Texte intégral
ORIANE MANCINI
Et notre invitée politique ce matin, c'est Olivia GREGOIRE. Bonjour.
OLIVIA GREGOIRE
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Secrétaire d'Etat chargée de l'Economie sociale, solidaire et responsable. On est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la Presse quotidienne régionale, représentée par Fabrice VEYSSEYRE-REDON.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Bonjour Fabrice.
OLIVIA GREGOIRE
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Fabrice, des journaux du groupe EBRA, ce sont les journaux régionaux de l'Est de la France. On va commencer Olivia GREGOIRE avec ce déplacement hier d'Emmanuel MACRON dans les Pyrénées Orientales. Emmanuel MACRON qui a dit qu'en réponse à l'intensification de la menace terroriste, il allait doubler le nombre de postes de contrôles aux frontières nationales. Est-ce qu'il y a un lien entre l'immigration clandestine et le terrorisme ?
OLIVIA GREGOIRE
Il y a surtout un lien entre, on l'a peut-être oublié, mais je veux le rappeler ce matin, que l'on a oublié entre ce que nous disions pendant la campagne européenne, moi je me souviens bien d'en avoir parlé, cette campagne que la République en Marche ! a menée auprès des Français. C'est rien de nouveau, nous avions déjà parlé de Schengen, le fait qu'il fallait regarder la situation avec lucidité et pragmatisme. Nous avons malheureusement ces dernières semaines, beaucoup trop d'exemples, que ce soit à Nice, mais aussi que ce soit à Vienne, que ce soit dans l'Europe, d'une tension qui est continue, et il devient important je pense, et je crois que c'est à l'agenda 2021 de l'Europe, donc là aussi rien de nouveau, on se pose ensemble autour de la table, en Europe, sur la politique migratoire. Il est grand temps, il en va de la sécurité de l'ensemble des pays membres, pas uniquement de la France, et c'était encore une fois une chose que le président de la République avait annoncé lors de la campagne européenne.
ORIANE MANCINI
Mais c'est vrai que le président de la République, on l'entend parler des frontières européennes, dans tous ces discours il parle rarement quand même des frontières nationales, pour lui les frontières, ce sont l'Europe.
OLIVIA GREGOIRE
Tout à fait.
ORIANE MANCINI
Est-ce qu'en disant ça, en étant à la principale porte d'entrée finalement de l'immigration clandestine, l'une des principales en tout cas, la frontière franco-espagnole, est-ce qu'il reconnaît que les frontières nationales sont trop poreuses aujourd'hui ?
OLIVIA GREGOIRE
Je ne crois pas, il reconnaît surtout quelque chose qu'on reconnaît depuis très longtemps, sans parvenir, et je ne vais pas faire un cours d'histoire, mais sans parvenir à le résoudre, c'est-à-dire la capacité que doit avoir cette Europe aujourd'hui de se protéger, de se protéger ensemble et pas uniquement en raisonnant frontières nationales, et même d'envisager ensemble, ça date de 1954, une communauté européenne de défense mais aussi de protection.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Olivia GREGOIRE, est-ce que ça ne préfigure pas, cette thématique, le deuxième tour de la présidentielle ? Vous entendez madame LE PEN, ici, dire : "Vous voyez, on avait raison. Vous ne nous avez pas écoutés, depuis 20 ans, 30 ans".
OLIVIA GREGOIRE
J'entends madame LE PEN toujours tirer la couverture à elle, je l'entends un peu moins, mais je pense qu'on va en parler, quand il s'agit de faire des propositions alternatives, que ce soit d'ailleurs en matière sanitaire, en matière économique ou autre, la critique on l'entend beaucoup, la proposition on ne l'entend pas. Ce que j'entends surtout c'est d'abord des Français qui sont assez lucides et qui connaissent la rengaine de madame LE PEN, donc là aussi rien de nouveau sous le soleil. Quant à ce qui me préoccupe aujourd'hui, je vais vous dire, c'est beaucoup plus demain, c'est beaucoup plus la semaine prochaine, c'est beaucoup plus la fin de l'année, c'est beaucoup plus le plan de relance qu'on va activer dès janvier 2021 quand le budget sera voté…
ORIANE MANCINI
On va en parler bien sûr, mais…
OLIVIA GREGOIRE
… c'est beaucoup plus de faire baisser le chômage, en tout cas d'éviter qu'il n'augmente trop et d'accompagner les Français dans ces moments terribles.
