Interview de M. Alain Griset, ministre chargé des petites et moyennes entreprises, à Europe 1 le 27 novembre 2020, sur le commerce, les restaurants et les stations de sport d'hiver face à l'épidémie de Covid-19.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Alain Griset - Ministre chargé des petites et moyennes entreprises

Média : Europe 1

Texte intégral

SONIA MABROUK
Bonjour Alain GRISET.

ALAIN GRISET
Bonjour.

SONIA MABROUK
Dès demain avec un protocole sanitaire renforcé, réouverture des commerces. Vous vous êtes rendu compte combien ils sont essentiels pour des commerces dits non-essentiels ?

ALAIN GRISET
Vous aurez sûrement remarqué que je n'ai jamais utilisé ce terme. J'ai dit qu'on avait laissé ouverts les magasins qui distribuaient les produits de première nécessité. Et le président lui-même dans son intervention il y a quelques jours a redit combien l'ensemble des commerces, l'ensemble des entrepreneurs étaient essentiels dans ce pays. Moi j'ai compris naturellement leur volonté de travailler. C'est un message très fort. Ils disaient : mais nous les aides, naturellement elles sont indispensables, mais nous ce qu'on veut c'est travailler. Et donc il est heureux qu'on ait pu - le président de la République a pris cette décision - leur permettre de rouvrir dès samedi.

SONIA MABROUK
Et vous êtes confiant monsieur GRISET ? Vous êtes confiant sur la reprise ? Parce que réouverture ne veut pas forcément dire reprise solide tout de suite de leurs activités.

ALAIN GRISET
Tout d'abord, on est dans une période qui est tout à fait essentielle, elle, cette période. Parce que c'est la période de l'année pendant laquelle les commerçants travaillent le plus. Je pense aussi qu'il y a un besoin de consommation des Français et que, par ailleurs, l'ensemble des professionnels a fait vraiment le nécessaire pour que sur le plan sanitaire les choses soient sécurisées.

SONIA MABROUK
Donc confiance garantie évidemment dans ces commerces dès demain. Allons dans le détail si vous le voulez bien. Ces commerçants vont donc rouvrir fin novembre. Il reste une semaine avant la fin du mois. Est-ce qu'ils pourront quand même, Alain GRISET, demander l'aide du fonds de solidarité renforcé mais au titre du mois de novembre ?

ALAIN GRISET
La réponse est clairement oui, sans aucun doute. Nous avons indiqué que le fonds de solidarité renforcé, parce que permettez-moi de le préciser : nous étions à 1 500 euros de mars à juillet. Nous avons dit au mois de novembre 10 000 euros de compensation de chiffre d'affaires. Et donc dès le 4 décembre - j'insiste là-dessus, il faut que ça soit rapide – dès le 4 décembre, l'ensemble de ceux qui ont été fermés pourront demander le remboursement de ce chiffre d'affaires, et dans les jours qui suivent l'argent devrait être sur leur compte en banque. Donc ça doit être simple et rapide.

SONIA MABROUK
Les jours qui suivent ? Mais pourquoi, Monsieur le ministre, pourquoi on a tant de témoignages qui nous disent : ça n'arrive pas, c'est tellement long à arriver ces aides, on n'en voit pas la couleur ?

ALAIN GRISET
Nous avons montré de mars à juin que le fonds de solidarité était totalement efficace, que ça fonctionnait et ça sera le cas cette fois-ci. Ce qui est un peu plus long quelquefois, c'est les questions d'exonérations de cotisations sociales parce qu'il y a des mécanismes qui sont comme ça. Mais le fonds de solidarité marche très bien et est efficace.

SONIA MABROUK
Mais donnez-nous un indicateur. Par exemple pour le fonds de solidarité du mois d'octobre, combien d'entreprises ou de PME ont déjà perçu les aides ?

ALAIN GRISET
On a eu pour l'instant plus de 275 000 entreprises qui ont fait des demandes et l'argent, dès que la demande est faite sur le fonds de solidarité, c'est quasi immédiat.

SONIA MABROUK
D'accord. Et pour les aides du mois de novembre, quand est-ce que ces aides arriveront ?

