Texte intégral
SONIA MABROUK
Bienvenue et bonjour à vous, Jean-Baptiste DJEBBARI.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Bonjour à vous deux.
SONIA MABROUK
Est-ce qu'on va manquer d'électricité cet hiver ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors non. Ce qui a été dit par Barbara POMPILI, c'est que du fait du confinement, des retards notamment dans les chargements en combustibles de certaines centrales avaient eu lieu et donc il pouvait y avoir quelques instabilités marginales, temporaires du réseau, ce à quoi RTE va être évidemment très attentif. Mais pour les trains, vous savez que sur la haute tension il y a un circuit qui est équilibré par nature et sur la basse tension, nous avons des redondances par batterie donc il n'y aura pas de problème pour faire rouler les trains cet hiver et à compter de la mi-décembre, on en reparlera peut-être de façon un peu plus dynamique. Par contre c'est vrai qu'il y a un sujet qui à mon avis devrait retrouver un peu de rationalité politique. C'est le sujet du nucléaire, c'est le sujet de l'hydrogène en lien avec le nucléaire.
SONIA MABROUK
On va en parler, oui. Parce que votre ministre de tutelle, Barbara POMPILI, monsieur DJEBBARI, affirme et explique que si on a des coupures, si on en a c'est parce que la France dépend trop du nucléaire. Expliquez-nous parce que là, on ne comprend plus rien. On marche sur la tête ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
La France dépend du nucléaire parce que vous savez que son mix électrique à 72% vient de l'énergie…
SONIA MABROUK
Dépend trop du nucléaire dit-elle.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
J'essaye d'être factuel sur le sujet. La France dépend du nucléaire aujourd'hui. Vous avez un plan étatique qui vise à moins dépendre du nucléaire et donc à amener le mix énergétique à 50% de la part nucléaire à horizon 2035 et à combler les 25% avec de l'énergie renouvelable. Tout ça est très bien donc il y aura toujours du nucléaire dans les trente, quarante prochaines années en France et je pense qu'on devrait aussi réussir à apaiser ce débat qui est devenu quand même assez - comment dirais-je - éruptif sur le plan politique parce qu'on a d'autres enjeux. Moi je pense que l'énergie, vous voyez, c'est le grand défi des vingt ou trente prochaines années.
SONIA MABROUK
Pardonnez-moi, vous avez raison. Mais pour cet hiver, là dans quelques semaines, si on se retrouve dans le noir en février, est-ce lié à la fermeture, pour raisons idéologiques d'ailleurs d'un quinquennat à l'autre, de Fessenheim ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non. Mais je pense que là ce dont on parle, c'est des coupures momentanées, temporaires, marginales liées essentiellement au Covid. Personne n'avait prévu le Covid. Quand la décision de Fessenheim a été prise, en lien d'ailleurs avec la fermeture des centrales à charbon, nous nous sommes assurés que dans les différents scénarios, il y avait bien la disponibilité électrique dans des proportions qui sont tout à fait raisonnables. Ça a été fait de façon professionnelle.
SONIA MABROUK
Donc ce matin vous nous dites que cette fermeture de Fessenheim, il n'y a aucun lien avec les coupures qu'on pourrait avoir intempestives cet hiver.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je vous dis que le mix électrique français a été pensé, a été construit incluant la fermeture des quatre centrales à charbon et incluant la fermeture de Fessenheim. Et RTE fait des simulations dans différentes conditions de températures, de conditions météorologiques pour s'assurer qu'il y a une disponibilité du réseau qui est extrêmement élevée.
SONIA MABROUK
Mais Monsieur le ministre, pourtant on a besoin de rallumer des centrales à charbon.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui mais vous savez, l'énergie c'est compliqué et tous les jours, vous faites des arbitrages.
SONIA MABROUK
On veut bien vous croire.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Vous importez de l'énergie. Parfois vous en avez un petit peu moins, parfois vous avez de l'excès, vous l'exportez, parfois vous l'importez. Donc l'énergie, c'est compliqué. Non ce qui est sûr, c'est qu'on parle de planification souvent. On a un Haut-commissaire au Plan.
