Interview de Mme Elisabeth Moreno, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, à RTL le 25 novembre 2020, sur les dispositifs qui permettent de venir en aide aux victimes à l'occasion de la journée mondiale contre l'élimination des violences faites aux femmes.

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Texte intégral

YVES CALVI
A l'occasion de la Journée internationale de l'élimination de la violence faites aux femmes, Alba VENTURA, vous recevez donc ce matin la ministre déléguée chargée de l'Egalité femmes-hommes, Elisabeth MORENO.

ALBA VENTURA
Bonjour Elisabeth MORENO.

ELISABETH MORENO
Bonjour Alba VENTURA.

ALBA VENTURA
Personne ou presque n'est passé à côté du procès de Jonathan, DAVAL, en revanche personne ou presque n'a entendu parler de ce qui vient de se passer à Bully-les-Mines dans le Pas-de-Calais, où Sandy, 33 ans, mère de 4 enfants, a été brûlée vive par son compagnon. Alors, l'entourage avait perçu la dangerosité de cet homme, tout le monde avait peur, Sandy aussi, qui l'avait quitté plusieurs fois, mais sans oser porter plainte. Qu'est-ce qu'il faut faire, Elisabeth MORENO, qu'est-ce qu'il aurait fallu faire pour sauver cette jeune femme ?

ELISABETH MORENO
Il y a plusieurs choses dans le cas que vous venez de mentionner, sur lesquelles je voudrais m'arrêter. Vous avez parlé de Sandy, vous avez parlé de ses enfants, vous avez parlé de sa peur, vous avez parlé de l'emprise qu'il peut y avoir, quand on sait qu'on est violenté au point où on peut en perdre sa vie. Eh bien c'est tout ce contre quoi je me bats aujourd'hui. Je me bats pour ces femmes qui n'osent pas, ces femmes qui culpabilisent, ces femmes qui veulent protéger leurs enfants et donc ne veulent pas les mettre dans la précarité en les quittant, parce que souvent elles sont dans la vulnérabilité et elles ne veulent pas mettre leurs enfants en situation de vulnérabilité. Et vous avez parlé du fait que, on le savait, sa famille devait le savoir, les forces de l'ordre. Il y a…

ALBA VENTURA
Comment, est-ce qu'on peut intervenir de l'extérieur, Madame la Ministre ?

ELISABETH MORENO
Oui. Tout le monde peut intervenir. Tout le monde peut intervenir, tout le monde peut dénoncer ces violences, tout le monde peut se sentir responsable des violences. Une société qui est violente, c'est une société dans laquelle nous devons tous nous sentir responsables. La maîtresse de l'enfant, parce que quand un enfant vit dans un foyer où il y a de la violence, il ne peut pas être bien à l'école. Une femme qui est violentée, ne peut pas être bien dans son lieu de travail. Tout le monde peut le voir, si on accepte de regarder, et tout le monde doit dénoncer.

ALBA VENTURA
Dites-moi, il y a eu plus de violences pendant le confinement ?

ELISABETH MORENO
Il y a eu plus de violences pendant le confinement, c'est absolument terrible. Déjà lors du premier confinement on a vu les interventions des forces de l'ordre dans les familles pour des violences intrafamiliales, augmenter de 42 %. Et lors de ce deuxième confinement, il y a depuis le début du confinement, + 15 % de violences conjugales. Donc ce sont des choses que nous savons, c'est pour ça que nous mettons en place des structures pour aider, pour accompagner, pour secourir ces femmes, que ce soit leur offrir des lignes d'écoute, le 39 19 est là pour les aider, les conseillers et les diriger si elles veulent quitter le foyer conjugal.

ALBA VENTURA
Vous allez étendre les horaires du 39 19 ? C'est ce qui est demandé par les associations.

ELISABETH MORENO
Nous avons l'intention, il y a aujourd'hui des femmes sur les territoires ultramarins par exemple, qui du fait du décalage horaire n'ont pas accès au 39 19 suffisamment longtemps. Il y a des femmes qui sont malentendantes il y a des femmes qui ne n'arrivent pas à s'exprimer correctement, qui lorsqu'elles appellent le 39 19 n'arrivent pas à bien se faire comprendre. Je veux que cette ligne, le gouvernement veut que cette ligne soit accessible à toutes les femmes, sur l'ensemble du territoire, et qu'elles puissent être entendues et secourues lorsque cela est nécessaire.

ALBA VENTURA
Vous avez suffisamment de moyens, Elisabeth MORENO. Je vous dis ça, parce que selon Libération, le journal, l'Espagne consacre 16 € par habitant la lutte contre les violences faites aux femmes, contre 5 € en France.

