Interview de Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie, à Public Sénat le 20 novembre 2020, sur la campagne de tests dans les Ehpad, le vaccin non obligatoire pour les soignants et le calendrier de l’examen au Parlement de futur projet de loi "Grand âge".

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Média : Public Sénat

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Notre invité politique ce matin, c'est Brigitte BOURGUIGNON. Bonjour.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous, ministre déléguée chargée de l'Autonomie. On est ensemble pendant 20 ministres, pour une interview en partenariat avec la Presse quotidienne régionale, représentée par Fabrice VEYSSEYRE-REDON, du groupe Ebra. Bonjour Fabrice.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Bonjour Oriane.

ORIANE MANCINI
Les journaux régionaux de l'Est de la France. On commence bien sûr par la crise sanitaire et Olivier VERAN, le ministre de la Santé, qui alerte sur la santé mentale des Français, qui s'est significativement dégradée, ce sont ses mots. Il a annoncé que des psychologues seraient recrutés, 160 psychologues supplémentaires. Est-ce qu'il y aura d'autres mesures prises par le gouvernement sur ce sujet, est-ce que vous y travaillez ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, le ministère y travaille, et notamment aussi sur le public des jeunes, dont on parle peu, même si c'est un sujet que j'avais travaillé auparavant dans d'autres associations, le suicide des ados c'est un vrai phénomène et donc avec Adrien TAQUET, d'ailleurs, ils ont hier été voir la plateforme Fil Santé Jeunes, qui est une plateforme d'aide psychologique. D'autres moyens sont aussi dispensés, pour les personnes isolées, notamment les personnes âgées, comme la Croix-Rouge aussi qui a mis en place un numéro. Bref, nous essayons en tout cas, par des biais différents, de nous attaquer à ce problème, parce qu'évidemment c'est une crise sanitaire, mais c'est une crise sociale aussi avant tout, qui génère beaucoup d'angoisse sur l'avenir immédiat et plus lointains. Donc c'est une… Et puis aussi, en profondeur, parce que vous savez que c'est un sujet sur lequel la Commission des affaires sociales, que je présidais auparavant, s'était attaquée aussi, dans la mesure où la psychiatrie en France manque cruellement de moyens et donc c'est un vrai dossier auquel on s'attache.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Des mesures particulières pour les personnes âgées, d'une part, et pour les personnes en situation de handicap par ailleurs ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, aussi, bien sûr, parce que pour nous c'est un tout et on ne va pas non plus morceler évidemment l'attente de ces personnes qui sont en droit d'être épaulées. Donc à travers tous les dispositifs que nous avons, même les aidants par exemple, il peut y avoir aussi des petites formations ou des numéros qui leur facilitent l'approche.

ORIANE MANCINI
Et vous l'avez dit hier dans la conférence de Presse, en réponse à Emmanuel MACRON qui disait « il est dur d'avoir 20 ans en 2020 », vous avez dit : « Il est aussi dur d'avoir 4 fois 20 ans en 2020 ».

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui.

ORIANE MANCINI
Quelles sont les inquiétudes que vous avez concernant les personnes âgées ? Est-ce que ce sont des inquiétudes sur leur santé mentale, des phénomènes de dépression, des inquiétudes financières peut-être avec une paupérisation de ces personnes âgées ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors c'est plus, plus au niveau moral aussi, parce que vous l'imaginez, ces personnes sont très souvent isolées, et d'ailleurs pour leur sécurité on préfère qu'elles le soient, et donc la famille s'éloigne un peu d'elles. En établissements on a constaté aussi que l'enfermement total qui a été la première vague, le choix délibéré qui était celui de les protéger de manière sanitaire, a fait aussi par contre, montre qu'on pouvait avoir des syndromes de glissements assez forts chez ces personnes, certaines se sont laissées complètement mourir. Donc tout ça on y est maintenant très attentif, dans la mesure où nous avons tiré les enseignements de cette première vague.

