Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, sur le 4ème projet de loi de finances rectificative, à Paris le 10 novembre 2020.

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  • Bruno Le Maire - Ministre de l'économie, des finances et de la relance

Circonstance : Présentation du 4ème projet de loi de finances rectificative

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la commission des finances,
Monsieur le Rapporteur général, mesdames et messieurs les Députés,


Je suis très heureux de venir vous présenter avec le ministre des Comptes publics, Olivier Dussopt, ce projet de loi de finances rectificative numéro 4 qui est de tradition, mais qui est justifié de surcroît cette année par la deuxième vague épidémique à laquelle nous faisons face.

Cette nouvelle vague épidémique à laquelle sont confrontés tous les pays européens nous a amenés à prendre un certain nombre de mesures de restriction sanitaire et notamment un confinement qui a entraîné la fermeture des commerces en France : 200 000 commerces sont fermés, 160 000 restaurants, des dizaines de milliers de cafés et je veux dire à tous les commerçants français que le PLFR 4 leur est dédié.

Ce PLFR 4 est là pour soutenir les commerces français. Il est là pour les aider à passer ce moment particulièrement difficile qui, je le sais, partout en France, partout dans les communes comme dans les métropoles, suscite parfois de l'incompréhension, parfois de la colère, et partout, une immense détresse.

Pour les avoir entendu, écouté tout au long de la semaine, je sais que nombre de commerçants aujourd'hui sont inquiets d'avoir sur les bras le stock de leurs activités d'hiver, que ce soit des jouets, que ce soit des vêtements, que ce soit des livres d'art qui restent dans leur magasin. Je sais que beaucoup d'entre eux aimeraient pouvoir reprendre leurs activités le plus vite possible. Je sais que pour beaucoup d'entre eux, c'est le travail d'une vie qui est aujourd'hui menacée par ces fermetures et que cela suscite une nouvelle fois une inquiétude profonde partout en France.

Notre responsabilité avec cette majorité, avec le Premier ministre, avec le président de la République, c'est d'arriver à lutter avec efficacité contre la circulation du virus pour que l'activité économique puisse reprendre le plus vite possible et que les commerces, nos commerces qui sont des activités essentielles de la Nation, puissent rouvrir le plus rapidement possible et dans les meilleures conditions possibles.

Nous n'avons cessé cette semaine avec Olivier Dussopt, avec le ministre délégué aux Petites et Moyennes Entreprises, Alain Griset, de recevoir les fédérations de commerce.

Nous avons reçu la Fédération des jouets et nous avons reçu les libraires, nous avons reçu les fédérations de l'habillement. Nous avons regardé avec elles quelles étaient les meilleures options. Quel nouveau protocole sanitaire il fallait construire. Est-ce que des options comme celle des rendez-vous pouvaient être intéressantes, est-ce qu'il fallait renforcer encore les jauges pour garantir une sécurité sanitaire totale… Maintenant, nous sommes prêts.

Nous y travaillons pour pouvoir, dans les meilleures conditions possibles, dès que la sécurité sanitaire sera rétablie dans notre pays, rouvrir ces commerces. Nous suivons cela de près. Nous avons un rendez-vous important jeudi autour du président de la République et du Premier ministre. Je veux que tous les commerçants sachent que tous les représentants de la Nation sont derrière vous.

Ce PLFR 4 est donc un PLFR de soutien au commerce. Sans rentrer dans le détail des mesures, je voudrais que chacun des commerçants qui nous écoute, chacun des Français qui nous écoute, comprennent à quoi à droit aujourd’hui un commerçant qui est fermé par décision administrative.

L’Etat a pris la décision de fermer pour garantir la sécurité sanitaire de nos compatriotes. Il est normal qu’en retour, il puisse bénéficier d'une protection supplémentaire.