SONIA MABROUK
Oui, il est très actif, n'est-ce pas, le Haut-commissaire au Plan ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
On est en train de construire en France un plan hydrogène qui est très ambitieux et on peut être les leaders de l'hydrogène, je pense, d'ici à quelques années et pour très longtemps. Et donc ces sujets de l'énergie, il faut les aborder avec la volonté industrielle de se recréer des avantages comparatifs.
SONIA MABROUK
Et avec rationalité. Je vous pose la question vraiment pour de la clarté pour nos auditeurs. Est-ce que la fermeture de Fessenheim - je n'en fais pas une obsession mais quand même…
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
J'ai l'impression.
SONIA MABROUK
Pour faire quand même plusieurs à certains, cette fermeture est-ce qu'elle menace directement l'équilibre de notre système électrique ? Ou alors il n'y a pas de lien ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
D'abord il y a toujours des coupures en France ici et là, donc il ne faut pas non plus penser que le réseau fonctionne à 100% tout le temps. Les énergéticiens programment le mix énergétique avec ces aléas d'exploitation donc il y aura de l'énergie évidemment en France. RTE fait un travail extraordinairement vigilant pour s'assurer qu'il n'y aura pas de problèmes, qu'il n'y aura pas de black-out.
SONIA MABROUK
Et pour s'assurer qu'il n'y ait pas de problèmes, est-ce que vous nous demandez, à nous citoyens, particuliers, de faire des économies, des efforts d'énergie ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
De toute façon, une des voies d'avenir qu'on doit emprunter tous, c'est ce qu'on appelle la performance énergétique. C'est l'efficacité énergétique. Et on pense qu'en faisant des choses toutes simples, vous voyez, en mettant vos appareils sur veille quand vous n'êtes pas là, vous pouvez gagner jusqu'à 30% de votre facture. On a tous un intérêt objectif à - comment dirais-je - économiser à la fois pour le portefeuille et pour le mix énergétique français l'énergie qu'on consomme. Donc de ce point de vue-là, le message est effectivement passé.
SONIA MABROUK
Malgré tout si Fessenheim était encore ouverte, est-ce qu'on aurait eu de telles tensions sur le réseau ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ah, vous voulez vraiment me faire dire des horreurs sur Fessenheim.
SONIA MABROUK
Avoir une réponse claire.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, non. Moi je vous dis qu'on a fait les choses sérieusement, que le gouvernement a fait les choses sérieusement et que l'honneur d'un gouvernement transparent, c'est aussi de dire les choses telles qu'elles sont. Donc d'annoncer qu'il y aura quelques difficultés des effets du Covid, ça s'annonce, ça se dit. C'est de la transparence et c'est bien ainsi. Et de dire que nous avons un appareil énergétique très robuste et les perspectives d'avenir ça se dit aussi, qu'il faut l'aborder de façon rationnelle…
SONIA MABROUK
D'accord. On ne pas importer de l'électricité.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Vous savez, on importe tous les jours de l'électricité, donc si on se lance sur ces débats-là…
SONIA MABROUK
Mais encore plus ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, non. Ecoutez, honnêtement on a un atout incroyable en France d'avoir une énergie bas carbone. Ça nous permet aussi de ne pas être trop en retard sur nos objectifs de l'accord de Paris. Donc vous voyez, il faut savoir parfois dire les atouts et penser l'avenir de façon apaisée.
SONIA MABROUK
Et vous nous avez dit en début d'interview, monsieur DJEBBARI, que ç'a n'aurait pas d'impact d'impact sur les trains. Alors sur les trains justement, un auditeur ce matin qui hésite à réserver son train, disons Bordeaux-Paris pour la période de Noël, est-ce que vous lui dites de patienter encore ou bien de réserver sans attendre ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
D'abord trois choses. L'évolution de la situation sanitaire dira, et on voit bien qu'aujourd'hui c'est plutôt positif mais encore fragile, dira quels sont les déplacements possibles. Et vous savez qu'il y a un point de rendez-vous, que le président de la République s'exprimera probablement prochainement devant les Français pour remettre cette visibilité-là. Deuxièmement, moi j'ai demandé à la SNCF d'être prête. D'être prête à compter de la mi-décembre et d'avoir à la fois l'outil industriel qui est prêt, c'est-à-dire les trains qui sont prêts à rouler à compter de mi-décembre et jusqu'au 4 janvier, et d'avoir les réservations qui sont possibles. Sachant que toutes les réservations qui sont faites aujourd'hui, elles sont -aujourd'hui, demain, après-demain - elles sont échangeables et remboursables sans frais.