ALAIN GRISET
A partir du 4 décembre la demande, puisqu'on ne peut pas commencer avant la fin du mois. Donc dès le 4 décembre, l'outil de la DGFIP est prêt, les demandes peuvent être faites et l'argent dans les dix jours qui suivent arrive sur les comptes en banque.

SONIA MABROUK
Et pendant ce temps il y a, Alain GRISET, la colère des restaurateurs qui rouvriront au mieux le 20 janvier. Ils maintiennent, Monsieur le ministre, que leurs restaurants ne sont pas des foyers de contamination. Ils ont tort ?

ALAIN GRISET
Non mais globalement dans tous les pays du monde - dans tous les pays du monde – lorsqu'il y a des mesures de confinement, les bars, les restaurants, les salles de sport sont les premiers établissements…

SONIA MABROUK
Mais je vous parle de la France. Il n'y a pas d'études françaises sur les contaminations dans les restaurants.

ALAIN GRISET
C'est vrai. Il y a une étude qui est commencée mais pour l'instant il n'y a pas d'étude qui est terminée. Tous les scientifiques se basent sur les études qui ont été faites en particulier aux Etats-Unis. Il y a aussi…

SONIA MABROUK
D'ailleurs, pardonnez-moi, sur des fast-foods aux Etats-Unis. Ce n'est pas le même style de restauration que le nôtre.

ALAIN GRISET
Ce qui est vrai. Il y en a aussi un peu en France mais ce n'est pas traditionnellement dans les restaurants. Il y a aussi des travaux qui sont réalisés au fur et à mesure que les patients rentrent à l'hôpital. On leur demande quel a été leur parcours effectivement et démontrer qu'il y a des passages dans les bars et dans les restaurants. Et puis il y a aussi le fait…

SONIA MABROUK
Oui, et puis au sein des familles, dans les entreprises, dans les métros.

ALAIN GRISET
Non mais moi d'abord, je veux dire aux restaurateurs combien nous sommes derrière eux pour les soutenir d'abord financièrement. Je sais que ce n'est pas suffisant parce qu'ils veulent travailler eux aussi. Je sais aussi qu'ils ont fait beaucoup d'efforts pour respecter des contraintes sanitaires qui leur sont imposées. Tous les guides de bonnes pratiques d'ailleurs qui ont été renforcés. Nous avions négocié avec eux. Il y a un renforcement des…

SONIA MABROUK
Et c'est précisément cela qu'ils ne comprennent pas, parce que c'est un profond sentiment d'injustice. Ils ont fait le job si on peut dire et puis ils sont fermés.

ALAIN GRISET
Ils ont fait le job sur ce qui leur a été demandé, très clairement.

SONIA MABROUK
Oui.

ALAIN GRISET
Mais n'empêche que dans un restaurant, on est dans une position pendant quelques fois une heure, une heure et demie, il faut enlever le masque. Et donc cet élément-là fait que la transmission du virus est quelque chose qui peut se développer, donc la précaution vaut pour l'instant malheureusement qu'on est contraint de les laisser fermés.

SONIA MABROUK
Pour les restaurateurs, pour les bars, pour les gérants aussi de salles de sport - il ne faut pas les oublier. Pour toutes ces entreprises, Alain GRISET, fermées administrativement jusqu'au 20 janvier, elles peuvent avoir quelle que soit d'ailleurs leur taille, une aide de 20% de leur chiffre d'affaires d'ailleurs par rapport à l'an passé sur le mois de décembre. Est-ce qu'il y a un plafond ?

ALAIN GRISET
Alors tout d'abord, le fonds de solidarité qu'on évoquait il y a quelques instants, c'était 10 000 euros au mois de novembre de compensation de chiffre d'affaires. On s'est aperçu actuellement, parce qu'on a des concertations très régulières, que pour certains restaurateurs qui avait des chiffres d'affaires plus importants ou ceux qui avaient plusieurs affaires que 10 000 euros n'étaient pas suffisants pour compenser cette perte. Il y avait une demande des restaurateurs d'avoir un fonds de solidarité qui prenait en charge 15% dans ce chiffre d'affaires. A force de discussions avec différentes branches, Bruno LE MAIRE a proposé au Premier ministre qui l'a accepté d'avoir ce fonds à 20% du chiffre d'affaires. C'est-à-dire qu'à partir du 1er décembre…

SONIA MABROUK
J'ai bien compris.

