Texte intégral
Q - Bonjour, Jean-Baptiste Lemoyne.
R - Bonjour.
.../...
Q - Jean-Baptiste Lemoyne, venons-en au tourisme. Quand vous entendez cette directrice France de "Last minute", au tout début du journal de 8h00, dire que l'on a 95% de baisse de réservation. Comment la rassurez-vous ?
R - Le tourisme souffre, il a été touché de plein fouet par cette crisse pandémique depuis le mois de mars. Après il y a eu un rebond cet été, les fondamentaux sont là.
Q - Minime, quand même, le rebond.
R - Un rebond qui est là. Ce que je veux dire, c'est que des destinations françaises ont vu plus de Français cette année que l'année dernière, et pour preuve, 94% des Français qui ont pris des vacances cet été les ont prises en France ; vingt points de plus que d'habitude.
Q - Le message est passé.
R - Le message est passé et c'est pourquoi, d'ailleurs, le message que j'envoie pour cet hiver sera également un hiver bleu-blanc-rouge, parce que la saison hivernale pour la montagne, elle s'étend jusqu'au mois de mars, voire avril. C'est vrai qu'à Noël ce sera compliqué, on va y revenir, mais pour autant, je les incite à pouvoir garder leur budget pour, le moment venu, retrouver les pistes françaises.
Q - On y est à Noël, pratiquement, la neige vient en plus de tomber, parce que c'était un facteur important. Il y a encore quelques jours, c'était tout vert, maintenant c'est tout blanc et cela continue de tomber. La colère gronde, on vous demande de rouvrir, 25% à peu près, en moyenne, c'est un quart du chiffre d'affaire pour ces saisonniers.
R - 20 à 25%.
Q - Que leur dites-vous, que leur répondez-vous quand ils vous disent qu'il faut rouvrir les pistes ?
R - On leur dit deux choses : ce n'est pas de gaieté de coeur que cette décision a été prise de fermeture des remontées mécaniques, mais cette décision s'explique d'un point de vue de prévention sanitaire.
Q - Oui mis cela on l'a compris.
R - Que veut-on éviter ? Ce sont les grands brassages. Et qu'est-ce qui rend attractif une station ? C'est la remontée mécanique sur le domaine skiable.
Q - Mais des grands brassages, il y en a là, dans le métro parisien !
R - Encore une fois, vous le savez, dans la vie d'une station, les gens connaissent cela, on vit à six ou huit dans des petites surfaces, ça fait la fête, bref, c'est l'idée...
Q - Enfin Jean-Baptiste Lemoyne, avez-vous pris le métro ? Avez-vous pris un avion récemment ? Avez-vous vu, y a-t-il un siège sur deux ? Non ! On est tous agglutinés dans un avion pendant une heure ou une heure et demie.
R - C'est le même sujet vous savez, le même sujet que les commerces qui ont été fermés pendant le confinement. Vous avez une rue, les commerces sont fermés, vous avez moins d'affluence dans cette rue. Les commerces sont ouverts, vous avez de grands brassages...
Q - Et là c'est le cas, les commerces sont ouverts. Pourquoi pas en station dans les funiculaires ?
R - On veut éviter la concentration, au même moment au même endroit de nombreuses personnes et donc, c'est pour cela que...
Q - On parle de la même chose Jean-Baptiste Lemoyne.
R - C'est pour cela que la décision sur les remontées mécaniques a été prise. Après, il y aura toujours des activités qui seront accessibles, les activités nordiques, le ski de fond, la raquette, donc, il y aura des gens qui se rendront dans leur résidence secondaire ou qui loueront.
Néanmoins, c'est vrai qu'il y aura moins de monde que d'habitude et c'est pourquoi, le deuxième message : on sera à leurs côtés.
Q - Cela veut dire quoi ?
R - Cela veut dire que l'on va mettre ce qu'il faut en dispositif d'indemnisation
Q - Combien ?