ELISABETH MORENO
Alors, il faut comparer ce qui est comparable. D'abord, moi j'ai obtenu une augmentation, historique, de notre budget pour le ministère, pour lutter justement contre ces violences faites aux femmes. 40 %, dans une période aussi difficile que la nôtre, montre combien le président de la République et notre gouvernement, attachent de l'importance à ce sujet. Ensuite, il ne faut pas s'arrêter uniquement au budget de mon ministère, parce que moi je ne peux pas réussir, et nous ne pouvons pas réussir à éradiquer ce fléau, si le ministère de la Santé ne s'y met pas, et Olivier VERAN a décidé d'investir 5 millions d'euros pour que les femmes, au-delà d'être soignées dans les hôpitaux, elles puissent déposer plainte, elles puissent être entendues par la justice, elles puissent être prises en charge socialement. Lorsque nous investissons, lorsque nous créons plus de 1 000 places d'hébergement supplémentaires, Emmanuelle WARGON va là encore investir 5 millions d'euros. Lorsque Jean-Michel BLANQUER élargit l'éducation à l'école sur l'égalité entre les femmes et les hommes, parce que c'est là que tout commence, eh bien ce sont des investissements supplémentaires. Lorsque nous mettons en place les bracelets anti-rapprochement, c'est plus de 7 millions d'euros d'investis.

ALBA VENTURA
Tiens, justement, combien de bracelets anti-rapprochement ont été placés ?

ELISABETH MORENO
Vous le savez, nous avons lancé ces bracelets anti-rapprochement au mois de septembre, c'est un peu tôt pour comptabiliser. Nous nous appuyons sur l'exemple de l'Espagne qui lorsqu'elle a démarré, était à une centaine dans la première année, ce que je sais c'est que les magistrats sont sensibilisés, ce sont eux qui décident, ce sont eux qui jugent et qui les mettent en oeuvre, et c'est beaucoup trop tôt pour juger du nombre pour l'instant, mais nous sommes très mobilisés sur ce sujet.

ALBA VENTURA
Elisabeth MORENO, vous avez signé plusieurs partenariats, je pense notamment avec les grandes surfaces, c'est ça, les grands magasins.

ELISABETH MORENO
Absolument.

ALBA VENTURA
Comment ça marche ?

ELISABETH MORENO
Moi je pense que le triptyque pour lutter contre les violences, il porte sur les politiques publiques, ce que fait l'Etat, sur le travail remarquable que font les associations sur le terrain au quotidien, mais également sur les institutions privées. Et j'étais en conversation hier avec plusieurs chefs d'entreprise, dont la grande distribution, qui ont décidé de nous soutenir dans cette lutte, à savoir pendant le confinement nous avons eu des centres d'accueil, des espaces d'accueil éphémères, où les femmes qui ne pouvaient pas téléphoner ou qui ne pouvaient pas envoyer de SMS, lorsqu'elles allaient faire les courses, eh bien une association étaient là pour les accueillir, pour les écouter et pour les diriger lorsque c'était nécessaire. Et je veux remercier toutes les personnes, toutes les personnes, qui s'engagent dans cette lutte, parce qu'encore une fois nous n'y arriverons pas seuls. Quand CASINO, quand SYSTEME U quand CARREFOUR ou LIDL, LIDL nous a accordé une page entière dans leurs catalogues, pour rappeler tous les numéros : 39 19, 114, le chat…

ALBA VENTURA
Dans les tracts de publicité des produits, c'est ça ?

ELISABETH MORENO
Exactement, dans leurs catalogues de publicités au quotidien, eh bien vous trouvez tous les dispositifs qui existent aujourd'hui pour aider les femmes qui sont victimes de violences.

ALBA VENTURA
Madame la Ministre, vous avez aussi mis un marché entre les mains des chauffeurs de VTC, c'est ça ?

ELISABETH MORENO
Oui, absolument.

ALBA VENTURA
Quel peut être leur rôle ?

ELISABETH MORENO
Avec Jean-Baptiste DJEBBARI, nous allons signer…

ALBA VENTURA
Ministre des Transports.

ELISABETH MORENO
Ministre des transports, nous allons signer aujourd'hui une charte avec les VTC, et je veux souligner également qu'Uber nous nous offre ou offre à ces femmes 2 000 trajets gratuits, parce que quand on veut fuir, il faut qu'on ait un moyen de transport, ce n'est pas toujours le cas…

ALBA VENTURA
Mais comment on fait…

ELISABETH MORENO
Alors, je vais vous dire…

ALBA VENTURA
… je sors de chez moi, j'ai peur, j'interpelle un VTC, je dis : « Je suis une femme en danger » ?

ELISABETH MORENO
Absolument. Vous dites que vous avez besoin…

ALBA VENTURA
Ils sont formés pour ça.