ORIANE MANCINI
On va en parler, mais un dernier mot sur ce sujet, puisque vous le rappeliez, effectivement ça fait des mois qu'Emmanuel MACRON parle de refonder Schengen, et Edouard PHILIPPE avait aussi une autre idée quand il était encore Premier ministre, sur ces questions d'immigration, il avait parlé de quotas d'immigration en matière économique. Ils n'ont pas été mis en place, est-ce que pour vous c'est un sujet qu'il faut remettre sur la table ?
OLIVIA GREGOIRE
Ecoutez, c'est un sujet, déjà à mon avis avant de le mettre sur la table, il faut le regarder, parce que c'est un sujet dont, dès qu'on dit le mot déjà, se lèvent différents boucliers. Je ne sais pas si c'est le bon mot, je me souviens que Roland LESCURE d'ailleurs à l'époque était revenu sur ce terme…
ORIANE MANCINI
Ça avait divisé votre majorité à l'époque. Vous, vous y êtes favorable ou pas ?
OLIVIA GREGOIRE
Ecoutez, moi je suis favorable à ce qu'on essaie de parler de ce sujet, posément, ensemble, et en fonction de la ligne il sera définie, en tant que membre du gouvernement, je serai absolument solidaire. Mais de grâce, moi j'essaie vraiment de faire les choses dans l'ordre et encore plus quand on est en crise.
ORIANE MANCINI
Allez, on va parler de la crise sanitaire, et ces mots très durs hier d'Olivier VERAN et de Jérôme SALOMON, le directeur général de la Santé. Jérôme SALOMON qui a rappelé qu'un patient sur quatre, qui entre en réanimation malheureusement n'en ressort pas. Quel était le but de cette conférence de Presse ? Est-ce que c'était de mettre la pression aux Français ? Est-ce que vous jugez que les français ne respectent pas assez les gestes barrières et ne sont pas assez responsables, n'ont pas pris conscience de la situation ?
OLIVIA GREGOIRE
Alors, tout sauf ça. C'est-à-dire que je pense que les Français ont parfaitement pris conscience de la situation, je dirais même sûrement mieux et plus que lors de la première vague de confinement. On remarque deux choses quand on lit un peu aussi les études, les sondages qui essaient de transmettre la position un peu des Français. Juste un chiffre : 10% d'inquiétude en plus sur la crainte d'attraper le virus, pour soi et pour ses proches. La peur elle s'est rapprochée, ce n'est pas une peur conceptuelle, c'est une peur aujourd'hui qui est partagée dans les familles, et les familles ont compris une chose que beaucoup de commentateurs politiques et d'acteurs ne veulent pas comprendre, plutôt que n'ont pas compris, c'est que tant qu'on n'a pas de moyens de se défendre, on est contraint de s'organiser pour pouvoir continuer à résorber ce virus et à casser les contaminations. Les mots d'Olivier VERAN, sont les mots d'armes médecin. Olivier VERAN, j'ai travaillé avec lui pendant la campagne pour En Marche, et c'est avant tout je dirais un médecin. Il faut remettre toujours les mots, et vous le faites bien, ici…
ORIANE MANCINI
Il est neurologue.
