Interview de Mme Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, à LCI le 14 décembre 2020, sur la fonction publique et l'épidémie de Covid-19.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

ADRIEN GINDRE
Bonjour Amélie de MONTCHALIN.

AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.

ADRIEN GINDRE
Vous êtes ministre de la Fonction et de la transformation publiques, au pluriel. On va d'abord parler de la crise sanitaire, de nouvelles fêtes clandestines ont été organisées ce week-end encore dans plusieurs villes de France, une en particulier à Marseille, avec plusieurs centaines de personnes aujourd'hui, on aura des manifestations encore de restaurateurs, du monde de la nuit ; qu'est-ce que vous dites à tous ces gens-là, ils n'ont pas compris la gravité de la situation sanitaire ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Non, je leur dis d'abord une évidence, il n'y a pas d'agenda caché, et le gouvernement cherche la même chose je crois que tous les Français, c'est en finir avec ce virus. Ce n'est pas un filon politique, c'est une bataille sanitaire, et dans cette bataille, chacun a un rôle à jouer, on le sait, à la veille des fêtes, vous savez, les ministres ne prennent absolument pas ces mesures de gaieté de coeur ; c'est très difficile, je crois, pour tout le monde. Et donc il faut qu'on soit dans cette optique de se dire : voilà, on en finit, on a, avec nous, maintenant, un nouvel allié, qui est le vaccin. Et donc on doit tous au fond être capables de comprendre que l'objectif, ce n'est pas de combattre les Français, ce n'est pas de s'opposer à eux, ce n'est pas de les emmerder ; c'est vraiment de combattre le virus, de manière, voilà, efficace. On le voit, tous les pays européens, aujourd'hui, prennent des mesures qui sont semblables aux nôtres, avec beaucoup d'amertume partout, mais l'objectif, c'est quand même d'en finir, et surtout se dire que la vie, c'est autre chose, nous, au gouvernement, voyez, on continue de travailler sur beaucoup d'autres sujets, parce qu'on ne doit pas laisser ce virus mettre à mal trois ans d'efforts pour, eh bien, transformer la vie quotidienne, pour réformer, pour avancer, ce n'est pas, voyez, 2021, année zéro, France à plat. Nous, ça fait trois ans qu'on mène des réformes très fortes, sur beaucoup de sujets de la vie quotidienne…

ADRIEN GINDRE
Alors, on va y venir, juste encore deux petites questions…

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais je crois que c'est important aussi pour que les Français en soient conscients…

ADRIEN GINDRE
Oui, vous êtes là aussi parce que vous êtes ministre de la Fonction publique, deux petites questions, parce que vous venez d'y faire allusion, est-ce que par exemple, sur le vaccin, en tant que ministre de la Fonction publique, vous allez organiser pour les fonctionnaires, demain, la vaccination dans les administrations, est-ce qu'ils y auront accès sur leur lieu de travail ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, les vaccins, on a une trajectoire, on commence, vous le savez, par les EHPAD, par certains soignants, et puis, ensuite, par les personnes âgées, puis, ensuite, par certaines personnes qui sont dans des lieux exposés ; évidemment, les employeurs publics faciliteront les choses, mais l'organisation de la vaccination, vous l'avez vu, c'est les autorités sanitaires avec aussi les collectivités locales, mais ce n'est pas moi, ministre, qui vaccine, vous voyez, les agents publics, tout comme ce n'est pas les entreprises qui vont vacciner en direct leurs salariés, il y a un calendrier, et donc ça commence par les personnes les plus vulnérables, les plus fragiles. Mais ça va nous permettre, normalement, dans les prochains mois, avec un calendrier qui s'étale effectivement un peu dans le temps, eh bien, de mettre à mal ce virus ; c'est pour ça qu'on agit, on n'est pas là pour…

ADRIEN GINDRE
Même chose pour les tests, il y a par exemple une grande opération de tests qui est menée aujourd'hui et au Havre et dans les Ardennes…

AMELIE DE MONTCHALIN
Ça se fait toujours…

ADRIEN GINDRE
Il n'y aura pas d'opération de testing massif dans la Fonction publique par exemple ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez, aujourd'hui, on a des tests dans les écoles, dans les collèges, il y a eu des opérations pour l'Education nationale dédiées, parce que c'est les lieux plus sensibles. Donc, nous, on facilite, on accompagne on est toujours en soutien. Maintenant, ce n'est pas à l'employeur d'organiser directement…

