Interview de M. Alain Griset, ministre chargé des petites et moyennes entreprises, à RTL le 23 décembre 2020, sur le commerce confronté à l'épidémie de Covid-19.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEROME FLORIN
Alain GRISET, ministre délégué aux Petites et moyennes entreprises, est donc notre invité ce matin. Monsieur GRISET, nous sommes à la veille du réveillon de Noël, plus que quelques heures pour faire ses cadeaux, ses achats. Est-ce que les petits commerces qui ont pu rouvrir fin novembre ont retrouvé des couleurs ou alors est-ce qu'AMAZON a tout mangé ?

ALAIN GRISET
Non, je pense que les Français ont souhaité pouvoir faire leurs courses dans le commerce physique, en très grande partie. Globalement, on constate qu'il y a une activité un petit peu moins forte que l'année dernière, mais relativement correcte quand même vu la période.

JEROME FLORIN
Le Black Friday a cartonné sur Internet, beaucoup moins dans les magasins.

ALAIN GRISET
Non, mais ça c'est comme dans les années précédentes, globalement, sachant qu'AMAZON c'est un acteur parmi tant d'autres, mais il y a eu néanmoins pendant cette période, une activité équivalente dans les magasins physiques, qu'il y avait eu l'année passée, ce qui était une bonne nouvelle, et le report du Black Friday, au bout du compte, n'a pas eu de conséquences néfastes sur l'activité économique.

JEROME FLORIN
Donc, c'est un Noël qui n'est pas vraiment différent par rapport aux autres années, c'est ça que vous êtes en train de nous dire.

ALAIN GRISET
Non, il est foncièrement différent vu le contexte sanitaire, mais je pense que les Français souhaitent quand même néanmoins dans cette difficulté, pouvoir "faire des cadeaux", et pouvoir fêter ce moment…

JEROME FLORIN
Oui, mais moins de cadeaux, parce qu'on va avoir moins de monde. On avait des chiffres il y a quelque temps, le budget cadeaux pour les grands-parents a été divisé par deux par exemple.

ALAIN GRISET
Oui, parce que naturellement la volonté c'est de pouvoir remettre ce cadeau, et la limitation du nombre de personnes va limiter les cadeaux. Néanmoins les magasins de jouets nous disent qu'aujourd'hui l'activité a été à peu correcte, même si tout ne va pas être remis le jour de Noël, je pense que chacun voudra à un moment donné faire plaisir.

JEROME FLORIN
Alain GRISET, qu'est-ce que vous dites aux restaurateurs qui espèrent encore ouvrir le 20 janvier ?

ALAIN GRISET
Eh bien je dis simplement qu'il y a d'abord des conditions sanitaires qu'il faut qu'on mesure, et en particulier on va mesurer ce qui va se passer pendant ces deux week-ends, pendant ces deux périodes de fêtes, Noël et Nouvel An. Tout le monde sait que la période, entre le 5 et le 15 janvier, nous permettra de mesurer les taux d'incidence, éventuellement le nombre de personnes qui sera à l'hôpital, en urgence ou pas, et c'est en fonction de ces éléments-là que nous pourrons prendre la décision de réouverture ou pas des restaurateurs pour le 20 janvier. Sachant que par ailleurs, pour les restaurateurs, bon, nous avons une attention particulière, parce qu'ils font partie de ceux qui sont les plus touchés, et nous avons mis en place des dispositifs d'accompagnement, dont je sais qu'ils ne sont pas satisfaisants, parce qu'ils veulent travailler mais au moins sur le plan économique pour les accompagner au mieux.

JEROME FLORIN
Mais, mais juste en e disant « on verra la situation le 20 janvier », vous n'entretenez pas de faux espoirs en disant cela ? Vous savez très bien que les chiffres ne vont pas baisser après Noël, c'est ce que disent en tout cas tous les épidémiologistes.

ALAIN GRISET
Non, mais on voit très bien qu'il y a une difficulté, mais pour l'instant ce qu'a dit le président, c'est l'objectif 20 janvier, c'est vrai qu'au fur et à mesure des jours on voit bien que les chiffres ne baissant pas, cet objectif peut être retardé, mais je n'ai pas pour l'instant la date d'ouverture à donner aux restaurateurs.

JEROME FLORIN
Ils pourraient s'apprêter à passer tout l'hiver fermés ? Tout l'hiver, jusqu'au printemps ?