OLIVIA GREGOIRE
… remettre dans un contexte. Il sortait d'une visite en réanimation où il avait vu deux patients jeunes, et vous arrivez dans un hémicycle où j'étais encore il y a quelques jours, où je serai samedi sur l'état d'urgence sanitaire, et où les oppositions font mine, sur un certain nombre de sujets, de parler de : est-ce qu'on va pouvoir à ouvrir l'intégralité des commerces à Noël ? Il faut mesurer la violence entre une situation qu'on vit en réanimation, quand on voit de ses yeux des gens mourir, et les questions qui parfois peuvent sembler un peu à côté, à contretemps, des oppositions pour des jeux assez politiciens, on va y revenir. Moi ce qui m'a frappée hier, c'est ce qu'il a dit sur la réanimation, Olivier VERAN. La réanimation ce n'est pas un étage dans les hôpitaux, tous les hôpitaux d'ailleurs n'ont pas de réanimation, c'est bien la preuve que c'est un moment spécifique la réanimation, il faut, ce n'est pas une option la réanimation, malheureusement je les connais bien des réanimations. Bien souvent quand on y rentre, on ne sait pas si on en sort. Il faut mesurer que la réanimation ce n'est pas un passage dans une vie médicale, c'est un passage dont on ne sort pas. Il faut mesurer, je ne vais pas vous refaire les chiffres par minute et par seconde, mais il faut quand même mesurer : + 62% d'hospitalisations la semaine dernière, + 35% dans les réanimations. Ils ont montré les projections de l'institut Pasteur hier, si on ne fait rien, si on fait quelque chose. Il faut dire clairement, quoi qu'il advienne, même si nous respectons ce confinement, la situation va être extrêmement tendue. Si nous nous le respectons pas, nous allons au-devant de choses dont je ne suis pas sûre, les Français s'en rendent compte je crois, mais dont je ne suis pas sûre que beaucoup de commentateurs politiques prennent aujourd'hui la mesure, en ce qui concerne la vie de nos concitoyens.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Ça veut dire que vous considérez que les Français ne respectent pas le confinement, en l'état actuel des choses.
OLIVIA GREGOIRE
Je considère que les Français font tout pour le respecter, je vois d'ailleurs le télétravail, je vois beaucoup d'entreprises qui s'organisent, je le vois aussi dans l'économie sociale et solidaire, mais ce que je vois, c'est que nous sommes encore en matière de transmission, à un taux qui est supérieur à 1, ça veut dire basiquement, il est à 1,2, ça veut dire basiquement que nous transmettons encore plus le virus, que nous ne le souhaitons. Tant que nous ne sommes pas en deçà de 1, ça veut dire que nous transmettons. 58 000 contaminations hier, moins de 15 000 en Allemagne, il faut mesurer la situation de la France aujourd'hui dans l'épidémie. Donc il fallait le dire, il a du courage d'aller le dire, que les moments difficiles sont devant nous. J'ai écouté aussi patron de la CME, la Communauté d'Etablissements de l'AP-HP il y a quelques jours sur une chaîne, qui était venu parler notamment aux jeunes. Parfois il faut avoir touché la réanimation pour mesurer ce que ça veut dire.
ORIANE MANCINI
On comprend bien votre position sur le fond, puisque vous reparlez de cette séance de mardi soir dans laquelle effectivement Olivier VERAN s'est énervé, il s'est expliqué d'ailleurs hier lors de sa conférence de Presse, mais c'est une séance dans laquelle la majorité a été mise en défaut, elle était minoritaire. François PATRIAT, le président du groupe majoritaire ici au Sénat, il a parlé de faute, l'absence des députés en nombre suffisant pour lui c'était une faute. Est-ce que vous partagez son avis ?
OLIVIA GREGOIRE
Je ne vais pas employer ce mot. Moi je suis solidaire déjà…
ORIANE MANCINI
Vous avez été députée, évidemment vous connaissez bien ce groupe.
OLIVIA GREGOIRE
J'ai été députée, et je connais, et j'aime ce groupe. Je vous dirais deux choses. D'abord je veux quand même le dire, que le procès qui est fait à la seconde délibération qui a été faite par le gouvernement, soit fait de façon neutre. On ne va pas me faire croire aujourd'hui que c'est la première fois en 2020 qu'on utilise une seconde délib, comme on dit. L'ensemble des gouvernements précédents l'ont fait…
ORIANE MANCINI
C'est un nouveau vote, sur le vote qui avait été acté mardi soir, pour expliquer.
OLIVIA GREGOIRE
Exactement, donc ne faisons pas de cette seconde délib ce qu'elle n'est pas, c'est-à-dire ce n'est absolument pas une exception, pardonnez-moi. Deuxièmement oui, à 09h30 force est de constater qu'il manquait des députés. Bon, moi je suis pragmatique, c'est une réalité. Après…
ORIANE MANCINI
C'est une réalité, mais c'est une faute.