ORIANE MANCINI
Et vous l'avez dit, on va parler de cette situation dans les EHPAD. Vous avez alerté hier, tout se joue maintenant, vous dites, pour que la deuxième vague ne ressent pas la première dans ces EHPAD. On a compris que la stratégie ne va pas être d'isoler nos aînés, que ce n'était pas la bonne stratégie, est-ce que néanmoins il faut durcir les conditions de visite dans les EHPAD ? Est-ce que vous y réfléchissez ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui oui, bien sûr, on a d'ailleurs tout de suite, dès la fin août nous avons mis en place un protocole qui a été adressé à tous les EHPAD, avec une charte éthique que nous avons rédigée en commun avec d'ailleurs une personne âgée d'une des résidences, des éthiciens, d'autres psychologues, sur le phénomène d'enfermement dont je vous ai parlé tout à l'heure, qui avait suscité par endroits des syndromes de glissements. Donc nous avons, partant de ce principe nous avons essayé de trouver la bonne ligne de crête entre ce qui relève de la protection sanitaire pure et ce qui relève aussi de la nécessaire vie sociale que nous devons à tout prix maintenir, parce que d'abord c'est un droit, un droit des aînés, qu'ils sont en droit de réclamer, et certains nous l'ont dit en disant : « J'ai 93 ans, j'en ai assez, je veux voir mes enfants, c'est mon anniversaire, je ne suis pas sûr d'en avoir un 94ème, écoutez-moi ». Donc partant de ça nous avons trouvé. Mais nous sommes en deuxième vague, et donc nous avons un personnel aujourd'hui plus aguerri, plus prêt finalement à isoler, à tester, on y reviendra, et aujourd'hui donc avec un certain savoir-faire si j'ose dire à l'intérieur de l'établissement. Tout repose maintenant évidemment sur le fait de protéger au mieux, sans recommencer cet isolement total.

ORIANE MANCINI
Il y a une question qu'on se pose, qui est peut-être un peu naïve, mais vous avez donné hier les chiffres des contaminations dans les EHPAD, vous dites : il y a un EHPAD sur 5 qui est touché, il y a 1 600 EHPAD qui sont touchés, et dans le même temps vous dites : on a acquis du savoir-faire, les personnels sont mieux formés, il y a aussi les masques qui sont là alors qu'ils n'étaient pas forcément là pendant la première vague, du coup on a un peu du mal à comprendre pourquoi de tels chiffres dans les EHPAD.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Un peu comme si, il y avait une fatalité finalement à ce que les EHPAD soient autant touchés.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui. D'abord il faut se souvenir de quelles personnes nous parlons. Il s'agit bien de personnes plus vulnérables que les autres, on sait très bien aussi, le taux de mortalité a été beaucoup plus fort chez les personnes âgées, et pas forcément celles de plus de 80, on sait bien que ça commence à 65 ans etc. Donc il faut être conscient de ça, c'est un public plus vulnérable, plus sensible que les autres, probablement, au virus, et en tout cas quand il s'attaque à ces personnes, c'est beaucoup plus dangereux que pour d'autres. Pour autant, on ne peut pas se satisfaire de ça et dire : alors on les confine totalement et on a réglé le problème. Ça c'est insupportable, pour elles surtout. Et si on les écoute, et moi je veux les écouter, parce qu'elles ont des droits, qu'elles revendiquent, elles disent : je ne veux pas être enfermé, comme on a entendu parfois dans d'autres reportages, comme dans une prison. Donc il faut pour le coup, deux phases, c'est-à-dire empêcher l'entrée du virus dans les établissements, au maximum, sachant et soyons humbles que le risque zéro n'existe pas. Donc empêcher…

ORIANE MANCINI
Mais là on est au-delà du risque zéro, un EHPAD sur cinq touché.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, un EHPAD sur cinq touché, d'autres établissements sont touchés, on en parle moins, mais un public qui est plus vulnérable, donc il faut redoubler de protection dès lors qu'un cas arrive. Quand on parle de cluster, il faut aussi faire attention à ce qu'on dit. Cluster, on a l'impression quand on dit cluster, c'est tout l'établissement qui est touché. Un cluster c'est à partir du moment où il y a trois cas Covid dans un établissement. Quand je dis : il y a 1 600 clusters, je préfère dire il y a 1 600 établissements, avec trois cas Covid au moins, donc considérés comme clusters. Bien sûr, dans ces établissements il y en a qui ont beaucoup plus de cas que d'autres, et là il y a une attention extrêmement particulière avec des ARS qui redoublent d'efforts et de vigilance sur ces établissements-là, des renforts qui sont envoyés dans ces moments-là, hygiénistes, psychologues etc., pour faire attention à ces personnels aussi.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Est-ce qu'il ne faut pas s'attendre à des moments plus difficiles qu'ailleurs pour la période de Noël, notamment ? C'est un moment notamment de famille.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, c'est un moment de famille que nous devons respecter, moi, pour moi quel que soit le public, et je comprendrais mal que nous ayons des mesures complètement discriminatoires, si on disait : bon ben voilà, on va enfermer les personnes les plus vulnérables dans ces moments de fêtes, parce que comme ça il y aura moins de propagation, alors qu'on y arrive là en ce moment. Ça se diffuse, on le sait, mais aujourd'hui il y a un savoir-faire, et aujourd'hui l'apport de ces tests antigéniques dont nous parlerons peut-être…

ORIANE MANCINI
Oui, on va parler tout de suite.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Voilà, permet d'isoler beaucoup plus vite ces cas Covid.

