Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invité ce matin, Bruno LE MAIRE, bonjour.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance. Parlons de la vaccination, hier le Premier ministre a présenté le plan de vaccination, alors, deux vaccins disponibles, fin décembre ou début janvier, je résume, 200 millions de doses, la vaccination sera gratuite pour tous. On ne sait pas, je n'ai pas entendu le Premier ministre en parler, peut-être le savez-vous, pas de vaccination pour les moins de 18 ans, c'est cela ?
BRUNO LE MAIRE
Je vais être très franc avec vous, Jean-Jacques BOURDIN, je ne suis pas responsable de la vaccination, et je ne tiens pas à l'être, il y a un excellent ministre de la Santé, Olivier VERAN, qui est chargé de ce sujet-là, mais je ne suis pas responsable de la vaccination.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, je vous dis ça parce que la question, je ne sais pas, personne ne pose la question. Il paraît, il paraîtrait, qu'on ne vaccinera pas les moins de 18 ans.
BRUNO LE MAIRE
En tout cas le Premier ministre a fixé les principes, je trouve qu'ils sont clairs, la vaccination est facultative, elle se fait par étapes avec des personnes prioritaires, et elle est gratuite, et je pense que ces principes-là sont de bons principes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le coût pour l'Etat, justement ?
BRUNO LE MAIRE
On est à 1,5 milliard, qui ont été provisionnés dans le PLFSS, projet de loi de finances de la Sécurité sociale, pour financer les vaccins, mais il va de soi que tout l'argent nécessaire pour l'achat des vaccins sera disponible. Le choix qu'a fait le président de la République depuis le départ est très clair, la santé n'a pas de prix, et donc ce qui est nécessaire pour financer les vaccins sera disponible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que tout le gouvernement ne devrait pas se faire vacciner en public, pour donner une impulsion ? Il y a tant de Français qui doutent de la vaccination.
BRUNO LE MAIRE
Dès que ce sera possible, en tout cas moi je me ferai vacciner, je pense que ce sera le cas de tous les membres du gouvernement, mais je rappelle que nous ne sommes pas public prioritaire, donc laissons d'abord les personnes prioritaires se faire vacciner, puis nous ça viendra le moment venu, pas la peine de faire de la publicité autour de ça, je pense que ça peut se faire discrètement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, Bruno LE MAIRE, le Black Friday, grande braderie, aujourd'hui dilemme, pour beaucoup, entre la conscience écologique et l'attrait de la consommation, qui n'a pas un pull qui traîne dans un placard, qu'on n'a jamais porté, ça vous est arrivé, ça vous arrive, et ça m'arrive évidemment, deux Français sur trois sont prêts à profiter des prix plus bas proposés ce vendredi. Est-ce que vous déplorez cette surconsommation ?
BRUNO LE MAIRE
Non, enfin je ne vois pas pourquoi… enfin, cette façon de donner mauvaise conscience aux gens, en leur disant "n'achetez pas ceci, n'achetez pas cela", je pense que l'immense majorité des Français font des achats responsables, ils regardent, ils ont des applications, ils regardent les ingrédients qui sont dans les produits alimentaires, ils vont regarder de plus en plus d'où viennent les vêtements, comment ont été fabriqués les pulls, d'où viennent les textiles, est-ce qu'ils sont mauvais pour l'environnement ou pas, on sait que le textile a un impact sur l'environnement qui est très fort. Les marques vont évoluer, les producteurs sont en train d'évoluer de manière considérable, notamment les producteurs de textiles techniques français, ils peuvent vous sourcer l'origine des produits, vous dire comment ça a été fabriqué. Donc moi je crois à cette évolution vers un achat responsable et je fais confiance aux consommateurs, ce n'est pas à nous de leur faire la morale matin, midi et soir, en leur disant de faire ceci ou de faire cela, faisons confiance à la responsabilité des Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que ces grandes journées style Black Friday ne tuent pas les petits commerces ?
BRUNO LE MAIRE
Enfin, on est bien content aussi, Jean-Jacques BOURDIN, de pouvoir acheter un produit électroménager un peu moins cher, quand vous devez changer votre lave-linge ou votre lave-vaisselle, très honnêtement ce n'est pas l'achat le plus amusant du monde, et on est content d'avoir -20, -30, -40% sur cet achat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et certains n'ont pas les moyens de faire autrement.
