Texte intégral
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R - Oui, de l'incertitude, et la volonté d'en savoir plus ; pas forcément de l'inquiétude, parce que justement, ce travail de préparation, qui est fait depuis plusieurs mois par les services des différents ministères, je pense aux douanes, je pense, bien sûr, à mon ministère et à l'opérateur Business France, pour expliquer ce que seront les conséquences du Brexit, c'est-à-dire la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne, paie. Et donc, il y a un certain nombre de personnes que j'ai rencontrées qui sont prêtes, au niveau administratif, au niveau juridique, au niveau financier, au niveau logistique pour pouvoir faire face à ce Brexit.
Après, il reste une incertitude qui est de savoir quel sera exactement le contexte de cette sortie. Il y aura des différences parce qu'il faudra davantage de contrôles douaniers, il faudra davantage de démarches administratives, mais s'il y a un accord, ce sera évidemment plus facile que s'il n'y a pas d'accord.
Q - Est-il vrai aujourd'hui, cela dit, qu'il y a malgré tout, beaucoup d'entreprises qui sont encore dans le flou, parce que c'est peut-être un dossier auquel on pensait s'atteler en 2020 et malheureusement, on va en parler dans un instant, la crise est passée par là. Ce que l'on entend dire aussi, c'est que, face à la montagne de formalités qui va s'imposer après le 31 décembre, certains qui n'ont pas forcément les capacités de gérer toute cette paperasse vont tout simplement faire une croix sur le marché britannique. Est-ce une crainte que vous ressentez aujourd'hui ?
R - Oui, en tout cas il y a un risque, il faut s'y préparer et il faut faire en sorte que tous les services qui peuvent accompagner les entreprises le fassent de la meilleure façon possible. J'appelle d'ailleurs toutes les entreprises qui nous regardent à se rapprocher des douanes, de Business France pour voir avec elles, comment elles peuvent se préparer le mieux possible à ce Brexit le 1er janvier.
Ensuite, nous avons pris la décision d'avoir un suivi le plus individuel possible pour chaque entreprise, trouver les solutions et faciliter ces démarches.
Evidemment, ce sera plus compliqué qu'avant, mais pour autant, il ne faut pas renoncer à continuer d'exporter en Grande-Bretagne, c'est un marché important et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous souhaitons un accord, et que nous nous battons et que nous nous mobilisons pour qu'il y ait un accord. Pas à n'importe quel prix, pas au prix du sacrifice de la pêche, pas au prix, demain, d'une concurrence qui ne serait pas équitable avec la Grande-Bretagne, et pas au prix d'une gouvernance qui ne nous permettrait pas de résoudre les différends que nous aurions avec la Grande-Bretagne dans l'avenir.
Mais pour autant, nous souhaitons qu'il y ait un accord et le message est très fort : préparez-vous, rapprochez-vous des douanes, rapprochez-vous de Business France pour être prêts, le 1er janvier, tant en matière administrative, qu'en matière fiscale, en matière financière ou en matière de logistique.
Q - Vous me dites "rapprochez-vous des douanes." L'interlocuteur privilégié pour celui qui veut prendre le problème à bras-le-corps, même si nous sommes le 10 décembre, qui est-ce aujourd'hui Monsieur le Ministre ?
R - C'est Business France et bien sûr l'administration des douanes par ailleurs. Mais Business France peut réorienter vers la douane si c'est nécessaire. Vous savez que depuis 2018 a été mis en place dans notre pays un dispositif qui fonctionne bien et qui est la Team France Export qui regroupe toutes les énergies, les talents et les structures qui accompagnent les entreprises à l'international BPI France, Business France, les chambres de commerce et d'industrie, toutes les organisations professionnelles, fédérations professionnelles. Il y a un guichet unique dans chaque région, piloté par les régions et donc il faut se rapprocher de la Team France Export et dans la plupart des cas, c'est Business France qui est le premier interlocuteur de la Team France Export, mais cela peut être la chambre de commerce et d'industrie, cela peut être aussi la région directement. Mais les entreprises qui nous regardent, en allant dans la Team France Export de leur région auront les renseignements adéquats et personnalisés.
Q - Au-delà du facteur Brexit, Monsieur le Ministre, il y a aussi le problème de ces exportateurs français qui ont été un peu fauchés en plein vol en 2020. Business France donnait le chiffre il y a de cela quelques jours, en 2019, pour la première fois depuis 30 ans, la part de marché de la France dans le commerce international avait un tout petit peu progressé. Et arrive cette crise qui a eu un effet absolument dévastateur sur les exportations françaises. Aujourd'hui, que dites-vous ? Que c'est reparti et surtout, comme certains disent, que cette crise risque quand même de fermer certains marchés aux entreprises françaises finalement ?
R - Beaucoup de choses, d'une part : oui en 2019 il y avait une amélioration des exportations françaises, on avait commencé à réduire notre déficit de la balance commerciale. Mais comme vous l'avez très bien dit, nous avons des filières qui ont été particulièrement touchées par la crise COVID et qui étaient des filières fortes à l'international, je pense bien sûr à l'aéronautique et au tourisme. Nous avons peut-être été plus touchés que d'autres. Mais pour autant, il faut absolument oser l'international, c'est le moment de le faire avec des entreprises françaises qui souvent sont agiles, innovantes et audacieuses. Et nous mettons tout en place avec cette Team France Export, avec le plan de relance Export, pour que ce déploiement international de nos entreprises soit le plus facile possible, le moins cher possible, et le plus sûr possible.