OLIVIA GREGOIRE
Si on peut éviter, c'est mieux. Bon. Après, il y a un truc qui est très concret, mais qui a été dit par mes collègues députés, et c'est vrai qu'un certain nombre d'entre eux, en règle générale on est à la buvette, on est à côté, on court, en 2 minutes on est là. Bon ce n'est pas le cas aujourd'hui. Vous avez aussi pas mal de députés qui sont cas contacts, il faut le dire, et donc qui quand ils sont appelés, disent : je viendrais bien, mais je ne peux pas venir. Il y a aujourd'hui des jauges, et vous le savez, à 50%, si on peut éviter de refaire ce genre d'absence c'est mieux, mais après il ne faut pas être dupe non plus. Le coût du rideau comme on dit et que vous connaissez bien ici, j'imagine, où un certain nombre de députés des oppositions sont derrière un rideau et prêts à bondir pour exploiter un moment politique, ce n'est pas la première fois non plus que ça se fait. Je crois aussi que, vous savez, il ne faut jamais oublier quand on est député, et je l'ai été longtemps, que souvent on va aussi parler juste pour démontrer qu'on a parlé, qu'on était là et qu'on a existé, c'est le moment vidéo, la capture vidéo dont certains sont devenus des grands spécialistes, chez LFI comme chez LR. Voilà. Je ne suis pas sûre que toutes les interventions des LR aient été motivées uniquement par l'intérêt sanitaire des Français, pour le dire gentiment.
ORIANE MANCINI
Vous êtes très dure avec l'opposition, et particulièrement l'opposition parlementaire, c'est de ça dont on parle ici. Au Sénat, les parlementaires de la majorité de droite ils ne sont pas contre ce confinement, ils ne sont même pas contre cet état d'urgence sanitaire, ils veulent juste plus de contrôles de la part du Parlement. Est-ce que c'est insensé de demander plus de contrôles ?
OLIVIA GREGOIRE
Ce n'est jamais insensé quand on est attaché comme je le suis à la démocratie parlementaire et à la vie du Parlement, de demander plus de contrôles. Moi j'ai deux choses qui me frappent, c'est, enfin j'ai deux choses qui me frappent. D'abord, on a quand même un talent pour faire des polémiques ou créer des polémiques, là ou chez nos voisins ça se passe sans aucun problème. Pardonnez-moi mais la France n'est pas une espèce de pays qui a décidé un état d'urgence…
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Oui mais justement, vous venez de comparer la France à l'Allemagne…
OLIVIA GREGOIRE
Et à l'Espagne par exemple.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Et à l'Espagne, mais qu'est-ce qu'on fait de fait moins bien que les Allemands finalement dans tout ça ?
OLIVIA GREGOIRE
Alors, pardonnez-moi mais, "qu'est-ce qu'on fait de moins bien ?" elle est drôlement posée. Moi je sais ce qu'on fait et je sais ce qu'on fait de bien. Je sais par exemple qu'on teste plus que les Allemands, contrairement à ce qu'on peut entendre partout. Je sais aussi qu'on accompagne plus…
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Les Allemands, c'est presque 20 millions d'habitants de plus.
OLIVIA GREGOIRE
C'est 1,6 million de tests par semaine, 2 millions en France, donc pour ceux qui disent qu'on ne teste pas, ça n'est pas le cas. Deuxièmement nous protégeons plus au plan économique. Je vous donne un exemple : les mesures supplémentaires au plan économique de protection sont évaluées à 15 milliards d'euros et nous budgétons, dans le PLFR4 20 milliards d'euros. En Allemagne et en Espagne c'est 10 milliards. Trouvez-moi un pays autour de nous en Europe, qui en matière de fonds de solidarité, de chômage partiel, de prêts garantis d'Etat, d'exonération des charges sociales, de crédit d'impôt sur le loyer, de click & collect, trouvez-moi un pays qui accompagne autant.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Sur le sanitaire, puisque c'est vous qui évoquiez le nombre de cas, qu'est-ce qui marche moins bien chez nous qu'en Allemagne ?