BRUNO LE MAIRE
Certains n'ont pas les moyens de faire autrement, et puis on est tous bien content de dépenser un peu moins d'argent pour des biens de consommation qui sont nécessaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
AMAZON, moratoire sur la construction de nouveaux entrepôts ou pas ? C'est ce qui était demandé dans la fameuse consultation écologique.
BRUNO LE MAIRE
Je voudrais, là aussi, qu'on regarde les problèmes tels qu'ils se posent, et que sereinement on voit la réalité des problèmes français en matière environnementale. Est-ce qu'il y a un problème d'artificialisation des sols en France ? oui, et je le dis pour avoir, depuis près de 10 ans, quand j'étais ministre de l'Agriculture, demandé qu'on stoppe l'artificialisation des sols et qu'on protège les terres agricoles qui étaient menacées par cette artificialisation qui va trop vite. Mais qu'est-ce qui est la première responsabilité de l'artificialisation des sols ? C'est la construction de logements neufs, c'est l'extension des communes, des villes, et je le dis comme élu local, moi je vois bien dans ma circonscription de l'Eure, comment des petites communes rurales se sont largement étendues avec de l'artificialisation. Alors, comme on ne veut pas voir ce problème, qui est beaucoup plus compliqué, parce qu'il nous concerne tous Jean-Jacques BOURDIN, il concerne nos choix d'habitation, il concerne le choix d'un logement individuel plutôt que l'extension de logements à l'intérieur d'une commune, on préfère pointer le doigt sur la construction d'entrepôts, par AMAZON, ou d'ailleurs par d'autres, d'entrepôts logistiques qui, je le rappelle, créent beaucoup d'emplois, pour beaucoup de Français, et qui ne représentent que quelques pourcents de l'artificialisation des sols. Donc, je veux bien qu'on regarde ce sujet, mais je ne voudrais pas que l'arbre cache la forêt.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il n'y aura pas de moratoire ?
BRUNO LE MAIRE
Traitons d'abord les vrais sujets. Je pense que la politique, en France, gagnerait à poser sereinement la réalité des problèmes plutôt que de prendre des boucs-émissaires sur lesquels tout le monde s'acharne, et du coup on met les vrais problèmes sous le tapis, on ne les traite pas. Moi si je fais de la politique Jacques BOURDIN, c'est pour essayer, dans toute la mesure du possible, avec la meilleure volonté possible, de traiter la réalité des problèmes. L'artificialisation des sols est un problème majeur pour la protection de notre environnement, mais la réalité c'est que c'est d'abord le logement individuel qui pose une difficulté.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les soldes d'hiver, avec le Covid, seront repoussées ?
BRUNO LE MAIRE
Elles seront repoussées, le ministre délégué aux PME, Alain GRISET, l'a annoncé ce matin, au 20 janvier, c'est une façon de donner un peu d'air aux petits commerçants, c'est un choix que nous faisons, pour les petits commerces, qui eux ont moins de marge, moins de possibilités, qui veulent écluser leurs stocks à prix les plus intéressant pour eux, j'espère que cela fonctionnera, et j'espère surtout que les Français privilégieront leurs commerces de proximité dans cette période de Noël.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Beaucoup de Français ont besoin, en ce moment, de « Ticket Restaurant », parce que les fins de mois sont difficiles, est-ce que les "Ticket Restauranté 2020 seront valables plus longtemps ?
BRUNO LE MAIRE
Ils seront valables plus longtemps, et alors pour le coup c'est une mesure très favorable aux consommateurs et très favorable aux restaurateurs, pourquoi ? vous savez que nous avions prévu que les "Ticket Restaurant", leur montant puisse passer de 19 à 38 euros, justement pour permettre à chaque Français d'utiliser son "Ticket restaurant", dans un restaurant, pour un montant plus élevé, normalement ça finissait le 30 décembre 2020, nous allons prolonger jusqu'en septembre 2021 cette mesure.
JEAN-JACQUES BOURDIN
38 euros jusqu'en septembre 2021 ?
