Texte intégral
Chers amis,
L'impératif de solidarité internationale est l'un des piliers essentiels de la politique étrangère de la France. C'est vous le savez le choix très net qu'a fait le Président de la République dès le début de son mandat. Un choix de coeur, conforme à nos valeurs humanistes et à ce que nous sommes et voulons demeurer. Et en même temps, c'est un choix de raison. Car dans un monde comme le nôtre, un monde d'interdépendance, et de défis globaux, il est évident que le chacun pour soi, c'est une impasse totale. Et c'est bien sûr particulièrement vrai dans le contexte de crise pandémique que nous connaissons depuis plusieurs mois.
Ce choix se traduit d'abord par une ambitieuse diplomatie multilatérale des biens communs, qui joue à plein aujourd'hui, non seulement sur les questions de santé publique mondiale. C'est le cas avec l'initiative ACT-A pour garantir un accès équitable et universel aux traitements et vaccins qui nous permettront collectivement de venir à bout de la Covid-19. Mais aussi face à l'urgence climatique afin de renforcer la mobilisation de la communauté internationale.
Cinq ans après le succès de l'accord de Paris, en vue de la COP26 de Glasgow, c'est ce que nous avons fait en fin de semaine dernière en co-présidant un sommet pour l'ambition climatique qui a donné lieu à de nouvelles annonces. Ce choix de la solidarité est aussi au coeur du nouvel élan que nous sommes en train d'impulser à notre politique de développement. Depuis trois ans, nous nous employons à mettre en oeuvre l'engagement du Président de la République de porter notre aide publique au développement à 0,55% du revenu national d'ici 2022. Et j'ai présenté hier matin, devant le Conseil des ministres, un projet de loi de programmation qui permettra d'inscrire dans le droit, avec cette trajectoire ascendante l'esprit nouveau, dans lequel nous entendons désormais mettre en oeuvre notre aide publique au développement. Un esprit de partenariat, un esprit d'efficacité, et un esprit de transparence.
Nos politiques de solidarité internationale passent évidemment enfin par notre engagement sans faille aux côtés de celles et ceux qui partout dans le monde portent aujourd'hui la flamme de l'action humanitaire. Ces trois aspects de notre diplomatie solidaire sont du reste en un sens eux-mêmes solidaires les uns des autres dans la mesure où ils se renforcent mutuellement, vous le savez bien, pour en faire avec nous l'expérience au quotidien. Il y a deux ans, lors de la précédente édition de cette conférence, j'ai décrit devant vous notre nouvelle stratégie humanitaire, conçue pour répondre aux trois défis que nous avions identifiés, en lien avec vous, comme les trois défis de l'action humanitaire aujourd'hui.
En premier lieu, la très préoccupante remise en cause sur les théâtres de crise comme sur les enceintes multilatérales de ce fondement de l'ordre international mis en place à la fin de seconde guerre mondiale, qu'est le droit international humanitaire. C'est tout à la fois un symptôme, et un vecteur de la brutalisation du monde dans lequel nous vivons. Et c'est une régression que nous n'acceptons pas. C'est pourquoi nous en avons fait l'un des enjeux centraux du nouveau multilatéralisme auquel nous travaillons en multipliant les initiatives concrètes aux côtés de nos partenaires de bonne volonté du monde entier. Je pense notamment à l'appel à l'action humanitaire que j'ai lancé en 2019 avec mon homologue allemand Heiko Maas. Ce combat, nous le menons autant au nom des populations les plus vulnérables des zones de conflit armé à qui les protections du droit international humanitaire sont parfois tout ce qui reste, nous menons aussi au nom des travailleurs humanitaires qui de plus en plus sont eux-mêmes délibérément pris pour cible, blessés, parfois assassinés.
Et je ne saurais le dire cette année sans une pensée particulière pour les huit victimes de l'odieuse attaque meurtrière perpétrée par des terroristes à Kouré au Niger au mois d'août dernier.
Mieux protéger les humanitaires est une nécessité absolue, le Président de la République y reviendra ce soir lorsqu'il prendra la parole devant vous.
Le deuxième défi qui lui aussi a trait à la brutalisation du monde, c'est l'accroissement considérable des besoins humanitaires. C'est malheureusement une tendance lourde qui se confirme d'année en année et que la crise pandémique et ses répercussions auront encore accentué. Selon les dernières estimations de l'ONU, 235 millions de femmes, d'hommes et d'enfants auront besoin d'une assistance humanitaire en 2021 soit 40% de plus que cette année, ce qui est considérable. Vous le savez, le Président de la République s'était engagé à augmenter les moyens dédiés à l'aide d'urgence à hauteur de 500 millions d'euros d'ici 2022. Et je n'ai eu de cesse de défendre personnellement cet engagement dans le cadre de nos projets de loi de finances, et je suis heureux de pouvoir vous annoncer que l'aide humanitaire de la France augmentera de 82 millions l'an prochain pour atteindre 329 millions d'euros.
