » ?
FREDERIQUE VIDAL
Ecoutez, ça va s'en dire qu'ils sont hors la loi évidemment, parce que la loi est très claire sur ce sujet, mais ça va peut-être mieux en le disant, en tout cas, voilà, ça ne fait pas de mal de le dire.
PASCAL JALABERT
Donc l'amendement vous le voteriez du coup… enfin, cet amendement, s'il était voté il ne vous gênerait pas ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, il ne me dérangerait pas parce qu'en réalité c'est ce qui se passe dans l'immense majorité des cas, et puis lorsque ça se passe mal, les universités réagissent, et je tiens à le dire. On parle beaucoup de cas où il y a des problèmes, mais on ne parle pas des centaines de conférences qui se passent bien. Les présidents d'université ont toujours réagi, le ministère a toujours réagi, j'ai toujours réagi, il ne faut pas faire de quelques cas particuliers une généralité, ces cas existent, il faut être évidemment impitoyable, et empêcher la censure, empêcher qu'on empêche la liberté d'expression, il faut vraiment tenir bon face à çà, et voilà, et je pense que ça ne fait pas de mal de le rappeler. Mais, une fois de plus, je n'ai aucun doute que les valeurs de la République sont respectées au sein de l'université, évidemment.
ORIANE MANCINI
Autre sujet, autre débat qui ressurgit, c'est celui du voile à l'université. François BAROIN, le président de l'Association des maires de France, dit que la question de l'interdiction du voile à l'université doit être posée. Est-ce que vous allez la poser, est-ce que vous êtes prête à ouvrir ce débat ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, parce que tout simplement à l'université on a affaire à de jeunes adultes et que, dans notre pays, à partir du moment où il n'y a pas de prosélytisme, eh bien chacun a le droit de s'habiller comme il le souhaite. Il y a les choses qui sont interdites, il y a les choses qui sont autorisées, aujourd'hui rien n'interdit le port du voile à l'université.
ORIANE MANCINI
Alors lui il était sur votre position, c'était en 2003, il avait rédigé un rapport, mais il dit, « le débat a pris de l'ampleur, les situations conflictuelles se sont multipliées, et donc désormais il faut poser cette question. » Vous, vous dites non, je ne changerai pas d'avis, on n'ouvrira même pas le débat ?
FREDERIQUE VIDAL
Mais, je ne vois pas quel est le débat en réalité, sur le voile à l'université. Les universités elles ont des règlements intérieurs, il y a des cas où, on le sait, les étudiantes se dévoilent, c'est obligatoire, en examen par exemple, où il faut voir les oreilles, mais ça veut dire aussi que ceux qui ont des cheveux longs les attachent, ceux qui ont des casquettes les enlèvent, en travaux pratiques, on doit mettre des blouses de coton pour se protéger, tout le monde fait cela. Il y a un problème lorsqu'il y a un refus, effectivement, de dévoiler ses oreilles, ou un refus de mettre une blouse, voilà, ou sur d'autres circonstances.
ORIANE MANCINI
Et ça existe, vous avez eu vent de telles situations ?
FREDERIQUE VIDAL
Bien sûr, ça existe, mais c'est réglé à chaque fois, si la personne refuse, elle s'en va.
ORIANE MANCINI
D'accord, donc pas besoin d'une nouvelle loi. On va parler de la crise sanitaire maintenant, Frédérique VIDAL, contrairement aux écoles, au collège, au lycée, les étudiants ne retrouveront pas les bancs de l'université lundi, en tout cas pas comme ils l'avaient quittée avant les vacances de la Toussaint…
FREDERIQUE VIDAL
Il y a très peu de vacances dans les universités, en réalité les étudiants ont été très peu en vacances à la Toussaint…
ORIANE MANCINI
En tout cas les cours se feront à distance dès lundi.
FREDERIQUE VIDAL
Absolument.
ORIANE MANCINI
Jusque là on est d'accord. Pourquoi ce choix, pourquoi ce changement de doctrine finalement, de la part du gouvernement ?
FREDERIQUE VIDAL
En réalité les cours se faisaient déjà beaucoup à distance, puisqu'on était passé avec des jauges de 50 %, et que l'idée c'était d'avoir la moitié des étudiants présents, la moitié en distanciel et d'alterner ainsi.