SONIA MABROUK
Mais ce matin, l'auditeur, vous lui dites oui ? "Réservez, allez-y"ou "attendez" ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je finis. Ce que vont faire les Français d'une manière générale, et on l'a observé pendant l'été, les Français ils vont attendre. Parce qu'ils ont compris à raison que la situation sanitaire, elle est fragile et que la vraie possibilité dépendra de ce que dira le président notamment dans ses futures allocutions. Mais les Français, vous savez, pendant l'été ils ont attendu les dix derniers jours pour réserver. Plus de la moitié des Français ont attendu les dix derniers jours pour réservez. Donc je pense que les Français vont attendre que le go sanitaire soit donné par le président de la République.
SONIA MABROUK
Donc vous revenez sur ce que vous avez dit, Monsieur le ministre.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, pas du tout.
SONIA MABROUK
Eh bien il y a quelques jours, vous nous conseilliez de réserver, et là vous nous dites : "Attendez un petit peu."
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Reformulons donc.
SONIA MABROUK
Mais c'est peut-être la prudence qui vous guide désormais.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, non, je reformule. Les Français peuvent réserver sans risque puisque les billets sont échangeables et annulables sans frais jusqu'au dernier jour. Donc si vous voulez réserver votre train pour Marseille, vous pouvez le faire. Ce que moi comme ministre des Transports je ne peux pas vous garantir, c'est que les déplacements seront possibles pour des motifs de loisirs. Mais oui, vous pouvez réserver et oui, vous pouvez annuler sans frais jusqu'au dernier jour. Donc en cela, votre auditeur ne prend pas de risque financier à réserver. C'est ça que je voulais dire et je dis exactement la même chose aujourd'hui qu'il y a deux jours.
SONIA MABROUK
C'est un signe de cohérence de se répéter.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
J'essaye, vous voyez.
SONIA MABROUK
Le PDG de la SNCF Jean-Pierre FARANDOU, qui était à ce micro il y a quelques jours monsieur DJEBBARI, nous dit : "Oui, mais la SNCF elle est prête, mais il nous faut ce fameux go sanitaire avant ou au plus tard le 1er décembre." Est-ce qu'il l'aura ? Est-ce qu'à cette date butoir, vous pourrez dire clairement : "Allez-y, on pourra faire l'effort de 100% de trains, de TGV" ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non mais ce sont des discussions qu'on a eues en conseil de défense, en conseil des ministres que de dire qu'il y a effectivement un temps incompressible et qu'il faut donner de la visibilité. Pas qu'à la SNCF, aux acteurs du monde économique, aux petits commerçants et donc de la visibilité. Et c'est vrai qu'il y a un appareil industriel qui a un temps un peu incompréhensible de deux, trois semaines pour se mettre en route et donc oui, nous donnerons de la visibilité sur ces sujets-là dans les temps, dans les délais qui ont été cités.
SONIA MABROUK
C'est-à-dire que le 1er décembre, nous saurons et le patron de la SNCF le saura.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Parce qu'il faut entre deux et trois semaines…
SONIA MABROUK
Bien sûr, pour qu'il s'adapte.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Voilà.
SONIA MABROUK
Bon, très bien. Vous ne parlez pas beaucoup des avions pour un ancien pilote.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Si, je parle souvent. On me reproche d'ailleurs souvent de trop en parler donc vous voyez. Je parle de tous les transports et je suis aussi un fan du ferroviaire.
SONIA MABROUK
Je ne vais pas vous demander si les Français doivent réserver des billets d'avion mais très sérieusement, Monsieur le ministre, la situation est très tendue aussi pour les aéroports français.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui, c'est juste.
SONIA MABROUK
On en parle peu. Ils réclament l'aide de l'État pour éviter des cessations de paiement et des licenciements. Qu'est-ce que vous leur répondez ce matin ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Trois choses. D'abord vous savez que les aéroports comme les compagnies sont confrontés à la crise sanitaire très impactante, à la crise économique - vous l'avez dit - et l'État est présent auprès des compagnies. Rappelez-vous le soutien à AIR FRANCE-KLM notamment mais pas qu'eux, à l'ensemble des compagnies aériennes et nous avons aidé jusqu'à présent quatre-vingt-neuf aéroports. Quatre-vingt-neuf aéroports non seulement avec des prêts garantis par l'État, avec de l'exonération de charges, avec du report de redevances etc etc. Le modèle économique des aéroports est très dépendant de la reprise du trafic.