OLIVIA GREGOIRE
Mais je ne crois pas qu'il faille y être là dedans. Et donc je ne me laisserai pas…
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Oui mais s'inspirer de ce qui marche bien, on peut toujours s'inspirer.
OLIVIA GREGOIRE
Mais on s'inspire et inversement d'ailleurs, la France a inspiré pas mal de pays européens, mais on oublie souvent de le rappeler, sur par exemple la prérentrée qu'avait fait Jean-Michel BLANQUER avant le mois de juillet, où on a eu beaucoup de critiques et ou à l'inverse un certain nombre parmi les Italiens et les Espagnols se sont inspirés de ce qu'a fait la France. Bon. Je vais vous dire, moi je vois, l'avantage des budgets c'est qu'on voit ce qui est intégré dans les plans de finances. Donc je peux vous dire, un on accompagne mieux ceux qui aujourd'hui sont fermés administrativement ou subissent des pertes de chiffre d'affaires très importantes. Après il y a des réalités sanitaires qui sont différentes dans les pays. L'intensité aujourd'hui de la pandémie, elle est plus forte chez nous, la transmission est plus forte en Belgique aussi, il y a des pays qui n'étaient pas touchés ou très peu par cette première vague, par la première vague, qui sont beaucoup plus touchés, notamment des petits pays, par la seconde vague. Est-ce que c'est la faute de la France ? Est-ce que c'est la faute des pays. Je ne sais pas et je vais vous dire, je n'ai pas envie de me poser les questions comme ça. Ce que je vois, c'est qu'en France on a 58 000 contaminations et qu'en Allemagne on est encore en deçà de la barre des 20 000.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
C'est ça.
OLIVIA GREGOIRE
Donc qu'est-ce que je vois basiquement ? Je vois que les flux sont coupés, arrêtés, calmés, plus facilement en Allemagne qu'en France, et donc qu'il faut, et c'est pour ça qu'on en est tous sur les plateaux télé à le dire et à le redire, ce n'est pas pour y faire de la politique, c'est pour dire simplement, et j'ai eu l'exemple des petits commerçants et des libraires en début de semaine, vraiment ce qu'on cherche à éviter c'est les interactions sociales. C'est tous ces moments où on échange, où on est proche, où on touche les surfaces. Plus on va réussir à casser cette chaîne de contamination rapidement, plus on va pouvoir retrouver du souffle économiquement. Et moi je le dis, je préfère qu'on ait pris ces mesures-là maintenant, et les oppositions nous disent : c'est trop tôt, ce n'est pas assez, échangez avec le Parlement, oui mais plutôt que de les prendre le 20 décembre, la meilleure façon que nous ayons d'espérer pouvoir partager les fêtes de Noël ensemble, c'est peut-être d'être hyper sérieux au mois de novembre, et c'est vrai que…
ORIANE MANCINI
Justement, on va parler des mesures économiques…
OLIVIA GREGOIRE
Sur les oppositions, pardonnez-moi, je ne vous ai pas répondu, pardonnez-moi, je voudrais juste dire un truc, ce qui m'a frappé, je vais le dire en une seule phrase, c'est que je comprends les… et Philippe BAS est un homme respectable et qui connaît très bien d'ailleurs le fonctionnement démocratique, mais franchement, c'est ce qui me frappe moi quand je suis au banc sur ces sujets, quand on a une maison qui brûle, est-ce que sérieusement vous arrêtez les pompiers toutes les 10 minutes pour leur demander qu'on fasse une démarche collaborative, pour voir s'il est toujours opportun d'arrêter l'incendie ? Non. Est-ce qu'en Espagne on a ces débats ? Jusqu'au mois de mai ils ont aligné l'état d'urgence sanitaire, en Espagne en Italie ça prend aussi le même chemin. Bon, ce n'est pas la France qui décide de façon jupitérienne de mettre en place en état d'urgence pas possible jusqu'au printemps prochain, c'est d'abord une réalité sanitaire qui nous fait voir qu'il y a une seconde vague, soyons clairs, il y a des chances qu'il y ait une troisième vague, voilà, il y a des chances qu'en début d'année prochaine ça continue. Bon. Qu'est-ce qu'on fait ? On retourne au Parlement à chaque fois ? Moi je n'ai aucun problème dans l'idée, mais il faut dire aussi l'agenda du Parlement, il faut dire aussi que ce mois-ci nous avons trois textes budgétaires, par exemple au mois de novembre. Nous avons le PLF, le PLFSS au Sénat et le PLF4, qui arrivent à l'Assemblée. Nous avons, et ce n'est pas moins important, le texte sur la Convention citoyenne qui arrive. Nous avons une loi de décentralisation à laquelle les sénateurs tiennent énormément et à juste titre, la loi 3D. Nous avons tout ça à mener en quelques mois, en quelques semaines. Ce n'est pas qu'on n'a pas envie de discuter et d'échanger avec des oppositions, en l'occurrence on retourne souvent devant les oppositions, mais évitons de prolonger par plaisir.