ALAIN GRISET
Pour les restaurateurs c'est 20% du chiffre d'affaires.

SONIA MABROUK
Mais y a-t-il un plafond ?

ALAIN GRISET
Pour l'instant, il y a un plafond qui est fixé à 100 000 euros.

SONIA MABROUK
Pour l'instant. Ça veut dire que demain, ça peut changer.

ALAIN GRISET
Pour l'instant parce qu'on sait… Mais on s'adapte. Vous avez vu que régulièrement les dispositifs se sont améliorés, se sont adaptés pour répondre aux besoins des professionnels.

SONIA MABROUK
Donc ça peut évoluer.

ALAIN GRISET
Il est évident que ce plafond, même à 100 000 euros par mois quand même de compensation, couvre 90-95 % des professionnels. Hier on nous a dit : écoutez, il y a encore quelques cas qui ne sont pas traités. Nous allons regarder.

SONIA MABROUK
Bon. Donc la décision n'est pas encore arrêtée. Monsieur le ministre, on sépare souvent l'entreprise personne morale et l'entrepreneur - d'ailleurs et à raison, l'entreprise. Et l'indépendant dans tout ça ? Est-ce qu'on n'est en train de tuer l'esprit d'entreprendre dans notre pays ?

ALAIN GRISET
Je ne crois pas du tout. D'ailleurs on constate que même pendant la période de crise, il y a pas mal d'hommes et de femmes en France qui se sont installés, qui ont créé leur entreprise. Pourquoi ? Parce que…

SONIA MABROUK
Il y a des PME, des TPE, des PME…

ALAIN GRISET
Dans un premier temps souvent, on la crée seul son entreprise. Parce qu'aussi beaucoup d'hommes et de femmes qui se trouvent dans les situations de chômage considèrent que la création d'entreprise pour eux, c'est le chemin demain de pouvoir trouver le moyen de vivre. Donc il y a par ailleurs des travaux qui sont faits, même si l'actualité fait que c'est moins visible, pour permettre de mieux sécuriser le chef d'entreprise, pour éviter qu'il y ait des dangers en cas de difficulté de poursuites pour eux. Donc tout ça, ça se fait et naturellement l'esprit d'entreprise est essentiel. Dans ce pays dans lequel quand même il y a une protection sociale, il y a un accompagnement, il faut bien s'imaginer que s'il n'y a pas d'entreprises, il n'y a pas d'économie et il ne peut pas y avoir du social.

SONIA MABROUK
Et c'est évidemment important de le rappeler. Alain GRISET, comment on en arrive - dites-nous - à ouvrir les stations de ski en fermant les remontées mécaniques ?

ALAIN GRISET
Parce que dans les stations de ski, il y a des gens qui vivent en dehors des vacances et donc et les stations de ski ne sont pas fermées, les villes ne sont pas fermées. Par contre ce qui a été pour l'instant décidé, c'est qu'effectivement on ne pourrait pas permettre aux vacanciers de venir pour ouvrir les remontées mécaniques. Pour quelle raison ? Parce que simplement lorsque c'est fermé, vers 17 heures, que font les vacanciers ? Les vacanciers rentrent chez eux, dans les hôtels, les chalets, et puis il y a tendance à se regrouper, ce qui est normal parce que…

SONIA MABROUK
Oui, mais qu'ils le fassent dans un chalet ou chez eux dans leur résidence principale, quelle différence ? Véritablement vous trouvez qu'il y a un bon sens aussi ? On a envie de vous demander : est-ce que c'est vraiment un être humain qui a imaginé cela ou un tableau Excel, Monsieur le ministre ? Ça vous fait sourire. C'est peut-être un tableau Excel.

ALAIN GRISET
Non, ce qui me fait sourire ce n'est pas la situation…

SONIA MABROUK
Non, évidemment.

ALAIN GRISET
Parce qu'elle est dramatique, elle est difficile. Non, c'est que vous comparez l'être humain et le tableau Excel comme si dans un gouvernement, il n'y aurait pas des hommes et des femmes qui travaillent.

SONIA MABROUK
Il y a parfois des énarques qui peuvent penser comme certains tableaux Excel sans que ce soit une insulte.