ALAIN GRISET
Ecoutez, ce sont des pronostics qui sont difficiles à faire, on voit bien qu'on rentre dans une nouvelle phase sur le plan de l'épidémie, d'abord parce qu'il y a le vaccin qui va, au fur et à mesure mais très progressivement, être mis en oeuvre. Il y aura ensuite le comportement des Français, et donc les taux de d'incidence. L'objectif quand même néanmoins c'est de pouvoir donner une perspective. J'ai dit il y a quelques semaines qu'avec le vaccin on avait la petite lumière au bout du tunnel. Bon, malheureusement les restaurateurs font partie de ces activités qui sont les plus touchées, moi j'espère qu'on puisse assez rapidement leur donner une perspective de date, en tout cas de période. Je ne vais pas aller pour dire que ça sera tout l'hiver, mais en tout cas c'est vrai que la période est longue pour eux.

JEROME FLORIN
La situation est très étrange, Alain GRISET, on s'attendait à une vague de faillites après l'été, ce n'est pas du tout ce qui s'est passé, il y a même eu 15 000 faillites de moins par rapport à l'an dernier. Les restaurateurs notamment tiennent grâce aux multiples aides de l'Etat, mais jusqu'à quand ? Tout cela est artificiel.

ALAIN GRISET
Ecoutez, ce n'est pas artificiel pour ceux qui sur leur compte en banque, voient les aides arriver, puisque ceux qui étaient fermés au mois de novembre, dès le 4 décembre nous avions mis un dispositif permettant à chacun de pouvoir demander ces soutiens, et dans les 10 jours qui ont suivi, plus de 700 000 entreprises ont perçu, pour une partie d'entre eux, jusqu'à 10 000 €. Donc le gouvernement, depuis le mois de mars, à la demande du président, met en oeuvre des dispositifs qui se sont d'ailleurs adaptés, simplifiés pour beaucoup d'entre eux, et comme ça a été répété par le président, jusqu'au moment où l'activité reprendra, la France sera un d'ailleurs des pays au monde, qui se tiendra le plus l'économie, et on va regarder de quelle manière accompagner les secteurs les plus en difficulté. Mais surtout un sujet qui m'intéresse beaucoup, c'est comment, dans des entreprises qui ne vont pas être rentables, on va continuer à accompagner pendant cette période de reprise.

JEROME FLORIN
Le réveil ne sera pas brutal pour un certain nombre de restaurateurs ?

ALAIN GRISET
Non, la volonté justement c'est d'accompagner « en sifflet » un peu à la fois, on verra d'abord les conditions dans lesquelles on va permettre aux restaurateurs de rouvrir, en jauge, en nombre de clients, et au regard de ça il faudra regarder de quelle manière les accompagner. Bruno LE MAIRE et Elisabeth BORNE ont déjà indiqué que l'activité partielle à 100 % sera reconduite au minimum au premier trimestre, et donc nous regardons tous les jours me comment trouver le dispositif le plus adapté.

JEROME FLORIN
Vous qui avez créé votre entreprise, vous qui avez défendu comme leader syndical pendant des années ces petits patrons, est-ce que vous avez pu évaluer l'impact psychologique de tout cela ? Ces petits patrons, ces restaurateurs, ils résistent pour le moment, mais ils ne travaillent pas, aujourd'hui ils n'ont pas de perspective, alors qu'ils ont tout fait, ils ont tout fait ce qu'il y avait à faire sur le plan sanitaire. Vous avez réussi à mesurer cet impact psychique et mental ?

ALAIN GRISET
En tout cas, il est évident que leur demande, qui est récurrente, de dire  "je veux travailler", bon d'abord c'est je vais dire inné dans leur comportement, lorsqu'on crée son entreprise, lorsqu'on est "à son compte", l'objectif c'est de pouvoir travailler pour que son entreprise soit rentable, et la compréhension j'ai de ces hommes et ces femmes, elle est profonde, parce que je sais bien que pour eux, lorsqu'on leur dit "vous arrêtez", et même si on donne des aides, pour eux ce n'est pas satisfaisant, parce qu'ils veulent travailler, et donc naturellement le fait d'avoir pendant plusieurs mois une entreprise fermée, comme les restaurateurs, c'est une vraie préoccupation. J'ai d'ailleurs eu un échange la semaine dernière avec leurs représentants, et nous allons regarder de quelle manière encore plus fortement essayer d'être à leur écoute, de façon à pouvoir ne pas les laisser comme ça au bord de la route, sur le plan psychologique.