ORIANE MANCINI
Et justement, on va dire un mot du budget avant de passer à vos dossiers, mais le gouvernement à l'heure actuelle met 15 milliards d'euros par mois pour aider les entreprises, c'est le chiffre de Bruno LE MAIRE. Il y a Alain GRISET, votre collègue chargé des PME qui était auditionné au Sénat cette semaine, et qui dit : eh bien le gouvernement ne pourra pas mettre 15 milliards tous les mois. Jusqu'où il va aller ce quoi qu'il en coûte ?
OLIVIA GREGOIRE
Alors, on n'a pas une Bourse dans laquelle nous irions, la Bourse c'est la Bourse de la France et la bourse des Français.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
L'argent magique.
OLIVIA GREGOIRE
Voilà, il n'y a pas d'ardoise magique, ah si, mais il n'y a pas d'argent magique. Mais les ardoises, pour le coup elles ne sont pas magiques et on ne les efface pas comme ça, une dette ça se rembourse, c'est un débat important aussi. Je n'ai pas envie de rajouter de l'inquiétude à l'angoisse, voilà. Ce que j'ai envie de dire à des petits commerçants, moi, et à des TPME et à des acteurs de l'économie sociale et solidaire qui souffrent, c'est qu'on sait que novembre est dur, novembre on est là. Tant que la situation sanitaire est ce qu'elle est, tant qu'on demande à des commerces de fermer administrativement, à l'aune de l'année qu'on a passée, nous serons là. Si en décembre ça se prolonge, nous serons là. Ce qu'il y a de sûr, et ce qu'a voulu dire Alain GRISET, c'est que…
ORIANE MANCINI
Donc tant que le confinement se prolonge, vous serez là.
OLIVIA GREGOIRE
Tant que le confinement se prolonge et que les mesures sanitaires empêchent les Français de travailler, nous serons là. Après…
ORIANE MANCINI
A la même hauteur, à cette hauteur de 15 milliards par mois.
OLIVIA GREGOIRE
A la même hauteur, mais je veux dire quand même avec force, oui 15 milliards d'euros dans le PLFR 4, en vrai nous en mettons 20 milliards pour des gens qui n'anticipent pas, puisque ça c'est aussi une rengaine des oppositions, pour des gens qui n'anticipaient pas, par exemple, on a mis en place un fonds de solidarité à 9 milliards, mais on n'en a décaissé que 6. Pour des gens qui n'anticipaient pas on a mis 300 milliards de garanties de la BPI pour les entreprises, on en a décaissé 120, et pour des gens qui n'anticipent pas, on met 20 milliards plutôt que 15 dont nous aurions uniquement besoin, au cas où il y ait d'autres mesures à financer, et encore une fois c'est 2 fois plus que l'Allemagne et que l'Espagne, l'Espagne par exemple c'est aux alentours de 4 milliards sur le mois de novembre pour le chômage partiel, on est à un peu plus de 7 pour la France, donc quoi qu'il en coûte on sera là, à la hauteur de l'empêchement des Français pendant la période.
ORIANE MANCINI
On va parler de vos dossiers.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Et Bercy indique toujours : pas d'augmentation des impôts.
