Texte intégral
Q - Joe Biden est donc pour quatre ans le nouveau président des Etats-Unis malgré les rodomontades, les recours de Donald Trump ; il finira bien par s'en aller mais il laissera le Trumpisme en héritage et ça veut dire beaucoup. Biden à la Maison-Blanche : quelles conséquences pour la France et pour l'Europe ? Clément Beaune, vous êtes mon invité. Bienvenue. Vous êtes l'invité et vous nous parlerez de la victoire de Biden et en même temps, vous êtes secrétaire d'Etat à l'Europe naturellement, et vous direz comment agir ensemble, comment de nouvelles règles bientôt pour Schengen pourraient mieux protéger les Français du terrorisme islamiste.
(...)
A peine élu, le Président Joe Biden est déjà au travail avec ses équipes. Ce qui m'a frappé, c'est que, Clément Beaune, le Président de la République Emmanuel Macron, a été un des premiers à le féliciter avec les dirigeants de l'Europe. Alors je me suis demandé si c'était du zèle ou un hasard ?
R - Non, ce n'est ni du zèle, ni un hasard. D'abord c'est quelque chose qui se fait. Les Etats-Unis sont pour l'Europe et pour la France singulièrement un allié majeur qui demeurera un allié majeur et donc je crois qu'il était nécessaire, courtois et utile de féliciter rapidement M. Biden. Je note, puisque vous évoquez les réactions européennes - c'est pour ça qu'il n'y avait pas de hasard...
Q - A une minute près... ils étaient là tous à défiler...
R - Oui, exactement, les réactions européennes, en tout cas, se coordonnaient, elles étaient simultanées et elles portaient les mêmes messages d'accueil de cette victoire et de volonté de travailler ensemble à une relation américano-européenne qui soit meilleure.
Q - Cela veut dire une manière de montrer que l'Europe existe maintenant et on a envie de dire "pourvu que ça dure". Les deux hommes, Emmanuel Macron et Joe Biden ne se sont jamais rencontrés ou parlé ?
R - Je crois qu'ils se sont croisés à quelques reprises dans le passé mais ils ont à se connaître maintenant puisqu'ils ne sont pas connus dans des fonctions qui sont désormais, pour M. Biden, nouvelles.
Q - Et alors qu'est-ce qu'ils vont faire dans pas longtemps ?
R - Ils auront prochainement, en début de semaine prochaine, un échange téléphonique et ce sera le début d'une longue et forte coopération parce qu'au-delà des personnes, au-delà de celui ou celle qui à un moment donné occupe le fauteuil si je puis dire, avec les Etats-Unis il faut - et on l'a fait même pendant la présidence Trump, même quand c'était difficile - garder une relation étroite sur la sécurité, sur le commerce, sur l'anti-terrorisme etc.
Q - Avec Donald Trump, les relations personnelles n'étaient peut-être pas tout à fait mauvaises mais pas tout à fait bonnes mais c'étaient les relations politiques et diplomatiques qui, elles, étaient difficiles, imprévisibles ; il a servi de ciment à l'Europe, je ne dis pas à l'unité européenne mais à l'Europe... vous allez le regretter, peut-être ?
R - Non mais d'une certaine façon, oui parce qu'effectivement...
Q - Non ou oui ?
R - Oui, il a servi de ciment à l'Europe, Monsieur Elkabbach, parce que je crois qu'il a marqué par son style parfois difficile, parfois agressif, parfois brutal y compris à l'égard des Européens, qu'il y avait une nouvelle réalité géopolitique américaine ; il a capté aussi, je crois qu'il faut le comprendre, et cela demeure puisqu'on a vu qu'il a fait un bon résultat dans cette deuxième élection...
Q - Oui, 71 millions d'électeurs...
R - Absolument, il a augmenté le nombre de voix qu'il avait obtenues - on a vu d'ailleurs qu'au Sénat, on aura son origine majorité républicaine - donc le trumpisme, vous l'avez dit, n'est pas mort en ce qu'il exprime un malaise identitaire, culturel, social, économique et d'ailleurs, c'est aussi un enseignement, une leçon pour l'Europe. Chez nous, ça prend d'autres formes, populiste, radicale parfois, électorale ou autres, il y a un malaise...
Q - Et il faut que l'équipe américaine, elle s'en est rendue compte, cherche à rassembler et à réconcilier même si aujourd'hui Donald Trump n'a toujours pas réagi à la victoire de son rival, mais il n'aime pas les défaites, Donald Trump...
R - Mais on va attendre sa réaction.
Q - Mais on voit bien qu'il gardera son influence d'une manière ou d'une autre.
R - Oui, en tout cas je pense qu'il a capté... ce qu'il a exprimé en 2016, demeure, ça c'est clair, dans les relations commerciales, dans le rapport à la Chine, dans l'inquiétude qu'il a exprimée, chez beaucoup de travailleurs américains, de classes moyennes américaines, cette espèce d'impression de ne pas être considérés, de pas être pris en compte et d'être victimes de la mondialisation. Et ça, on l'a en Europe aussi.