Un commerce qui serait fermé aujourd'hui, dès lors qu'il a moins de 50 salariés, a accès automatiquement au fonds de solidarité. Il a accès à une indemnisation qui peut aller jusqu'à 10 000 euros par mois.

Une fleuriste qui est installée à Verdun, qui fait 6 000 euros de chiffre d'affaires, n'aura qu'à déclarer sur le site impots.gouv.fr le montant de son chiffre d'affaires par rapport à 2019 et les 5 000 ou 6 000 euros lui seront intégralement reversés.

Je veux pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté, car je sais que dans ces temps difficiles, nos compatriotes ont besoin de clarté. Le site impots.gouv.fr, dédié à ces nouvelles modalités du fonds de solidarité, sera ouvert début décembre pour un premier versement dans les tout premiers jours de décembre.

La Direction générale des finances publiques, j'ai vu son directeur tout à l'heure, fait son maximum pour que le site soit opérationnel le plus vite possible avec les nouvelles règles que vous décidez vous-même, ici et maintenant.

Je rappelle que ce fonds solidarité n'était auparavant réservé qu'aux entreprises de moins de 10 salariés. Nous avons donc élargi jusqu'aux entreprises de 50 salariés, que le montant maximal était de 1 500 euros. Il a été élargi à 10 000 euros. Ce qui fait que le montant total que nous avons prévu pour le fonds de solidarité en novembre, 6 milliards d'euros, est l'équivalent de tout ce qui a été dépensé pour le fonds de solidarité depuis sa création au mois de mars dernier. Nous avons décidé de renforcer le soutien aux commerces et aux entreprises qui sont fermées.

Deuxième élément. Si un commerçant, pour reprendre l'exemple de la fleuriste de Verdun, décide de faire du « click and collect » et de vendre une partie de son stock sous la forme du "click and collect". Qu'il soit libraire, qu'il soit fleuriste, qu'il soit dans l'habillement, l'intégralité de ce chiffre d'affaires lui revient. Il ne sera pas déduit de la somme à laquelle elle a le droit au titre du fonds de solidarité.

Pour reprendre l'exemple de cette fleuriste, elle a 6 000 euros d'indemnisation au titre du fonds de solidarité parce qu'elle aurait perdu 6 000 euros par rapport à l'année 2019, elle peut rajouter à ses 6 000 euros 1 500, 2 000 euros de chiffre d'affaires qu'elle aurait fait au titre du "click and collect". Elle a évidemment droit à une exonération totale de charges sociales. Elle a droit également, si elle a un salarié ou plusieurs, à l’activité partielle sans reste à charge.

Si jamais elle s'est endettée et qu'elle a contracté un prêt garanti par l'État, elle a droit, si elle le souhaite, à un différé de remboursement. Si elle est en grande difficulté pour rembourser son prêt garanti par l'État, qu'elle ne peut pas le rembourser au 30 mars 2021, elle peut demander à le rembourser jusqu'au 30 mars 2022. Elle peut également demander l'étalement de ce prêt garanti par l'État jusque sur une durée totale de six ans, avec un taux garanti entre 1 et 2,5%.

Enfin, pour toutes les entreprises qui n'auraient trouvé aucune solution de prêt et aucune solution de trésorerie, nous avons prévu un demi-milliard d'euros de prêts directs d'État qui peuvent être apportés aux entreprises qui n'auraient trouvé aucune autre solution de financement.

Enfin, toujours dans ce PLFR 4, nous avons prévu une aide à la digitalisation des commerces. Que montre la situation actuelle ? C'est très simple. Une TPE sur trois est numérisée aujourd'hui en France. C'est insuffisant. Il faut rattraper notre retard.

Le plan de numérisation des commerces que j'ai présenté hier doit permettre de répondre à ces difficultés en apportant notamment une aide directe de 500 euros à chaque commerçant qui voudrait s'équiper en outils numériques et donc en numérisation de son commerce.