BRUNO LE MAIRE
38 euros jusqu'en septembre 2021, et nous allons permettre à tous ceux qui ont fait des stocks de "Ticket Restaurant", parce qu'évidemment les restaurants sont fermés, donc la mesure que j'annonce n'aurait pas grand sens si ils pouvaient pas utiliser ce stock de "Ticket Restaurant" qu'ils ont chez eux, normalement ils sont périmés en février 2021, leur prolongation sera décidée jusqu'en septembre 2021, donc ça veut dire que vous avez toute une somme de "Ticket Restaurant" qui vont pouvoir être utilisés jusqu'en septembre 2021, pour un montant jusqu'à 38 euros, et ça va permettre de redonner 700 millions d'euros de pouvoir d'achat aux restaurateurs. L'ensemble de ces tickets, et cette mesure de doublement de 19 à 38 euros pour les restaurants, c'est 700 millions d'euros qui vont pouvoir être consommés par les Français, dans les restaurants, et si je dis jusqu'au 1er septembre c'est tout simplement pour qu'ils puissent aussi être utilisés pendant l'été, pour que chacun puisse se faire plaisir, et qu'on ait cette perspective de relancer la consommation dans nos restaurants. Aujourd'hui je vois tellement de restaurateurs…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui rouvriront le 20 janvier.
BRUNO LE MAIRE
Totalement désespérés…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui rouvriront le 20 janvier.
BRUNO LE MAIRE
On travaille, c'est la date qu'a fixée le président de la République, c'est la date de rendez-vous, je verrai à nouveau un certain nombre de restaurateurs la semaine prochaine, on va regarder s'il y a encore d'autres mesures sanitaires qui peuvent être prises pour rassurer les consommateurs et garantir la sécurité sanitaire, mais ce que je vous dis sur les "Ticket Restaurant" c'est une façon de dire à mes amis restaurateurs "je ne vous oublie pas, on prend toutes les mesures nécessaires, et on vous redonne cette possibilité de pouvoir d'achat avec des "Ticket Restaurant " utilisables jusqu'au 1er septembre 2021.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aucune possibilité d'ouverture avant le 20 janvier, des restaurants ?
BRUNO LE MAIRE
Non, j'ai toujours tenu un discours de vérité…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et les bars, le 20 janvier aussi, je ne sais toujours pas, les bars, le 20 janvier ou pas ?
BRUNO LE MAIRE
Ça dépendra totalement de la situation sanitaire. Moi je me déplace beaucoup en Europe, qu'est-ce que je vois ? je vois beaucoup de pays européens qui regardent la France en se disant "mais dans le fond, vous y est arrivé, vous êtes arrivé à stopper la circulation du virus", et ce que je veux éviter, à tout prix, ce que nous voulons éviter à tout prix, avec le Premier ministre, c'est que le virus redémarre à la rentrée 2021 et ruine tous les efforts collectifs que nous avons faits. Je pense que tous les Français peuvent être fiers de ce qu'ils ont réussi à faire, en un mois nous avons stoppé la circulation du virus, nous avons limité les dégâts économiques, parce qu'on a perdu à peu près 12 % de production, pas beaucoup plus, et donc on peut voir l'avenir avec confiance et sérénité. C'est dur, mais nous y sommes arrivés et nous sommes dans la bonne voie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, je vais vous parler de la dette Covid, mais je voudrais vous parler aussi des chèques-cadeaux, dans les entreprises, les comités d'entreprise qui donnent des chèques-cadeaux aux salariés, détaxés jusqu'à 174 euros je crois.
BRUNO LE MAIRE
Tout à fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous allez augmenter cette détaxation ?
BRUNO LE MAIRE
Je vais être très franc avec vous, on y réfléchi, je suis favorable à ce qu'on augmente le plafond de chèques-cadeaux sans aucun prélèvements sociaux, donc on y travaille, et j'ai bon espoir que d'ici la semaine prochaine on pourra déplafonner ces 174 euros. Ce n'est pas encore définitivement arrêté…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire doubler par exemple ?
BRUNO LE MAIRE
On a plusieurs options, donc je ne vais vous dire laquelle nous retiendrons avec le Premier ministre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais doubler par exemple ce plafond ?
BRUNO LE MAIRE
Ecoutez, je vais être très précis avec vous, nous avons un rendez-vous sur ce sujet, avec le Premier ministre, en début de semaine, et nous trancherons, avec Jean CASTEX, en début de semaine.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes favorable ?
BRUNO LE MAIRE
Tout ce qui permet de redonner de l'élan à l'économie française et la consommation française, j'y suis favorable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc une augmentation de cette détaxation. Bruno LE MAIRE, la dette Covid, nous en sommes à quoi, 120 % du PIB….
BRUNO LE MAIRE
On est à peu près à 120%…
JEAN-JACQUES BOURDIN
120, 121.