Q - Et dès son premier tweet, Emmanuel Macron a proposé : "face aux défis du monde, à agir ensemble". Est-ce que tout de suite, ce n'est pas, si vous permettez, une forme d'allégeance à l'Amérique d'aujourd'hui et de Biden ?
R - Non je ne crois pas. C'est mal connaître le Président de la République et c'est mal connaître nos positions...
Q - Mais c'est connaître aussi les réalités.
R - Oui, mais qu'il y ait une puissance américaine, c'est incontestable, je ne vais pas vous dire le contraire ; qu'il y ait, je crois, la nécessité de ne pas, justement, dépendre, ou prêter allégeance, en Europe, en France singulièrement, mais en Europe, des Etats-Unis, là je crois que c'est une nécessité et c'est peut-être une nouveauté que le Président de la République s'est beaucoup engagé à construire ; cette souveraineté européenne, cette affirmation européenne, il la porte ; cela n'empêche pas évidemment de coopérer par exemple sur le climat, plus, mieux j'espère, avec les Etats-Unis dans les années qui viennent.
Q - Justement, une des promesses et décisions de Joe Biden sera justement de rejoindre l'accord de Paris sur le climat ; ce sera un bon retour et important pour la lutte contre le changement de climat. Est-ce que ça peut être l'occasion pour Emmanuel Macron de l'inviter à venir à Paris ?
R - Sans doute, je ne dis pas les choses à la place du Président de la République. Sans doute, il l'invitera prochainement à Paris. Nous fêterons dans quelques jours le 5e anniversaire de l'accord de Paris, je ne sais pas si ce sera cette occasion ou plus tard, mais il y aura une conversation dans les prochains jours... Il sera certainement invité à Paris, le Président de la République le dira, mais en tout cas il y aura une relation, - M. Trump avait été aussi d'ailleurs invité à Paris -, cela fait partie de la relation franco-américaine. Juste un point là-dessus : je crois qu'il ne faut pas, non plus, se tromper ; on a vu beaucoup de belles choses hier : le discours de Kamala Harris, un discours de la Vice-présidente et du Président élu très unificateur, très rassembleur, tant mieux ; on avait besoin de cet apaisement sans doute aux Etats-Unis. Mais je crois qu'il ne faut pas croire comme un enfant qui attendrait d'un adulte de l'autre côté de l'Atlantique, une forme de récompense ou une forme de bienveillance. Tant mieux si la relation transatlantique est bonne, tant mieux si elle s'améliore, notamment sur le climat ; elle restera parfois compliquée peut-être sur d'autres sujets, mais surtout, ce qui est très important pour les Européens, c'est qu'ils n'attendent pas leur avenir des Etats-Unis. L'Europe doit apprendre, et c'est très nouveau, cela paraît peut-être évident ...
Q - Mais il y a des Etats européens qui sont timorés et qui préfèrent la protection des Etats-Unis, qui ont marqué déjà dans le temps, peut-être qu'ils le marqueront encore, qu'il y a une sorte de crainte de se retrouver tout seuls entre Européens.
R - Ça arrive bien sûr en Europe et je crois que nous avons été fers de lance de cette idée de souveraineté européenne. Mais regardez, les choses ont beaucoup bougé ; d'abord ne serait-ce que - c'est symbolique - mais cette coordination européenne, pour saluer le Président élu, M. Biden et sa Vice-présidente. Mais je crois que cette idée en matière de défense, sur la 5 G, sur le climat, sur le commerce, sur la taxation du numérique par exemple, sur beaucoup d'autres dossiers qui font notre indépendance ou qui feront l'indépendance européenne, la France a été sans doute en pointe, mais les Européens ont bougé. Je crois que cet acquis, il faut le consolider mais il demeure dans la relation franco-allemande et dans les relations européennes.
Q - Mais vous n'êtes pas frappé, Clément Beaune, de voir à quel point l'Amérique est dans nos têtes, peut-être dans nos coeurs mais dans nos têtes ?
R - Si, c'est très frappant, c'est intéressant d'ailleurs, même chez... on me considère parfois encore comme un peu jeune, mais chez les beaucoup plus jeunes que moi, je voyais sur les réseaux sociaux, dans les réactions, beaucoup de jeunes saluent l'élection du président américain, Joe Biden, sans doute plus qu'ils célébreraient une élection nationale ou une autre élection européenne. Notre imaginaire est encore très américain. C'est comme ça. Je ne veux pas qu'il soit trop américain et j'aimerais qu'il soit plus européen parce qu'on l'a vu, on a regardé le décompte, parfois comté par comté, dans le Wisconsin, plus que l'on s'intéresse à l'élection dans un Land allemand ou dans une province italienne. Intéressons-nous à ce qui se passe en Europe, c'est plus important pour nous.
Q - J'ai dit tout à l'heure que le Président Biden et la Vice-présidente étaient déjà au travail ; ils sont en train de choisir les ministres, les collaborateurs ; ça prendra un certain temps. Mais on peut imaginer que parmi les collaborateurs, beaucoup auront été ceux de Bill Clinton et de Barack Obama, je pense en particulier à Anthony Blinken qui a fait tous les présidents, et qui pourrait se retrouver avec des fonctions importantes. Alors, le Président de la République française devait se rendra à Vienne demain. Et en fait, c'est vous qui allez rendre une visite de solidarité au chancelier Kurz et à l'Autriche. L'Autriche se croyait épargnée, elle vient d'être endeuillée par des attentats. Est-ce qu'à cette occasion, l'Europe n'a pas pris conscience que, partout, elle peut être la cible des islamistes ?