ADRIEN GINDRE
Ce n'est pas vous qui organiserez…

AMELIE DE MONTCHALIN
Il le fait quand il y a des besoins, quand il y a des cas contacts, quand il y a des symptômes. Mais notre rôle, c'est vraiment, et vraiment, je veux le dire, parce que parfois, on a l'impression dans les débats qu'on tourne un peu en rond, notre rôle, c'est de combattre ce virus. Et je crois que les Français voient bien qu'il n'y a pas d'agenda caché, on est là pour faire, au fond, la même chose ensemble, c'est : pouvoir reprendre une vie normale et se dire aussi que la vie continue, et que, donc on a, nous, gouvernement, une exigence, c'est de continuer à avoir des résultats sur tout le reste de la vie quotidienne des Français…

ADRIEN GINDRE
Alors, pour le moment, Amélie de MONTCHALIN, on va y venir, je vous le garantis, mais pour le moment, il y a quand même toujours ce virus, vous, en tant qu'employeur, pour le coup, vous avez ouvert la possibilité du télétravail, y compris dans la Fonction publique…

AMELIE DE MONTCHALIN
45 % des agents hors enseignants, des agents de l'Etat, qui ne sont pas des enseignants…

ADRIEN GINDRE
Qui y ont recours…

AMELIE DE MONTCHALIN
Qui télétravaillent encore la semaine dernière, donc c'est, vous voyez, un engagement très fort, c'est aussi beaucoup de changements, parce que ce n'était pas du tout dans la pratique…

ADRIEN GINDRE
Et c'est beaucoup de problèmes, ce matin, il y a un sondage qui est publié par IFOP et WIMI, qui dit : 49 % des agents estiment que les outils fournis ne sont pas adaptés au télétravail, et plus d'un agent sur deux ne peut pas accéder à ses documents de travail à distance, il y a encore de la marge.

AMELIE DE MONTCHALIN
Exactement. Donc il y a déjà eu beaucoup de travail de fait pour que les 45% des agents qui travaillent, maintenant, je suis tout à fait lucide, vous savez, on commande les ordinateurs par 50.000, on vient de refaire une commande de 50.000 ordinateurs pour les agents de l'Etat et dans le plan de relance, il y a 200 millions d'euros justement pour les outils de travail, parce que télétravailler, ce n'est pas juste ouvrir l'ordinateur, c'est être capable de travailler comme, eh bien, quand on est dans son bureau, donc c'est un investissement majeur, on le fait résolument. Et puis, il y a des choses qu'on gardera aussi après la crise, parce que c'est aussi un nouveau type de management, c'est aussi plus de confiance, c'est aussi, voilà, une organisation qui évolue, et que donc, je fais évoluer à marche forcée pour que dans toutes les équipes, eh bien, les agents trouvent les bonnes conditions de travail.

ADRIEN GINDRE
L'objectif, c'est d'arriver à combien, vous dites 45%, là ?

AMELIE DE MONTCHALIN
L'objectif, c'est, on est autour de 50%, on est à peu près à mon avis au maximum, parce qu'il y a plein de métiers non télétravaillables, mais on a bien vu une chose, c'est qu'on a réussi à concilier télétravail et continuité du service public, 97% des guichets sont ouverts, 99,6% des agents travaillent, les autres, c'est parce qu'ils sont en isolement ou cas contacts.

ADRIEN GINDRE
Alors vous considérez, cela dit, que les fonctionnaires peuvent aussi servir sur le front du Covid pour prêter main forte là où il y a des besoins ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Ce que je vois sur le terrain, c'est que les valeurs du service public sont excellentes, elles sont vivantes, les agents veulent aider, et c'est au fond le coeur de leur mission du service de l'intérêt général, il y a certains agents qui parfois ont un peu moins de travail en ce moment, parce que leurs missions sont un peu parfois ralenties ou parce que, juste, ils ont du temps, et donc je vais lancer une plateforme de volontariat pour les agents publics, pour qu'ils puissent prêter main forte, pour le contact tracing, pour appeler des personnes isolées, vous savez que les caisses d'assurance familiale appelle les allocataires les plus précaires, les étudiants précaires sont aussi appelés. Donc il y a des endroits où on a plus de besoins, des gens qui sont volontaires, je pense que c'est vraiment au coeur de ces valeurs qu'on cherche à faire vivre, et donc, ce sera lancé dans la semaine. Je crois que c'est vraiment aussi utile que les Français voient qu'on met tous les moyens de notre côté pour les aider à traverser cette période très difficile, mais aussi, voilà, pour continuer à faire vivre le service public.