BRUNO LE MAIRE
Il y a des dépenses nouvelles qui s'ajoutent pratiquement chaque jour, mais nous avons une dette qui représente environ 120% de la richesse nationale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais alors Bruno LE MAIRE, j'ai lu une déclaration du ministre allemand de l'Economie qui dit "maintenant on ne peut plus dépenser sans limite, il va falloir qu'on fixe une date." Quand, quand, allez-vous réviser ces dispositions d'urgence ?
BRUNO LE MAIRE
Nous les révisions d'abord…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jusqu'à quand, jusqu'à quand peut-on vivre comme nous vivons économiquement aujourd'hui en France ?
BRUNO LE MAIRE
Nous les réviserons quand nous aurons fini avec le virus et fini avec la pandémie que nous connaissons actuellement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Même si la pandémie dure 1 an, 2 ans ?
BRUNO LE MAIRE
Mais, le choix stratégique que nous avons fait depuis le premier jour avec le président de la République et le Premier ministre, c'est soutenir l'économie et adapter des dispositifs au fur et à mesure, donc nous soutenons l'économie, nous avons, à partir du 1er décembre, recentré le soutien sur les secteurs qui sont les plus fragilisés, hôtellerie, cafés, restauration, industrie aéronautique, nous allons aussi, je le dis très simplement, retirer un certain nombre d'aides progressivement, lorsque ce n'est plus nécessaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand ?
BRUNO LE MAIRE
Prenez l'exemple du Fonds de solidarité. D'un côté, nous le renforçons massivement pour ceux qui sont fermés, ce n'est que de la justice, un restaurateur qui est fermé, un hôtel qui a -80% de chiffre d'affaires, une salle de sport qui a -100% de chiffre d'affaires puisqu'elle est fermée, c'est normal qu'on les soutiennent davantage, c'est ce que nous faisons à partir du 1er décembre, mais il y a un Fonds de solidarité dit universel, dont peuvent bénéficier toutes les entreprises qui ont perdu 50% de leur chiffre d'affaires, c'est l'indemnité qui va jusqu'à 1500 euros, ce Fonds de solidarité universel on va le maintenir jusqu'au 31 décembre, mais à mes yeux il n'y a pas lieu de poursuivre, à partir…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il ne sera pas poursuivi après le 31 décembre ?
BRUNO LE MAIRE
Non, il ne sera pas poursuivi après le 31 décembre parce que les activités économiques auront repris, et qu'il est normal que l'on passe d'un soutien universel, parce que la pandémie touche tout le monde, et que tous les secteurs économiques sont touchés, à un soutien davantage ciblé sur ceux qui sont les plus fragilisés, et qu'on donne plus à ceux qui ont moins, je pense que c'est vraiment une question de justice et une question d'efficacité économique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, pour rembourser la dette il va falloir réforme, continuer à réformer évidemment, il va falloir de la croissance évidemment, et une forte responsabilité sur les finances publiques, j'ai bien résumé la situation ?
BRUNO LE MAIRE
Vous avez parfaitement résumé, vous pourriez être ministre des Finances Jean-Jacques BOURDIN, vous feriez ça parfaitement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, non, je serais très maladroit. Bruno LE MAIRE, les retraites, la réforme des retraites, alors là je ne comprends pas très bien parce que vous avez déclaré, qu'est-ce que vous avez déclaré dimanche dernier ?
BRUNO LE MAIRE
Vous comprenez parfaitement, et d'ailleurs je vais vous dire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qu'est-ce que vous avez déclaré dimanche dernier Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Il y a une espèce, soit d'hypocrisie générale, soit de volonté de s'amuser, peut-être que les gens s'ennuient et donc veulent créer des problèmes là où il n'y en a n'a pas, ça c'est comme dans les familles heureuses, parfois on s'ennuie, donc on crée des problèmes inutiles, c'est exactement le cas sur la question de la dette.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ?
BRUNO LE MAIRE
Nous disons tous la même chose, avec, c'est normal, des intonations un peu différentes en fonction de nos responsabilités. Nous disons tous, le Premier ministre, le président de la République, et autres ministres, que la priorité absolue c'est de lutter contre la crise économique et contre ses conséquences, en particulier les conséquences sur l'emploi, et on se bat tous, 15 heures par jour, pour faire en sorte que l'économie redémarre et qu'on recrée de l'emploi en France, c'est évidemment notre priorité collective.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et donc la réforme des retraites est une priorité absolue ?