R - Oui je serai effectivement demain à Vienne pour rendre cet hommage ; le Président de la République aura l'occasion dans les prochains jours de se ré-entretenir avec le chancelier Kurz pour porter un certain nombre d'initiatives européennes communes, on pourra y revenir. Mais vous avez raison, je crois que l'attentat de Vienne, malheureusement, a ouvert les yeux de beaucoup d'Européens, de médias, de responsables politiques qui pensaient dans un certain confort, parfois dans une certaine paresse intellectuelle, que c'était "seulement" entre guillemets, la France qui était visée, que c'était parfois la laïcité qui était attaquée et elle est attaquée par les islamistes et par le terrorisme islamiste. Mais c'est plus qu'un concept assez français, celui de la laïcité, plus qu'un modèle spécifique, le nôtre, c'est un modèle européen, ce sont des valeurs européennes, c'est un mode de vie européen, une liberté d'expression notamment....
Q - D'accord, mais c'est la France qui est la plus menacée parce qu'on dit souvent que la menace est d'un niveau élevé, on nous le répète ; mais là, est-ce qu'on peut dire que c'est vrai avec des attentats prévus et même préparés par Al-Qaïda et Daech ? Et dans ces conditions, est-ce qu'il faut adapter le droit en fonction de cette menace terroriste pour les prévenir ?
R - Alors je ne suis pas ministre de l'Intérieur, ce n'est pas moi qui vais certainement vous révéler des projets d'attentats ou autres ; le ministre de l'Intérieur, le Président de la République l'ont rappelé à plusieurs reprises, nous déjouons, - là aussi malheureusement, tant mieux si nous les déjouons, malheureusement, si les projets existent, - des tentatives d'attentats, régulièrement, plus de trente depuis le début du mandat du Président de la République. Ce qui montre l'efficacité aussi de nos services de police et de renseignement mais la réalité est très grave et durable, il faut être clair, de la menace terroriste en France et en Europe.
Q - Est-ce qu'on change le droit pour ça ?
R - Alors changer le droit...
Q - Ou on l'adapte ?
R - On l'adapte régulièrement, on l'a fait depuis le début du mandat. On va l'adapter encore dans certains domaines avec le projet de loi que portera Gérald Darmanin à partir du début du mois de décembre. Mais si la question, c'est seulement : est-ce qu'il faudrait sortir de telle ou telle convention européenne ? Est-ce qu'il faudrait changer notre Constitution ? Certains d'ailleurs veulent la changer pour mettre des choses - moi je n'ai toujours pas bien compris l'intérêt - qui existent déjà, comme la laïcité. L'intérêt, c'est de changer le droit s'il y a besoin de changer le droit, mais c'est surtout d'agir. Et c'est recruter des effectifs - on l'a fait dans les services de renseignement, plus de mille nouveaux effectifs depuis le début du mandat, ce sont nos forces de police et de gendarmerie, 10.000 recrutements aussi, c'est ça essentiellement qu'il faut faire...
Q - Le discours des Mureaux et en même temps à la Sorbonne servent de prétexte, peut-être de raison et de détonateur au déclenchement de cette vague antifrançaise et cette vague fanatique. Certains musulmans montrent bien qu'ils ne comprennent pas la défense des libertés, du droit et en même temps de la laïcité et c'est un mot qui n'existe même pas en arabe ; c'est ce que nous disait ici, la semaine dernière, Sadek Beloucif qui est professeur, chef du service Réanimation et anesthésie à l'hôpital de Bobigny, et en même temps président d'une fondation pour l'islam. Ecoutez-le.
Sadek Beloucif, président du conseil d'orientation à la Fondation de l'islam de France - Laïcité, en arabe, la traduction la plus commune, c'est al-almaniyeh... Ça vient de (inaudible) qui est "savoir", mais quand on rajoute "yeh"... ça devient finalement l'intégrisme du savoir intellectuel, c'est-à-dire en fait comme si c'était cet élément... la puissance du savoir qui devient sans limite, ce qui fait une sorte d'intégrisme du savoir revient à la négation de la religion.
Q - Voilà, ils prennent le respect de toutes les religions pour une provocation à leur égard. Et comment bien montrer que l'islam, ce n'est pas l'islamisme et que l'islamisme terroriste, ce n'est pas l'islam ; d'ailleurs Jean-Yves Le Drian est en ce moment au Caire et il a rencontré son ami le Président Sissi ; il paraît qu'il a assuré que la France a un profond respect pour l'islam. C'est-à-dire qu'il faut répéter partout, téléphoner comme le fait le Président de la République, comme peut-être vous, comme Jean-Yves Le Drian, à tous les dirigeants arabes, arabo-musulmans, pour leur dire : on nous a mal compris. Il faut faire de la pédagogie, quoi.