ORIANE MANCINI
Sauf que là, hier, ce n'est pas ce qu'a annoncé Jean CASTEX.
FREDERIQUE VIDAL
Les universités c'est beaucoup de jeunes qui évidemment vont y étudier, ça veut dire beaucoup de jeunes dans les transports pour rejoindre les universités, ça veut dire beaucoup de jeunes sur les campus, ça veut dire potentiellement beaucoup de brassage, et donc c'est ça qui doit évidemment être évité. Alors, je tiens à le dire, les universités ne sont pas fermées, simplement les modalités d'enseignement sont adaptées.
ORIANE MANCINI
Avec différents cas que vous pouvez peut-être nous expliquer en deux mots, même si Jean CASTEX les un petit peu expliqués hier, mais peut-être que vous, vous pouvez plus nous les détailler.
FREDERIQUE VIDAL
Les cours en amphithéâtre doivent se faire maintenant en distanciel, et lorsqu'il y a nécessité de venir sur le campus, par exemple pour des travaux dirigés, pour des cas pratiques, alors il y a des demandes qui sont faites par les établissements, sur des cours particuliers de dérogation.
PASCAL JALABERT
Même si c'est moins flagrant qu'au collège ou au lycée, n'y a-t-il pas un risque que certains étudiants, qui sont les plus en difficulté, décrochent parce qu'ils ont besoin d'être un peu plus encadrés, parce qu'ils n'ont pas forcément l'équipement qui va bien, comment vous faites pour éviter cette inégalité ?
FREDERIQUE VIDAL
Bien sûr, il y a un public fragile dans les universités, comme dans les écoles, et c'est pour ça que, évidemment, les services des CROUS, les services sociaux des établissements, mais les associations étudiantes aussi, vont se remobiliser, comme elles l'ont fait pendant la première phase du confinement. Il y a eu énormément de solidarité, il y a eu un engagement énorme de la part des équipes universitaires, et bien sûr tout cela va se remettre en place, c'est important. Ce n'est pas tellement la question de l'équipement si je puis dire, puisqu'au printemps beaucoup de choses ont été faites, et bien sûr on peut continuer avec les nouveaux arrivants, des ordinateurs ont été achetés, prêtés, des clés 4G, c'est vraiment l'accompagnement, l'encouragement, jour après jour. C'est compliqué de passer d'une vie scolaire à une vie universitaire, ou dans l'enseignement supérieur, il faut de la motivation, ça veut dire qu'il faut qu'on trouve d'autres façons de rester en contact permanent avec les étudiants, voilà, ces choses ont été expérimentées et validées au printemps. Quand j'ai fait mon tour de France des universités, ces dernières semaines, j'ai vu à chaque fois tout ce qui avait pu être mis en place, il y a un partage d'expériences qui se fait, mais oui, bien sûr, nous devons continuer à accompagner les étudiants les plus fragiles, et ceux qui risquent le plus de décrocher.
ORIANE MANCINI
Avec des mesures financières également qui seront prévues pour eux ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, il y a des mesures financières qui ont d'ores et déjà été prévues, et là nous allons évidemment continuer à accompagner les établissements, notamment pour la mise en place des formations à distance.
ORIANE MANCINI
On va revenir sur cette crise sanitaire du coup, parce qu'on n'avait pas terminé sur ce sujet. Vous étiez confiante sur le fait qu'il n'y avait pas de foyers de contamination au sein des universités, vous l'êtes encore semble-t-il…
FREDERIQUE VIDAL
Absolument.
ORIANE MANCINI
Du coup on a du mal à comprendre ce changement de pied du gouvernement sur le sujet. Pourquoi dire aux étudiants, « désormais restez chez vous, faites des cours en distanciel » ?
FREDERIQUE VIDAL
Parce qu'on dit à l'ensemble de la population de rester chez soi et de télétravailler…
ORIANE MANCINI
Mais pas aux lycéens par exemple.
