Interview de Mme Nathalie Élimas, secrétaire d'État à l'éducation prioritaire, à Sud Radio le 22 octobre 2020, sur les atteintes à la laïcité suite à l'attaque terroriste contre Samuel Paty, le grenelle de l'éducation et la revalorisation des enseignants.

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Média : Emission La Tribune Le Point Sud Radio - Sud Radio

Texte intégral

PATRICK ROGER
Bonjour Nathalie ELIMAS

NATHALIE ELIMAS
Bonjour.

PATRICK ROGER
Après et avec la mort de Samuel PATY, les langues se délient un peu chez les enseignants, désarroi, crainte, manque de soutien pour certains. Est-ce qu'ils sont suffisamment justement soutenus par leur hiérarchie ?

NATHALIE ELIMAS
Alors, oui, les enseignants sont soutenus, et je dirais même que depuis trois ans, la main de l'Education nationale n'a pas tremblé, au contraire. Depuis trois ans, nous avons mis en place une doctrine, des mesures, des outils, nous avons équipé les enseignants. Il y a un conseil des sages de la laïcité qui fixe une doctrine, il y a des équipes « valeurs de la République », il y a 400 personnes réparties sur l'ensemble des Académies, qui sont à disposition des enseignants pour les aider, par téléphone, par mail, voire venir dans la classe, discuter avec eux ou avec les élèves dès lors qu'il y a un fait relatif à la laïcité qui est soulevé.

PATRICK ROGER
Oui, bon, mais ces équipes « valeurs de la République », beaucoup les découvrent probablement, et est-ce qu'elles n'ont pas vocation à être renforcées alors, justement, il n'y a pas beaucoup, je dis, en fait, des parents d'élèves aussi qui ne savent pas que ça existe forcément ?

NATHALIE ELIMAS
Alors, les enseignants en tout cas le savent, les familles peut-être le découvrent malheureusement à travers ce drame. Elles sont là, elles sont formées, elles sont très disponibles, et elles vont continuer à se déployer dans les écoles, autant que…

PATRICK ROGER
Mais quel est leur objectif, elles doivent faire quoi, remplir quoi, elles vont aller voir les élèves ou alors, elles vont soutenir en fait…

NATHALIE ELIMAS
C'est très variable…

PATRICK ROGER
C'est très variable…

NATHALIE ELIMAS
C'est très variable. Il y a eu l'année dernière…, il y a 935 cas qui ont été signalés à ces équipes et à la cellule ministérielle de veille et d'alerte, alors, déjà, vous dire que c'est constant, il n'y a pas d'augmentation majeure, donc elles sont saisies par le professeur lui-même, par sa hiérarchie, elles interviennent, parfois, simplement, elles renvoient à un vade-mecum qui existe, qui a été créé justement, je le disais, par ce conseil des sages de la laïcité, qui est très simple, c'est un document fait de fiches qui sont très pédagogiques et qui aident les enseignants à répondre aux questions qu'ils peuvent se poser en classe ou devant les élèves, dès lors qu'il y a un sujet, une question, un débat en classe autour de la laïcité. Donc, ils ont ce vade-mecum, si ça n'est pas suffisant, évidemment, il y a la hiérarchie, il y a les collègues, et si ça n'est pas suffisant, ils peuvent saisir ces référents, notamment, il y a un formulaire qui est disponible via le site de l'Education nationale, nous répondons en 24 heures, et nous les orientons, et ces référents, eh bien, ils répondent par téléphone, ils répondent par mail, ils viennent parfois discuter avec le professeur, ils viennent parfois rencontrer les parents, ce qui a été le cas dans l'affaire de Samuel PATY, et ils viennent également, ils peuvent venir faire du débat, animer du débat en classe…

PATRICK ROGER
Oui, justement, dans le cas de Samuel PATY, c'était l'un des référents qui fait partie des équipes « valeurs de la République » ?

NATHALIE ELIMAS
Oui, oui, il y a eu le déplacement d'un référent « valeurs de la République », absolument.

PATRICK ROGER
Oui, pour rencontrer Samuel PATY ?

NATHALIE ELIMAS
Pour rencontrer Samuel PATY et sa hiérarchie…

PATRICK ROGER
Pour lui apporter en fait…

NATHALIE ELIMAS
Pour lui apporter les réponses.

PATRICK ROGER
Les réponses. La confiance en même temps face à ce qui s'était passé en classe ?

NATHALIE ELIMAS
Mais bien sûr que ça donne…

PATRICK ROGER
Le soutien du moins…

NATHALIE ELIMAS
C'est du soutien, c'est de la confiance, on n'est pas seul. D'abord, on n'est pas seul quand on est professeur, parce qu'on est au milieu d'une équipe et d'une hiérarchie, et il y a en plus ces supports parce que les questions relatives à la laïcité, elles sont parfois complexes, et tous les professeurs ne sont pas forcément à l'aise, il faut le dire, avec ces questions. Donc il y a ces équipes « valeurs de la République » qui sont là en soutien.

PATRICK ROGER
Oui, voilà. Ça va être abordé aujourd'hui, il y a le Grenelle de l'Education qui s'ouvre, ça va être un point en fait particulièrement important, vous allez essayer de développer ça pour préparer la rentrée dans 10 jours ?

NATHALIE ELIMAS
Alors le Grenelle des professeurs qui s'ouvre aujourd'hui, s'ouvrait aujourd'hui de toute façon. Les questions, c'est plutôt la revalorisation salariale et la politique RH à l'Education nationale, l'évolution des carrières, la mobilité, etc, ça, c'est le Grenelle. Evidemment que ce drame vient le percuter, et, bien sûr, nous allons aborder ces questions à l'occasion du Grenelle.