R - Parce qu'il faut aider, à la fois les saisonniers, qui seront éligibles au chômage partiel, il faut aider les commerces pour lesquels on travaille sur un dispositif nouveau, parce que jusqu'à maintenant, seulement une partie des commerces peuvent être indemnisés, là sur une base territoriale, ce sera l'ensemble des commerces parce que "je suis une boulangerie dans une station, bien sûr, mon chiffre d'affaire dépend de l'affluence dans la station".
Q - Combien mettez-vous sur la table ?
R - Nous sommes en train de travailler les dispositifs. J'étais avant-hier dans le Puy de Dôme à la rencontre des professionnels pour écouter leurs préoccupations et que l'on puisse bien voir s'il n'y a pas de trous dans la raquette, et vendredi prochain, Jean Castex, le Premier ministre recevra à nouveau les acteurs de la montagne et à ce moment-là, on pourra annoncer ces dispositifs d'accompagnement.
Q - On pourra annoncer un chiffre ?
R - Oui, là, on est en train de travailler dessus. Notamment sur l'indemnisation aussi des professionnels de ces remontées mécaniques, parce qu'ils vont continuer à réaliser certaines missions de sécurisation. Pour tout cela, l'Etat doit indemniser, et je dirais que c'est un devoir moral.
Q - Jean-Baptiste Lemoyne, une action est envisagée devant le Conseil d'Etat, visant à démontrer qu'un téléphérique, au même titre qu'un train, c'est du service public. Est-ce que l'on doit en arriver là ?
R - Un certain nombre d'élus ont effectivement saisi le Conseil d'Etat. Il appartiendra au Conseil d'Etat de se prononcer. Ce que je veux dire...
Q - Si le Conseil d'Etat donne raison au président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, aux départements de Savoie, Isère, Haute-Savoie et professionnels de la montagne, qu'est-ce que vous faites ? Vous dites : OK, le Conseil d'Etat a dit cela, donc on suit ?
R - Vous avez, on est dans un Etat de droit, justement. Il y a un pouvoir judiciaire, il y a une justice administrative, on verra ce qu'elle dit, mais...
Q - Si elle vous incite à rouvrir, vous faites quoi, Jean-Baptiste Lemoyne ?
R - Avec des " si ", on mettrait Paris en bouteille. Donc, attendons de voir. Ce que je peux vous dire, c'est que, encore une fois, cette décision...
Q - Vous dites on est dans un Etat de droit, j'attends la suite de la phrase. Donc on va suivre, c'est ce que vous allez dire ?
R - On est dans un Etat de droit, donc on va attendre que la juridiction administrative se prononce, et ce que je veux dire, c'est que la montagne française, on sait ce qu'elle représente parce qu'on est dans le monde, sur le podium, ce sont énormément de recettes, dix milliards d'euros qui sont générés chaque saison par cette montagne française. Donc, ce que l'on veut, c'est naturellement travailler au soutien, la sauver, malgré ces dix jours qui vont être compliqués à Noël. Mais tout cela, c'est aussi pour préserver le coeur de la saison, parce que le coeur de la saison, c'est février, mars et fin janvier. Et ça, c'est capital. Parce que rien ne serait pire que d'ouvrir pour refermer. Et ça, les professionnels l'ont dit.
Q - Et c'est ce qu'a dit le Président de la République, qui était assez irrité quand il y a eu cette question des Français qui s'apprêtaient à aller skier à l'étranger, en Suisse, en Andorre, ailleurs... qu'est-ce que vous allez faire ? Vous allez poster un gendarme sur les 572 kilomètres de frontière franco-suisse ?