SONIA MABROUK
Voilà, c'est le vrai sujet.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
La reprise du trafic, c'est dépendant de la sécurité sanitaire. Alors on a trouvé jusqu'à présent un mode opératoire pour faire circuler des volumes d'avions qui sont quand même très réduits par rapport à ce qu'on connaissait précédemment. Tant qu'on n'aura pas résolu…
SONIA MABROUK
Monsieur le Ministre, est-ce qu'il y a un langage de vérité, très sincèrement ce matin ? Est-ce qu'on peut dire par exemple – c'est dur à dire pour certains – mais qu'il y a trop d'aéroports, de petits aéroports qui sont fragiles et qui ne vont pas résister ? Malgré vos aides.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il y a deux sujets. Je vais répondre très concrètement à cette question. Il y a deux sujets. Le modèle économique ne revient… Enfin en tout cas, on aura à nouveau de la rentabilité des aéroports que quand on aura des circulations fluides, c'est-à-dire un traitement efficace ou un vaccin sûr et efficace. Et vous voyez bien que de ce point de vue-là, on va dire, l'horizon s'éclaircit un petit peu. Les aéroports, notamment les aéroports régionaux, c'est vrai que vous avez des régions dans lesquelles vous avez onze aéroports régionaux qui, par ailleurs parfois, ont été mis en concurrence à l'intérieur des régions parce que les low cost sont devenues, notamment certains opérateurs low cost sont venus faire pression…
SONIA MABROUK
Et le ministre en charge des Transports peut dire ce matin qu'il y en a qui ne vont pas résister et que c'est le modèle économique qui le veut ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
De toute façon, il y a déjà des aéroports qui ont fermé dans plusieurs régions. Moi je tiendrai début janvier une grande réunion en conseil ministériel sur ces sujets.
SONIA MABROUK
Ça nous rassure si vous tenez une grande réunion. Pardonnez-moi pour le ton ironique mais qu'est-ce qui sera décidé pour ces acteurs qui nous écoutent ce matin ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non mais justement, la réunion ne vise pas seulement à palabrer. Elle vise à prendre des décisions. C'est-à-dire que les aides sont ce qu'elles sont et elles sont importantes. Nous aurons à décider de la connectivité aussi entre territoires, d'aménagement du territoire. Vous savez qu'en plus de tout ce qu'on a dit, AIR FRANCE sur son réseau intérieur est en grande restructuration. Il faudra voir où AIR FRANCE reste, où AIR FRANCE met TRANSAVIA, quels opérateurs régionaux peuvent se substituer etc etc, pour garantir aussi une équité dans les territoires en termes de connexion.
SONIA MABROUK
Monsieur le Ministre, à quand vous envisagez, s'il est possible évidemment de donner une date ou un horizon, un retour à la normale, quasi à la normale du trafic aérien ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je pense qu'au premier semestre, on verra si on a un vaccin sûr et efficace, on verra quand même le trafic reprendre. Certainement plus sur les loisirs que sur les vols affaires, parce que sur l'affaire vous avez le télétravail et puis vous avez des entreprises qui ont pris d'autres habitudes.
SONIA MABROUK
C'est plutôt optimiste ou alors c'est réaliste ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, moi je pense qu'on aura un décrochage en 2021, en 2022 et toutes les études un peu sérieuses sur le sujet nous disent que la vraie reprise, c'est plutôt 2023-2024, sous réserve qu'il n'y ait pas d'autre crise qu'on avait prévu d'ici-là. Mais il semble effectivement que 21 et 22 seront encore des années difficiles pour le transport aérien et d'ailleurs d'une mère général pour les transports.
SONIA MABROUK
Vaste défi évidemment.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Intéressant défi.
SONIA MABROUK
Evidemment aussi. Merci Jean-Baptiste DJEBBARI d'avoir répondu à mes questions ce matin.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Merci à vous.
SONIA MABROUK
Bonne journée à vous ainsi qu'à nos auditeurs qui savent s'ils peuvent réserver un train, il sera remboursable, annulable, etc. Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 novembre 2020