R - Il faut être très clair : on ne va pas reculer ou s'excuser sur le mot de laïcité et sur notre modèle de laïcité. Vous avez dit : le terme de laïcité n'existe pas en arabe ; c'est vrai, il n'existe pas non plus en anglais ou en allemand ; il est assez singulier et spécifique à la France. Et je crois que ça doit être notre fierté ; ce n'est pas une survivance du passé ou une scorie de l'histoire ; c'est notre modèle et notre identité profonde.
Q - Donc, il faut continuer à le défendre ?
R - Il faut continuer à le défendre, à ne jamais reculer mais à l'expliquer certainement parce que d'autres essayent de faire des amalgames délibérément. C'est ce que fait par exemple effectivement par ses déplacements Jean-Yves Le Drian ; c'est ce qu'a fait le Président de la République en parlant par exemple à Al-Jazeera ; il faut aller mener ce combat culturel et cette explication.
Q - Mais vous vous rendez bien compte que dans les milieux urbains et ruraux, en ce moment, le fondamentaliste gagne du terrain, touche les esprits et devient un pouvoir clandestin. On a l'impression qu'on profite de la démocratie et de ce qu'elle permet de faire pour mieux la combattre et à terme, éventuellement, la conquérir.
R - C'est vrai et vous savez, c'est toujours un risque dans la démocratie qu'on la voit, parce qu'elle est délibérative, parce qu'elle est ouverte et c'est sa force en réalité, on peut penser que c'est sa faiblesse. On peut penser que du coup elle se laisse conquérir, contaminer....
Q - Mais vous ne pensez pas que nous répéter "on ne lâchera rien, on ne cèdera pas, on ne tombera pas dans le piège", les djihadistes s'en fichent complètement et qu'il faut changer de disque ?
R - Ce n'est pas une question de changer de disque ; je crois qu'il faut le dire mais il faut le faire surtout. Et on le fait en fermant des lieux de radicalisation, on le fait en expulsant des étrangers radicalisés et dangereux ; on le fait par l'action des services de police et de renseignement ; on le fait en condamnant ceux qui mettent en ligne des provocations radicales et terroristes. Donc, pardon d'insister là-dessus, ce n'est pas seulement des mots, ce sont des actes et d'ailleurs ça doit être aussi des actes européens.
Q - Alors, Emmanuel Macron veut pour l'Europe une doctrine et une méthode commune ; en décembre, est-ce qu'il va profiter du sommet des 27 chefs d'Etat et de gouvernement pour lancer, comme il l'a dit, des initiatives nouvelles ? Et je prends le fait que vous étiez à ses côtés au Perthus dans les Pyrénées orientales vendredi, où il a proposé de refonder les règles de Schengen. Comment ? J'ai envie de dire : c'est-à-dire ?
R - Alors d'abord pour redire en un mot ce qu'est Schengen, Schengen, c'est un accord qui crée un espace où on circule librement ; donc c'est une bonne chose et c'est un acquis important, au sein des pays qui en font partie, c'est-à-dire à peu près l'Union européenne, une trentaine de pays européens. La condition de cette libre circulation au sein de notre espace, c'est qu'on doit avoir des frontières extérieures bien protégées. Est-ce complètement le cas aujourd'hui ? Non...
Q - Depuis longtemps, on a renforcé Frontex avec toute l'Europe, avec des armes, des navires, loués ou achetés, et qui servent à protéger l'Europe et ses frontières extérieures. La question : est-ce qu'on va toucher aux frontières nationales ?
R - Alors sur les frontières extérieures, puisque vous l'évoquez, ce qu'on appelle Frontex, ce sont des polices aux frontières européennes ; c'est un embryon aujourd'hui, il y a à peu près 1.500 personnes. Notre objectif, c'est de passer à 10.000 ; c'était d'ailleurs une promesse qu'avait fait Emmanuel Macron pour la campagne ; on a pris le chemin et dans le nouveau budget européen, on a les financements pour le faire ; donc on va passer de 1.500 à 10.000, c'est un changement de nature profond pour protéger nos frontières extérieures, aider par exemple la Grèce, l'Espagne ou l'Italie qui ont des arrivées parfois importantes de migrants à protéger les frontières extérieures et assurer notre sécurité. Le but, c'est que parce qu'on a des frontières extérieures bien protégées, on ne remette pas en cause la libre circulation aux frontières intérieures. Cela ne veut pas dire qu'il y a zéro contrôle. Le déplacement du Président de la République au Perthus, jeudi, l'a montré avec l'Espagne, on le fait aussi avec l'Italie, nous le faisons d'ailleurs depuis 2015 puisqu'il y a une menace terroriste ; nous avons des contrôles conjoints, coopératifs, ciblés que nous renforçons puisque nous doublons les effectifs qui sont aux frontières. Et c'est très important et ce n'est pas de la naïveté ; ça ne veut pas dire fermer ces frontières-là. Pourquoi ? Ce n'est pas, contrairement à ce que dit Mme Le Pen et ses amis, ça n'est pas parce qu'on est naïfs et qu'on a une religion, comme elle dit parfois, du "sans-frontiérisme", moi, je ne sais pas bien ce que ça veut dire, mais ça ne veut pas dire qu'on est ouvert à tous vents à l'intérieur de l'Europe... Mais je prends un exemple...