ORIANE MANCINI
Un mot, juste avant de parler des tests antigéniques, sur le nombre de décès total du Covid annoncé. Combien sont des décès qui sont dans les EHPAD, en pourcentage ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Je ne sais plus le chiffre, je vais vous le donner…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
On était de l'ordre de 30 %, non, c'était…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, à peu près, 39 %.

ORIANE MANCINI
39 %.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Ah oui, presque 40.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Mais encore une fois, partons du principe que ce n'est pas relatif à des établissements, mais à un public, et que c'est bien un public âgé qui a tout de suite été répertorié comme les personnes les plus vulnérables et les plus atteintes, avec des conséquences plus lourdes que d'autres publics, même si on en a vu qui étaient guéris dans des EHPAD, que j'ai pu rencontrer, avec lesquels j'ai pu discuter, qui nous rassurent aussi sur cette maladie.

ORIANE MANCINI
On va parler de ces tests justement, ces tests antigéniques, et puis hier vous avez dit que vous recommandez aussi de tests pour les visiteurs, soit des tests PCR, soit des tests antigéniques faits le jour même, et vous dites : « on les recommande ». Pourquoi ne pas les rendre obligatoires, est-ce que vous y réfléchissez ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Parce que c'est de l'ordre de… Parce que la notion d'EHPAD, il me semble, est un peu galvaudée dans l'opinion publique. Un EHPAD ça n'est pas un hôpital. Un EHPAD, c'est un établissement d'hébergement qui est plus sécurisant, parce qu'on a atteint un degré de dépendance ou on est en perte d'autonomie, et que la famille ou la personne âgée elle-même décide d'y résider. Et c'est ça qui fait la différence. A partir de ce moment-là, on doit considérer non pas la chambre, mais une résidence à part entière. Et à partir de là aussi vous êtes chez vous, et vous avez votre famille qui peut vous rendre visite. C'est compliqué. Il faudrait dans ce cas-là qu'on établisse le fait que tout le monde va aller se faire tester dès lors qu'il va voir sa mère qui habite à domicile aussi.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Certaines régions comme Auvergne Rhône-Alpes.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Le font.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Veulent généraliser. Vous n'êtes pas favorable.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Libres à elles, mais on va encore retomber sur le procès d'atteinte à la liberté individuelle de chacun. Moi je pense plus à la responsabilité de chacun. Chacun, moi je connais des familles qui quand elles veulent rendre visite à leurs aînés dans les établissements, le font, elles se disent : je ne vais pas y aller parce que j'ai des symptômes. Donc on préfère, nous, bien sûr toujours s'appuyer sur la responsabilité de chacun. Ensuite, sur les entrées dans ces établissements, ce n'est pas le moulin à vent en ce moment, au contraire, il y a des contrôles, il y a des visites sur rendez-vous, et les visites sont organisées dans des sas, dans des endroits protégés, on ne va pas dans les chambres, ou si on y va c'est avec vraiment des protections parce que la personne ne peut plus sortir de la chambre. Tout ça est vraiment proportionné, et c'est cette notion de proportion, de mesures, qu'il faut toujours avoir en tête pour garder vraiment à la fois cette ligne de crête qu'on s'est fixée, entre la liberté individuelle, la protection sanitaire que nous devons à nos aînés, mais aussi le fait que les visites ne soient plus interrompues, et le lien surtout, le lien social.