ADRIEN GINDRE
Mais concrètement, quels fonctionnaires ont aujourd'hui du temps ou des tâches qui ont diminué…

AMELIE DE MONTCHALIN
Eh bien, il y a des équipes, vous savez, qui ont des activités plus cycliques, parce que, voilà, les impôts, ça se prélève à un moment donné, donc il y a aussi des lieux qui sont fermés aujourd'hui, donc il y a des agents publics qui veulent continuer, non pas, voyez, à faire un peu moins de travail, mais justement à contribuer vraiment à l'activité de crise, et donc, on va l'organiser.

ADRIEN GINDRE
Alors, à l'occasion de cette crise du Covid, il y a également la suppression du jour de carence qui a été votée, là, par le Sénat, il y a quelques jours, avec le soutien du gouvernement d'ailleurs, mais les syndicats en profitent pour dire aussi qu'on pourrait supprimer ce jour de carence pas qu'en cas de Covid, mais d'une manière générale et pérenne.

AMELIE DE MONTCHALIN
Donc il y a le droit commun, le droit commun, c'est qu'effectivement, il y a un jour de carence dans le secteur public quand on est malade.

ADRIEN GINDRE
Ça reste la règle.

AMELIE DE MONTCHALIN
Ça reste la règle. Aujourd'hui, si on veut inciter tout le monde à s'auto-isoler quand on est cas contact ou quand on est cas positif, eh bien, il ne faut pas qu'on ait de conséquences financières, et donc, la décision que j'ai prise, et madame Elisabeth BORNE a pris la même pour le privé, c'est que, à partir du 1er janvier, qu'on soit cas contact ou cas positif ou qu'on attende un test, il n'y a pas de conséquences financières, il n'y a pas de jour de carence, et je crois que c'est utile à la cohérence, voyez, de notre stratégie sanitaire.

ADRIEN GINDRE
Mais ça pourrait valoir pour toutes les maladies, quand on a la grippe, c'est exactement le même mécanisme ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Cette maladie, elle est un peu différente, on ne vous demande pas de vous isoler dans les mêmes proportions quand vous avez la grippe, pour la simple et bonne raison qu'on sait aussi mieux la traiter, et qu'on sait mieux la gérer, c'est une maladie très particulière, et si on veut vraiment combattre ce virus à moyen terme, avant que tout le monde soit vacciné, on a besoin qu'on s'isole de manière beaucoup plus systématique, et on ne peut pas inciter les gens à s'isoler s'ils perdent du salaire.

ADRIEN GINDRE
Alors, vous avez suivi également les questions de budget quand vous étiez députée, l'un de vos anciens collègues, le rapporteur général du Budget, le député En Marche Laurent SAINT-MARTIN, disait, il y a quelques jours : le quoi qu'il en coûte n'est pas un puits sans fond, est-ce que le moment est venu, Amélie de MONTCHALIN, de mettre un coup de frein sur les dépenses ?

AMELIE DE MONTCHALIN
D'abord, le moment est venu de continuer à soutenir notre économie, de continuer à sauver des vies, conforter aussi notre République, et on voit que cette crise aussi secoue beaucoup même nos principes républicains, de manière directe ou indirecte. Moi, je pense que, au-delà des questions budgétaires, bien sûr qu'à un moment donné, il faudra qu'on remette notre pays sur les rails, quand les choses seront, voyez, quand on sera passé…

ADRIEN GINDRE
Mais pas tout de suite…

AMELIE DE MONTCHALIN
On est encore au coeur de la crise. Aujourd'hui, les commerçants, les restaurateurs, ils attendent notre soutien, et on les soutient, et on les soutiendra toujours jusqu'à tant que la vie puisse reprendre. Maintenant, moi, j'ai une conviction, c'est qu'il y a une réforme, en tout cas, il y a un champ d'action où il faut qu'on aille beaucoup, beaucoup plus loin, ce n'est pas tolérable, voyez, que notre pays soit un pays où il faut six générations pour passer de la pauvreté à la classe moyenne, notre ascenseur social, notre égalité des chances, c'est un domaine où on a fait beaucoup à l'école, à l'université, par l'apprentissage, on doit faire encore beaucoup plus, ce n'est pas qu'une question d'argent, c'est une question d'organisation, c'est une question effectivement de moyens qu'on met…