PATRICK ROGER
Oui, c'est ça. Alors sur les augmentations, on l'avait évoqué quand il y avait eu la réforme des retraites, où est-ce qu'on en est justement aujourd'hui sur les augmentations des rémunérations ?

NATHALIE ELIMAS
Eh bien, ça va être tout l'objet du Grenelle des professeurs qui s'ouvre, alors, moi, je peux vous parler par exemple de ce qu'il en est pour l'Education prioritaire, puisque dans le cadre des réseaux d'Education prioritaire, il y a des primes qui ont été mises en place, on attend le versement du troisième pan de la prime, les professeurs ont pu s'inquiéter un petit peu parce qu'elle n'arrivait pas, je leur confirme qu'elle sera versée, et justement, dans le cadre de ce grand débat que nous allons avoir avec eux, nous allons étudier les modalités, mais il n'y a évidemment pas de changement. Et puis, les nouveaux professeurs vont être dotés d'une prime informatique, effectivement, on parle revalorisation, mais tout ça fait l'objet du Grenelle à venir.

PATRICK ROGER
Oui, c'est ça. Et sur les zones d'Education prioritaire d'une façon spécifique, bien souvent, on a dit : on envoie des jeunes qui n'ont pas forcément d'expérience dans ces zones, j'ai cru comprendre qu'il y a quelques années, on a voulu changer un petit peu les choses, où en est-on en fait aujourd'hui ?

NATHALIE ELIMAS
Alors, oui, on envoie des jeunes, moi-même, je vous l'avais dit, j'ai été professeur, j'ai travaillé en Education prioritaire quand j'étais jeune professeur, je n'en suis pas traumatisée. Vous savez, c'est aussi très formateur…

PATRICK ROGER
Il y en a qui sont traumatisés.

NATHALIE ELIMAS
Et là, justement, je veux soulever la question de la formation initiale et de la formation continue des professeurs, justement, sur la question de la laïcité, parce que depuis le drame, évidemment, les professeurs se sont exprimés, j'en ai rencontré moi-même, puisque je suis en déplacement pendant cette période de congés scolaires, parce que les élèves sont accueillis, même pendant les vacances, par des professeurs, et qui se disent parfois, encore une fois, démunis ou désarmés face à ces questions de laïcité. Donc à l'occasion du Grenelle également, puisque nous allons aborder la question des ressources humaines et de la formation, nous allons travailler sur la formation initiale et la formation continue des professeurs, pour mieux les préparer à ces questions et mieux les armer sur tout ce qui concerne le champ des valeurs de la République…

PATRICK ROGER
Oui, et est-ce qu'il faut des sanctions plus fortes aussi contre ceux qui remettent en cause les cours, à Muret, là, on vient de le voir, il y a 7 jeunes qui ont qui sont en garde à vue, puisqu'il y a une prof qui a été insultée, donc il y a quelques jours ?

NATHALIE ELIMAS
Alors, je ne vais pas commenter les affaires en cours, néanmoins, pour répondre à votre question et notamment aller sur le 2 novembre, le jour de la rentrée, nous voulons que ce temps soit particulièrement fort et un temps d'union et même de communion nationale, c'est-à-dire que dans toutes les écoles, sur tout le territoire, il y aura une minute de silence qui sera observée, évidemment, il n'y aura pas, si je puis dire, de trou dans la raquette, il faut que ça se fasse partout et de la même manière, et s'il y avait des contestations d'élèves, en effet, elles pourraient être sanctionnées.

PATRICK ROGER
Oui, parce que c'est ce qui s'était passé, on s'en souvient, après Charlie, bien sûr…

NATHALIE ELIMAS
Absolument. Mais le ministre, là, Jean-Michel BLANQUER est vraiment très clair, et nous sommes clairs et fermes sur ce point.

PATRICK ROGER
Est-ce que vous ne croyez pas qu'en dehors de l'école, aujourd'hui, il y a besoin de travailler sur l'intégration, sur l'instruction civique, les valeurs de la société et de la République dans certains quartiers ?

NATHALIE ELIMAS
Bien sûr, d'abord, l'école ne peut pas tout, ensuite, en effet, on parle de lutte contre le terrorisme, ça, c'est une chose, mais en amont, il y a son terreau, il y a l'obscurantisme, il y a la radicalisation, et là, il y a beaucoup à faire ; l'école peut faire beaucoup, l'école, c'est quand même parfois le seul et dernier lieu où on éveille les consciences. Donc déjà, il faut être encore une fois très ferme et clair à l'école, mais aussi, au-delà, on le voit, certaines associations vont être dissoutes, et là, il ne doit pas y avoir le début de commencement du nombre, toutes celles et ceux qui sont les ennemis de la République ne sont pas les bienvenus. Et il faut être extrêmement clair sur ces questions-là.

PATRICK ROGER
Mais il faut les remplacer par d'autres qui respectent, peut-être, ces associations, pour faire un travail de terrain, non ?

NATHALIE ELIMAS
Absolument, il y a un travail de terrain à faire, c'est indéniable, et encore une fois, je reviens sur l'Education prioritaire, on a un système qui s'appelle les Cités éducatives où on a un écosystème qui travaille autour des jeunes que l'on met en place dans les quartiers, il y a dans cet écosystème des associations, il faut évidemment travailler avec ces associations, il faut aussi leur faire dire, de façon claire, qu'elles sont dans la République et pour la République. Dès lors qu'il y a un doute, on ne peut pas travailler ensemble, la preuve.

PATRICK ROGER
Merci Nathalie ELIMAS, secrétaire d'Etat chargée de l'Education prioritaire, était notre invitée ce matin, alors que s'ouvre donc le Grenelle de l'Education.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 octobre 2020