ORIANE MANCINI
Un mot sur le vaccin, Brigitte BOURGUIGNON, il y a des perspectives assez optimistes, en tout cas sur le vaccin. Est-ce que les personnes âgées et les personnels soignants seront prioritaires et est-ce que le vaccin sera obligatoire pour eux ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, sur le caractère obligatoire, vous savez bien que c'est un débat permanent, et que non il n'est pas obligatoire sur des personnels. C'est encore une fois…

ORIANE MANCINI
Et il ne le sera pas.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Un débat qui revient en dehors de cette crise sanitaire d'ailleurs, moi je l'ai vécu souvent même en cours de PLFSS parfois, on dépose des amendements en ce sens, et ça n'est jamais accepté. Voilà, il y a des règles, il y a des discussions, il y a des partenaires sociaux aussi qui sont dans la négociation de ce genre de procédure. Et puis après ça relève bien sûr de…Ce que nous on propose en tout cas dans les EHPAD, c'est qu'une campagne de tests soit faite tous les 15 jours environ, entre tout le personnel, qui est d'ailleurs tout à fait adapté à la situation et ils sont consentants.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Ce même personnel est en difficulté actuellement, ne serait-ce parce que le nombre de tests s'est développé, donc des cas ont dû être isolés, cette épidémie met au jour, met en lumière quand même un certain nombre de difficultés de recrutement. Est-ce que sur le sujet vous avez un plan ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, il y a…

ORIANE MANCINI
Et dans les EHPAD.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Et dans les EHPAD.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, notamment dans les EHPAD, mais aussi dans le domicile, parce qu'on parle peu du domicile, et si on veut bien analyser les choses jusqu'au bout de cette problématique des personnes âgées, vous avez 60 % des personnes âgées qui sont à domicile et 40 % à peu près en établissement. On parle toujours plutôt des établissements, or on s'adresse à, à vrai dire on est en grande dépendance à peine à 10 % de la population de personnes âgées, donc ça veut dire quand même qu'on s'adresse beaucoup plus souvent aux établissements, alors que le domicile c'est là où les personnes âgées sont le plus souvent répertoriées. Et dans ces 2 deux mondes, que sont le domicile et les EHPAD, nous avons un manque cruel de personnel. Il est structurel et conjoncturel. Conjoncturel là, parce que comme vous l'avez dit nous avons des cas qui sont obligés de s'isoler, des personnels…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Et le protocole est applicable aussi dans les EHPAD.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, bien sûr.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
De la même manière.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Bien sûr. Mais le problème que nous avons aujourd'hui, c'est d'abord la crise, et donc nous déployons avec mes collègues, Brigitte KLINKERT, Sarah EL HAÏRY, Elisabeth BORNE, Jacqueline GOURAULT, on est en train de déployer tout un arsenal de tous les métiers, contrats aidés, toutes les sources qu'on peut trouver pour venir en aide, donc pendant la crise, à ces EHPAD, par exemple dans l'organisation des visites, dans l'animation sociale des établissements. Moi j'ai demandé à Sarah de travailler sur les services civiques qui pourraient…

ORIANE MANCINI
Qui est chargée de la Jeunesse au gouvernement, je précise.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, et ça permet en tout cas, cet intergénérationnel que nous voulons faire naître dans ces établissements, c'est très important aussi le regard qu'ils portent eux-mêmes sur les personnes âgées. Donc d'abord cette ressource, ensuite les Pôle emploi, nous avons adressé une circulaire à toutes les Directions de Pôle emploi et aux préfets, pour mobiliser toutes les ressources et les contrats que nous pouvons trouver, pour venir en aide. Mais ça c'est pour…

ORIANE MANCINI
Ça, ça va résoudre le problème conjoncturel, sur le problème structurel, est-ce qu'il n'y a pas un manque d'activité, d'attractivité ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Bien sûr. Il y a deux choses. Il y a eu un manque d'investissements dans ce domaine depuis 15 ans. Et nous souffrons aujourd'hui dans l'urgence en plus de répondre à cette crise. Et nous travaillons sur la Loi grand âge que je prépare, mais en amont aussi un plan métier pour l'attractivité de ces métiers, que ce soit aide-soignant, auxiliaire de vie, et ce plan d'attractivité on s'en inspire avec le rapport El Khomri qui avait été rendu il y a quelques mois, et bien sûr on ne va pas réinventer la poudre, parce que les constats on les a tous partagés, l'attractivité ça tient lieu du salaire, donc on travaille sur les salaires, on travaille sur la prime par exemple, il a fallu que la rendre un peu plus universelle qu'elle ne l'était, puisque nous ne sommes pas les mêmes financeurs, le domicile c'est le département, le sanitaire c'est l'Etat, et tout ça a dû se conjuguer pour qu'on arrive à faire quelque chose d'homogène et d'universel, ça nous a demandé un peu de temps, et puis ensuite maintenant sur la renégociation salariale, avec le Ségur de la santé, nous sommes déjà sur ce but de revalorisation salariale pour les personnels des EHPAD notamment, puisque là on a la possibilité de le faire de manière directe, et le Ségur l'a acté, à la fois sur le revalo salariale, à la fois aussi sur le recrutement en encadrement, parce que ce dont souffrent ces structures c'est de taux d'encadrement suffisants aussi. Voilà. Partout il y a des manques, de psychologues, d'hygiéniste parfois, et cette crise sanitaire l'a révélé, de médecins coordinateurs, ça c'est très important, d'infirmières de nuit, parce que ces établissements en manquent cruellement. En tout cas, partout où on pourra faire en sorte que ces établissements réservés aux personnes âgées d'aujourd'hui s'ouvrent, parce que ce dont parfois nous avons souffert, c'est d'établissements trop fermés, un peu opaques, pas assez de liaison avec les familles, pas assez d'explications. Tout ça doit être ouvert aujourd'hui. Ouvert aussi aux structures à domicile, pour qu'on arrête de structurer les choses, de limiter les choses, de faire en sorte que les gens soient morcelées dans des dispositifs…