ADRIEN GINDRE
Mais par quelle baguette magique est-ce qu'on remet en marche l'ascenseur social ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Il n'y a pas de baguette magique en politique, il y a du travail, et moi, je peux vous dire qu'en tant que ministre de la Fonction publique par exemple, ça, c'est une réforme sur laquelle j'ai envie de m'investir, je m'investis, j'ai fait des propositions, j'annoncerai des choses fortes dans les jours et les semaines qui viennent, parce que nous avons tous dans notre pays un énorme signal d'espoir et un choc de confiance à redonner aux générations d'aujourd'hui…

ADRIEN GINDRE
Et vous aviez par exemple proposé qu'on réserve certaines places des concours de la haute Fonction publique, si je ne me trompe pas, à des candidats issus de milieux modestes, les syndicats vous disent encore aujourd'hui, ça peut être une mesure contre-productive, et d'ailleurs, stigmatisante pour ces candidats.

AMELIE DE MONTCHALIN
Aujourd'hui, on travaille pour que, effectivement, on combatte l'autocensure. Et je crois que dans tous les domaines de la société, la génération d'aujourd'hui qui voit cette crise, la jeunesse d'aujourd'hui qui voit au fond toutes ses perspectives d'avenir chamboulées par cette crise, on a besoin de lui redonner confiance, et lui redonner une place dans la société, donc effectivement, il y a des sujets sur lesquels je travaille, je ne vais pas vous l'annoncer ici, voyez, sur un plateau de télé, parce que ça demande beaucoup de travail, beaucoup de finesse aussi juridique, on est pleinement républicain, mais on doit dans notre pays absolument, et je pense que c'est un champ, voyez, d'action sur lequel on doit aller beaucoup plus fort…

ADRIEN GINDRE
Et vous avancerez à quelle échéance, parce que le quinquennat quand même court, court, là…

AMELIE DE MONTCHALIN
Moi, je dois proposer, vous savez, d'ici au mois de juin une réforme sur la haute Fonction publique, donc tout ça s'inscrit dans ce cadre-là.

ADRIEN GINDRE
Une question encore sur les réformes, il y a la grande question en ce moment de savoir s'il faut reprendre la réforme des retraites et remettre à l'ordre du jour celle-chômage ; ces deux réformes qui ont été gelées, même si elles ont des statuts un peu différents. Qu'est-ce que vous dites, vous, priorité ou pas priorité, là ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Moi, je dis que le Premier ministre et le président décident de l'agenda, mais en tant que ministre de la Transformation, moi, je porte un chantier majeur, c'est que 2021, ce n'est pas année zéro, ce n'est pas le Covid a terrassé tout notre travail depuis trois ans. Vous savez, quand Emmanuel MACRON a été élu en 2017, il a été élu contre les populistes, contre Marine LE PEN, il a été élu en portant deux idées, d'abord, la politique, ce n'est pas que des mots, c'est des faits. Et si on veut combattre les fake news, il faut qu'on ait des résultats tangibles, il faut qu'on ait des faits. La deuxième chose qu'il a dit, c'est : les réformes, ce n'est pas de la magie, ce n'est pas parce que vous allez annoncer quelque chose, voyez, sur un plateau de télé ou à l'Assemblée, que dans la vie quotidienne, ça va changer. Et donc, on doit absolument garder cette méthode, montrer des faits, et montrer que la politique, ça concerne la vie quotidienne…

ADRIEN GINDRE
Mais il y a encore des résultats sur d'autres sujets que le Covid en ce moment, parce qu'on voit bien que l'action du gouvernement est principalement occupée à gérer la crise sanitaire…

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais évidemment que le gouvernement aujourd'hui, et même en 2020, a travaillé sur tous les sujets, et donc le 6 janvier prochain, nous allons faire quelque chose qui n'a jamais été fait dans notre pays, nous allons, nous, gouvernement, sur la page "gouvernement.fr", publier notre baromètre des résultats, département par département, pour que nous puissions montrer un an, voyez, avant la présidentielle, où nous en sommes, ce qui a progressé, département par département, les réformes qui avancent, ce qui reste à faire aussi, assumer que nous devons faire oeuvre de transparence et de vérité pour recréer la confiance, mais aussi pour recréer de l'efficacité. Je vous donne un exemple, vous allez pouvoir entrer dans votre code postal, et regarder ce qui s'est passé dans votre département sur l'apprentissage, sur la fibre, sur le handicap, sur l'accès aux services publics, bref, sur ce qui est notre action depuis trois ans résolus, pour que, eh bien, la vie des Français change.