Ces moyens, qui sont en constante augmentation depuis 2018, nous les employons à agir. À agir toujours avec vous. Agir en RDC pour faire face à Ebola et aux autres épidémies en dépit des difficultés nouvelles qui se posent sur le terrain à cause de la Covid-19. Agir en Syrie, où la France a déjà consacré plus de 175 millions d'aides d'urgence, notamment dans le nord-ouest et le nord-est du pays depuis la libération de Raqqa. Agir pour permettre aux réfugiés du Levant, du Sahel, de l'Ukraine, de revenir chez eux en toute sécurité. Avec les 18 millions d'euros engagés dans le cadre du fonds déminage depuis que nous l'avons créé. Ou encore agir pour apporter un appui indispensable aux populations touchées par la guerre qui est intervenue dans et autour du Haut-Karabagh cet automne. La France a mobilisé des moyens importants, moyens de l'Etat, de la société civile, ou encore des organisations humanitaires pour acheminer cette aide très attendue par les populations arméniennes déplacées du fait de ce conflit et nous souhaitons naturellement qu'elles puissent, le plus rapidement possible, revenir sur les lieux qu'elles ont dû fuir.
Le troisième défi que nous partageons, c'est face à des crises de plus en plus complexes et de plus en plus longues, la nécessité de renforcer la complémentarité entre l'aide humanitaire et les actions de développement, quand cela est possible et pertinent. Il ne saurait être question de les confondre, car elles relèvent de logiques différentes. Mais l'efficacité de notre action sur le terrain commande souvent de bien les articuler.
Il s'agit non seulement, dès le temps court de l'urgence de commencer à penser le temps long, comme nous le faisons en Irak ou au Soudan. Mais aussi à l'inverse de savoir quand il faut se recentrer sur l'urgence comme nous le faisons au Liban. Car, et vous êtes bien placés pour le savoir, les crises ne sont pas toujours linéaires, et il est essentiel d'être très réactif. C'est ce que vous êtes parvenus à faire tout au long de cette année, de part en part bouleversée par la crise pandémique. Et je veux pour cela vous dire toute ma reconnaissance. Vous avez eu à résoudre une équation presqu'impossible : la survenue soudaine de besoins supplémentaires très spécifiques, sur fond d'une brusque interruption des liaisons internationales qui aura rendu extraordinairement difficile l'envoi de personnels et de matériels nécessaires sur le terrain.
Si bien que la continuité même de l'action humanitaire s'est trouvée menacée à un moment où elle était particulièrement nécessaire. Mais en dépit de tout, vous avez tenu bon. Et nous vous avons toujours accompagnés. Ainsi, lorsque Coordination Sud m'a sollicité pour augmenter le soutien du ministère à vos actions, face à la crise du Covid-19, j'ai décidé de débloquer une enveloppe de 20 millions d'euros supplémentaires au profit des ONG. Ce qui vous a permis de faire face à la pandémie. C'est aussi la force du partenariat que nous avons su tisser au cours des dernières années.
C'est en effet grâce au dialogue qui unit dans la confiance les ONG françaises et les équipes du centre de crise et de soutien du Quai d'Orsay que nous avons pu ensemble être à l'initiative de la mise en place en mai dernier d'un véritable pont aérien européen. Au coeur de l'urgence, plus de 1 100 tonnes de fret, des centaines de travailleurs humanitaires ont ainsi au fil des 67 vols qui ont pu être organisés, ont pu être projetés à destination de 20 pays sur 4 continents. C'était dans ce moment de très grande adversité un très beau geste de solidarité européenne au service des populations les plus fragiles.
Et je me souviens de la fierté qui était la mienne en montant à bord de l'avion qui s'est envolé à destination de la RDC avec mon homologue belge Philippe Goffin et le commissaire européen Lenarcic dont je tiens à rappeler d'ailleurs ici qu'il a joué un rôle tout à fait décisif dans ce succès avec le nouveau réseau logistique humanitaire initié par des ONG françaises.
Cette initiative mérite de faire date. Et nos efforts communs doivent s'inscrire encore davantage dans un horizon d'action résolument européen. Face à toutes les tragédies du monde, comme aux risques nouveaux induits par les dérèglements climatiques qui ne sont pas moins redoutables.
Et vous pouvez compter sur moi, pour y travailler avec détermination au premier semestre 2022 en particulier, à l'occasion de la présidence française du Conseil de l'Union européenne.
Je vous remercie.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 décembre 2020