FREDERIQUE VIDAL
Alors, les lycéens c'est vrai que la question s'est posée, est-ce qu'on fait fin de collège et on dit que les lycéens sont aussi à distance, où est-ce qu'on met finalement le curseur ? Ce qui a été considéré c'est vraiment, toujours, cette question de jeunes adultes, voilà. A partir du moment où on demande à l'ensemble de nos concitoyens de télétravailler, lorsque c'est possible, et c'est une demande très forte, ce n'est pas juste « si vous préférez », c'est vraiment, « chaque fois que c'est possible, télétravaillez. » Il faut bien comprendre que nous devons tous être embarqués pour lutter contre ces difficultés, et donc voilà, les étudiants, en tant que jeunes adultes, eh bien on leur demande aussi de se mettre au télétravail.
ORIANE MANCINI
On va écouter ce que disait hier sur ce sujet Patrick KANNER, c'est le président du groupe socialiste au Sénat, il était à votre place hier, et pour lui cette décision aurait dû être prise bien avant. On l'écoute.
PATRICK KANNER, PRESIDENT DU GROUPE SOCIALISTE, SENATEUR PS DU NORD
Les étudiants, il y a eu une grave erreur, il n'aurait jamais fallu intégrer la rentrée étudiante en présentiel, puisqu'on sait très bien que là il y a eu des clusters manifestes, donc là il y a eu une faute, il y a une faute d'appréciation. Alors, ce n'est bien sûr pas une faute intentionnelle, mais une faute d'appréciation sur le risque de clusters. Ce qu'on peut dire globalement, c'est que si on en est arrivé là, c'est qu'il y a eu un échec.
ORIANE MANCINI
Qu'est-ce que vous lui répondez Frédérique VIDAL ?
FREDERIQUE VIDAL
Que je tiens à disposition les chiffres concernant les clusters chez les étudiants, il ne faut pas confondre les choses. Dans un milieu universitaire, ou dans un bâtiment d'enseignement supérieur, lorsque vous avez un jeune qui a des signes manifestes vous le testez et vous pouvez tester toute sa promotion, donc ça veut dire que c'est le meilleur endroit où on peut faire…
ORIANE MANCINI
Quels sont-ils ces chiffres, combien de foyers de contamination, combien de sites ont été fermés ?
FREDERIQUE VIDAL
Ils sont extrêmement faibles en réalité, si je vous prends les derniers chiffres sur l'Ile-de-France, parce que c'est les derniers que j'ai consultés, c'est un peu moins de 1000 étudiants testés positifs sur 705.000 étudiants dans l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur de l'Ile-de-France. Alors, évidemment, la différence c'est que, lorsqu'il y en a un qui est malade, eh bien, comme on teste la promotion, on en détecte d'autres qui sont porteurs et qui n'ont aucun symptôme, et donc on casse très vite les chaînes de transmission.
ORIANE MANCINI
Et combien de sites fermés ?
FREDERIQUE VIDAL
Ça a été extrêmement variable, on est monté à une trentaine de sites fermés sur l'ensemble du territoire, mais fermés pour une semaine, et puis qui ont repris avec des mesures sanitaires strictes, et puis surtout avec le choc, si je puis dire, qu'ont eu les étudiants de se voir à nouveau chez eux. Je crois que c'est méconnaître ce qu'est l'enseignement que de dire qu'il n'aurait pas fallu faire de rentrée en présentiel. Les jeunes avaient besoin de retrouver leurs enseignants, les enseignants avaient besoin de retrouver leurs étudiants, de refaire du lien, y compris pour préparer une période comme celle dans lesquelles nous allons entrer, où les choses se feront à distance. On ne peut pas enseigner, on ne parle pas à un ordinateur, on ne parle pas une caméra, on parle à des étudiants.
ORIANE MANCINI
Allez, il y a eu beaucoup de questions Frédérique VIDAL, beaucoup de questions pour vous sur les réseaux sociaux, je voudrais qu'on vous en lise quelques-unes. Question de l'UNEF d'abord, question de l'UNEF…
FREDERIQUE VIDAL
Je les reçois tout à l'heure.
ORIANE MANCINI
Qui l'a posée sur les réseaux sociaux. « Madame VIDAL, une explication sur le fait que malgré les annonces de Jean CASTEX jeudi soir, sur la possibilité de se rendre à l'université pour les travaux pratiques et la bibliothèque universitaire, les attestations ne le permettent pas. »
FREDERIQUE VIDAL
Non, pas du tout, en fait on peut se déplacer avec une attestation employeur ou une attestation de son établissement.