BRUNO LE MAIRE
Mais, c'est une priorité absolue, quand les réformes reprendront, c'est-à-dire quand nous en aurons fini avec la situation de crise économique majeure dans laquelle nous sommes, et quand nous aurons amorti le choc de la crise.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous ne savez pas si la réforme des retraites sera remise sur le tapis avant la fin du quinquennat ?
BRUNO LE MAIRE
Non, je ne sais pas quel sera le calendrier, bien entendu. En revanche, ce que je dis depuis des années, que je continue à dire, et que je continuerai de dire, parce que c'est la même chose que sur l'artificialisation des sols, les problèmes ne disparaissent pas comme par enchantement, comme ça, pschitt, ce n'est pas comme ça que ça se passe. Il y a, en France, une difficulté sur le financement de notre régime de retraite, dont dépend votre niveau de vie Jean-Jacques BOURDIN, et dont dépend le niveau de vie de tous ceux qui nous écoutent, et dont dépend le niveau de vie des jeunes qui rentrent sur le marché du travail, donc nous savons que ce problème-là devra être traité. On me dit "vous prenez ça… "
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que ne pas réformer, je vous coupe Bruno LE MAIRE…
BRUNO LE MAIRE
On me dit "vous prenez ça par le petit bout de la lorgnette, par le petit bout financier, mais enfin, si le ministre des Finances ne s'intéresse pas à l'équilibre financier des régimes de retraite, qui s'y intéressera ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que ne pas réformer les retraites, aujourd'hui, ou dans quelques semaines, c'est faire baisser les pensions dans 10 ans ?
BRUNO LE MAIRE
On parle plutôt de quelques mois, Jean-Jacques BOURDIN, que quelques jours ou quelques semaines, je le redis, la priorité collective c'est de lutter contre la crise et contre ses conséquences…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si on ne réforme pas les retraites on fait baisser les pensions…
BRUNO LE MAIRE
Mais, je ne fais que dire ce que dit le Conseil d'orientation des retraites, qui vous dit "il n'y a pas d'équilibre avant 2045." Est-ce que c'est raisonnable de garder un régime de retraite qui n'est pas équilibré jusqu'en 2045 ? Je pose cette première question. Je pose une deuxième question. Est-ce qu'il est raisonnable, dans un pays qui est une grande nation comme la France, où nous voulons tous être prospères et que nos enfants soient prospères, d'avoir le volume global de travail, qui est l'un des plus faibles de tous les pays développés, chaque Français qui travaille, travaille beaucoup, mais sur l'ensemble de la durée de vie, collectivement, nous ne travaillons pas suffisamment, est-ce raisonnable, oui ou non ? Je pose la question.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, est-ce qu'il faudra…
BRUNO LE MAIRE
Troisième question Jean-Jacques BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pardon, je m'arrête, je m'arrête…
BRUNO LE MAIRE
Je vous laisserai poser toutes vos questions et j'y répondrai avec franchise comme à chaque fois…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je m'arrête là-dessus, faudra-t-il engager…
BRUNO LE MAIRE
Je veux juste poser la troisième question parce qu'elle est fondamentale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y.
BRUNO LE MAIRE
Est-ce qu'il est raisonnable, et est-ce qu'il est juste, que nous soyons le pays dans lequel les personnes entre 55 et 63 ans travaillent le moins, sont le plus rejetées et sont le moins longtemps gardées dans leur entreprise alors qu'on pourrait bénéficier de leur expérience, de leur savoir-faire, et de leur sagesse ? Moi je pense que c'est un gâchis. Donc je pose ces trois questions et je donne ma conviction, je pense qu'il faut apporter des réponses à ces questions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors je pose une question un peu finalement corollaire, faudra-t-il engager, assez rapidement, une réflexion sur le temps de travail ?
BRUNO LE MAIRE
Non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ?