Q - On entend dire souvent : ceux qui s'en sont le mieux sortis ces derniers mois, ce sont ceux qui avaient des équipes sur place, les grandes entreprises pour ne pas les nommer. Est-ce que vous ne craignez pas qu'à l'aune de cette crise, il y ait encore un fossé qui se creuse un peu plus entre les grandes entreprises qui ont plus d'agilité et de facilité à exporter, et les PME qui sont toujours en souffrance de ce point de vue-là ?
R - Il y a un risque, mais nous essayons de le contourner en faisant en sorte de mieux accompagner les PME/PMI, c'est tout l'objet de ce plan de relance Export encore une fois qui a été bâti avec ces PME/PMI, avec les membres de la Team France Export, Business France, les chambres de commerce et d'industrie des pays et BPI France pour justement donner le maximum de moyens aux PME/PMI de se projeter. En leur baissant le coût de cette prospection internationale, en aidant au recrutement de VIE, de volontaires internationaux en entreprise, ces jeunes qui passent deux ans dans l'entreprise à l'international pour les accompagner dans leur déploiement international. Et c'est en sécurisant les échanges avec notamment l'assurance-crédit financée par BPI-France. Et donc, on pense qu'il y a plus de PME/PMI qui vont pouvoir aller à l'international grâce à ces moyens, et d'ailleurs dans les chiffres, octobre et novembre, on est largement plus fort en terme d'entreprises qui font le choix de se projeter à l'international que même en 2019.
Q - Il nous reste quelques minutes, Monsieur le Ministre, mais j'ai une question sur l'attractivité qui est aussi un gros sujet. Parce qu'on l'a rappelé, en 2019, la France était le premier d'accueil pour les investissements étrangers en Europe, mais c'était l'an passé. Et on sait ce que cette crise est en train d'engendrer, c'est-à-dire une "re-régionalisation" des chaînes de valeur, avec une concurrence, vous le dites vous-même, qui va être encore plus rude pour attirer les capitaux et les projets dans les prochaines années. Et on parle souvent du fait que beaucoup d'entreprises filiales de grands groupes étrangers en France vont peut-être dans un premier temps, avant tout, chercher à rationnaliser un petit peu leur rentabilité, donc déplacer vers des pays mieux disant sur le plan fiscal, sur le plan de la réglementation, la production. Est-ce que c'est un risque pour vous en France ? Et que doit faire la France pour se battre encore plus pour attirer ces capitaux et ces projets finalement ?
R - Alors le fait qu'il y ait le Brexit va nous permettre de saisir des opportunités et d'avoir des investisseurs qui viennent investir en France pour pouvoir rentrer dans l'Union européenne plutôt que d'être en Grande-Bretagne avec le Brexit. Deuxièmement, il faut continuer ce travail de transformation du pays pour améliorer sa compétitivité et donc son attractivité. Et c'est ce que nous faisons, notamment avec le plan de relance qui vient accélérer la transformation du pays pour que notre économie soit plus décarbonée, soit plus digitale, soit aussi plus compétitive. Nous baissons par exemple les impôts de production, pour les industries, c'est très important. Et puis nous avons cette action qui vise à accompagner les entreprises qui effectivement souhaitent relocaliser une partie de leur chaîne de valeur. C'est ce que fait le ministère de l'industrie, Agnès Pannier-Runacher et Bruno Le Maire. Nous y travaillons ici au ministère de l'Europe et des affaires étrangères également. Et puis c'est tout ce travail d'amélioration des outils de défense de l'Europe vis-à-vis des Chinois, vis-à-vis des Américains, vis-à-vis d'un certain nombre de pays qui ont aujourd'hui des pratiques déloyales dans les échanges mondiaux. Et c'est dans le cadre de la revue des politiques commerciales que nous aurons pour lutter contre le dumping, lutter contre les aides d'Etat, lutter contre les pratiques extraterritoriales du droit. Vous voyez, nous utilisons les différents leviers qui nous permettront d'être toujours attractifs et de permettre le déploiement de nos entreprises à l'international. Compétitivité, accompagner le maximum d'entreprises à l'international, miser sur les technologies d'avenir en ayant une vraie stratégie industrielle et renforcer notre boîte à outils de défense commerciale. C'est tout le plan d'action de l'Etat, du gouvernement, du gouvernement de Jean Castex sous l'autorité d'Emmanuel Macron.
Q - Mais malgré tout, vous voyez que les investisseurs étrangers vous demandent d'être encore plus compétitifs, d'être encore plus compétitifs sur les coûts salariaux, sur la pression fiscale, sur la réglementation. Cela reste des points noirs, quelque part, Monsieur Riester ?
R - Oui, mais tout de même, dans les échanges que j'ai, réguliers, avec les investisseurs, auprès notamment des webinars que l'on a appelé "mini choose France", on voit tout de même que ces investisseurs reconnaissent que la France s'est transformée, est devenue plus compétitive, que le plan de relance va vraiment dans le bon sens, c'est vraiment ce qui ressort de ces discussions avec les investisseurs, et encore une fois, on peut toujours mieux faire, mais rappelons-nous qu'en 2019 la France était le pays le plus attractif en Europe en terme d'investissements directs étrangers. En 2020 nous voulons amplifier cela, malgré la crise, avec le plan de relance, avec les mesures d'urgence qui ont été prises pour protéger au mieux possible notre écosystème économique, et en accompagnant le maximum d'entreprises à l'international.
Q - Le message est passé, merci beaucoup, Monsieur le Ministre.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 décembre 2020