Déclaration de M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, sur les vétérinaires, à Paris le 3 décembre 2020.

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Circonstance : Séance solennelle de l'Académie Vétérinaire de France

Texte intégral

C'est avec plaisir et plein de reconnaissance, en tant que Président d'honneur aujourd'hui, que je clos aujourd'hui cette séance solennelle biennale de l'Académie Vétérinaire de France qui malheureusement ne peut pas se tenir dans le superbe amphithéâtre de l'Académie nationale de médecine du fait de la crise Covid-19.

Je remercie le président Jean-Luc Angot pour l'invitation à participer à cette séance solennelle.

C'est un moment fort de l'AVF qui offre l'opportunité de conférences données par de prestigieux orateurs ; mon ami Erik Orsenna et le professeur Gilles Boeuf dont les présentations ont été passionnantes sur l'unité de la vie et le biomimétisme.

Plus fondamentalement, c'est pour moi l'occasion de vous remercier avec humilité mais avec beaucoup de chaleur pour tout ce que l'AVF fait et à travers elle tous vos membres. Votre rôle est d'abord établi par les missions d'étude de tous les sujets relatifs aux domaines scientifiques, techniques, juridiques, historiques et éthiques s'exercent les compétences du vétérinaire, en particulier ceux se rapportant aux animaux, à leurs maladies, à leurs relations avec l'homme et l'environnement, aux productions animales et à la santé publique vétérinaire.

L'AVF contribue aussi à la diffusion des progrès des sciences et au perfectionnement des techniques ayant trait aux activités vétérinaires.

L'AVF réagit enfin à des sujets d'actualité mais se projette aussi dans le temps long et dans la prospective.

Les apports de la science et les avis formulés par l'AVF sont essentiels pour éclairer les décideurs publics. Nous vivons une époque particulière avec la crise de la Covid-19 ou nous sommes parfois confrontés à un déni de la science au profit de "fake news". Comme l'a dit en début d'année le Directeur Général de l'OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus "Nous ne combattons pas seulement une épidémie, nous combattons aussi une 'infodémie'".

Cette situation, je le sais n'a pas empêché l'AVF de poursuivre son activité et je salue la mobilisation des membres de l'Académie, je crois savoir [et cela se confirme aujourd'hui] que malgré l'organisation des séances en distanciel, l'assiduité de ses membres ne se dément pas.

Je salue également la mise en place précoce d'une cellule Covid-19 rassemblant toutes les compétences, y compris dans le domaine de l'alimentation, en lien avec les autres Académies.

S'inscrire dans ce temps long de la science ne vous empêche pas d'être en permanence dans un travail de modernisation, comme celui qui a été engagé, avec une nouvelle identité visuelle, un nouveau site web, un projet stratégique et un nécessaire travail de toilettage des statuts.

En tant que Ministre des vétérinaires, je souhaiterais partager avec vous trois sujets de préoccupations, qui me semblent aujourd'hui résumer les principaux enjeux qui doivent nous guider pour construire l'avenir de la politique sanitaire de notre pays.

1- One Health (une seule santé)

Le Vivant est complexe et nécessite une approche interdisciplinaire et transversale. Santé humaine, animale et environnementale sont intimement liées. J'ai défendu cette approche One Health/Une seule santé à plusieurs occasions.

Les dernières décennies ont été marquées par des crises sanitaires qui ont souvent mis en évidence cette interdépendance des écosystèmes de l'Homme, des animaux et des végétaux et de la santé de l'environnement. Nous l'avons vu avec la vache folle d'abord, l'influenza aviaire, et la Covid-19, ou même l'incendie de l'usine Lubrizol… Nous savons que 60% des maladies humaines infectieuses connues sont d'origine animale, et les maladies émergentes impliquent souvent la faune sauvage. Les vétérinaires jouent un rôle central pour relever ce défi.

Nos politiques publiques doivent s'intégrer complètement dans ce concept "One health" pour mieux comprendre et réagir face aux risques de maladies zoonotiques pouvant devenir pandémies. Lutter contre l'émergence ou la diffusion de ces pandémies, c'est prendre en compte les interactions entre modifications de l'écosystème, changement climatique, déséquilibres des organismes vivants (micro-organismes, vecteurs, réservoirs et hôtes), activités humaines.

Au niveau international, cette approche interdisciplinaire prend forme à travers la création récente d'un Conseil d'experts de haut niveau "One Health", qui vient d'être annoncée dans le cadre du Forum de la paix de Paris 2020 le 12 novembre 2020.

Je suis convaincu des vertus d'une telle approche "One Health". Et les vétérinaires sont et doivent rester des acteurs actifs de sa mise en oeuvre.

De solides coopérations interministérielles existent déjà avec le ministère de la santé et Santé publique France notamment sur la gestion des aliments contaminés et des toxi-infections alimentaires afférentes, sur la réduction de l'utilisation des antibiotiques. La présence conjointe aujourd'hui de 2 ministres en est encore un exemple, preuve s'il en fallait du lien entre agriculture, santé animale et biodiversité.

Je sais par ailleurs que Bérangère ABBA a récemment commandé des avis à l'Académie vétérinaire s'agissant de problématiques relatives à la faune sauvage.

Nous travaillons également en interministériel dans la gestion globale des risques sanitaires, notamment dans la prévention des zoonoses issues de la faune sauvage. La nouvelle édition du Programme national santé-environnement, le 4ème, sera bientôt finalisée et va dans ce sens.

Je le dis souvent il faut toujours mieux prévenir pour avoir moins souvent à guérir. Pour cela le travail de l'académie vétérinaire fondée sur la concertation avec les parties prenantes (agences et instituts performants, plates-formes d'épidémio-surveillance, acteurs de terrain mobilisés, académie de médecine) est précieux.