BRUNO LE MAIRE
Non, pour moi ce n'est pas… les 35 heures ont été une erreur, je pense que les entreprises qui s'y sont adaptées, ne corrigeons pas une erreur par une autre erreur, qui serait de créer à nouveau du désordre et de la complexité pour les entreprises. Le vrai problème stratégique français, c'est notre volume global de travail, donc la richesse que nous créons, donc notre prospérité à tous, notre façon de pouvoir vivre, de pouvoir voyager, de pouvoir nous loger, de pouvoir éduquer nos enfants, de pouvoir avoir accès à la culture, c'est notre niveau de vie collectif…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que certains doivent travailler plus et d'autres…
BRUNO LE MAIRE
Non, tout le monde doit travailler…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout le monde doit travailler plus…
BRUNO LE MAIRE
Ça veut dire qu'on doit pouvoir rentrer plus facilement sur le marché du travail, parce qu'il y a trop de jeunes aujourd'hui qui sont en difficulté, qui ont du mal à rentrer sur le marché du travail, et on doit permettre à tous ceux qui ont…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc produire collectivement plus ?
BRUNO LE MAIRE
Produire collectivement davantage, produire mieux, avoir plus de prospérité, permettre à ceux qui ont plus de 55 ans de continuer leur vie active, quand ils le souhaitent, parce qu'ils sont précieux, parce qu'on a besoin d'eux…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a des solutions pour ça ?
BRUNO LE MAIRE
C'est à nous de travailler sur ces solutions-là, mais l'avenir de la France, l'avenir de notre nation, se jouera dans notre capacité à donner sa place à chacun dans le travail et à travailler tous collectivement, je dis bien collectivement, davantage.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, j'ai deux questions, d'abord une question qui concerne les assureurs. Les assureurs, j'ai vu que vous avez tapé un peu du poing sur la table, sur les assureurs, nouveau rappel à l'ordre, "ils ne soutiennent pas suffisamment les cafés-restaurants et l'hôtellerie" avez-vous dit. Alors, gel des primes d'assurance pour tous ces secteurs ou pas ?
BRUNO LE MAIRE
C'est ce que je souhaite. Regardons là encore…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez la réponse ou pas ?
BRUNO LE MAIRE
La réponse viendra lundi, nous nous sommes donnés rendez-vous lundi prochain avec les assureurs, je les reverrai, je les ai vus en début de semaine, je leur ai dit des choses très simples. "Vous avez déjà fait un certain nombre de choses pour l'économie dans cette période de crise, vous avez apporté un soutien au Fonds de solidarité, vous allez aider au financement des petites et moyennes entreprises, c'est très bien, vous avez aussi commis des maladresses", je considère qu'en période de crise, envoyer des lettres à des restaurateurs qui sont fermés pour leur dire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah oui, j'ai vu ça, c'est du chantage, c'est du chantage !
BRUNO LE MAIRE
"Désolé, on ne va pas reconduire votre contrat d'assurance et on ne couvrira pas vos pertes d'exploitation parce que, dans le fond, ce n'est pas rentable pour nous", enfin, honnêtement, comment peut-on être aussi maladroit ? Comment ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est du chantage même !
BRUNO LE MAIRE
Donc, très franchement, je leur ai dit…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça a été mal reçu !
BRUNO LE MAIRE
Mais bien sûr, mais je comprends que ce soit mal reçu, et dans ces périodes de crise on doit faire attention à ses mots, on doit faire attention à ne pas brutaliser, ne pas rajouter de la violence et de la tension… suffisamment de violences et de tensions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais si les assureurs ne gèlent pas les primes, que se passera-t-il ?
BRUNO LE MAIRE
C'est très simple, je leur ai dit les choses de la manière la plus simple et la plus calme possible, soit vous faites un effort pour ce secteur qui est si durement touché, parce que c'est le seul qui reste intégralement fermé, et dans ce cas-là nous aurons un accord entre les pouvoirs publics, les assureurs, et tout le monde sortira grandi, et je pense que dans cette période de crise on doit tous pouvoir sortir grandi, soit vous ne le faites pas, et il se trouve que le projet de loi de finances revient en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, que le Sénat a voté un prélèvement obligatoire de 1,2 milliard sur les assureurs, moi je considère que c'est vraiment traiter les problèmes à la hache et que ce n'est jamais la bonne solution, mais si les assureurs ne trouvent pas eux-mêmes la porte de sortie, nous n'aurons pas d'autre choix que de maintenir ce prélèvement obligatoire de 1,2 milliard sur les assureurs. La balle est dans leur camp, je parie, comme toujours, sur le sens des responsabilités de chacun, mais pour ça il faut qu'ils donnent une réponse positive au gel des cotisations d'assurance pour le secteur HCR en 2021.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Bruno LE MAIRE…
BRUNO LE MAIRE
Merci Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'être venu nous voir ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 décembre 2020