ORIANE MANCINI
Et justement Brigitte BOURGUIGNON, puisque vous parlez des familles, on va parler du rôle des familles.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Eh oui, est-ce que ce modèle dont vous parlez et que vous essayez de clarifier, pour sortir un peu cette opacité, c'est de modèle de demain, où on va on vers un retour des personnes âgées dans les familles ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
En fait, ce que veulent les gens, c'est rester chez elles. Elles veulent rester à leur domicile. On ne pourra pas trouver une belle politique domiciliaire de cette approche sollicitée par les personnes âgées, sans travailler avec les territoires déjà. Vous savez bien que ça ne peut venir que des territoires. Donc on doit travailler avec les collectivités, avec les départements, pour que chacun imagine les personnes âgées au sein de leur village, au sein de leur ville et non plus imaginer des établissements hors de la ville, avec tous les problèmes de mobilité que ça pose notamment pour ce public. On doit réimaginer tout ça. Les EHPAD doivent être des lieux ouverts, où il y a encore de la vie sociale, où il y a des boutiques, où il y a… Il y en a, ça existe déjà, moi je vais rencontrer tous ces EHPAD. Les EHPAD hors les murs aussi, c'est-à-dire qu'il y a des EHPAD, avec des équipes mobiles, qui peuvent aller à domicile, le plus loin possible, le plus longtemps possible, parce que c'est le souhait. Mais il faut travailler sur les logements aussi.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
C'est quelque chose de très cher tout ça.

BRIGITTE BOURGUIGNON
C'est très cher, mais je pense qu'avec tout ce qu'on met en ce moment sur la table dans le plan de relance, dans la rénovation énergétique parfois, bon, les collectivités là sont prêtes à s'en saisir je crois, et avec quand même un enjeu majeur, c'est de se dire que ce n'est pas que le risque écologique, mais le risque aussi aujourd'hui c'est le vieillissement de la population, la longévité, nous sommes partis pour avoir une longévité, et c'est tant mieux.

ORIANE MANCINI
Justement, on va parler de cette 5ème branche mais vous l'avez entendu, les parlementaires se posent des questions sur son financement. Le gouvernement avait promis une conférence de financement en septembre, elle n'a pas eu lieu. Est-ce qu'elle va avoir lieu et quand ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, moi, je n'ai pas la date pour la conférence de financement. Ce que je peux vous dire, en tout cas, c'est que la 5e branche c'est quelque chose que tout le monde voulait et qu'aujourd'hui tout le monde salue, je n'ai pas entendu sur les bancs, on peut s'imaginer, se poser des questions sur le financement, sur le …

ORIANE MANCINI
Ils parlent de coquille vide, certains parlementaires !

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui bien sûr …

ORIANE MANCINI
Vous les avez entendus ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
On peut toujours le dire. Or, dire aujourd'hui que dans ce modèle de Protection sociale, on crée une branche qui corresponde à un réel besoin pour toutes les raisons qu'on vient de se dire, pour cette politique tournée vers les personnes âgées et les personnes handicapées – je ne mets personne de côté –, cette branche de l'autonomie tout simplement devait être créée, elle l'est aujourd'hui, félicitons-nous en. Aujourd'hui, elle va permettre aussi de construire cette politique publique qui soit …

FABRICE VESSEYRE-VEDON
Qui concerne combien de personnes en France ? On peut le rappeler ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Ah, je n'ai pas le chiffre.