OLIVIA GREGOIRE
Bercy indique, le gouvernement indique, je confirme : pas d'augmentation des impôts. J'irai même plus loin, on continue les baisses que nous avions promises, parce que ça aurait pu aussi être ça, on arrête la baisse de l'impôt sur les sociétés, on arrête la suppression de la taxe d'habitation. Non, on n'arrête pas les baisses d'impôts promises et on n'augmente pas les impôts.
ORIANE MANCINI
Et on va parler de vos dossiers et notamment des aides qui sont prévues pour l'économie sociale et solidaire dans le budget. Fabrice.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Oui, alors déjà est-ce que vous pouvez nous dire un mot de qu'est-ce que c'est l'économie sociale et solidaire ? C'est votre portefeuille, en quoi consiste-t-il ?
OLIVIA GREGOIRE
C'est mon portefeuille, mais c'est surtout un pan entier de l'économie. L'économie sociale et solidaire, si je devais la résumer de façon très simple, c'est une économie qui réconcilie l'économique et le social. C'est une économie des valeurs, des valeurs humaines, des valeurs environnementales, des valeurs solidaires, plutôt qu'une économie de la valeur, uniquement lucrative et du profit. C'est une économie où la France a une très grande tradition, l'économie sociale est quelque chose qui a été très pratiqué, qui a même été pour partie inventé en France, un peu de culture deux secondes, 1835, c'est à Lyon que la première épicerie solidaire va être créée. Nous avons une tradition d'économie sociale, l'idée c'est que dans les associations, dans les coopératives, dans les fondations, dans les mutuelles, dans les entreprises d'utilité sociale, qui sont les cinq familles de l'ESS, l'Economie Sociale et Solidaire, vous avez toujours une quête d'une utilité sociale, d'une empreinte écologique, d'une utilité en termes de solidarité, plus que la recherche du profit, ça n'est pas ce qui motive aujourd'hui l'économie sociale et solidaire. Cette économie elle devient importante, elle fait un peu plus de 10% du PIB, 14% des emplois salariés, ça n'est pas rien. Nous avons des régions très très fortes, notamment je pense dans l'Ouest, à la Bretagne, qui est la première région de France en matière d'économie sociale et solidaire, c'est une voie qui permet sûrement de trouver des améliorations pour un capitalisme qui est quand même à bout de souffle, un peu en limite du modèle, et on le voit bien, que soit au plan social ou au plan écologique, on le voit bien.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Et à rude épreuve en ce moment.
OLIVIA GREGOIRE
Et à très rude épreuve en ce moment, et donc aujourd'hui on voit que l'économie sociale c'est d'abord une économie à part, mais c'est une mis à part entière et inspirante pour le reste de l'économie. Vous voyez il y a beaucoup de débat en ce moment sur : les petits commerçants sont fermés, tout le monde va se ruer sur AMAZON. Bon. En réalité 2 Français sur 10 quand ils achètent en ligne, achètent sur AMAZON, ça veut donc dire que le reste des Français, les 8 sur 10, achètent soit directement chez leurs commerçants, soit sur des plateformes. Au sein de l'économie sociale et solidaire, il y a beaucoup de plateformes indépendantes, je pense par exemple à CoopCircuits, qui permet d'avoir accès à des produits bio, autour de chez vous, faits part des maraîchers qui sont bio, local, dans la proximité, et qui vous permettent de manger mieux, de manger parfois moins cher, le tout en commandant en ligne. Vous avez des gens comme Fleurs D'ici. Quand on veut un bouquet de fleurs, on peut passer par Fleur D'ici, qui est une entreprise à mission et qui a aussi pour objectif de servir des fleurs coupées, pas loin, bio, de bonne qualité. Aujourd'hui dans ce combat des plateformes, vous avez beaucoup d'acteurs de l'économie sociale et solidaire qui ont eu l'intuition avant les autres, que le circuit court, la proximité, c'était des vraies valeurs et c'était aujourd'hui souhaité par les commerçants, ils s'en sortent plutôt bien durant la crise.
ORIANE MANCINI
Et vous les aidez, il y a des aides qui sont prévues dans le budget pour elles. Est-ce que vous les appelez à solliciter ces aides, est-ce qu'elles les sollicitent moins que d'autres entreprises ?