R - Non, on ne va pas mettre un gendarme derrière chaque Français. Ce qui est sûr, c'est qu'on lance un message qui est : n'y allez pas, et faites en sorte, encore une fois, de conserver vos budgets pour un peu plus tard. Il sera possible de skier un peu plus tard dans la saison. La montagne française, elle aura besoin justement de se refaire. On a besoin de vous qui l'aimez. Et d'ailleurs je note que beaucoup de nos voisins européens sont en train d'évoluer : Andorre a annoncé la fermeture également de ses remontées. En Espagne - l'Espagne qui pour l'instant souhaitait garder ouvertes ses stations - un certain nombre d'autonomies, je pense à la Catalogne, notamment, à l'Aragon, il a été dit que les familles pourront s'y rendre, mais pas pour skier. Donc, vous voyez, il y a quand même globalement en Europe un mouvement qui se dessine et la France n'est pas isolée. C'est tout simplement qu'à un moment, un peu de bon sens, on veut éviter une troisième vague. Regardez, combien on a souffert encore d'une deuxième vague. Est-ce que - je pose la question à vos auditeurs - est-ce qu'un troisième confinement, c'est ce que l'on veut ? Non, on veut l'éviter. Et c'est pourquoi cela demande aussi des efforts, des sacrifices...
Q - Là ce sont des sacrifices, quand on entend les professionnels de montagne. Plus généralement...
R - On les aidera, on les accompagnera financièrement.
Q - Le tourisme pour l'année 2021, comment est-ce que vous le voyez ? Comment est-ce que vous le voyez pour l'été prochain notamment ?
R - Alors, on va toujours devoir composer avec ce virus. Vous l'avez vu, les vaccins vont arriver progressivement. Donc, je crois qu'on va de façon un peu pérenne vivre aussi avec des protocoles sanitaires. Et les professionnels, je veux en attester, et notamment les professionnels de la montagne, sont très responsables, très sérieux. Ils ont travaillé là-dessus. Donc, il faudra toujours prendre des précautions, mais là où je suis confiant, c'est que les fondamentaux du tourisme en France, ils sont solides. Paris reste Paris. Paris a souffert cet été parce qu'il n'y avait pas la clientèle américaine, chinoise, etc... L'événementiel, je le dis, parce qu'il souffre aussi beaucoup, le tourisme d'affaires ne peut pas être là puisque les salons, vous l'avez vu, peuvent difficilement se tenir. Mais une fois que l'on aura vaincu ce fichu virus, je peux vous dire qu'on en a sous le pied et qu'on va pouvoir rebondir. Maintenant, il y a besoin de faire la jointure avec le moment où ça repart, et c'est pourquoi d'ailleurs depuis le mois de mai, ce sont 13 milliards d'euros qui ont été mis sur la table par l'Etat pour accompagner les professionnels.
Q - C'est ce qu'on appelle le plan de relance tourisme ?
R - Alors, c'est le plan tourisme, exactement, et là, vous voyez, on travaille sur un plan montagne pour encore une fois faire que la montagne française puisse traverser ce cap difficile. Ce sont des gens courageux, valeureux. Je sais que c'est dur, mais on sera à leurs côtés.
Q - Jean-Baptiste Lemoyne, une dernière question. Je note que vous êtes secrétaire d'Etat au tourisme. Le tourisme en France, cela représente près de 10% du PIB. Pourquoi la France n'a pas un ministre du tourisme, un ministre à temps plein ?
R - Mais vous savez, qu'importe les titres, ce qui compte, c'est l'engagement. Le Président de la République a fait du tourisme une priorité nationale. Ce n'est pas une clause de style, cela se confirme avec les montants mis sur la table. Et le Premier ministre reçoit quasiment tous les dix jours, les acteurs de la montagne. Donc, c'est vous dire qu'au plus haut niveau, ce sujet est pris en compte. Et moi, je suis la petite main pour faire en sorte qu'on puisse bien travailler avec les acteurs.
Q - Et je note ce montant que vous rappelez aujourd'hui...
R - 13 milliards d'euros qui ont d'ores et déjà été engagés depuis le mois de mai, et on va continuer parce qu'il y en a besoin.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 décembre 2020