Q - Oui, attendez, l'autre exemple que je veux prendre, c'est que la plupart de ceux qui ont commis des actes terroristes là, étaient passés par des frontières européennes et françaises. Donc il y a peut-être un moyen...
R - Attendez, c'est très important, pardon là-dessus parce que je voulais dire aussi, bien sûr, il y a des terroristes qu'il faut suivre et tracer, il faut au départ qu'ils ne rentrent pas dans l'Union européenne ; c'est pour ça que le point clé, - parce que sinon, ils commettront un attentat terroriste ailleurs en Europe-, et ce n'est pas mieux d'avoir un attentat terroriste à Rome, à Vienne, qu'à Paris ; donc le but, c'est qu'ils ne rentrent pas dans l'Union européenne, que s'ils sont entrés, on les identifie et on les reconduise. Et je le dis parce que sur les frontières, c'est quand même important, vous avez aussi 350.000 travailleurs français et leur famille qui en dépendent, qui tous les jours passent une frontière européenne pour aller travailler. Donc, fermer complètement, je crois que c'est non seulement une illusion, mais c'est une erreur.
Q - Vous allez avoir les attaques de l'opposition qui depuis longtemps réclame une modification de Schengen.
R - Nous aussi, on la demande depuis plus de deux...
Q - Oui, oui mais il faut dire que ça fait beaucoup de tam-tam pour pas beaucoup de résultat...
R - Non... Frontex par exemple !
Q - Nicolas Sarkozy l'avait proposée dès 2012 sans pouvoir d'ailleurs l'appliquer et il était revenu en 2016 sur la proposition de recréer ou réformer Schengen. C'est difficile. Est-ce que vous y arriverez et est-ce que tous les Etats d'Europe seront d'accord ?
R - Bien sûr, c'est difficile mais d'abord, on ne peut pas dire que rien ne s'est passé ; nous avons créé les coopérations policières, judiciaires et contrôles terroristes. Je prends un exemple, c'est très important, sur la coopération européenne - ça touche aussi à la circulation - M. Abdeslam qui a commis les attentats au Bataclan, dont on va malheureusement commémorer l'anniversaire et la mémoire des victimes, il a été arrêté en Belgique par une coopération policière franco-belge et grâce au mandat d'arrêt européen, il a été remis immédiatement aux autorités françaises....
Q - Mais les Etats qui refuseraient la réforme de Schengen, est-ce qu'ils seraient sanctionnés ?
R - Oui, je crois qu'il faut être clair pour être très concret, la réforme de Schengen c'est quoi ? C'est de dire : on a un acquis commun qui est cet espace de libre circulation, de mobilité ; on doit être très ferme aux frontières extérieures. Les Etats qui ne sont pas capables de contrôler les frontières extérieures de manière ferme, forte, protectrice, doivent être sanctionnés, peut-être financièrement, peut-être s'ils ne font rien par l'exclusion de cet espace Schengen ; il faut qu'on regarde cela, mais c'est ce type de propositions que nous allons faire dans les prochaines semaines. Et nous avons déjà par exemple renforcé Frontex, donc je pense que ce chemin va se poursuivre.
Q - Mais Bernard Cazeneuve avait déjà décidé de renforcer Frontex, le responsable de Frontex était venu ici même sur CNews...
R - C'est vrai, mais il faut continuer, c'est très important.
Q - L'objectif de vous tous est de lutter contre les immigrés clandestins et les trafiquants en tous genres qui souvent sont liés à des réseaux terroristes. Ça, c'est un refrain qu'on entend cent fois, mais est-ce qu'en même temps, ce n'est pas difficile parce qu'il ne faut pas faire de chaque migrant un terroriste potentiel. Alors comment on se comporte ?
R - Bien sûr. Ça veut dire justement avoir des contrôles très stricts aux frontières extérieures parce qu'il faut démanteler les trafics, les réseaux ; on le fait aussi par ces contrôles ciblés aux frontières intérieures, sans empêcher les passages essentiels, économiquement, pour les travailleurs frontaliers. Vous avez raison, il ne faut surtout pas tomber dans l'amalgame qui renforcerait d'ailleurs l'adhésion et la radicalisation terroriste...
Q - C'est ce qu'ils cherchent d'ailleurs...
R - Exactement, c'est ce qu'ils cherchent, ce serait un cadeau à leur faire ; ne faisons non seulement pas d'amalgame entre l'islam et l'islamisme, entre l'islam et le terrorisme islamiste mais pas d'amalgame non plus entre l'immigration et le terrorisme. On doit vérifier notre immigration pour vérifier qu'elle ne menace pas notre sécurité. Mais cela n'est pas vrai de dire que c'est l'immigration qui a un signe égal avec le terrorisme.
Q - Vous êtes presque plus clair qu'Emmanuel Macron. Il a dit, je vais citer cette phrase parce qu'elle est importante et en même temps drôle : "Il est faux de dire que le terrorisme est réductible à l'immigration... Mais nous serions inefficaces de dire qu'il n'y a pas une part de terrorisme liée à une forme d'immigration". Pourquoi ne pas dire : il y a parfois des terroristes parmi les migrants - c'est plus clair - mais tous les migrants ne sont pas des terroristes ?