ORIANE MANCINI
Voilà, ça c'est la réponse.
FREDERIQUE VIDAL
C'est une attestation permanente, c'est comme pour aller à l'école, on ne va pas faire tous les jours « je vais à l'école. »
ORIANE MANCINI
Donc vous leur dites demandez à l'université de vous faire une attestation et vous vous déplacez avec.
FREDERIQUE VIDAL
Ils ont leur carte d'étudiant, et s'ils font partie des groupes qui restent en présentiel, eh bien évidemment ils pourront le faire.
ORIANE MANCINI
Autre question, il y en a eu beaucoup également, sur les classes prépas et les BTS, beaucoup d'interrogations, qu'est-ce qui va se passer pour les classes prépas et pour les BTS ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, ils sont en mode organisation lycée, parce qu'en fait ils se déroulent dans des lycées, donc c'est le protocole sanitaire lycée qui sera appliqué.
ORIANE MANCINI
Donc ils vont, en présentiel.
FREDERIQUE VIDAL
En présentiel aménagé !
ORIANE MANCINI
Question également sur les stages. Comment ça va se passer pour les étudiants qui ne peuvent pas effectuer leurs stages, ça aussi ça a été une question, est-ce que leur semestre va quand même être validé ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors ça, nous allons y travailler. Etant donné que la vie professionnelle n'est pas interrompue dans ce confinement, lorsqu'il y a des stages en présentiel il n'y a pas de raison que les étudiants ne puissent pas aller en stage, lorsque les stages peuvent être télétravaillés, eh bien ils devront être télétravaillés, et puis on regardera les différents cas particuliers, mais on n'est pas dans un confinement strict comme au printemps, donc, voilà, on va regarder dans le détail s'il y a des difficultés.
PASCAL JALABERT
Pour revenir sur cette question des stages, y compris dans les écoles d'ingénieurs beaucoup de jeunes ont eu du mal à trouver des stages cet été et en début de rentrée compte tenu de la situation économique des entreprises. Allez-vous faire des adaptations là-dessus ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, il faut bien comprendre que, que ce soit sur les questions de travaux pratiques ou que ce soit sur les questions de stages, obligatoires, nécessaires pour l'obtention du diplôme, il faut faire en sorte que les diplômes ne soient pas dévalorisés, donc on pourra reporter les stages, on pourra les valider a posteriori, mais c'est comme pour les travaux pratiques, et c'est pour ça qu'ils sont maintenus en présentiel. On ne peut pas délivrer un diplôme qui inclut une part d'apprentissage pratique, sans avoir donné cet apprentissage, sinon, effectivement, on dévalorise le diplôme, et ça, évidemment, on ne souhaite pas le faire.
ORIANE MANCINI
Une dernière question pratique. Est-ce qu'il y aura de nouveau un gel des loyers pour les étudiants en résidence CROUS qui sont rentrés chez leurs parents ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, on va regarder ça avec les CROUS. Là, a priori, je ne sais pas combien d'étudiants vont rentrer chez leurs parents, puisqu'il y a des travaux pratiques dans quasiment toutes les formations, des travaux pratiques ou des raisons qui justifient qu'il y ait une présence sur le lieu d'études, donc on va regarder ça.
ORIANE MANCINI
Allez, on passe au projet de loi recherche.
PASCAL JALABERT
Oui. Le projet de loi recherche arrive au Sénat, il est en discussion en ce moment, je crois que vous êtes jusqu'à ce soir peut-être tardivement d'ailleurs…
FREDERIQUE VIDAL
Le temps qu'il faudra.
PASCAL JALABERT
Le temps qu'il faudra, voilà. 25 milliards de plus, objectif 1 % du PIB, on va y arriver ?
FREDERIQUE VIDAL
Oui, on va y arriver, d'abord parce que c'est 25 milliards de plus budgétaires, si je puis dire, auxquels évidemment s'ajoute l'ensemble des dépenses des administrations, c'est-à-dire le programme d'investissement d'avenir, nous aurons un programme prioritaire de recherche par mois à partir de janvier 2021, c'est 30 à 50 millions d'euros, chaque mois, dédiés à un défi spécifique. Nous aurons aussi, évidemment, les contrats de plan Etat-Région, le soutien des régions qui financent aussi la recherche sur les territoires, donc c'est cet ensemble-là qui permet de calculer…
PASCAL JALABERT
Que dites-vous à ceux qui affirment ce n'est pas assez ?