ORIANE MANCINI
En 2040, je crois qu'il y aura près de …

BRIGITTE BOURGUIGNON
Ah oui, de personnes âgées ?

ORIANE MANCINI
Sur le vieillissement, oui.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Ah, il y aura plus de 6 millions déjà de personnes …

ORIANE MANCINI
Plus de 15% des Français qui auront plus de 75 ans en 2040, d'où l'importance …

BRIGITTE BOURGUIGNON
Bien sûr.

ORIANE MANCINI
Mais juste sur le financement, ça veut dire qu'il n'y a pas de conférence de financement prévue à l'heure actuelle ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Non, là je ne peux pas vous dire qu'il y a une conférence de financement maintenant parce qu'elle n'est pas là. Moi, j'ai rencontré la CNSA, on travaille bien sûr ensemble maintenant sur notre schéma de développement et de financement qui va se construire aussi au fil de l'eau parce que vous vous imaginez bien, on a on a mis la première brique avec déjà l'AEEH dedans, avec des financements destinés, le Ségur de la santé en fait partie. Bref, tout ça construit cette branche et maintenant on va construire aussi les dispositifs qui vont dépendre de cette branche mais en tout cas, ça veut dire qu'on a identifié ce risque si on peut appeler ça un risque puisqu'il est inévitable de l'autonomie mais qui peut conduire aussi à d'autres personnes et c'est une branche dédiée et je pense qu'il faut que maintenant …et peut-être même qu'on repense la Protection sociale avec toutes les branches différentes et variées et c'est plutôt comme ça que moi, je l'envisage mais en tout cas la loi que nous construisons a sa …

ORIANE MANCINI
Et ça veut dire quoi repenser la Protection sociale ? Comment vous envisagez de repenser la Protection sociale ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Moi, à titre personnel, je ne vous dis pas que je suis en train de la repenser mais il faut qu'on mette les choses sur la table, les branches différentes, est-ce qu'elles sont encore d'activité, est-ce que certaines ne sont pas obsolètes ? Il faut qu'on regarde ça mais en tout cas moi, ce que je vous dis, c'est que cette branche autonomie que nous construisons aujourd'hui a le mérite d'exister, a le mérite en tout cas de correspondre à une vraie politique de l'autonomie qui réponde aux besoins des personnes handicapées et qui arrête de morceler aussi les gens qui sont obligés de recourir à des dispositifs, d'attendre que l'une caisse envoie à l'autre. Enfin bref, vous savez bien la galère que ça peut représenter pour certains.

ORIANE MANCINI
Et un mot pour terminer, Brigitte BOURGUIGNON, il nous reste malheureusement qu'une minute sur la loi « grand âge » dont vous parlez on le disait, il y a près de 15% des Français en 2040 qui auront 75 ans ou plus, c'est une loi évidemment importante ? Elle sera présentée quand on conseil des ministres ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors normalement, elle est prévue au printemps 2021. La frise chronologique que j'ai est prête.

ORIANE MANCINI
Donc printemps au conseil des ministres ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Début d'année en conseil des ministres pour un examen à l'Assemblée au printemps. En tout cas, nous y travaillons sur les pans que je vous ai dits, l'approche territoriale, l'approche domiciliaire surtout parce que c'est ça qu'il faut construire, métiers comme territoires, et puis les EHPAD de demain puisque ouverts à la société et surtout l'éthique, la dignité, la citoyenneté et un autre regard sur l'âge.

ORIANE MANCINI
Et début d'année, ça veut dire dès le mois de janvier ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui.

ORIANE MANCINI
Dès le mois de janvier en conseil des ministres ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Je ne vous cache pas qu'on y travaille déjà évidemment !

ORIANE MANCINI
Oui, oui, non mais elle était promise avant la fin de l'année d'ailleurs par Emmanuel MACRON ! Elle était promise avant décembre 2020 ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui elle était promise mais en même temps, on n'avait pas un ministère dédié, ça a été un premier signe qui a été envoyé dès le mois de juillet et puis ensuite, vous savez comme moi, il se passe des choses dans ce pays …

FABRICE VESSEYRE-VEDON
Les trois urgences …

BRIGITTE BOURGUIGNON
Et voilà et notamment avec un public qui est en plus au coeur de la crise.

ORIANE MANCINI
Mais vous travaillez pour janvier. Merci beaucoup !

BRIGITTE BOURGUIGNON
Merci !

ORIANE MANCINI
Merci Madame la ministre d'être venue nous voir !


Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 novembre 2020