R - Je vois que vous l'avez très bien compris, donc c'est très clair...
Q - Oui mais il n'y a pas que moi.... Il y a le lecteur ou celui qui écoute...
R - Je crois, Monsieur Elkabbach, que les lecteurs le comprennent comme vous, mais s'il faut le redire autrement, on le redit autrement ; c'est exactement ça. Je prends un exemple : sur les 30 dernières personnes qui ont commis des attentats terroristes, 22 sont français nés en France. Donc vous voyez que ce serait une erreur de mettre ce signe égal.
Q - Et quand ce sont des étrangers, on essaie de les mettre dehors ; Gérald Darmanin est en ce moment à Tunis et à Alger pour renforcer la coopération et la lutte contre le terrorisme islamiste dont souffrent ces pays eux-mêmes. Donc, je les vois mal accueillir tous les gens jugés et condamnés en France. Mais c'est autre chose et on verra les résultats...
R - Ce n'est pas ça qu'on demande, c'est démanteler ensemble les filières et les réseaux.
Q - Erdogan : un jour, il injurie Angela Merkel, un autre jour, il insulte Emmanuel Macron au nom d'un nationalisme exacerbé ou fanatisé ; il cherche l'affrontement entre les uns et les autres. Jusqu'à quand on va le laisser faire ?
R - C'est la France qui a sifflé la fin de la récréation si je peux le dire ainsi...
Q - On voit les résultats ! Parce que la partie continue !
R - Bien sûr que M. Erdogan est toujours Président turc et ça, ce n'est pas à nous de le choisir. Mais, en revanche, sur la naïveté européenne, l'illusion, la grande Illusion européenne sur M. Erdogan, je crois que nous avons été les premiers, le Président de la République a été le premier à le dire : vous vous trompez. La Turquie, ça n'est pas la démocratie chrétienne de l'autre côté du Bosphore, ça n'est pas cela. Et donc il y a une stratégie turque. Ce n'est pas une question - même si c'est à la fois brutal et profondément inconvenant - d'insultes et d'invectives, c'est une question de stratégie d'ensemble de déstabilisation partout dans la région.
Q - Trois questions très précises : la Turquie fait partie de l'OTAN, officiellement c'est notre alliée, en réalité c'est un conquérant ou un provocateur. Il avait le soutien peut-être de Trump. Aujourd'hui, est-ce qu'il est impossible de l'exclure de l'OTAN ?
R - On n'en est pas là, mais nous avons été les premiers à dire que nous devions sanctionner les comportements qui ne sont pas, non seulement dignes, mais acceptables de la part d'un allié, comme on l'a vu en mer contre un bateau français. Donc il y a eu cette ambiguïté dont a joué la Turquie, en effet en disant : moi je suis dans l'OTAN, donc je ne peux pas mal faire puisque je suis, par définition, un allié.
Q - Et alors !? On le sort ou on le garde ?
R - Ecoutez, s'il y a encore des incidents, on pourra effectivement se poser cette question mais il faudra être d'accord avec tous et un des problèmes qu'on avait précisément, c'est que les Américains refusaient de voir la réalité turque. J'espère que ça va changer avec l'administration Biden.
Q - Je prends encore deux exemples : en France, 150 mosquées sont dirigées par des imams turcs qui sont nommés et payés par M. Erdogan. Ce sont des soldats d'Erdogan qui sont là en mission dans les pays européens. Ça va durer jusqu'en 2024 où nous aurons des imams français. C'est interminable !
R - Non, alors il y a des mesures qui sont prises, qui peuvent aller jusqu'à l'exclusion beaucoup plus rapide que cela ; le chiffre que vous donnez, moi je ne peux pas vous le confirmer parce qu'il n'est pas établi par le ministère de l'Intérieur, donc je suis prudent sur le chiffre mais qu'il y ait des cas, peut-être quelques dizaines de cas, bien sûr et nous agirons sans attendre 2024, évidemment, je vous rassure.
Q - Troisième question : il détient dans des camps, monsieur Erdogan, quelques millions de migrants et il menace régulièrement d'ouvrir ses frontières et de laisser déverser ces migrants vers l'Europe ; ce qui fait que l'Europe le craint. Jusqu'à quand il sera ménagé, alors qu'on sait ce qu'il veut ?
R - C'est justement - et parfois ça a été difficile avec l'Allemagne - c'est justement ce que nous avons changé. M. Erdogan nous mettait sous pression - je le dis de manière cynique - c'est lui qui est cynique, avec cette pression migratoire, en utilisant les migrants comme un outil contre l'Europe. Ce qu'il a fait encore au mois de février ; il a, c'est la réalité, lancé des centaines et des milliers de malheureux migrants sur son territoire vers la frontière grecque, il a organisé cela.
Q - Donc on le redoute...
R - Oui, mais justement, je crois que la différence, sous l'impulsion notamment de la France et de la Grèce à l'époque, c'est que nous avons tenu ; nous n'avons pas fait un chèque à monsieur Erdogan ; nous n'avons pas dit : malheureusement nous sommes sous pression...