ALAIN GRISET
Ça reste des hommes et des femmes.

SONIA MABROUK
Bien sûr.

ALAIN GRISET
Vous savez que je n'en suis pas mais il est évident que d'abord 1) je veux rendre hommage aux hommes et aux femmes responsables, élus, représentants de la montagne qui ont beaucoup travaillé. On a fait plusieurs réunions avec eux. Le Premier ministre a fait une réunion lundi dernier qui a montré qu'il y avait vraiment…

SONIA MABROUK
Mais ils souffrent, Alain GRISET. Les hommages c'est bien, le travail c'est mieux.

ALAIN GRISET
Non mais naturellement. Il y a d'ailleurs encore une réunion prévue lundi prochain avec le Premier ministre.

SONIA MABROUK
Pourquoi ? Il peut y avoir des dérogations ?

ALAIN GRISET
Parce qu'on continue à travailler avec eux.

SONIA MABROUK
Oui, mais travailler pour quelle…

ALAIN GRISET
Pour regarder de quelle manière…

SONIA MABROUK
Je vous donne un exemple peut-être. Christian ESTROSI demande l'ouverture des stations des Alpes-Maritimes, soutenant que le taux d'incidence est très faible dans sa région. Est-ce qu'il pourrait y avoir des dérogations en fonction de cela ?

ALAIN GRISET
Je ne peux pas anticiper de ce qui va se passer. Je vous dis simplement qu'il y aura de nouveau une réunion. On regarde les choses. Pour l'instant, la décision qui a été indiquée au président de la République c'est qu'il y avait aujourd'hui des risques sérieux. Vous savez…

SONIA MABROUK
Monsieur le ministre, il y a des réunions mais tout est décidé. Avouez que les responsables des stations de ski l'ont appris en direct à la télévision.

ALAIN GRISET
Non mais il y a des réunions pendant lesquelles chacun exprime ses positions. Explique ce qu'il fait, ce qu'il demande.

SONIA MABROUK
Et à la fin, vous décidez. Toujours.

ALAIN GRISET
A un moment donné, il faut…

SONIA MABROUK
Mais est-ce que vous écoutez ?

ALAIN GRISET
Naturellement. Vous savez, avec Bruno LE MAIRE, nous notre travail c'est de concerter, d'écouter et je peux vous assurer que la plupart, la quasi-totalité des propositions que nous faisons, que nous décidons ensuite ont été proposées par les professionnels. Alors certes à un moment donné, il y a aussi des conditions sanitaires. Parce que le jour au mois de janvier où il y aurait de nouveau une flambée du virus et qu'on annonce : il faut reconfiner, qu'est-ce qu'il se passera ? On nous dira : oui, vous avez laissé ouvert tel ou tel dispositif qui fait que nous sommes contraints de prendre des décisions qui sont loin d'être agréables mais qui sont indispensables pour garantir la sécurité sanitaire des Français.

SONIA MABROUK
Pour conclure Monsieur le Ministre, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a saisi la justice quant à votre déclaration de patrimoine pour, je cite, omission substantielle de votre part. Une omission substantielle à ce niveau-là, ce n'est plus de la maladresse.

ALAIN GRISET
Ecoutez, j'ai apporté les éléments de clarification à la Haute autorité. Il y a une procédure donc je vais y répondre. Et puis vous comprenez, l'actualité étant ce qu'elle est, mon principal objectif aujourd'hui c'est de remplir ma mission.

SONIA MABROUK
Non mais certes.

ALAIN GRISET
Le président de la République a fait le mieux possible…

SONIA MABROUK
Mais c'est une maladresse ? Comment on peut oublier des participations financières, un compte associé épargne ?

ALAIN GRISET
Vous comprendrez que je ne peux pas commenter une procédure en cours. Nous verrons dès que tout ça est terminé, on en parlera.

SONIA MABROUK
Vous êtes confiant sur la confiance qui vous est accordée ?

ALAIN GRISET
Naturellement. J'ai fait preuve d'honnêteté et on verra la suite.

SONIA MABROUK
Merci Alain GRISET d'avoir répondu à nos questions ce matin. Je vous souhaite une bonne journée ainsi qu'à nos auditeurs.

ALAIN GRISET
Merci beaucoup.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 novembre 2020