Les vétérinaires dans leur diversité se sont largement mobilisée pour la santé de nos concitoyens lors de cette crise Covid, en particulier au printemps pour mettre à disposition des médecins du matériel, pour réaliser des analyses PCR. Je renouvelle aujourd'hui mes remerciements à leur égard.

Deuxième préoccupation,

2- Bien-être animal

Les enjeux du bien-être animal prennent une place croissante dans les attentes de notre société. Je souhaite que les vétérinaires continuent de s'investir sur ce sujet qui chaque année gagne en importance dans le débat public à la fois par les animaux de compagnie comme pour les animaux d'élevage. Votre rôle est essentiel car il est celui de la science et de la raison dans un débat qui est souvent marqué par les passions.

La France est le pays européen dans lequel le nombre d'animaux de compagnie par habitant est le plus important. Mais nous détenons également de tristes records en matière d'abandons. Les vétérinaires ont un rôle majeur à jouer dans ce domaine. Je suis en relation avec les représentants de la profession pour construire des dispositifs efficaces en particulier en matière de sensibilisation des adoptants mais aussi afin de conforter votre rôle de soutien aux plus démunis.

Ce rôle de référent et d'expert doit aussi être renforcé dans l'activité liée aux animaux de rente, auprès des organisations professionnelles et des éleveurs.

Les vétérinaires ont également un rôle d'alerte à jouer auprès des services de l'Etat lorsqu'ils sont confrontés à des situations où le bien-être des animaux n'est pas respecté. C'est dans l'exercice quotidien que les vétérinaires peuvent détecter des signaux d'alerte que ce soit chez des particuliers ou dans des élevages d'animaux de compagnie ou de rente.

Je sais que l'Académie se penche sur le sujet du bien-être animal et son expertise est précieuse. J'espère qu'elle le sera à nouveau dans le cadre de la prochaine stratégie BEA du ministère.

Enfin le sujet du

3- Maillage vétérinaire, qui je le sais est d'importance pour vous Chaque vétérinaire doit pouvoir disposer de perspectives d'avenir claires et exercer pleinement son métier dans le respect de la déontologie. C'est mon souhait. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation est là pour accompagner la profession dans ses transformations. Nous avons un beau projet avec les vétérinaires. La montée en compétence dans le domaine du bien-être animal ne suffira pas à elle seule à résoudre le problème de la raréfaction dans certaines zones du nombre de vétérinaires. Je veux bien sûr parler ici de l'exercice dit rural ou mixte. L'attractivité des métiers exercés à la campagne et le renouvellement des générations sont des priorités pour le ministre de l'agriculture que je suis.

Favoriser l'installation des vétérinaires en zone rurale est une nécessité et le ministère est mobilisé depuis plusieurs années autour de cet objectif, avec des résultats concrets à la clef. Depuis 2012, le nombre de places offertes annuellement a ainsi augmenté de 35% dans les quatre écoles nationales vétérinaires. En outre, des programmes adaptés et des stages en exploitation agricole permettent aux élèves de se familiariser avec la réalité du monde agricole et découvrir la relation éleveur-vétérinaire. Enfin, vous le savez, à compter de la rentrée 2021, les élèves pourront s'orienter en école vétérinaire directement après le Bac, par voie de concours. Cette réforme facilitera le recrutement des élèves attirés par la pratique en milieu rural. Une partie du défi se joue également à l'échelle de l'économie de l'élevage car la crise de vocations pour la médecine vétérinaire rurale est aussi le symptôme de la perte de vitesse de la vitalité économique de certains territoires d'élevage.

Le levier financier a un rôle à jouer et le Gouvernement en a pleinement conscience. La loi dite DADDUE vise à offrir la possibilité aux collectivités locales de financer des dispositifs de soutien à l'installation et au maintien des vétérinaires en milieu rural. C'est une bonne chose.

Il faut également répondre aux enjeux de l'évolution de la démographie vétérinaire : la demande en vétérinaires canins est en augmentation et nous nous devons également d'y répondre collectivement.

L'Académie doit aussi pouvoir nous accompagner dans ce domaine pour identifier des leviers nous permettant de nous projeter dans la profession vétérinaire de demain.


Conclusion

Les vétérinaires sont un maillon essentiel de la politique sanitaire de notre pays. Depuis ma nomination à la tête du ministère de l'agriculture et de l'alimentation je mesure chaque jour – à Paris et lors de mes déplacements – la place centrale de la profession vétérinaire dans les grands enjeux de notre société.

L'occasion m'est donnée ici de saluer le travail remarquable de l'Académie et au travers d'elle de tous les vétérinaires dans tous les domaines dans lesquels ils interviennent, aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public. Vous êtes des acteurs essentiels en matière de santé publique, d'élevage, de sécurité de la chaîne alimentaire, d'agroécologie, de biodiversité et de rapports entre les êtres humains et le monde animal. Vous êtes des acteurs sur lesquels je veux m'appuyer.

La contribution vétérinaire n'est pas seulement scientifique et technique. Confronté aux réalités de la société et en particulier du monde agricole, attentif au bien-être humain et au bien-être animal, le vétérinaire joue un rôle majeur dans les domaines sociologique et économique.

Mon rôle, en tant que ministre de l'agriculture et de l'alimentation, est de vous accompagner pour construire avec vous l'avenir de la politique sanitaire de notre pays.

L'expertise de l'AVF doit accompagner le MAA dans les défis à relever et les évolutions à conduire.

Je compte sur vous.


Source https://academie-veterinaire-defrance.org, le 16 décembre 2020