ADRIEN GINDRE
Du gouvernement seul ou avec les collectivités locales, parce que parfois, vous n'êtes pas tout seul…

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est le baromètre de l'action publique, évidemment, il y a des réformes où c'est l'Etat tout seul, évidemment, il y a beaucoup de réformes où c'est les Français eux-mêmes aussi qui participent aux réformes, c'est les élus, c'est les entreprises, et montrer que dans notre pays, si on veut vraiment combattre cette épidémie, si on veut vraiment nous redresser, on a un objectif majeur, c'est que ce travail qu'on fait, vous voyez, vraiment méthodiquement depuis trois ans, qui est ce pourquoi je me suis engagée, moi, je ne me suis pas engagée pour faire des discours, vous savez, j'étais une citoyenne, une économiste, j'ai rejoint un mouvement parce que j'en avais marre d'entendre des politiques parler, et sentir ce décalage énorme se passer avec la réalité. Et ce baromètre, il est inédit, c'est un travail qu'on a fait avec tous les ministres, pour porter dans un même endroit ce que chacun d'entre nous avons fait depuis trois ans, département par département…

ADRIEN GINDRE
Est-ce que ce sera aussi, Amélie de MONTCHALIN, l'occasion d'évaluer les ministres eux-mêmes et savoir ce que chacun a réussi à accomplir dans son champ de compétences ?

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est moins un sujet par ministre, parce que, d'abord, parfois, les ministres ont changé…

ADRIEN GINDRE
Même si en début de quinquennat, le président de la République avait dit qu'on regarderait quand même le travail de chacun des membres du gouvernement.

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais vous savez, au Conseil des ministres chaque semaine, il y a un ministre qui présente ses résultats, chaque semaine, parce que je pense que les Français, ils ne nous attendent pas juste sur, voyez, les explications, ils nous attendent sur les résultats. Pourquoi Marine LE PEN, pourquoi les populistes parfois prospèrent, parce qu'ils nous disent : voyez, ils vous mentent, ils vous parlent, et ça ne change rien. Moi, je veux battre là-dessus, je veux me battre contre ça, chaque semaine, dans les prochains mois, j'irai dans un département et on fera le point, qu'est-ce qui a marché, qu'est-ce qui n'a pas encore assez bien marché, qu'est-ce qu'on débloque, comment on trouve les solutions, est-ce que c'est une question d'information, est-ce que c'est une question de coopération…

ADRIEN GINDRE
Une question encore, Amélie de MONTCHALIN, sur les réformes, pardon, là, vous nous dites tout ce que le gouvernement a fait ou peut encore faire, il y a aussi ce qui peut être demandé aux Français eux-mêmes, il y a un débat, là, depuis quelques jours, dans le privé, pour savoir s'il ne faut pas renoncer à certains RTT, jours de congés pour soutenir les entreprises, le monde économique dans une situation si particulière. Est-ce qu'on pourrait imaginer la même chose dans le secteur public, est-ce qu'on peut demander aux agents demain de rogner sur certains de leurs congés pour soutenir aussi cet effort de l'Etat gigantesque que vous venez de rappeler ?

AMELIE DE MONTCHALIN
D'abord, pendant le premier confinement, les agents publics ont rogné, comme vous dites, ou en tout cas, ont posé des congés qu'ils ont passés en confinement, donc il y a eu un effort très fort. Aujourd'hui, je peux vous dire que les agents publics, ils sont sur le pont, 99,6%, donc c'est-à-dire tous les agents qui ne sont pas malades travaillent, ça veut dire qu'aujourd'hui, on est en train d'innover, on est en train d'appeler les personnes âgées, on est en train d'appeler un par un beaucoup de Français isolés, on est en train de se transformer dans notre manière de rendre du service public, évidemment, on peut toujours faire mieux, mais je peux vous dire qu'aujourd'hui, en tant que ministre, moi, je suis fière de voir le travail qui a été fait…