FREDERIQUE VIDAL
Eh bien qu'il fallait commencer plus tôt, et que comme ça peut-être qu'aujourd'hui on y serait. C'est un engagement qui avait été pris en 2000 par la France et qui devait être atteint en 2010…
ORIANE MANCINI
Ce qu'on appelle la stratégie de Lisbonne…
FREDERIQUE VIDAL
Absolument.
ORIANE MANCINI
Où les Etats de l'Union européenne devaient atteindre 3 % du PIB pour leur budget recherche.
FREDERIQUE VIDAL
Absolument.
ORIANE MANCINI
Mais il y a des sénateurs qui vous disent ce budget il est insincère, voire il est malhonnête parce qu'il ne tient pas compte de l'inflation, qu'est-ce que vous leur dites ?
FREDERIQUE VIDAL
D'abord que la majorité des lois de programmation elles se font en euros courants et pas en euros constants, que moi je défie quiconque, au regard de ce que nous traversons, mais même de façon générale, de me dire quel sera le taux d'inflation dans 2 ans, dans 3 ans ou dans 7 ans, donc voilà, je crois que, là aussi… j'entends, j'entends ce que disent que les oppositions sur le budget, j'ai juste envie de leur répondre que si, lorsqu'elles étaient en responsabilités elles avaient commencé ce processus, eh bien aujourd'hui nous n'en serions pas là. Donc, j'entends que ce n'est peut-être pas suffisant, que peut-être qu'elles voudraient plus, mais moi ce que je dis c'est que, là, c'est concret, c'est concret, c'est dès l'année prochaine, c'est 1000 euros de plus pour tous les maîtres de conférences, c'est 1300 euros de plus pour tous les chercheurs, c'est un repyramidage et des capacités de promotions comme on en n'a jamais vues, c'est beaucoup d'argent réinvesti, à la fois pour financer les laboratoires sur les dotations de base, et pour faire de notre Agence nationale une agence aux standards internationaux, avec 30 % au minimum de taux de succès, voilà, c'est tout ça. Alors, Ok, peut-être que ce n'est pas suffisant, eh bien il fallait commencer plus tôt, j'en aurais été ravie, je vous assure.
ORIANE MANCINI
Et les sénateurs qui disent aussi que 10 ans c'est trop long. Cette loi de programmation elle va jusqu'à 2030, eux ils veulent ramener tout ça à 7 ans. Est-ce que vous êtes prêts à les suivre sur ce point ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, parce que je pense que, réellement, ce dont on a besoin en recherche, c'est de la visibilité dans le temps, et il faut bien comprendre que, lorsqu'on rajoute 500 millions d'euros pour soutenir des activités de recherche, ça veut dire qu'on permet à des projets de recherche de démarrer, et en général un projet de recherche, en moyenne, c'est une dizaine d'années, et donc ça me paraît important que chaque année on permette à de nouveaux projets de recherche de démarrer pour les 10 prochaines années, c'est comme ça que c'est construit.
PASCAL JALABERT
Alors, nous avons des chercheurs qui obtiennent des prix Nobel, Madame CHARPENTIER cette année, sauf qu'ils sont dans des laboratoires aux Etats-Unis, voire de plus en plus en Chine. Est-ce que c'est suffisant et comment on fait pour éviter que ces talents internationaux partent dans d'autres pays ?
