Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Avec Clément Beaune, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, nous avons tenu ce matin une réunion, avec l'ensemble de la profession portuaire, de la profession halieutique de Bretagne, l'ensemble de la filière, que ce soit les producteurs ou la filière aval, pour examiner ensemble les conséquences de la mise en oeuvre du Brexit, qui, comme vous le savez, a fait l'objet d'un accord le 24 décembre dernier.
Nous avions envisagé avec Clément Beaune cette visite à un moment donné où nous craignions qu'il y ait un non-accord, qui aurait été, évidemment, extrêmement dramatique pour la pêche bretonne, dans l'ensemble de ses dimensions, puisque vous savez que la pêche bretonne contribue à 50% de la pêche française, et qu'une partie de ces ressources se trouve dans les eaux britanniques.
Après les accords du 24, nous avons néanmoins tenu à garder cette rencontre pour examiner les conséquences de cet accord, et la manière d'agir dans les jours et les mois qui viennent.
Je voudrais d'abord rappeler que le Brexit n'était pas le choix de la France. Le Brexit est le choix du Royaume-Uni. Et donc, le Brexit n'est une bonne nouvelle. Ce n'est une bonne nouvelle pour personne, mais l'Europe a su en sortir par le haut, d'abord parce qu'elle est restée solidaire. Cette solidarité, que certains pouvaient remettre en doute, que certains ont essayé d'ailleurs de dissoudre, cette solidarité s'est maintenue jusqu'au bout, ce qui a permis aux Européens de tenir leurs intérêts dans cette négociation, et de faire en sorte, en particulier, que la pêche ne soit pas une variable d'ajustement, mais qu'elle soit pleinement respectée comme un élément important de l'accord final.
Certains craignaient que nous puissions ne pas tenir sur cet objectif. Et nous avons eu l'unité des Européens et, au-delà des neuf Etats de pêche - les Etats qui ont des activités de pêche -, nous avons eu l'ensemble des 26 plus nous dans cette volonté de faire en sorte que la pêche soit partie prenante intégrale de l'accord et que nos propres intérêts soient respectés.
Ce qui est globalement le cas, puisque, contrairement aux prévisions pessimistes, nous avons pu obtenir le maintien de l'accès de la totalité des eaux britanniques que ce soit dans la zone économique exclusive, mais aussi dans la zone des 6-12 milles, et dans les eaux autour de Jersey-Guernesey. Nous avons aussi pu faire en sorte que l'accord, non seulement nous autorise de pêcher dans les eaux britanniques, mais permette un niveau de capture, niveau de TAC et de quotas, et même d'espèces hors quota dans une limite de -25% à l'horizon de juin 2026. Ce qui est très loin des chiffres que posait le Royaume-Uni au début des négociations, puisque les exigences britanniques étaient de 80%. Cela a permis aussi d'avoir une phase de transition, avec une application de cette dégression progressivement jusqu'en juin 2026. Et il y a là donc de quoi se réjouir de la qualité de la négociation et de la fermeté dont nous avons fait preuve, et des résultats qui sont conséquents.
J'ai pu constater ce matin que l'ensemble des acteurs était tout à fait sur cette ligne.
Mais il reste encore beaucoup de choses à discuter, beaucoup de points - de chantiers - à maintenir. Je pense aux autorisations de pêcher dans les eaux britanniques, qui aujourd'hui ont été obtenues pour la zone économique exclusive, mais il reste encore à le faire acter à la fois sur la zone des 6-12 milles et sur les îles de Jersey et de Guernesey.
Il reste encore à négocier les totaux admissibles de capture (TAC) 2021 et à venir, avec une nécessaire période de transition qu'il nous faudra gérer au mieux.
Il nous reste encore à discuter du respect des conditions de concurrence loyale, en particulier du respect des normes techniques qui doivent être identiques de part et d'autre de la zone des eaux britanniques et des zones de pêche européennes.
Tout cela nécessitera un accompagnement de la filière, même si nous avons obtenu un bon accord, la filière en amont comme en aval sera impactée, inévitablement, ne serait-ce que par les mesures de -25% à échéance de juin 2026 qui vont commencer à se traduire dès 2021, qui s'accumulent aussi avec les conséquences de la Covid.
C'est pourquoi des mesures d'aides à la trésorerie de la filière ont été annoncées par la ministre de la mer Annick Girardin, et des mesures complémentaires d'indemnisation des arrêts temporaires et de compensation d'une partie des pertes du chiffre d'affaires des entreprises ; et aussi un plan d'accompagnement des entreprises de pêche sur le plus long terme qui sera mis en oeuvre.
Enfin, il nous faut aussi aujourd'hui commencer à préparer l'échéance de juin 2026. Avec, pour la partie européenne, des leviers qui seront éventuellement utilisables, s'il y avait des difficultés avec le Royaume-Uni à ce moment-là, c'est en particulier de garantir la sécurité des accès aux eaux britanniques à cette date. Il y a des mesures de discussion potentielles, de dissuasion, qui seront mises en oeuvre, éventuellement, et qui sont actées dans l'accord du Brexit. Et puis, il y aura aussi en 2026 une négociation sur la partie énergie de l'accord, négociation sur laquelle la partie britannique est demandeuse, et donc, dans les discussions à ce moment-là, il faudra confronter nos intérêts conjoints pour trouver un bon équilibre, si d'aventure l'équilibre sur lequel nous sommes aujourd'hui était amené à être rompu.
Nous avons parlé de tout cela avec la profession dans un esprit de dialogue, de responsabilité, et puis d'efficacité aussi, sur l'ensemble des sujets. Nous avons convenu qu'autour du préfet de région et du président de région, allait s'organiser un COPIL, un comité de suivi du Brexit, avec une dimension pêche particulière.
Et nous tiendrons dans trois mois une réunion de bilan ici, sous la responsabilité d'un des membres du gouvernement, sans doute Mme Girardin, peut-être M. Beaune, peut-être moi-même, on verra à ce moment-là en fonction des disponibilités, pour faire un point très précis des difficultés potentielles rencontrées et de la manière de les résoudre, et de vérifier si le soutien et l'aide que le gouvernement français apporte à la filière dans toutes ses dimensions est bien au rendez-vous de cette nouvelle étape pour la pêche bretonne. Une étape que, je constate, Monsieur le Président du comité régional, les acteurs envisagent avec beaucoup de détermination, avec un certain optimisme néanmoins. Même si l'accord n'est pas parfait, il est tellement éloigné de ce que l'on craignait que cela nous donne un regain de force collective que j'ai pu apprécier ce matin.
Je vais donner la parole à Clément Beaune pour un moment, pour exprimer un peu comment s'est passée la négociation au niveau européen, et quelques commentaires sur les modes de financement, les cinq milliards, afin qu'il puisse compléter.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 janvier 2021