Q - Mais on lui fait le chèque de l'Europe pour qu'il garde les migrants...
R - Non, non, attendez, j'y viens parce que nous sommes en train de changer de stratégie, c'est très important et à la frontière grecque, au mois de février, nous avons tenu ; nous avons aidé les Grecs à tenir cette frontière européenne. Ça n'était pas pour être anti-migrants, mais c'est parce qu'on ne peut pas accepter cette instrumentalisation, cet amalgame et cette pression. Mais M. Erdogan a joué ce jeu parce qu'effectivement, en 2016, l'Europe avait signé un accord avec lui. Je crois que la meilleure façon de faire, vous savez, pour être une puissance souveraine, il n'y en a pas deux, c'est d'être indépendant, de ne pas être dépendant. Comment on le fait ? En gérant nous-mêmes nos frontières, en soutenant les pays qui sont à la frontière comme les Grecs, comme les Italiens, comme les Espagnols, en revoyant notre politique migratoire pour reconduire plus vite, pour que ce soit nous qui ayons les outils de la politique migratoire et pas lui. Tant que ce sera lui, effectivement, nous serons dépendants.
Q - Joe Biden, j'y reviens, est en train d'annoncer ou va annoncer ses premières décisions et il l'a déjà dit et Kamala Harris aussi : mobiliser contre le Covid, essayer de lutter beaucoup mieux contre le virus qui a fait au moins 250.000 morts, relancer l'économie des Etats-Unis, prendre différentes mesures, on va voir, avec l'Europe. Est-ce que vous pensez que les Américains peuvent revenir vers l'accord nucléaire avec l'Iran ?
R - Alors, on va le voir, M. Biden a montré sa disponibilité à le faire ; il a posé quelques conditions qui, honnêtement, devront être précisées ; il a dit : si l'Iran - je crois - reprend des engagements ou respecte l'accord qui avait été conclu quand il était vice-président, sous M. Obama, mais il a montré son ouverture à le faire. Tant mieux. Il a montré aussi, on l'a dit, sa volonté, pour le coup sans aucune ambiguïté, de revenir dans l'accord de Paris et j'espère aussi, puisque vous parliez de la Covid, dans l'Organisation mondiale de la santé, qui a ses défauts, mais qui est le seul cadre qu'on ait pour coopérer.
Q - Donald Trump, encore un mot sur lui, laisse une société qui est marquée par la haine et quelques violences ; une Amérique qui est coupée en deux, en deux blocs qui sont armés et parfois prêts à en découdre. Quelle leçon vous en tirez pour la France ?
R - Celle que je vous disais : d'abord quand on est un responsable politique, on a précisément une responsabilité, une éthique, qui est celle de ne pas fracturer, de rassembler ; cela ne veut pas dire ne rien faire ; je crois que c'est la réforme et le rassemblement. Il y a quelque chose qu'il faut entendre chez M. Trump de 2016 mais aussi de cette élection de 2020, c'est le malaise qu'il a capté, comme je le disais. Et ça, cela existe en Europe aussi ; les tensions, la fracturation, l'impression d'une partie de la société, presque, probablement, une moitié de la société que la mondialisation, ce n'est pas pour eux, qu'ils perdent leur job....
Q - D'accord, oui.... Est-ce que vous croyez qu'en ce moment, on est en train de résoudre cette crise renforcée et aggravée par le Covid ? Par exemple, le plan de relance qui était à cent milliards, est-ce qu'il ne faut pas l'augmenter, étant donné tous les besoins ?
R - D'abord, le plan de relance, ce n'est pas la seule réponse ; les 100 milliards, c'est un petit bout - pardon de le dire - de la réponse économique que l'on mène ; nous avons encore ajouté 20 milliards d'euros. Mais pour les gens, ça, c'est des grands chiffres ; ce qui est important - là je crois que c'est aussi très clair - il y a eu un modèle européen de réponse à cette crise pour éviter justement d'avoir les fractures américaines. 750 milliards d'euros...
Q - Il faudrait les verser un peu plus vite...
R - Oui. J'espère que dès la semaine prochaine, nous pourrons annoncer une bonne nouvelle, c'est que le plan de relance sera complet, voté ; c'est quand même inédit que l'Europe se soit mobilisée à cette hauteur-là et plus important encore : regardez comment la crise a été gérée sur le plan social aux Etats-Unis ; il n'y a pas le chômage partiel, il n'y a pas le soutien aux entreprises qu'on connaît aujourd'hui....
Q - Donc, ce n'est pas un exemple. Vous avez dit 750 milliards, vous êtes très contents, on est très contents.... Mais étant donné les besoins, certains demandent que ce soit un peu plus ; est-ce qu'on ne peut pas aller jusqu'à mille milliards, puisque vous parlez beaucoup avec Mme von der Leyen et avec les commissaires européens ?
R - Il faut faire probablement plus, mais il faut surtout faire plus vite, parce que les 750 milliards pour l'instant, ils sont théoriques, ils sont dans une petite bulle à Bruxelles et il faut qu'ils arrivent sur le terrain. Quand on aura déjà les 750 milliards d'euros sur le terrain, en France et ailleurs, je crois que ce sera très important. Et puis vous avez raison, il ne faut pas avoir de tabou : s'il faut aller plus loin, on ira plus loin.