ADRIEN GINDRE
Mais il n'y aura pas d'efforts supplémentaires demandés dans les mois à venir ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais tout le monde fait des efforts supplémentaires, par le télétravail, par la continuité…

ADRIEN GINDRE
Oui, mais ça sera du travail, pas dans les congés…

AMELIE DE MONTCHALIN
Par l‘innovation, par la transformation. Les congés, il y a déjà eu beaucoup d'efforts, vous savez, aujourd'hui, mon enjeu, moi, du service public, c'est comment on rend un service public plus efficace, ça, c'est un énorme effort financier, d'organisation, de changement des pratiques, c'est aussi, vous savez, très concrètement, comment je réarme les territoires, comment je redonne des marges de manoeuvre aux agents pour qu'ils puissent donner des solutions tout de suite, et pas attendre, vous savez, que les choses se perdent dans la bureaucratie, la hiérarchie, dont les agents publics d'ailleurs sont les premières victimes.

ADRIEN GINDRE
Encore un mot, Amélie de MONTCHALIN, on arrive bientôt à la fin de cette interview, mais je voudrais qu'on dise un mot de la loi séparatisme, qui a été examinée en Conseil des ministres la semaine dernière, maintenant, c'est la majorité qui propose ses amendements. Aurore BERGE, députée En Marche, évoque un possible amendement pour interdire le port du voile pour les petites filles, est-ce que vous seriez favorable à cet amendement ?

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est un choix qui a été fait de ne pas mettre dans le texte ce qui concerne notamment la vie des Français dans l'espace public, moi, je pense que le vrai débat, voyez, pour ce qui est dans mon périmètre d'action, c'est comment on réaffirme par exemple les droits et les devoirs des agents publics, le devoir absolu de neutralité et de laïcité, y compris pour les agents publics qui ne travaillent pas dans l'Etat mais qui sont comme on dit délégataires de service public…

ADRIEN GINDRE
Alors, ça peut être par exemple l'amendement Laetitia AVIA, qui, elle, veut une circonstance aggravante lorsqu'un acte discriminatoire est commis par un agent chargé de…

AMELIE DE MONTCHALIN
Donc ça, c'est le devoir, c'est le devoir d'incarner…

ADRIEN GINDRE
Ça, vous dites : bonne idée ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Parfaitement les valeurs de la République, et d'être absolument intraitable, quand on est un agent public, ce n'est pas un métier comme les autres, mais ce devoir-là, il va avec un droit absolu pour les agents, le droit absolu d'être protégés, protégés par leur hiérarchie, protégés par leurs administrations, protégés quand un usager fait pression sur eux, protégés quand ils sont mis en danger, et donc, voyez, on cherche ses droits et ses devoirs, réaffirmer les devoirs, et je n'ai aucun problème avec ça…

ADRIEN GINDRE
Donc réaffirmer les devoirs, ça veut dire y compris par l'amendement proposé par Laetitia AVIA…

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais être bien meilleur sur la protection des agents. Je pense que ce qu'on a vu avec l'horrible assassinat de Samuel PATY, c'est qu'on doit être beaucoup plus fort pour signaler au procureur, signaler à Pharos, signaler les faits, arrêter avec le "pas de vagues", arrêter avec ce sentiment de solitude qu'on les agents…

ADRIEN GINDRE
Mais, c'est-à-dire qu'il faut rééquilibrer encore davantage ce qu'on fait aujourd'hui, Amélie de MONTCHALIN.

AMELIE DE MONTCHALIN
Aujourd'hui, dans le texte, vous avez, 1er article, la neutralité et la laïcité s'appliquent à tous ceux qui ont une mission de service public, en particulier quand ils sont délégataires, quand ils ne sont pas embauchés directement par l'Etat, article 4, article 5, la hiérarchie doit absolument permettre le signalement de faits, et s'assurer que quand on fait pression sur un agent public, au nom d'une conviction qui ne sont pas les valeurs de la République, eh bien, c'est un délit, c'est sanctionné et durement sanctionné. Donc droits et devoirs, je pense que dans notre moment aujourd'hui de crise, on doit être absolument clair, affirmer les choses fortement pour que cette République soit confortée, et que ses principes, voyez, eh bien, fonctionnent dans une époque compliquée, mais où on doit protéger chacun.

ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup Amélie de MONTCHALIN d'avoir été notre invitée matin.

AMELIE DE MONTCHALIN
Merci beaucoup.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 décembre 2020