FREDERIQUE VIDAL
J'espère évidemment que ce sera suffisant, et le but de ce que je fais c'est que ça le soit. Il faut bien comprendre que nous avons…
PASCAL JALABERT
Pourquoi partent-ils d'ailleurs ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, parce qu'en réalité nous avons un atout, qu'il faut absolument protéger, et que je protège d'ailleurs en réouvrant des emplois d'Etat, c'est justement ce statut de fonctionnaire d'Etat qu'ont les chercheurs et les enseignants chercheurs, ça veut dire que vous savez que vous avez du temps devant vous et que votre salaire ne va pas être conditionné au fait que vous ayez trouvé ou pas quelque chose dans les trois prochaines années, parce que la recherche c'est sur du temps long, et qu'il faut du temps pour que les résultats puissent être correctement analysés, compris, et qu'ils puissent produire de la connaissance. Donc, ça c'est notre atout. Le problème c'est que nous avons tellement laissé les salaires se dégrader, que, aujourd'hui, quand on est recruté comme jeune maître de conférences, ou comme un jeune chercheur, eh bien on ne peut pas, par exemple, s'installer dans une grande métropole, parce que ce qu'on gagne ne permet pas de se loger dans une grande métropole. Donc, ça, c'est la réponse immédiate que nous avons faite, c'est une augmentation sans précédent du salaire d'entrée, et donc évidemment de l'ensemble des salaires, puisqu'on repyramide tout derrière, c'est aussi simplifier, on a beaucoup de strates administratives, donc simplifier le processus, et puis faire en sorte que, quand on démarre, maintenant, eh bien on a tout de suite un petit pécule pour pouvoir porter le projet sur lequel on a été recruté. Qu'est-ce qui se passait les années précédentes ? On recrutait sur un projet, et puis on n'avait pas de quoi le démarrer. Donc, là, chaque recrutement s'accompagnera en moyenne d'un financement de 10.000 euros pour démarrer son projet. Donc c'est toutes ces choses-là qui font que, aujourd'hui, c'est en tout cas l'objectif, nous allons rendre de nouveau attractifs les métiers de la recherche, et puis la capacité à faire revenir un certain nombre de personnes, qui ont démarré leur carrière à l'étranger, et qui souhaitent revenir, mais qui sont un petit peu trop avancées dans leur carrière pour rentrer sur des profils de chercheur ou de maître de conférences, et pas suffisamment avancées dans leur carrière pour rentrer sur des profils de profs ou de directeur de recherche, donc on met une voie d'accès intermédiaire, c'est les chaires de professeurs juniors, c'est revenir…
ORIANE MANCINI
Qui mettent à mal le statut de chercheur selon…
FREDERIQUE VIDAL
Mais pas du tout, puisqu'elles débouchent sur un emploi de titulaire, donc je ne vois pas en quoi ça met à mal quoi que ce soit, et qu'à chaque fois ce sont des emplois en plus. Vous savez, c'est un processus qui existe déjà, ça s'appelle Atip-Avenir, sauf que les Atip-Avenir ne permettent pas de recruter ensuite les lauréats de ces Atip-Avenir, eh bien maintenant, simplement, on vérifiera qu'ils ont fait ce qu'ils ont dit qu'ils devaient faire, et ils seront titularisés.
PASCAL JALABERT
Vous avez parlé de métropoles, vous savez que dans les villes moyennes on reproche à ce pays de tout concentrer dans les métropoles, l'université ne doit-elle pas faire un effort vers les territoires, notamment les villes moyennes ?
FREDERIQUE VIDAL
Mais, il ne vous aura pas échappé que nous avons ouvert 33 campus connectés, que nous allons en ouvrir une centaine, que je soutiens évidemment toutes les universités qui font des antennes et qui s'appuient sur les compétences qu'elles trouvent dans leur territoire pour penser une offre de formations qui soit adaptée. Vous savez, je l'ai fait à Cannes, je l'ai fait à Menton, je l'ai fait à Vence, je l'ai fait à Grasses, et donc si je l'ai fait moi-même c'est que je trouve que c'est très important d'avoir une visibilité internationale et d'être ancré dans son territoire, et c'est ce que j'encourage tous les présidents d'université à faire, trouvez votre signature, ce qui fait que votre université ne pourra ressembler à aucune autre et donc ce sera extrêmement important, et qu'elle soit totalement…qu'elle rayonne totalement sur son territoire et qu'elle devienne un partenaire incontournable, des collectivités, et du monde socio-économique.
ORIANE MANCINI
Et ce sera le message de la fin, merci beaucoup.
FREDERIQUE VIDAL
Merci beaucoup.
ORIANE MANCINI
Merci Madame la ministre d'avoir été avec nous ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 novembre 2020