Q - Vous souhaitez qu'on aille plus loin ? Soyons concrets !
R - Je souhaite qu'on aille plus loin sur l'ensemble des réponses économiques : c'est le plan de relance, mais c'est aussi tout ce qu'on fait pour le soutien aux trésoreries, pour le chômage partiel, et l'Europe peut aider là-dessus...
Q - C'est-à-dire en France et en Europe...
R - En France et en Europe mais d'abord allons vite et faisons avec ce que nous avons entre les mains.
(...)
Q - Pour terminer, vous êtes très proche d'Emmanuel Macron ; vous ferez sans doute sa campagne 2022 comme vous avez fait celle de 2016-17. C'est vrai qu'on n'a pas le souvenir d'un Président de la République tout au long de la 5e qui ait eu à faire face au même moment à tant de crises simultanées. Mais, Emmanuel Macron a tout le pouvoir, il veut l'assumer dans un exercice solitaire qui ne lui déplaît pas et qui lui est quelquefois reproché. Le résultat, c'est qu'il va prendre tous les coups et tous les reproches et qu'il les prend !
R - Je ne crois pas. Vous parliez du Général de Gaulle, on a les institutions de la 5e République, ce n'est pas une découverte qu'il y a une forte concentration du pouvoir dans l'exécutif et dans la figure du Président de la République. Mais on le voit d'ailleurs, moi, je suis toujours surpris, un coup c'est l'un, un coup c'est l'autre ; un coup on dit : c'est le Président qui parle ou qui parle trop et puis après, on dit : il laisse le Premier ministre en première, le gouvernement en première ligne. Je crois qu'il y a une répartition des choses. Quand il y a des décisions aussi centrales et qui touchent nos vies quotidiennes et qui sont dures pour les Français - l'annonce du couvre-feu ou aujourd'hui d'un confinement - il est normal que ce soit le Président de la République qui l'assume, qui l'explique, mais à tous ceux qui expliquent qu'il n'y a pas de débat parlementaire etc... bon...
Q - Oui, oui, on l'a vu.... il y a même des éléments de votre majorité qui ne sont pas là quand il faut voter des textes importants même si la Constitution permet de refaire voter sur le même texte...
R - C'est important parce que vous parlez de l'incident qui a eu lieu je crois, lundi soir en séance. Il y a surtout un manque de responsabilité de ceux qui se réjouissent de ce genre de mauvais coups... c'est assez lamentable...
Q - Et la responsabilité de ceux qui n'étaient pas là...
R - Bien sûr, (inaudible)....
Q - En trois ans à l'Elysée, face aux conflits et aux confrontations souvent brutales, vous qui le voyez, est-ce qu'il a vraiment changé ? Je veux dire : est-ce qu'il est le même ? Il n'a pas pris de l'étoffe ? Qu'est-ce qui lui faut ?
R - Je ne rentrerai pas dans des commentaires personnels parce que ce n'est ni mon rôle, ni mon style...
Q - Non, mais vous travaillez avec lui...
R - Bien sûr, mais oui, il y a eu une forme, je crois que le Président, j'avais d'ailleurs été très frappé par ça dès le premier jour, avait la gravité de la fonction - il connaissait l'Elysée d'ailleurs, il avait aussi été ministre...
Q - Oui mais là, il a une succession de crises...
R - Bien sûr, je crois que c'est inédit d'avoir eu cette conjonction, ce triangle si je puis dire, sombre de la crise sanitaire, la crise économique, la crise sécuritaire.... Donc oui, il y a plus de gravité ; il y a plus de volonté d'attention, d'explication, de protection, même si ça faisait partie des mots d'ordre du Président dès le début : "libérer, protéger" - on oublie un peu le deuxième élément qu'il a toujours défendu. Mais je crois que cet élément de rassemblement, d'explication et de protection, c'est plus fort maintenant mais c'est normal.
Q - Et il n'est pas passé de "en même temps" à "à droite toute" ?
R - Non je ne crois pas ; vous savez, ce n'est pas un secret, moi je viens de la gauche, lui aussi d'ailleurs, et je me retrouve dans des éléments de son projet, dont l'Europe, mais je crois que c'est une caricature un peu paresseuse de vouloir présenter le Président de la République comme un président qui aurait glissé vers la droite. Ce n'est pas vrai.
Q - Alors demain, à Colombey, le Président de la République va rendre hommage à son illustre prédécesseur dont nous avons beaucoup parlé et qui est si actuel, on l'a montré tout à l'heure. L'hommage à l'homme du 18 juin, de la décolonisation, de la dissuasion nucléaire, le fondateur de la 5e République. L'Anglais Julian Jackson lui consacre une biographie...
R - Merveilleuse biographie...
Q - Merveilleuse, qui me semble presque définitive..., alors j'ai envie de dire bonne soirée, malgré le confinement. De Gaulle recommandait, je le cite, de guetter dans l'ombre les lueurs de l'espérance. Nous finirons bien tous ensemble par vaincre le satané virus.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 novembre 2020