Enfin, il reste la question des loyers. C'est aujourd'hui une des questions les plus importantes et les plus lourdes pour les commerces, notamment les commerces de proximité.

Nous travaillons avec tous les bailleurs, que ce soit les petits bailleurs ou les grandes foncières. Je sors d'un entretien téléphonique avec l'ensemble des représentants du secteur. Je demande à ce que tous les bailleurs de France renoncent à un mois de loyer, qu'ils renoncent à percevoir le loyer du mois de novembre, qui est celui durant lequel les commerces sont restés fermés.

De mon côté, je m'engage à mettre en place un crédit d'impôt de 30% minimum qui sera reversé aux bailleurs et qui est ouvert à la discussion. Peut-être que 30%, ce n'est pas suffisant. Nous sommes prêts à en discuter avec vous, avec les parlementaires, en discuter avec les bailleurs. Mais il me semble que cet abandon des loyers du mois de novembre pour tous les commerces qui sont fermés, tous les commerces qui font l'objet aujourd'hui de mesures de restrictions sanitaires serait un geste fort de l'ensemble des bailleurs vis-à-vis des commerces en très grande difficulté.

L'ensemble de ces mesures représente un total de 15 milliards d'euros de dépenses supplémentaires pour le seul mois de novembre, c'est-à-dire pour un mois complet de confinement. Nous provisionnons dans ce PLFR 4 20 milliards d'euros, et il nous restait, comme vous le savez, des fonds sur le fonds de solidarité et sur l'activité partielle.

L'ensemble de ces sommes, les 20 milliards d'euros provisionnés et ce qui restait comme moyens financiers sur le fonds de solidarité et sur l'activité partielle, nous permet de faire face à tous les scénarios de fin d'année et à quelque situation sanitaire que ce soit.

Le deuxième point sur lequel je voulais insister devant vous, c'est sur la complémentarité qu'il y a entre le soutien aux commerces et la relance économique. Je vois certains qui m'expliquent que la relance maintenant, c'est trop tôt. Ce sont les mêmes qui me disaient en juillet que c'était trop tard et ce sont les mêmes qui me diront lorsqu'il y aura un vaccin disponible "pourquoi est-ce que vous n'avez pas engagé la relance dès le mois de décembre alors que vous saviez que la situation sanitaire allait se résoudre au printemps ?"

Nous continuons, dans cette majorité, à défendre cette idée simple : il faut avoir à la fois le soutien aux commerces qui sont en grande difficulté et la relance de l'activité économique, tout simplement parce que le panorama économique français est très diversifié.

Vous avez d'un côté des commerces qui souffrent, vous avez des boutiques en grandes difficultés, vous avez des magasins qui ne peuvent pas vendre parce qu'ils sont soumis à des règles strictes de fermeture. Puis vous avez de l'autre côté la réalité qui vient d'être montrée très clairement par la Banque de France, qui est que l'activité au mois de novembre pendant ce mois de confinement a trois fois moins chuté qu'elle ne l'avait été en mars dernier lors du premier confinement parce que nous avons tiré des leçons du premier confinement.

Nous avons réussi à concilier lutte contre la circulation du virus et maintien de l'activité économique et certains secteurs aujourd'hui, qui tournent à 90 ou 95 %, ont besoin impérativement de ces fonds de la relance. Ils ont besoin de moyens pour accélérer.

Ils ont besoin de moyens pour innover encore davantage. Ils ont besoin de moyens, ceux de la relance, pour recruter et notamment pour recruter les jeunes.

Je donne là aussi quelques exemples de la réponse que nous apportons en termes de relance et à quel point elle est attendue par certains secteurs économiques aujourd'hui.

Nous avons décidé de consacrer un milliard d'euros à l'emploi des jeunes. Résultat : l'emploi des jeunes se maintient et nous allons réussir, en 2020, à embaucher le même nombre d'apprentis qu’en 2019 alors que nous sommes en période de crise.