ELISABETH MORENO
Nous allons les former pour cela, ils vont prendre, ils vont traiter ces femmes-là différemment. On a besoin de bienveillance. Quand on souffre psychologiquement, physiquement, quand on est blessé, on a besoin que les gens prennent soin de nous, et c'est ce que nous allons demander à toutes les personnes qui sont dans le parcours de ces femmes qui sont en souffrance, pour qu'elles ne se sentent pas seules, et c'est ce que nous allons faire avec ces chauffeur VTC pour qu'ils attachent une importance toute particulière à ces femmes.

ALBA VENTURA
Et il y a évidemment beaucoup de dispositifs, je pense au dispositif de pharmacie également…

ELISABETH MORENO
Absolument. Nous avons 22 000 pharmacies sur notre territoire, qui nous permet, partout…

ALBA VENTURA
Ça marche ça ?

ELISABETH MORENO
Oui. Les informations qui ont été données aux pharmacies, et je veux remercier l'Ordre des pharmaciens pour ça, c'est : si jamais vous êtes une femme violentée, ou si un voisin sait que vous êtes violentée, un membre de votre famille sait que vous êtes violentée, vous pouvez aller dans une pharmacie en parler. Cette pharmacie prévient les forces de l'ordre et les forces de l'ordre interviennent. Vous voyez la chaîne de responsabilités que ça sous-entend ?

ALBA VENTURA
Tout à fait.

ELISABETH MORENO
Je veux continuer d'en parler. Aujourd'hui on est le 25 novembre, le 25 novembre Journée mondiale de l'élimination des violences faites aux femmes. Vous vous rendez compte qu'en 2020 on a encore besoin d'une Journée mondiale pour dire que les violences faites aux femmes tuent. Elles tuent tous les jours, elles blessent tous les jours, psychologiquement, physiquement, et que tout cela doit s'arrêter.

ALBA VENTURA
Elisabeth MORENO, vous êtes ministre depuis le mois de juillet, ancienne chef d'entreprise, directrice générale de HEWLETT PACKARD Afrique, vous êtes Franco Cap-Verdienne. « Je cochais – disiez-vous – toutes les cases de l'impossibilité ».

ELISABETH MORENO
La probabilité pour qu'une enfant d'immigrés arrive aux fonctions qui sont les miennes aujourd'hui, montre combien, au-delà de ce que certains peuvent dire, l'ouverture de notre pays. Nous sommes dans un pays qui a des valeurs fortes, qui sait accueillir, qui sait ouvrir les bras, qui sait aider et qui sait donner les moyens aux autres de réussir. Moi je suis ici en face de vous, grâce à mes enseignants, grâce à mes professeurs qui ont cru en moi parfois plus que je ne croyais en moi-même, et qui font qu'aujourd'hui je suis ministre de la République, c'est complètement…

ALBA VENTURA
Parce que vous avez une histoire personnelle bouleversante, je viens de le dire, vous êtes née au Cap Vert, votre papa était maçon, votre maman femme de ménage, des parents qui ne savaient ni lire, ni écrire, et c'est l'école qui a fait ce que vous êtes aujourd'hui.

ELISABETH MORENO
Je suis ce que je suis aujourd'hui, grâce à mes enseignants qui m'ont montré tous les possibles, et…

ALBA VENTURA
Alors que votre maman vous disait : « Tu seras une bonne épouse ».

ELISABETH MORENO
Ma mère m'a élevée pour que je sois une bonne fille, une bonne soeur, une bonne fille, une bonne mère et une bonne épouse. Elle ne pouvait pas imaginer, parce qu'elle-même c'est ce qu'elle a vécu, elle ne pouvait pas imaginer que je puisse avoir d'autres rêves, de devenir avocate, de devenir chef d'entreprise, et elle me disait plutôt : « Oh lala, calme-toi, regarde ce qui est fait pour toi », parce que c'est ça la vie des filles aujourd'hui, tout le monde sait mieux qu'elles ce qui est fait pour elles. Et moi je veux dire aux jeunes filles qui nous écoutent et aux femmes qui doutent, qui n'osent pas, parce qu'on leur a dit « ça n'est pas fait pour toi », tout est fait pour vous si vous le décidez. Est-ce que c'est difficile ? Oui c'est difficile. Mais est-ce qu'il y aura des gens pour vous tendre la main et vous aider à réussir si vous vous accrochez à vos rêves ? Oui ça arrivera. Donc osez, rêvez, et ne vous laissez pas mettre de barrières là où vous ne le souhaitez pas.

ALBA VENTURA
Merci pour votre belle énergie, Elisabeth MORENO.

ELISABETH MORENO
Merci pour votre invitation.

YVES CALVI
« Je me bats pour ces femmes victimes de violences », vient de nous dire Elisabeth MORENO, mais tout le monde peut jouer son rôle et notamment dénoncer. Elisabeth MORENO qui revendique bénéficier d'une augmentation de 40 % de son budget pour son ministère. Merci beaucoup. En effet votre énergie fait beaucoup de bien, et on peut retrouver cette énergie sur le site rtl.fr.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 novembre 2020