OLIVIA GREGOIRE
Alors oui et 3 fois oui. Je les appelle à faire usage de ce à quoi elles ont pleinement droit. Je vous l'ai dit, l'économie sociale et solidaire c'est une économie à part entière et donc l'ensemble des acteurs de l'économie sociale et solidaire ont accès à toutes les aides qui sont mises en place pour les entreprises classiques, que ce soit le fonds de solidarité, que ce soit encore une fois le chômage partiel, le PGE, les exonérations de charges, il est important que les acteurs de l'économie sociale et solidaire aillent chercher ces aides. Aujourd'hui on a une réalité, c'est que seulement, allez, 2, 3% par exemple sur les fonds régionaux, des aides, sont adressés aux acteurs de l'économie sociale et solidaire. Pourquoi ? Parce que les acteurs de l'ESS, comme on dit, ils sont tout le temps très souvent tournés vers les autres, c'est-à-dire que ce sont des associations, ce sont des acteurs du médicosocial, ce sont des acteurs de la solidarité, qui font de la distribution de repas gratuits, qui font de l'hébergement d'urgence, tournés vers les autres, eh bien c'est un peu comme nous les humains, on a moins de temps pour s'occuper de soi et donc ils ne vont pas assez chercher les aides, c'est mon job de leur faciliter la tâche. Tout est en ligne sur le site de Bercy, on est à leur disposition, et s'il faut faire plus, on fera plus, notamment pour les petites associations.
ORIANE MANCINI
Et dernière question Fabrice, peut être sur le mois aussi, le mois de l'économie sociale et solidaire.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Concrètement, dans l'autre sens, les banques et les Français, comment peuvent-ils contribuer, participer, aider, soutenir l'économie solidaire ?
OLIVIA GREGOIRE
Alors, ils le font déjà de plus en plus, et c'est extrêmement encourageant, il faut trouver des bonnes nouvelles dans une actualité un peu morne. L'investissement socialement responsable, ce qu'on appelle l'ISR, quand vous allez dans votre banque et que vous dites à votre banquier : je voudrais pour mon épargne mettre une partie de mon investissement sur quelque chose d'utile socialement, d'utile écologiquement, l'ISR, les fonds ont été multipliés par 5 en une année, entre 2018 et 2019. Ça démontre quoi ? Ça démontre que les épargnants cherchent de la rentabilité, mais aussi du sens, de l'impact social, solidaire, et donc aujourd'hui quand vous allez dans votre banque, vous pouvez demander, et le cadre réglementaire y aide avec la loi PACTE, qu'une partie de votre épargne soit fléchée à destination de l'économie sociale et solidaire, pour financer des projets et des acteurs utiles de l'économie sociale et solidaire. Les banques, j'en termine, d'abord il y a pas mal d'acteurs bancaires de premier plan qui sont des acteurs de l'économie sociale et solidaire, je pense par exemple aux banques type CREDIT COOPERATIF ou au groupe BPCE, qui est un acteur de l'économie sociale et solidaire. Je leur ai demandé, nous travaillons ces jours-ci notamment sur, je leur ai demandé de la bienveillance à l'endroit des acteurs de l'économie sociale et solidaire, notamment les petites associations, parce que l'économie sociale et solidaire souffre d'un problème dont souffre pas mal de TPE aussi, c'est-à-dire une faiblesse en matière de fonds propres. Et quand on va voir son banquier pour avoir un prêt ou pour être accompagné en période de crise et qu'on a des fonds propres plus fragiles que les autres, c'est moins facile. Donc j'ai demandé et je crois avoir été entendu par la Fédération des banques françaises, mais aussi la Banque de France, qu'il y ait un accompagnement spécifique et une tolérance à l'endroit des acteurs de l'ESS, dans les 2 mois notamment qui arrivent et qui seront difficiles pour eux aussi.
ORIANE MANCINI
Et le message est passé. Merci beaucoup.
OLIVIA GREGOIRE
Merci à vous.
ORIANE MANCINI
Merci Olivia GREGOIRE d'avoir été avec nous ce matin. Merci Fabrice.
Source Service d'information du Gouvernement, le 18 novembre 2020