Je voudrais saluer tous les entrepreneurs qui ont joué le jeu de cette prime de l'apprentissage et qui ont pris la décision courageuse et salutaire d'embaucher massivement des apprentis parce que l'apprentissage, c'est l'avenir de l'emploi des jeunes.

Vous avez des industries en grande difficulté mais vous avez aussi des industries qui sont en train d’investir massivement et de relocaliser leurs activités industrielles. Nous avons lancé les aides au projet industriel, nous devrions atteindre d’ici la fin de l’année 2020, 500 projets financés par le plan de relance dès cette année 2020. D’ici la fin de l’année, ce sont plus de 2 milliards d’euros d’investissement industriel qui auront été rendus possible par France Relance.

Que choisissez-vous, abandonner la relocalisation industrielle ou l’engager tout de suite comme le demandent certains secteurs industriels ? Nous, dans la majorité, notre choix est fait et je remercie les parlementaires d’autres bancs de la majorité qui ont accepté de voter ce fonds de relance parce qu’ils ont apporté 2 milliards d'euros à la relocalisation industrielle en France.

S’agissant de la rénovation énergétique des bâtiments de l'Etat, au moment où je vous parle, nous avons reçu plus de 8 milliards d'euros de demandes pour la rénovation énergétique des bâtiments de l'Etat. Il faudra faire des choix puisqu'il n'y a que 2,7 milliards d'euros de disponible, mais cela traduit une volonté et une attente puissante de la part des administrations de l'Etat pour rénover leurs bâtiments publics, pour les moderniser, pour les rendre plus accueillants, pour limiter les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments publics.

Je vois notamment que les universités, les résidences étudiantes ont été parmi celles qui ont le plus souscrit à cet appel d'offres. Je pense que cela pourrait être un beau projet pour nous tous dans le cadre de ce plan de relance de soutenir massivement la rénovation énergétique de nos bâtiments universitaires. Ce serait une belle réponse apportée à tous les jeunes qui souffrent aujourd'hui terriblement de la crise économique.

Ce plan de relance, il permet aussi l'accélération du verdissement du parc automobile et je vous parle de faits qui sont maintenant ici en France et qui ne vont pas attendre plusieurs semaines ou plusieurs mois. Grâce aux aides que vous avez votées dans le cadre du plan de relance, le nombre d'immatriculations de véhicules électriques a été multiplié par trois et les véhicules hybrides rechargeables par plus de cinq par rapport à 2019. Nous sommes en train de réussir la rénovation énergétique du parc automobile français. Au total, 10 milliards d'euros du plan de relance seront engagés dès la fin de l'année 2020.

Vous le voyez, il n'y a pas d'opposition entre la protection et la relance. Il y a une complémentarité totale entre la protection nécessaire que nous apportons à nos commerces de proximité, qui sont des commerces essentiels, et la relance de l'activité industrielle qui se joue maintenant et qui doit permettre à la France de sortir plus forte, plus verte et plus compétitive de cette crise économique.

Le dernier mot que je tiens à vous dire en conclusion de cette présentation du PLFR 4, c'est à quel point je suis convaincu des capacités de rebond de notre pays. Je vois parfois, ici ou là, pointer un esprit de défaite.

Je crois davantage à l'esprit de résistance et je vois surtout cet esprit de résistance pointer partout, dans tous les secteurs économiques, dans les très petites entreprises et chez les indépendants comme dans les grands secteurs industriels.

Je vois partout des entrepreneurs qui se battent, je vois partout des salariés qui veulent aller travailler. Je vois des ouvriers qui veulent que leurs usines restent ouvertes et qui veulent continuer à produire des biens aéronautiques ou des automobiles. C'est le trésor de la France.

Cette volonté de travailler, cette volonté d'innover, cette volonté de se redresser, c'est le trésor économique de la France et c'est celui que nous allons défendre avec ce PLFR.


Merci à tous.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 18 novembre 2020