JEROME FLORIN
Voilà, et ce représentant que vous avez vu, vous a dit qu'il y avait des dégâts déjà psychologiques ?

ALAIN GRISET
Non mais c'est évident, d'ailleurs comme tous les Français. Vous savez, l'être humain n'est pas fait pour être confiné, pour être inactif, et donc ce confinement, maintenant, le deuxième depuis le mois de mars, pour beaucoup ça pèse, et donc on doit, au-delà de l'aspect financier, regarder ces éléments-là qui sont extrêmement importants, pour que... d'ailleurs le fait d'avoir des perspectives est un élément extrêmement important d'évolution sur le plan psychologique.

JEROME FLORIN
Alors, il y a les victimes, et puis il y a les escrocs. RTL le révèle ce matin, il y a eu l'an dernier 7 500 plaintes de particuliers, déposées auprès des services de répression des fraudes, suite à des interventions de dépannage à domicile, les plombiers, les serruriers. C'est un chiffre plutôt stable d'ailleurs, si on compare aux autres années. Comment empêcher ces gens, ces escrocs de nuire ?

ALAIN GRISET
C'est stable, mais ce n'est pas satisfaisant, c'est pour ça que les consignes ont été données à la DGCCRF, de façon à éviter qu'il y ait de la tromperie. Parce que d'abord cette tromperie ça pénalise beaucoup les consommateurs, ça pénalise aussi les vrais professionnels, qui eux font leur travail correctement, et donc notre objectif c'est d'alerter tous ceux qui d'ailleurs quelques fois, pris de court, un petit peu, parce que voilà, il y a une fuite ou parce qu'ils ont oublié leurs clés où il faut trouver un serrurier, quelque fois spontanément, vont sur Internet et prennent le premier venu, sans prendre garde, et quelquefois malheureusement…

JEROME FLORIN
Mais ce sont ce sont des entreprises qui ont pignon sur rue. Ils arrivent en tête des moteurs de recherche, ils sont dans nos boîtes aux lettres, et ils ont leur numéro de Siret, ils sont inscrits au registre des sociétés. Il ne faut pas améliorer les contrôles en amont ?

ALAIN GRISET
Pas toujours…

JEROME FLORIN
Pas toujours.

ALAIN GRISET
On voit bien qu'il y a des réseaux qui se sont mis en place, qui dans certaines périodes mettent beaucoup d'argent pour distribuer des prospectus, pour quelques fois être référencés dans le moteur de recherche, et donc la DGCCRF a là-dessus une action très forte, d'ailleurs il y a eu beaucoup de contrôles, il y a eu des sanctions également.

JEROME FLORIN
Quel genre de sanctions ? Je suis un escroc, je fais ça à mes clients, je paie combien ?

ALAIN GRISET
Il y a des sanctions administratives, après il y a beaucoup de procédures qui sont transmises à la justice, de façon à ce que on puisse réduire ces cas-là. Ce que l'on peut simplement faire, c'est appeler les consommateurs à la plus grande vigilance, et dans ce moment qui est souvent difficile, ne pas, je veux dire, choisir comme ça par hasard le premier venu, essayer de regarder si on peut avoir affaire à un vrai professionnel.

JEROME FLORIN
Un dernier mot Alain GRISET, on revient sur Noël. Vous avez dit au début de notre entretien que ce serait en léger repris, en léger repli pour les commerçants par rapport à l'an dernier, de combien, vous avez un chiffre précis ?

ALAIN GRISET
Non, pas pour l'instant, on n'a pas les derniers chiffres, on sait que les premières, enfin depuis la reprise, depuis la fin novembre, les 15 premiers jours ont été à peu près corrects, équivalents à peu près à l'année dernière, mais je n'ai pas les derniers chiffres depuis une quinzaine de jours.

JEROME FLORIN
Très bien. Merci beaucoup Alain GRISET, ministre délégué aux PME. Je vous souhaite de bonnes fêtes.

ALAIN GRISET
Merci à vous, bonne journée.

JEROME FLORIN
Et merci beaucoup à Antoine de CARNE aussi, à Lille, pour la liaison technique.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 janvier 2021